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tion occupe tout le premier plan, crée une véritable sensation de vide. Son Effet de lune en Suède est d'une extraordinaire vérité. Là, l'artiste est dans son élément, en invoquant le charme pittoresque de la Suède.

Bien rares sont les sujets coloniaux traités au Salon. Aussi nous empressons-nous de citer une série de toiles de M. J. ROUSSEAU, représentant des souvenirs d'Hanoï, où les originales pagodes tonkinoises apparaissent sous un coloris séduisant.

Bien que d'un pays lumineux, Mile BABAIAN, de Tiflis, se plait à peindre dans la brume. Sa Mélancolie mérite cependant des encourage

ments.

Signalons encore un groupe d'arbres de M. RIBARZ, de Vienne, une série de sujets parisiens de M. MORRICE, de Montréal, et, de L. CoUTURIER, le Retvisan, le cuirassé russe qui a quelque peu fait parler de lui à Port-Arthur.

(A suivre.)

A. MICAUD.

EXPLORATEURS ET VOYAGEURS

AFRIQUE

Le capitaine Lenfant (XXIX, 175, 242), accompagné du maréchal des logis Lahure, est arrivé à Paris le 14 avril, précédant de quelques jours son compagnon l'enseigne de vaisseau Delevoye, qui avait dû s'arrêter à Dakar pour rapatrier les laptots de l'expédition du Niger-Tchad. Nous avons déjà eu l'occasion de parler à plusieurs reprises de cette expédidition jusqu'à son arrivée à Fort-Lamy, sur le Chari. Après y avoir pris un repos bien mérité, les explorateurs firent une reconnaissance sur le Tchad. La région qui confine au Bahr el Ghazal du Tchad est, paraît-il, aussi fertile que le Bornou; c'est là que se trouve le grenier à mil du Chari. La mission revint au Niger par la même route afin d'étudier le passage du Toubouri aux basses eaux et d'y faire des observations fort utiles. C'est pendant ce trajet que la mission fut pour la 1re fois obligée de se défendre. En arrivant devant le village de Trené, les Moundangs, abrités derrière les murs du village, firent pleuvoir sur la petite troupe une grèle de flèches empoisonnées. La petite colonne ne comptait que 11 hommes; néanmoins elle donna l'assaut et les Sénégalais, Lahure en tête, après une fusillade nourrie, pénétrèrent dans la

place dont les habitants prirent la fuite. A l'aller comme au retour, le voyage a duré 75 jours, en défalquant les arrêts nécessités par le passage des chutes de Bourao.

En résumé, la nouvelle voie mettra le Tchad à 70 jours de la mer alors que, par la voie du Congo, le transport d'une tonne de marchandises prend 5 à 6 mois, coûte 2.000 francs et exige 16 transbordements. Par la voie découverte par le capitaine Lenfant, les transbordements sont réduits à 2: l'un à l'embouchure du Niger, l'autre sur le Mayo Kebbi, et le prix du transport est ramené à 250 francs la tonne. Le résultat obtenu est donc fort important.

M. Charles Pierre, après un séjour de 3 ans dans le haut Oubangui, comme directeur de la Société des sultanats de cette région, a réussi récemment à achever la traversée de l'Afrique par le Congo, l'Oubangui et le Nil. Déjà, en 1899, comme membre de la mission Bonnel de Mézières, il avait cherché en vain les traces de de Béhagle; mais, parti le 5 mai de Rafaï, il avait retrouvé à N'Délé, le 25 août, M. Mercuri, que retenait Senoussi.

