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451.000 et, en 1900, 576.000 habitants. C'est la quatrième ville des États-Unis, par la population; elle vient après New-York, Chicago et Philadelphie.

Saint-Louis est, aujourd'hui, le centre de vingt-quatre lignes de chemins de fer fournissant chaque jour plus de trois cents trains de voyageurs. Elles aboutissent toutes à une gare centrale, une des plus vastes et peut-être la plus belle des États-Unis. La réception des marchandises y est de plus de 15 millions de tonnes, les expéditions de 8 millions de tonnes.

Les tramways électriques ont une longueur de près de 350 kilomètres; ils transportent 120 millions de voyageurs par an.

Saint-Louis est la ville des États-Unis où se trouvent les plus grandes manufactures de tabac. De nombreux moulins fournissent la farine la plus recherchée. Le coinmerce des grains est très important et une douzaine d'élévateurs s'élèvent sur les quais.

LA ROUTE BORÉALE DE PORT-ARTHUR ET LA FLOTTE DE LA BALTIQUE

Lorsqu'après le premier succès de la flotte japonaise à Port-Arthur, on reconnut la nécessité de renforcer les forces navales russes d'Extrême-Orient par l'escadre de la Baltique, il fut un instant question de faire passer cette escadre par l'Océan glacial arctique en suivant les côtes de Sibérie.

L'idée parut si bizarre que, une fois le premier moment d'étonnement passé, on n'en vint pas à discuter sérieusement le côté praticable d'une telle entreprise, et l'on considéra le projet comme mort-né. Mais voici que depuis la perte du Petropavlosk et la mort de l'amiral Makarov, il est de nouveau question de suivre la voie boréale. On assure que le projet a été mis à l'étude par l'amirauté russe, qu'un rapport a même été préparé et qu'une commission d'ingénieurs hydrographes doit partir prochainement d'Arkangel pour reconnaître l'état des glaces cette année et préparer au besoin les voies à l'escadre.

Quelles objections fait-on donc à la voie de Suez? On lui reproche sa longueur et le temps qu'il faudra pour le voyage, l'impossibilité de se ravitailler en charbon dans les ports neutres, la possibilité d'une attaque en route de la flotte japonaise, etc.

XXIX (Mai 1904.) N° 305.

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Il est certain que la route est longue et le tour à faire considérable. Il est facile d'ailleurs d'en examiner les principales étapes. De St-Pétersbourg, on compte, jusqu'à Cherbourg, 1.520 milles, à Port-Saïd 4.545, à Aden ou Djibouti 5.940, à Singapore 9.580, enfin à Port-Arthur 12.300 environ. En calculant la vitesse de marche à 10 nœuds à l'heure il faudrait 51 jours de trajet direct, et 64 jours à la vitesse de 8 nœuds. Mais un tel trajet sans arrêt est impossible, car il faudra à plusieurs reprises se ravitailler en charbon et sans doute réparer plus d'une avarie.

Au temps prévu ci-dessus, il faudra donc ajouter au moins 10 à 15 jours. Ce n'est donc pas avant 2 mois à 2 mois et demi, en temps normal, que l'escadre russe pourrait déboucher dans la mer Jaune, surtout si, dans la dernière partie de son voyage, elle s'écarte de la route ordinaire.

Quant au ravitaillement en charbon, il ne pourra se faire, les ports neutres refusant d'en fournir, qu'à l'aide de bateaux charbonniers accompagnant l'escadre. La difficulté ne serait pas résolue autrement si l'escadre prenait la route de la mer glaciale. Il en serait de même d'une attaque des Japonais, qui pourrait se produire tout aussi bien au détroit. de Behring qu'au détroit de Singapore. Quand à la possibilité du passage le long des côtes de Sibérie, et à la durée du trajet par cette voie, il faut, pour s'en rendre compte, prendre comme exemple le voyage du seul navigateur qui l'ait exécuté jusqu'à ce jour, Eric Nordenskiöld, l'explorateur suédois mort il y a quelques années.

