Page images
PDF
EPUB

d'arroser les fumiers avec de l'urine des vidanges ou de l'eau, dans l'intention d'étouffer la fermentation trop active ou de détruire les moisissures dont sont couverts les fumiers depuis long-temps en réserve, ne peut donner des résultats avantageux. En effet, on suspend la fermentation pour un instant, mais elle se réveille ensuite avec plus d'énergie.

Davy, et plusieurs agronomes avec lui, proposent de porter les fumiers dans les champs d'autant plus promptement qu'ils sont d'une facile décomposition, et de les enfouir immédiatement ; c'est un des meilleurs expédiens pour obtenir la plus grande économie des principes fécondans qui s'échappent avec tant de facilité lorsqu'on laisse les fumiers en proie à la fermentation, en même temps qu'au moyen de l'enfouissement les parties constituantes du fumier s'unissent à celles du terrain; on parvient non-seulement à modérer la putréfaction, mais encore à fixer plus facilement, et pour un temps plus long, dans le sol et près des racines des plantes, les parties nutritives, à mesure qu'elles sont isolées des fumiers.

Si, vu la grande quantité de fumier qu'on retire journellement des écuries, et par d'autres circonstances, on ne peut le transporter à temps et l'enfouir dans le champ, et que le fermier se trouve obligé de le conserver dans une fosse qui, pour le mieux, doit être construite en un lieu exposé au nord, il faut que la masse du fumier soit entourée de murs de tous côtés, et si on ne peut construire des murs, il conviendrait de l'entourer et de la couvrir d'un ciment fait avec de la marne compacte, du plâtre ou de l'argile réduite en pâte avec de l'eau: on abrite le tout avec une couverture de paille.

A l'appui de l'opinion de M. Giovacchino, nous croyons devoir transcrire un passage du mémoire de M. A. R., inséré dans le journal d'agriculture des Pays-Bas (juillet 1831, page 17).

« L'an passé, j'ai fait répandre du fumier consommé sur un champ destiné aux pommes de terre, et comme il arriva que ce fumier fut insuffisant, on remplit les lacunes çà et là par quelques voitures de litière prise dans l'étable des bœufs et des va

ches. Je puis certifier que les places où fut répandu cet engrais récent se distinguèrent par une végétation beaucoup plus vigoureuse, et enfin par des produits plus considérables. En conséquence, j'incline à penser que la meilleure méthode, pour mettre à profit toute la vertu du fumier, consiste à le répandre et à l'enterrer le plus tôt possible..

La théorie des engrais étant un des objets dont les agronomes se sont le moins occupés, nous avons cru devoir transcrire ce qu'a écrit M. le général Juchereau-Saint-Denis sur cet objet important, et extraire de l'ouvrage de M. Giovacchino tout ce qui a rapport au fumier d'étable, qui est presque le seul engrais dont on se sert dans le département. Nous y ajoutons quelques réflexions dans l'espoir de décider les cultivateurs à s'occuper de cette matière importante, et à nous faire cona naître le résultat de leurs observations.

Les faits rapportés par M. Giovacchino paraîtraient devoir décider la question, et prouver que les fumiers d'étable doivent être immédiatement transportés dans les champs : toutefois beaucoup de cultivateurs sont d'un avis contraire, et voici, en grande partie, les motifs sur lesquels ils s'appuient. Les fumiers d'étable, ainsi que la plupart des engrais, agissent sur les terres de deux manières : 1°. par les sucs dont ils sont chargés, et qui contribuent à la nutrition des plantes; 2°. par leur action mécanique qui divise la terre, et permet à l'oxigène d'arriver jusqu'à la racine des plantes.

Or, les sucs nutritifs que contient le fumier sont les excrémens et l'urine dont la paille se charge, et la moindre inspection de la litiere, à la sortie des étables, prouve que ces sucs sont inégalement répartis, de sorte qu'en transportant de suite les fumiers dans les champs, l'engrais ne serait pas également répandu sur tout le terrain, au lieu qu'en laissant pendant quelque temps les fumiers en tas, toutes les pailles qui en font partie s'imprègnent des gaz que dégage la légère fermentation qui s'établit dans le tas, et deviennent également propres à l'engrais des terres.

Ces motifs paraîtraient justifier l'usage où sont les cultivateurs de laisser séjourner dans leurs cours, pendant quelque temps, les litières des chevaux, des bœufs et des vaches qui sont chaque jour enlevées hors des étables; il n'en serait pas de même des fumiers de moutons qu'on laisse dans les bergeries un mois ou six semaines avant de les enlever.