Le voyage de M. Ch. Pierre, par Zémio, Den-Ziber et Waou, n'avait pas encore été effectué par un blanc. Poncet (1859), Petherich (1862), Th. Heuglin (1863), Schweinfurth (1870), venus par le Nil, se trouvent plus à l'est que M. Pierre, et la mission Marchand, partie de Zémio pour arriver à Meschra-el-Reck, passa par le Soueh, toujours à l'est de l'itinéraire Pierre. L'un des itinéraires de la mission Marchand va cependant du poste des rapides (sur le Soueh) au Waou, qu'il longe jusqu'à Fort-Desaix; mais de Dem-Ziber au Waou la route est nouvelle. Parti de Brazzaville à la fin de juillet 1903, M. Ch. Pierre arrive à Bangui le 26 août, passe à Ouango, sur le M'Bomou, le 19 septembre, puis à Bangasso, Rafaï, Sémio. De Sémio, qu'il quitte en décembre 1903, M. Pierre se dirige sur Djema, puis sur Dem-Ziber, où il rencontre le 1er poste anglais, et Waou (Fort-Desaix), où se trouve un autre poste anglo-égyptien, commandé par le major Boulcois bey de l'artillerie britannique. De Waou à Meschra-es-Rek, sur le Souch, la région, sur un parcours de 500 milles, n'est qu'un vaste marécage où l'on a parfois de l'eau jusqu'au cou. A Meschra-es-Rek une canonnière conduit le voyageur à Tewfikich, poste militaire en amont de Fachoda, près du confluent de la Sobat. Ce poste est une station d'un

XXIX (Mai 1904.) No 305.

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récent service régulier de bateaux du gouvernement qui vont de Khartoum à Lado-Gondokoro. M. Pierre est arrivé à Khartoum par un de ces bateaux à la fin de février. Il a pu, de là, atteindre la basse Égypte par le chemin de fer et le Nil. Son itinéraire se développerait ainsi sur plus de 6.000 kilomètres.

OCÉANIE

M. Jules Garnier, ingénieur des mines, est mort le 8 mars 1904, à Menton, à l'âge de 65 ans. Après avoir étudié les mines de Sardaigne, il fut chargé, en 1863, du service des mines de la Nile-Calédonie, où il exécuta 12.000 kilomètres de parcours. Il y découvrit, durant ses 3 années de séjour, des minerais de cobalt, de fer chromé et de nickel (la garniérite). M. Garnier publia une géologie et la première carte géologique de la lle-Calédonie, ce qui lui valut, à 27 ans, la croix de la Légion d'honneur. Il publia, de 1868 à 1875, d'autres ouvrages sur l'Océanie française. En 1870, il recruta à Saint-Étienne un bataillon de volontaires du génie, à la tête duquel il fit campagne. M. Garnier remplit ensuite diverses missions en Suède, Norvège et Russie. A partir de 1890, il voyagea aux États-Unis et au Canada, où il construisit des usines pour le traitement des minerais de nickel. Puis il alla, avec son fils Pascal, visiter les mines d'or du Transvaal; cette exploration fut consignée dans un livre publié en 1896. Un nouveau voyage minier de MM. Garnier père et fils eut lieu en Ne-Zélande et aboutit à la publication d'un nouvel ouvrage (1898). Puis l'Australie fut visitée par eux et, dans le désert Victoria, M. Jules Garnier eut la douleur de perdre son fils Pascal, à 26 ans ! Il publia, en 1900, son dernier ouvrage sur l'Australie occidentale.

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RÉGIONS POLAIRES

L'amiral Makarov, qui est mort au feu devant Port-Arthur (13 avril 1904) sur son vaisseau amiral le Petropavlovsk, était un explorateur et un homme de sciences tout autant qu'un admirable marin. Né le 29 décembre 1848, il fut élève de l'école préparatoire de Nicolaievsk, dans cette région de l'Amour encore bien plus isolée alors qu'aujourd'hui, avant d'entrer au corps des cadets de la marine à Cronstadt. En 1877, il prit une part effective à la guerre russo-turque en torpillant des navires turcs à Soukhoum Kalé et à Batoum. Il fut ensuite attaché à Sko

beley pendant la campagne de 1881 contre les Tekkes. Pendant les années qui suivirent, il navigua autour du monde et se livra à des études techniques sur les courants. les températures de la mer, l'étanchéité des navires, etc. Contre-amiral en 1890, il fut appelé en 1895 au commandement de l'escadre du Pacifique, et plus tard à celui de l'escadre de la Baltique. Il était à S-Pétersbourg au moment de l'ouverture des hostilités, lorsque le tsar l'appela au commandement des forces navales d'Extrême-Orient.