Mais auparavant il importe de signaler que quelques auteurs prônent la route de Nordenskiöld. Parmi eux se trouve un écrivain anglais, M. Fred. Jane, connu par ses études sur les marines du monde et notamment la marine russe. Faisant allusion au voyage que fit en 1901, dans les mers polaires, le navire brise glaces l'Ermak, commandé présisément par l'amiral Makarov, et que la Revue Française a signalé, il rappelle que l'Ermak a dépassé le 80° parallèle et est allé jusque dans la mer de Kara.

« Une escadre précédée de brise-glaces pourrait donc faire le voyage, dit-il. En été, la mer de Kara est assez libre de glaces et on n'y aurait presque pas besoin d'un Ermak. On ne rencontrerait pas de glaces sérieuses jusqu'au cap Tcheliouskine. Là, on avancerait lentement, jusqu'à ce que l'on atteignît l'endroit où les eaux de la Léna, chauffées par l'été, atteignent l'océan Arctique, et où la glace est faible, si même elle

existe, pendant le court été arctique. A partir de ce point-là, il n'y aurait plus de difficultés insurmontables; il n'y en a en réalité qu'autour du cap Tcheliouskine. En tout cas, il y a un problème intéressant à résoudre et sa solution dépend de ce qu'a fait l'Ermak au cours de son expédition au Spitzberg. Les Russes seuls le savent. »

M. Jane pense que le passage du Nord-Est, malgré ses difficultés, serait moins dangereux pour la flotte russe qu'un voyage soit par l'océan Pacifique, soit par le canal de Suez, et il est d'avis que si le voyage par le nord est tenté, il a plus de chances de réussir que d'échouer, parce que « la glace n'inspire pas au peuple russe la terreur qu'elle inspire aux autres peuples ».

» Il n'y a que les gens ne connaissant ni la flotte russe ni la Russie qui déclareront ce voyage impossible, ajoute M. Jane. La Russie n'a jamais produit un Napoléon, un Nelson ou un Moltke, mais elle a eu, parmi ses hommes, beaucoup de génies secondaires, et le pays de Skobelev ne sera pas arrêté par quelques difficultés initiales causées par des choses aussi communes en Russie que la glace et l'eau. »>

M. Jane, qui éprouve sans doute le vif désir de voir une escadre russe prise par les glaces, ne tient pas compte des difficultés que rencontra l'amiral Makarov dans la seule mer de Kara (1), et du caractère impralicable de l'entreprise. En effet, non seulement les glaces, peuvent, selon les années, opposer une barrière infranchissable aux plus forts navires, mais, même par les temps les plus favorables, des bâtiments à fort tirant d'eau, comme les cuirassés, seraient obligés de naviguer à une excessive lenteur, presque la sonde à la main, car il n'existe pas une carte à peu près exacte du littoral. En outre, le pays étant totalement désert de la Nouvelle Zemble jusqu'aux abords du détroit de Behring, il n'y aurait à compter sur aucun secours, ni ravitaillement. Il n'y aurait ni à recevoir, ni à envoyer de nouvelle tant soit peu pressée. Enfin, comme il n'y a pas d'habitants, il y a encore moins de ports ou de points de refuge. Comment feraient donc les bâtiments qui éprouveraient la moindre avarie de coque ou de machine?

Comme on le voit, pareil projet ne tient pas debout; et s'il est peutêtre possible à exécuter en temps de paix, à la suite d'une longue préparation, il est absolument inadmissible en temps de guerre, quand de

(1) Voir, p. 306, la notice consacrée à l'amiral Makarov.

l'arrivée de la flotte dépend la fin de la campagne. Afin de bien s'en rendre compte, il faut suivre Nordenskiold dans son exploration de 1878; la conclusion forcée en découlera toute seule.

L'expédition que Nordenskiöld conduisit à la recherche du passage du Nord-Est était montée sur la Véga, petit vapeur de 500 tonneaux, destiné à la pêche de la baleine et ayant une machine de la force de 60 chevaux seulement.

C'est le 21 juillet 1878 que la Vega quittait Tromsö (Norvège); le 26 elle est à Vardö et le 31 elle franchit le détroit de Youngor pour entrer dans la mer de Kara, qui est libre de glaces. Le 6 août elle arrive à l'embouchure de l'lénisséï et en repart le 10. C'est alors que commencent les difficultés sérieuses. Les régions à parcourir sont inconnues. les cartes si incomplètes ou si erronées qu'en les suivant on court droit à sa perte. C'est en faisant de fréquents sondages et en louvoyant sans cesse, pour éviter les îlots et les écueils innombrables sur une côte basse, que la navigation se poursuit, et encore de persistants brouillards retardent-ils singulièrement la marche.

