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à notre économie rurale et industrielle; si nous demandons encore annuellement à l'étranger 165,373 kilog. de laine fine, évalués à la somme de 395,888 fr., nous demandons - aussi 3,670,272 kil. de laine commune, évalués 4,853,482 f. Il importe de rechercher quelles sont les causes qui ont empêché la France de combler ce déficit de ces moutons communs, qui ne demandent que des soins, du bon entretien, et qui n'exigent pas les attentions délicates et presque continuelles de l'améliorateur.

Si l'on considère que le territoire du royaume présente une superficie de plus de 60 millions d'hectares; qu'il existe des moutons en plus ou moins grande quantité dans chacun de ses départemens, et que plusieurs d'entr'eux, tels que ceux de Seine-et-Oise, de Seine-et-Marne, de l'Aude, de la Drôme, de l'Hérault, d'Eure-et-Loir, de l'Indre et du Puy-de-Dôme, qui ne font pas partie des plus étendus en superficie, fournissent chacun environ 1 million de kilogrammes de laine à la consommation (1), ce qui établit pour terme moyen à peu près 1 kilogramme 1/2 par hectare si l'on remarque que cette proportion pourrait être encore beaucoup plus élevée, et que dans les dispositions qui régissent les droits de vaine pâture, on reconnaît au propriétaire des terres le droit de parcours de trois moutons par hectare de terre qu'il possède, et que d'ailleurs c'est une proportion assez commune et fort modérée des troupeaux entretenus dans les domaines ruraux, on reconnaîtra qu'il est possible, facile même, d'obtenir annuellement sur notre territoire les 6 millions de kilog. de laines

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(1) Les huit départemens cités contiennent entr'eux 5,516,669 hectares de superficie, et produisent annuellement 7,608,793 kilogrammes de laines de diverses qualités.

de toutes sortes; et les 150,000 moutons (pour terme moyen de dix années) qui manquent à sa consommation et à ses manufactures, et qu'elle est obligée, à son grand préjudice, de recevoir de l'étranger.

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Cette importation est le plus grand obstacle à l'amélioration d'une des branches les plus importantes de l'industrie nationale les habitudes chez les cultivateurs, plus encore que chez les autres industriels, sont difficiles à changer; on ne parvient que très-difficilement à introduire un troupeau dans une exploitation rurale, lorsque le cultivateur s'y livre habituellement à des travaux d'un autre genre, ou lorsque, ainsi qu'il arrive fréquemment, il a été éloigné de ce genre d'industrie, soit par la mortalité qui a frappé le troupeau qu'il possédait, soit par les difficultés qu'il aura éprouvées pour vendre sa laine ou ses animaux de réforme. L'instruction, les exemples, les encouragemens, les efforts éclairés de l'administration locale surtout, peuvent avoir une influence salutaire sur la propagation des bêtes à laine partout où le sol et le climat permettent d'élever une race quelconque de ces animaux sans danger éminent, et il n'y a de danger éminent que sur les sols glaiseux et imprégnés habituellement d'une constante humidité. Il faut, pour réussir dans cette entreprise, parvenir à inspirer la confiance du succès au cultivateur; qu'il soit persuadé, d'une part, qu'avec des soins convenables, il parviendra à conserver son troupeau en état de santé; de l'autre part, qu'il trouvera constamment à vendre convenablement ses produits. Il est très-ordinaire de voir des laines rester invendues pendant plusieurs années chez les cultivateurs; il est fort commun aussi de les voir obligés de vendre leurs animaux de réforme au plus bas prix. Il n'est pas de profession dans laquelle l'entrepreneur ait moins le moyen d'attendre

ses rentrées que dans l'agriculture; il n'en est pas dans laquelle les mécomptes se fassent plus vivement sentir. Les membres de votre commission ont vu souvent des agriculteurs dégoûtés de l'élève des moutons à cause des différens inconvéniens dont une partie pourrait être évitée par les soins de l'administration locale.

