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RAPPORT

SUR UNE NOTICE DE M. PAYEN,

Indiquant les moyens d'utiliser toutes les parties des animaux morts dans les campagnes; mémoire couronné par la Société royale et centrale d'agriculture.

TOUTES les industries qui s'occupent du traitement des substances animales en France manquent de matières premières ou s'en procurent à grands frais et au détriment de nos capitaux chez les nations étrangères. Presque en aucune localité, les substances animales ne suffisent à l'engrais de nos terres, et partout, sans exception, elles peuvent y être avantageusement employées.

Cependant ces matières utiles sont incomplètement recueillies dans les lieux où se presse une forte population agglomérée, et totalement perdues dans la plupart des petites villes, des villages et des hameaux.

Les gens des campagnes, industrieux à rechercher une multitude de débris presque sans valeur, obtiennent un chauffage peu actif du chaume qu'ils ont péniblement arraché après la moisson, de quelques brindilles de bois glanées dans les forêts; ils s'empressent de rassembler quelques crottins épars, pour accroître leurs rares engrais; ils alimentent quelques animaux domestiques avec des grains distraits de leur propre nourriture; mais en même temps ils négligent, ou plutôt ils repoussent avec horreur et anéantissent, en les enfouissant dans la terre, des substances animales qui seraient capables de leur procurer une foule de précieuses ressources.

On ne saurait donc mettre en doute qu'il ne fût possible d'accroître d'une valeur considérable nos produits territoriaux, en évitant la déperdition de tant de choses négligées.

Une répugnance profonde pour les cadavres des animaux

morts est un des principaux obstacles à la réalisation d'un vœu philantropique; cette répugnance est souvent rendue invincible par la crainte qu'on éprouve de toucher un objet malsain, capable de communiquer quelque maladie dangereuse.

C'est à détruire les idées vagues et généralement fausses sur des objets et sur quelques arts industriels improprement appelés insalubres, qu'on doit s'attacher d'abord. Comment, en effet, ces idées ne se seraient-elles pas répandues et accréditées, lorsque, démenties par les nombreux rapports de savans distingués, elles sont cependant encore empreintes dans une foule de réglemens administratifs. Puis de bien constater le genre de mort des animaux, indiquer les manutentions relatives à leur dépècement, les moyens de conserver chacune des parties extraites, de les employer, de les vendre, de les transporter; les opérations secondaires qui permettent d'en tirer le meilleur parti; enfin les procédés faciles pour convertir ces substances en produits usuels : C'est cette marche qu'a suivie l'auteur de la notice dont le rapport nous est confié.

« Les gens de campagne n'ont aucun danger à craindre en s'occupant d'utiliser les débris des animaux morts, lors même qu'une putréfaction avancée les forcerait à opérer en plein air assertion vraie dans tous les cas observés, à une seule exception près; mais l'affection morbide y relative peut être caractérisée d'une manière tellement précise qu'elle ne donnera jamais lieu à des méprises fâcheuses. Cette indication précède, dans la notice, toute instruction propre à guider les habitans dans l'emploi des animaux morts, et sert à l'examen de l'importante proposition de l'auteur; nous la transcrivons :

« La maladie connue sous le nom de charbon (anthrax) se décèle par une tumeur gangreneuse, circonscrite, élevée en pointe, sur laquelle se forment une ou plusieurs phlyctènes (vulgairement dites cloches), accompagnées d'une vive douleur, d'une chaleur ardente; les pustules élevées sur le sommet de ces tumeurs ou boutons se convertissent rapidement en une escarre (ou croûte) noirâtre qui, semblable à un charbon éteint ui a fait donner le nom de charbon.

» Les animaux atteints du charbon montrent une tristesse 'profonde; leurs flancs s'agitent fortement; on observe en différentes parties de leur corps, surtout au poitrail et près des cô tes, des grosseurs qui leur causent beaucoup de douleur, et qui rendent, au toucher, des sons analogues au bruit d'une peau sèche. Après la mort, qui arrive au bout de quinze à trente heures, la langue est noire, le sang et la chair sont de couleur brune foncée.

Il faut surtout éviter de toucher un animal mort du charbon, lorsqu'une blessure à la main pourrait favoriser ou déterminer la contagion.