Auteur de nombreuses inventions qui resteront dans la marine, l'amiral Makarov était le créateur de l'Ermak, ce navire d'un type puissant qui, en projetant son avant sur la glace, la brisait par son propre poids et établissait ainsi un chenal où pouvaient passer les navires. C'est à bord de l'Ermak que le vice-amiral Makarov fit, en 1901, une exploration dans l'océan glacial arctique, qui emprunte un certain intérêt au projet de passage d'une escadre russe par ces parages pour gagner l'Extrême-Orient. Son but était d'explorer la mer de Kara et de faire le tour de la Ne-Zemble, dont les contours n'étaient indiqués qu'approximativement sur les cartes marines.

Parti de Tromsö (Norvège) le 4 juillet 1901, il était de retour à Cronstadt le 14 septembre. L'Ermak, qui était arrivé à la Nile-Zemble dans de bonnes conditions, se trouva peu après entouré par les glaces pendant près d'un mois. Pour ne pas être immobilisé et même broyé, il parvint, par une navigation constante, à maintenir libre un petit chenal de quelques milles. Le 16 août, le vent chassant les glaces, débloqua l'Ermak qui put alors contourner la Nile-Zemble, s'avancer jusqu'au 82° lat. N. et atteindre la terre François-Joseph. L'amiral Makarov, malgré les obstacles qu'il rencontra, put relever 150 kilomètres de littoral de la Nile-Zemble et faire de nombreuses observations scientifiques sur cette région polaire.

NOUVELLES GÉOGRAPHIQUES ET COLONIALES

AFRIQUE

Tunisie Colonisation (XXIX, p. 184). Dans une precédente livraison, la Revue française a fait connaître les facilités offertes aux colons pour l'acquisition de terres domaniales. Complétons ces renseignements en ajoutant que, dans le cas où le même lot serait demandé par plusieurs personnes, la préférence serait accordée en premier lieu aux anciens élèves de l'École Coloniale d'Agriculture de Tunis et en second lieu aux agriculteurs pères de 4 enfants non établis. Les personnes qui achètent ces lots s'engagent à les exploiter elles-mêmes ou à y installer une famille française et à y bâtir une ferme dans un délai maximum de 2 ans. Il leur est absolument interdit de revendre leur terre à d'autres que des compatriotes.

Un décret tout récent a complété ces dispositions en stipulant: 1o que toute vente de terres de colonisation serait annoncée au moins un mois à l'avance; 2o qu'un comité consultatif composé de 4 fonctionnaires et de 4 colons serait institué auprès de la direction de l'agriculture pour l'examen des questions de colonisation; 3o qu'après avis de ce comité, des facilités exceptionnelles pourraient être accordées en faveur des cultivateurs chargés de très nombreux enfants, des militaires retraités en Tunisie et en Algérie, des groupes de familles de même origine et des sociétés philanthropiques; 4o que la création de tout centre serait précédée de l'examen par une commission régionale mixte (fonctionnaires et colons). C'est en somme le programme du Comité du peuplement français, et il y a lieu de se féliciter de cette collaboration de colons et de fonctionnaires qui éclaircira bien des malentendus et aura une influence considérable sur les affaires du pays.

Il est une autre source d'immeubles ruraux dont on ne saurait retarder la mise en circulation. La Tunisie est couverte de habous, biens de mainmorte appartenant à des congrégations musulmanes. Ces biens sont, en principe, inaliénables et, par suite d'un respect peut-être exagéré, des usages arabes, le gouvernement n'a pas permis jusqu'ici qu'ils fussent cédés. Il a été établi,' enfin, d'une façon péremptoire que cette aliénabilité n'est pas absolue, même auprès des musulmans; aussi la commission de colonisation n'a-t-elle pas hésité à demander le rachat des habous publics par l'État. Quant aux habous privés, il faut que les agriculteurs français aient le droit de les acquérir en traitant librement avec les propriétaires actuels.

Une autre partie du programme du Comité du peuplement français vient d'être réalisée : c'est l'application au petit personnel des chemins de fer tunisiens du salaire familial. C'est également avec plaisir que l'on a vu la Cie du Bône-Guelma construire pour le personnel de la voie un certain nombre de maisonnettes confortables. Elle pourra donc installer des ménages français là où seuls des étrangers avaient consenti à travailler jusqu'ici, faute de logements convenables. Malheureusement, si des mesures ont été prises pour favoriser certaines catégories de Français, il n'a pas été possible d'obtenir

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