Page images
PDF
EPUB

sont expédiés à la frontière du Sikkim. Le gros des troupes prenant part à l'expédition est constitué par les 22e et 23 bataillons de pionniers. L'effectif total de la colonne expéditionnaire est d'environ 3.000 hommes.

Cette expédition doit opérer sa jonction à Khamba-jong avec la mission Younghusband qui s'y est retranchée. Elle partira ensuite sur Gyangtsé. Une fois là, le colonel Younghusband s'efforcera de nouveau d'ouvrir des négociations avec les Tibétains. Il n'est pas question pour le moment d'une occupation permanente de Gyangtsé ou d'une marche sur Lhassa. D'après un télégramme daté de Calcutta, 14 décembre, le gros de la colonne s'est concentré à Gnatong et les avant-postes ont été poussés jusqu'au défilé de Jelep. Toute l'attention du colonel Macdonald se porte sur la route de Chumbi qui est la plus praticable en cette partie de l'année. D'autre part, l'agence Reuter annonce à la même date que les colonels Macdonald et Younghusband sont partis de Darjiling pour la vallée du Chumbi, et que les troupes se dirigent également sur celle vallée. L'agence Reuter annonce encore que des lettres adressées par le vice-roi des Indes au Dalaï-lama ont été retournées sans réponse.

La majorité du peuple tibétain se déclarerait plutôt disposée à accepter le libre commerce entre les Indes et le Tibet, mais les lamas de Lhassa s'y montreraient opposés et exerceraient une influence prédominante sur leurs compatriotes.

Nous donnons, d'après un article rédigé par un correspondant militaire du Times, les conditions probables dans lesquelles s'effectuera la marche sur Gyangtse.

Les 23° et 32 bataillons de pionniers qui prennent part à l'expédition ont déjà prouvé à plusieurs reprises qu'ils sont absolument aptes à remplir la tâche qui leur incombe: ces deux bataillons ont déjà rendu de précieux services dans l'Afghanistan et dans le Chitral. Ces bataillons, qui sont exercés comme les bataillons de ligne au combat ordinaire de l'infanterie, sont généralement employés en temps de paix à la construction des routes. Les hommes de ces bataillons sont donc à la fois fantassins et pionniers.

La base des opérations est Siliguri point terminus nord du chemin de fer. De Siliguri, une petite voie ferrée de montagne monte jusqu'à Darjiling, qui est lui-même relié par un bon chemin à une route remontant la Tista et aboutissant à Gantok, la capitale du Sikkim.

Darjiling est également en communication avec la vallée du Chumbi

par le défilé de Jelep. Siliguri est donc bien situé pour ravitailler une colonne s'avançant de Khamba ou des troupes occupant la vallée du Chumbi. Si les opérations deviennent sérieuses par la suite, Siliguri acquerra une importance considérable.

L'occupation de la vallée du Chumbi pendant la marche en avant de l'expédition est une précaution militaire évidente. Il va sans dire que l'on entreprend rarement une expédition hors des frontières sans avoir à sa disposition des troupes prêtes à aller renforcer le cas échéant. Il serait absolument absurde d'envoyer même une simple brigade dans un pays tel que le Tibet sans s'assurer la possibilité de la faire renforceren cas de nécessité par des troupes occupant une région assez rapprochée de sa ligne de marche. Si l'on se contentait de faire soutenir la colonne expéditionnaire marchant de Khamba-jong sur Gyangtsé par des troupes concentrées en territoire anglais, ces dernières seraient exposées, au moment d'agir, à trouver fermés les quelques défilés qu'elles peuvent utiliser pour franchir la frontière. L'occupation d'une partie de la région-frontière tibétaine est donc une nécessité militaire et la vallée du Chumbi répond parfaitement à ce but, d'autant plus qu'elle est située entre le Bhoutan qui entretient des relations amicales avec l'Angleterre et le Sikkim qui, comme on l'a vu plus haut, paraît faire cause commune avec le gouvernement des Indes. Un corps anglais, occupant la vallée du Chumbi et maître du défilé de Tang-La qui constitue sa sortie nord, pourrait, en une semaine environ, si cela était nécessaire, opérer sa jonction avec la colonne expéditionnaire à Gyangtsé. Un corps de soutien tenu en réserve dans la vallée en question se trouve sur le flanc droit de la ligne de marche de la colonne expéditionnaire; il lui serait ainsi très facile soit de la renforcer, soit de coopérer avec elle.

Quant à la position occupée par la mission du colonel Younghusband à Khamba-jong, elle est forte et bien choisie; il est même possible que les Anglais continuent à l'occuper, quand les troupes se porteront en avant, afin d'établir une liaison entre ces dernières et Darjiling.

On peut se rendre de Khamba-jong à Gyangtsé par deux routes: l'une se dirige vers le nord sur Shigatsé et s'infléchit ensuite au sud-est; l'autre suit une direction générale nord-est en décrivant une courbe vers l'est. Cette dernière route est la plus mauvaise, mais en même temps la plus courte.

