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MOYEN

POUR N'AVOIR PLUS DE JACHÈRES.

Un Laboureur de l'arrondissement de S'.-Quentin, à ses Enfans.

Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'août;
Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.

MES enfans, ces lignes de notre La Fontaine m'ont fait penser que le bon - homme était ennemi des jachères, et tenter une expérience que je veux aujourd'hui vous découvrir le moyen est simple, il est sûr.

:

Depuis long-temps, j'entendais des cultivateurs dire: « Nous n'avons plus de jachères, sans ajouter ni le » pourquoi, ni le mal d'en avoir; les uns, sans rien changer de leur mode de culture, voulant que la terre retournée de six à sept pouces de profondeur, porte toujours; les autres, en changeant l'espèce de semence; presque tous sans se rendre compte du revenu de chaque année, et ne pouvant assurer que le profit de trois années excédait celui de deux avec jachères.

J'ai commencé par de petites épreuves, j'ai réussi; j'ai alors agi plus en grand, j'ai réussi encore.

Ecoutez Mes aïeux cultivaient leur champ avec soin, mais ils étaient frappés d'une idée fausse, d'un préjugé; ils n'avaient garde de percer la terre au-delà de six à sept

pouces de profondeur. Si par hasard ils atteignaient l'argile, suivant eux, le terrain était châtré: ils n'en savaient pas davantage; dans ce cas, il leur fallait attendre neuf années avant de récolter; ainsi, au lieu où l'on avait établi une briqueterie, plus de récolte pendant long-temps.

Ecoutez encore :

Mes chers enfans, percez votre terrain à douze pouces de profondeur, même plus, si cela est possible, vous amènerez six pouces d'argile à la superficie, une terre vierge; que ce travail ait lieu avant l'hiver, afin que les gelées puissent rendre en poussière une terre compacte; le printemps arrivé, mettez la herse, remuez votre champ de toutes les manières; laissez le soleil tout l'été chauffer cette terre vierge; au mois d'octobre, ou novembre, donnez-lui un engrais, ouvrez les sillons avec le binot; laissez le second hiver mûrir encore une fois votre terre; au second printemps, mêlez le tout, et semez au mois d'octobre. Votre terre ayant douze pouces de profondeur, au lieu de six, perdant alors sa virginité, produira sans cesse. Il ne vous restera qu'à avoir soin de faire paraître, en temps convenable, la terre en repos sur la superficie; vous n'aurez plus de jachères.

Une première réflexion : Si vous jetiez la semence sur la terre vierge, avant qu'elle ne soit capable de porter graine, vous lui fermeriez les pores, et la rendriez incapable de produire, et alors ce ne serait qu'avec des engrais sans nombre que vous la rétabliriez, alors aussi le préjugé des anciens serait vrai, et votre terre ne porterait plus avant neuf années.

Seconde réflexion : Avec un labour de six pouces, votre terre reste froide, les eaux en inondent la superficie; en perçant à douze pouces, les eaux filtrent de suite jusqu'à

cette profondeur, votre terrain se sèche promptement et il s'échauffe.

C'est un sacrifice, je le sais, mes chers enfans; mais c'est un sacrifice pour la vie : le moyen, je vous le répète, est bon, il est sûr ; je l'ai tenté sur l'héritage que je vous laisserai. Quand je ne serai plus, imitez-moi, et vous trouverez à douze pouces le trésor de notre excellent La Fontaine.

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RAPPORT DE M. D'ESTRÉES,

Sur un Mémoire de M. BAUDRILLART.

Vous avez renvoyé à notre examen un mémoire de M. Baudrillart, sur le déboisement des montagnes, sur les moyens d'en arrêter les progrès et d'opérer le repeuplement des parties qui en sont susceptibles.

Ce mémoire renferme des données du plus grand intérêt, mais nous ne pouvons guère les utiliser dans notre dépar

tement.

Il n'existe plus maintenant le moindre doute sur les suites désastreuses du déboisement; revenir sur ce sujet, ce serait une dissertation oiseuse. Dans des considérations sur les plantations, que j'ai eu l'honneur de vous présenter en séance le 2 février 1832, j'ai développé tout ce qu'ont de funestes les spéculations du déboisement et l'opinion que j'ai émise se trouve encore corroborée de l'opinion de M. Baudrillart.

De toutes les méthodes recueillies par l'auteur du mémoire, celle de M. Lemoine, cultivateur à Duvy, arrondissement de Senlis, me paraît être la seule applicable à notre département, dans la partie du Laonnois et du Soissonnais, puisqu'elle traite de terrains en pente.

Voici cette méthode :

Faire, en novembre, des trous carrés de go centimètres; séparer les terres qui en proviennent, suivant leurs qualités; laisser les trous ouverts pendant quelques mois, pour que la terre s'ameublisse par la gelée; lorsqu'il s'agit de planter, mettre le gazon et la meilleure terre dans le fond

du trou, placer l'arbre dessus, couvrir les racines avec de la terre douce et bien émiée; ensuite, combler le trou avec la plus mauvaise terre; le trou étant rempli horizontalement, creuser des rigoles de chaque côté, et en rapporter la terre pour en former un talus au-dessus de l'arbre: ce talus est destiné à arrêter le limon que les eaux des parties supérieures viennent déposer au pied. M. Lemoine plante, d'après cette méthode, des arbres de cinq à six mètres de hauteur, et il l'emploie aussi pour planter des brins destinés à former des taillis, qu'il espace à un mètre de distance.

En dernière analyse, M. Baudrillart préfère, pour le reboisement des montagnes, les semis sur des tranchées parallèles et horizontales.

Enfin, Messieurs, dans ce mémoire, il est une observation qui appartient à tous les lieux et que je crois utile de signaler.

On sème avec avantage :

Au nord, les sapins, les pins, les mélèzes et le bouleau; Au levant, le robinier, le hêtre, le charme et le bouleau ; Au midi, le chêne, l'érable, le châtaignier et le platane; A l'ouest, le sapin, le hêtre et le charme.

En parlant de ces quatre expositions, il est toujours bien entendu qu'elles ont rapport à des montagnes et à des terrains très-inclinés.

Le Chever, DE BUCELLY-D'ESTRÉES.

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