Assez fréquemment ils sont conduits dans les champs en sortant des étables; mais souvent aussi les cultivateurs les font jeter sur les autres fumiers, ayant presque toujours soin de les mélanger également avec toute la masse, d'après l'opinion qui existe de toute ancienneté, et qui est confirmée par les expériences citées ci-dessus, que le fumier de brebis est bien supérieur à tous les autres : c'est ce qu'exprime si énergiquement ce vieux dicton de nos campagnes : l'haleine d'une brebis vaut mieux que la bouse d'une vache.

Le mélange des fumiers pourrait être nuisible dans les fermes où les terres seraient de nature tout-à-fait différente, et sur lesquelles il serait avantageux de placer séparément les diverses espèces de fumiers; mais, comme généralement les terres d'une ferme sont de même nature, le mélange des diverses litières est utile. Nous pensons qu'il en est de même du séjour en tas pendant lequel les pailles s'imprègnent à-peu-près également des principes fertilisans contenus dans la masse, et éprouvent un commencement de décomposition qui facilite singulièrement leur adhésion aux molécules terreuses avec lesquelles elles doivent se combiner pour entretenir la fertilité du sol.

Quant à l'action mécanique exercée sur les terres par les litières sortant des étables, elle est souvent utile; mais il arrive aussi quelquefois qu'elle est nuisible, et si des experiences positives ont démontré que, pour végéter avec vigueur, il ne suffisait pas à une plante de pouvoir tirer du sol beaucoup de sucs nutritifs, et qu'il fallait encore que la terre fût assez meuble pour que le gaz oxigène pût arriver jusqu'à ses racines, les mêmes expériences ont prouvé qu'il ne fallait pas que la perméabilité de la terre fût assez forte pour que le soleil pût la pénétrer

et enlever l'humidité si nécessaire à la végétation, car cet excès contraire amène également la stérilité; c'est ce qui fait que les sables purs, comme les argiles tenaces, sont impropres à la végétation, tandis que leur mélange en proportion convenable donne une terre extrêmement fertile.

C'est ce qui fait également que les sarclages sont si utiles pour toutes les plantes et surtout pour les racines pivotantes qui ne couvrent pas la terre d'un épais feuillage, puisqu'en détruisant les mauvaises herbes, ils ont encore l'immense avantage d'entretenir la douceur de la terre, et, quelle que soit l'ardeur du soleil, de l'empêcher de se fendre et de se dessécher.

Et le desséchement de la terre, auquel les litières sortant des étables contribueraient fortement, est souvent fort à craindre; car, lorsque le printemps est sec, tous les grains semés en mars, dans des fumiers qui ne sont pas bien consommés, ne donnent presque pas de récolte.

Comme, d'ailleurs, le sol végétal de la plupart des terres de notre département, quoique reposant en grande partie sur une base d'argile, est assez divisé, nous pensons que généralement il ne serait pas avantageux de conduire dans les champs la litière des étables aussitôt son extraction, et qu'il est utile de la laisser séjourner quelque temps en tas pour se façonner. Nous exceptons toutefois les fumiers qu'on peut enfouir avant l'hiver; car, quelle que soit la nature du fumier et de la terre, il y aura toujours un immense avantage à les mélanger avant les gelées, pendant lesquelles ils s'amalgameront ensemble beaucoup mieux qu'on ne pourrait le faire avec les instrumens les plus parfaits.

Du reste, il en est de ce principe agricole comme de tous les autres; il ne peut être d'une rigueur absolue, et les cultivateurs doivent le modifier suivant la nature des terres, en observant :

1°. Que, dans toutes les terres trop compactes, ils feront bien d'employer les fumiers, à leur sortie des étables, afin d'unir l'action mécanique à l'action fertilisante;

2°. Que, pour les terres veules, ils doivent ne se servir que de fumiers bien consommés, dans le cas surtout où ils les condui

raient dans les champs après l'hiver, pour y semer des grains de

mars;

3°. Que la trop grande fermentation des fumiers produit l'évaporation d'une partie des gaz qu'ils contiennent, et, par conséquent, diminue d'autant la masse des engrais;

4. Enfin, que toutes les fois où l'on est forcé de laisser séjourner trop long-temps les fumiers en tas sans les employer, il est utile de les couvrir, par chaque pied d'épaisseur environ, de deux à trois pouces de terre, qui, par l'absorption des gaz qui auraient été perdus, devient aussi propre que le meilleur fumier à entretenir la fertilité du sol.

[graphic]
« PreviousContinue »