Le 19 août on arrive au cap Tchéliouskine, point le plus septentrional du continent. On en repart le 20. Nordenskiöld, qui jusqu'ici a presque toujours suivi la côte d'assez près, croit pouvoir se diriger par la haute mer en droite ligne sur l'archipel de la Nouvelle-Sibérie. Mais bientôt il rencontre des glaces compactes et force lui est de se rapprocher de la côte. Pendant 3 jours sa marche est entravée par les glaces flottantes et la brume. Enfin le temps se met au beau et pendant 500 kilomètres on avance facilement dans des parages où les cartes géographiques placent le continent.

Le 27 août, la Véga quitte l'embouchure de la Léna. Le 28, elle atteint les premières îles de la Nouvelle-Sibérie. Mais, là, la mer est peu profonde et les glaces abondent. Pour les éviter il faut retourner vers le continent et passer au sud de l'archipel. C'est chose faite le 31; la mer est libre, le temps clair et la Véga fait 360 kilomètres par jour. On arrive ainsi le 3 septembre aux iles des Ours. Là, pour la première fois depuis l'entrée dans la mer de Kara, on rencontre des êtres humains, appartenant à une tribu d'Esquimaux dont personne à bord ne peut comprendre le langage.

Mais il faut se hater pour atteindre le détroit de Behring avant l'embâcle des glaces. Il gèle fréquemment la nuit, la neige a commencé à

tomber, les brouillards augmentent, les nuits deviennent sensiblement plus longues et les glaces plus nombreuses. Le 9 septembre, on jette l'ancre sur le littoral et on rencontre des Tchouktches, peuplade qui n'avait jamais vu d'Européens. Pendant la nuit, une légère couche de glace s'est formée autour de la Véga. Au départ, le 10 au matin, l'avant du navire suffit d'abord à la couper, mais plus loin il faut employer pendant plusieurs heures la hache et la scie.

Le 12, la Véga arrive au cap Irkaipi ou cap Nord; mais là une glace épaisse barre le passage. Il faut jeter l'ancre et attendre 6 jours. Le 18, la glace a débarrassé le littoral; on repart, mais avec si peu d'eau sous la quille, que la navigation est extrêmement périlleuse. Le soir la Véga est obligée de s'arrêter encore. Le 22, de fortes pluies et un vent tiède dégagent le navire. La marche est reprise et, bien péniblement, on arrive le 27 à la baie de Koliutchine, où on jette l'encre, Dans la nuit le thermomètre redescend au dessous de 0°. Les glaces flottantes sont par suite cimentées et la Véga est de nouveau bloquée. Nordenskiöld espère encore, car à faible distance à l'est il peut constater que la mer est libre et l'on touche presque au détroit de Behring, distant seulement de 115 milles. Vain espoir. La glace se resserre, augmente d'épaisseur et la Véga est prisonnière pour tout l'hiver. Quelques heures plus tôt elle passait et atteignait librement l'océan Pacifique.

Ce fut seulement le 18 juillet 1879, qu'un violent vent du sud fit cesser la captivité de la Véga, qui avait duré 294 jours. Le 20, l'expédition pénétrait dans l'océan Pacifique et, le 2 septembre, faisait son entrée à Yokohama.

En résumé la Véga avait mis 2 mois pour aller de Norvège à la porte de l'océan Pacifique. Sur 60 jours il y a eu environ 20 jours d'arrêts volontaires ou forcés occasionnés par la brume ou les glaces, ce qui réduit à environ 40 jours la durée réelle de la navigation sans obstacles. On voit par ce seul et unique exemple - car Nordenskiöld n'a pas eu d'imitateurs quels risques considérables entraîne un pareil voyage et comment on peut arriver à l'océan Pacifique juste à temps pour s'en voir refuser l'entrée. Une escadre, dont la présence sur le théâtre des opérations peut avoir une influence considérable, peut-elle donc tenter une pareille aventure? A mon sens, poser la question c'est la résoudre.

C. DE LASALLE.

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