Si l'on n'était pas bien assuré de reconnaître le charbon aux indices précédens, il conviendrait de consulter un médecin vétérinaire; cette précaution ne devrait jamais être négligée lorsqu'il sera possible de la prendre; enfin, dans le cas où il resterait des doutes sur la nature de la maladie, on devrait s'abstenir de dépecer l'animal dans ce dernier cas de même que, si l'on avait reconnu la qualité contagieuse de la maladie, on enterrera l'animal mort à un pied environ sous terre, et, pour le conduire à la fosse, on pourra se servir d'un crochet fixé au 'bout d'un long manche, pour le placer sur une claie ou une vieille porte et traîner le tout. On remarquera, d'une manière quelconque, la place où on l'aura enterré. Il conviendra d'y semer du grain, afin de profiter de cette puissante fumure souterraine au bout de deux ans, on videra la fosse et on trouvera les os complètement décharnés et propres aux usages que nous indiquerons plus loin.

» S'il est démontré que, dans le dépècement des animaux morts du charbon, des affections mortelles peuvent être contractées par l'opérateur, il ne paraît pas moins certain que la chair provenant de ces mêmes animaux et de tous ceux qui ont succombé à diverses maladies épidémiques ou contagieuses n'a jamais causé d'affection dangereuse chez les individus qui l'ont

consommée comme substance alimentaire.

» On trouve, dans un Mémoire publié en l'an VIII par M. Hu

zard, membre de l'Institut, un grand nombre de faits concluans à cet égard, et parmi lesquels nous citerons ceux qui suivent.

>> Pendant les épizooties de 1770 et de l'an VI, qui avaient un caractère bien plus dangereux que les précédentes, le nombre des bêtes vendues aux bouchers a été bien plus considérable encore, sans que les maladies aient été plus multipliées parmi le peuple.

Les médecins chargés du soin de visiter les indigens, qui eussent été plus exposés s'il y avait eu danger réel par l'usage des basses viandes; ces médecins, dis-je, consultés, n'ont pu des exemples tendant à prouver l'innocuité de cette

citer que viande.

» L'ouverture des animaux forcés à la chasse présente les mêmes phénomènes pathologiques que celle des animaux morts du charbon; cette dernière maladie reconnaît elle-même pour cause des marches forcées ou violentes.

» L'usage du gibier en partie putréfié n'occasione aucune maladie.

» Les médecins en chef des armées françaises de Sambre-etMeuse, Rhin-et-Moselle, du Rhin, d'Italie, ont vu, comme M. Huzard, une grande partie de ces armées alimentées pendant long-temps de la viande de boeufs et de vaches qui avaient succombé à l'épizootie régnante depuis l'an IV, sans qu'il en soit résulté aucune maladie parmi ces nombreux consomma

teurs.

» Plusieurs observations, comme celles relatives a deux bouchers des Invalides, citées par Morand, prouvent que des maladies ont été contractées, et que même la mort est survenue chez des personnes qui avaient dépecé des animaux atteints d'affections contagieuses, tandis qu'aucune de celles qui se sont nourries de la chair de ces animanx n'en a été indisposée.

L'usage presque génèral parmi les habitans peu aisés de Paris de la viande des chevaux morts pendant la disette de l'an VIII n'a été suivi d'aucune affection spéciale.

Enfin, nous ajouterons qu'à peine est-il douteux que la solution de cholure de chaux, obtenue actuellement à si bas prix en France, imprégnée dans une blouse dont se recouvrirait l'opérateur, versée sur ses mains et sur l'animal au moment de l'ouverture, introduite même alors dans l'intérieur du cadavre, laissât planer la moindre crainte de danger. Une des sources des plus fortes inductions en ce sens résulte sans doute des expériences faites récemment sur des pestiférés par une commission de médecins, il faut donc espérer que l'on aura bientôt la certitude de pouvoir tirer parti de tous les animaux morts sans aucune exception.

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L'auteur porte son investigation sur chacun des établissemens qui traite des matières animales, et prouve que les ouvriers des deux sexes et de tout âge attachés à ces établissemens ne sont sujets à la moindre indisposition spéciale.

Boyauderies.

ni

Les ouvriers employés dans les halles, lorsqu'ils en sortent, répandent une odeur infecte dans les endroits les plus éloignés, et une commission de salubrité a constaté que jamais ni eux, leurs femmes, ni leurs enfans, n'en avaient ressenti de fâcheux effets.

Par suite de l'équarrissage des chevaux aux environs de Paris, une énorme quantité de boyaux, de sang, d'os charnus, etc., abandonnés pendant plusieurs jours à une fermentation forte, surchargent constamment l'air d'émanations infectes, et cependant les ouvriers, les femmes et même des enfans à la mamelle respirent tous les jours cet air pnant sans en éprouver la moindre influence fâcheuse : aucune affection spéciale, aucune maladie régnante n'ont été observées dans les environs.

Poudrette.

Non loin des clos d'équarrissage on remarque de vastes foyers d'émanations animales d'un autre genre, ce sont les bassins qui reçoivent journellement les vidanges de toutes les matières fécales de la ville, les mêmes observations hygiéniques s'y appliquent.

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