Gyangisé est une grande ville située sur la rive droite du Nyang-Chhu

dans une large vallée bien cultivée et très peuplée. On y trouve un monastère fameux, le Palkhor chhoide, et un château fort doté de plusieurs tourelles. Cette ville est ordinairement occupée par une garnison comptant 400 soldats tibétains et 50 soldats chinois. La vallée du NyangChhu passe pour une des plus riches du Tibet. Si la mission anglaise est forcée de faire un séjour prolongé à Gyangtsé, ou si la colonne de soutien se trouve dans l'obligation de la rallier à Gyangtsé, les troupes n'y manqueront pas de vivres. « Le fait, dit le correspondant militaire du Times, qu'une colonne anglaise, forte et bien équipée, peut, en quelques semaines, s'installer confortablement dans cette région fertile, à à moins de 240 kilomètres de la capitale sacrée, contribuera sans doute à vaincre l'entêtement stupide des autorités tibétaines. »

La vallée du Chumbi ne jouit pas d'une grande sécurité à cause des nombreux bandits qui l'infestent, mais ces derniers ne sauraient probablement inquiéter beaucoup les troupes anglaises à leur arrivée à Yatong, place de commerce internationale, située à 133 kilomètres de Darjiling en passant par le défilé de Jelep. Tout près de Ya-tong s'élève le mur au delà duquel il a été jusqu'à présent interdit aux sujets anglais de s'avancer. Ce point est habituellement occupé par une vingtaine de soldats tibétains.

La place la plus importante de la vallée du Chumbi est Phari jong située sur un plateau à une altitude d'environ 4.000 mètres et défendue par un grand fort occupé par quelques soldats tibétains et chinois. Il y a deux ans, le nombre réel des soldats se trouvant dans la vallée du Chumbi était évalué à 100 au maximum. L'armée régulière du Tibet

si l'on peut donner le nom d'armée à des bandes armées de mauvais fusils, sans discipline et ne possédant pas d'artilleriene compte guère que quelques milliers d'hommes, dont 3.000 tout au plus sont simultanément sous les drapeaux. Dans ces conditions, il est probable que les Anglais pourront facilement occuper la vallée du Chumbi.

Il est à présumer que les Anglais occuperont Phari situé à une vingtaine de kilomètres au sud du défilé de Tang-la.

Le voyageur anglais Savage-Landor, qui a exploré le Tibét en 1897, donne sur l'organisation militaire de ce pays les renseignements suivants: Au Tibet, chaque homme peut être appelé à servir, et chaque soldat est un serviteur des lamas. Les soldats de l'armée permanente reçoivent quelques vivres tels que briques de thé et beurre; c'est là toute leur

[graphic][subsumed][subsumed][merged small][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][merged small][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][subsumed][merged small][merged small]

1

solde. On leur donne encore un cheval. Leurs armes (fusils et sabres) leur appartiennent d'ordinaire et restent dans leur famille. Mais, dans les grandes villes, telles que Lhassa et Chigatsé, ces armes sont fournies par les lamas. Les munitions sont régulièrement données par les autorités. Les armes sont fabriquées pour la plupart à Lhassa et à Chigatsé. D'après les derniers renseignements que nous possédons, le colonel Younghusband est arrivé à Darjiling et quittera cette ville immédiatement pour se rendre dans la vallée du Chumbi. Cet officier supérieur est accompagné du chef de l'expédition, le colonel Macdonald.

D'après des renseignements de même source, le représentant chinois à Lhassa qui devait négocier avec la mission anglaise se serait suicidé et le fonctionnaire qui l'a remplacé serait mort tandis qu'il était en route pour se rendre au camp anglais.

Enfin, un télégramme daté de Calcutta, 16 décembre, est ainsi rédigé : << La mission anglaise et son escorte ont franchi le défilé de Jelep et sont arrivées le 13 décembre à Rinchengong, marchant sur Phari.

Les difficultés de transports ont été très grandes. Le froid est très vif; il a été de 36 degrés F. Les troupes indiennes sont en bonne santé malgré la rigueur de la température.

Le colonel Younghusband a amené avec lui le 23 bataillon de pionniers, la moitié du 8e régiment de gurkhas, une demi-compagnie de sapeur de Madras, la 7 section d'artillerie anglaise, 2 canons de 7 livres, une mitrailleuse, un détachement du régiment de Norfolk, ainsi que des ambulances anglaises et indigènes.

L'état sanitaire des boeufs employés au transport des approvisionnements est très mauvais. >>

Pour terminer, nous dirons que les Anglais paraissent très heureux d'avoir un prétexte pour faire cette expédition qui indique la volonté du vice-roi des Indes de pratiquer une politique générale d'expansion.

Il est évident que, si les Anglais n'ont à combattre que les soldats tibétains, ils sont certains du succès. «< Mais comme le dit le Journal des Débats il faut toujours compter sur l'intervention ouverte ou occulte de la Chine, puissance suzeraine. » Il est possible que tous ces bandits qui infestent la vallée du Chumbi, comme nous l'avons dit plus haut, se transforment en Pavillons noirs. S'il en était ainsi, la situation pourrait devenir critique pour le corps expéditionnaire anglais.

MORIAK.

« PreviousContinue »