Un des grands obstacles à la propagation des bêtes à laine de toutes sortes, c'est dans les maladies et les mortalités qui frappent simultanément un grand nombre de ces animaux; la plupart de ces épizooties sont dues à l'ignorance ou à l'incurie des agriculteurs: telle est surtout la pourriture ou cachexie, qui a causé souvent de si terribles ravages, et qui, en 1829 notamment, a porté un coup funeste à l'élève des bêtes à laine. Pendant cette année, si désastreuse à cet égard, 5 à 6 millions de moutons ont péri, des troupeaux entiers ont été détruits; d'autres, en grand nombre, ont été fort affaiblis; le découragement a frappé les cultivateurs ce sentiment et aussi le défaut de capitaux, qui sont toujours si rares dans les exploitations rurales, cnt empêché les agriculteurs de réunir et de fortifier les débris de leurs troupeaux ou bien d'en former de nouveaux à la place de ceux qui avaient été complètement détruits; ils n'ont pas encore une suffisante conviction que ces désastres sont causés en grande partie par le défaut de soins suffisans, et par les habitudes dangereuses qu'ils ont contractées. La pourriture est occa→ sionée par le séjour habituel des bêtes à laine sur les terres humectées, et par la dépaissance qu'ils font continuellement de l'herbe mouillée. Lorsqu'ils retiendront les animaux dans la bergerie pendant les momens dangereux pour eux, et aussi lorsqu'après les avoir nourris abondamment pendant l'été, ils ne les laisseront pas manquer de

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nourriture en hiver; lorsqu'ils ne les feront ni parquer, ni pâturer sur les terres abreuvées d'eau, ils éviteront les effets de la pourriture des instructions et des exemples peuvent être donnés à cet égard. Dans cette année 1829, si désastreuse pour les bêtes à laine, l'établissement rural de Rambouillet, bien que situé sur un sol humide, n'a perdu que 3 bêtes à laine sur plus de 700 qui composaient alors le troupeau. L'attention soutenue de l'administration locale et l'instruction appropriée, donnée avec persévérance aux agriculteurs, sont donc des conditions très-essentielles de l'augmentation si désirable des bêtes à laine en France. D'autres mesures sont également nécessaires, et l'on doit mettre au premier rang celle de garantir, pendant quelques années au moins, nos agriculteurs de la concurrence trop désavantageuse des laines et des moutons exotiques cette disposition est indispensable pour les rassurer et pour les déterminer à rentrer dans une carrière dans laquelle ils craignent de compromettre des capitaux et de ne pas trouver avec bénéfice des débouchés à leurs produits.

pour

la

La commission est fermement convaincue que la production complète des laines de toutes sortes, utiles aux manufactures françaises, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, ainsi celle des moutons en nombre suffisant que consommation de la France, sont possibles à obtenir de notre agriculture, en y consacrant des soins judicieux et surtout persévérans; elle pense qu'il convient de conserver encore, pendant plusieurs années, des droits restrictifs à l'entrée des laines et à celle des moutons exotiques; elle exprime au Ministre le vœu qu'une correspondance active soit établie dans son ministère, à l'effet d'appeler l'attention soutenue des autorités locales sur l'emploi des moyens

les plus efficaces pour activer, dans leur circonscription, l'accroissement de l'amélioration des troupeaux de bêtes à

laine.

Quant à la quotité de ces droits à percevoir à l'entrée des laines, la commission a été divisée d'opinions; mais la majorité de ses membres, considérant les plaintes élevées à l'égard du taux actuel par les manufacturiers et par les commerçans, qui, en exportant des draps à l'étranger, y rencontrent une concurrence qu'il leur est quelquefois difficile le soutenir avec avantage; remarquant d'ailleurs que la quotité des primes d'indemnité que le gouvernement s'oblige annuellement à payer, pour aider les commerçans à continuer cette utile exportation des produits de nos manufactures, est une charge considérable pour le trésor public, cette majorité de la commission, au nombre de trois membres contre deux, a été d'avis de réduire de 5 p. 100 le droit actuellement imposé à l'entrée des laines. En conséquence, et conformément à cet avis, la commission a l'honneur de vous inviter à proposer au gouvernement de réduire à 25 p. 100 à la valeur, et non compris le décime pour franc, le droit sur les laines, qui, suivant le tarif actuel, se percevait au taux de 33 p. 100, tout compris.

Séance du 27 mars.

Le conseil, délibérant sur le rapport qui lui a été fait dans sa séance du 7 mars, relativement à la question adressée par le Ministre du commerce et des travaux publics, sur la condition de l'importation des laines étrangères;

Considérant : 1°. qu'il n'avait ajourné sa délibération sur ce rapport que dans l'espoir qu'une réunion de sa commission avec celles des conseils des manufactures et du

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