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Respect de la religion du pays.

Il est nécessaire que la cause nationale apparaisse en Afrique comme complètement séparée de la cause religieuse. Il faut renoncer à la propagande de notre religion et à tout acte de prosélytisme. Pour réaliser une œuvre éducatrice et rendre sympathique et respectable la représen tation nationale, l'illustre franciscain, père Lerchundi, ne catéchisait pas; il se bornait à instruire et à faire des adeptes à l'Espagne. Voilà le chemin d'une action efficace parmi les fervents musulmans. La tolérance ne suffit pas; il faut, pour inspirer confiance, le respect profond et même la protection des institutions religieuses. C'est pour cela que dans les places habitées par des musulmans où dans lesquelles se rendent fréquemment les croyants, on doit faciliter à ceux-ci l'accomplissement de leurs devoirs de piété, en construisant des mosquées. La France et l'Angleterre se donnent le nom de puissances musulmanes. L'Espagne, qui maintenant ne peut plus adopter ce caractère, doit aspirer à se présenter devant les Marocains comme l'amie des musulmans et comme une grande patrie où trouvent place toutes les

croyances.

Politique d'attraction. Etude de la langue marocaine.

Singulièrement propice est le moment actuel pour une politique d'attraction. Les craintes au sujet de nos ambitions et de notre désir de domination sont dissipées; le pouvoir envahisseur, celui qui s'impose, c'est la France. Contre elle naîtront des protestations et des haines et, par contre, les procédés amicaux de l'Espagne seront particulièrement appréciés. C'est pour cela qu'il importe de profiter des circonstances présentes, puisque nous en avons perdu tant d'autres favorables pour le développement de notre influence dans l'empire.

La connaissance de l'arabe est un moyen puissant de prestige et d'influence au Maroc. C'est avec raison que l'on a prétendu que les fonctionnaires diplomatiques et consulaires devaient posséder à fond l'arabe pour s'entendre directement avec les Marocains et nouer parmi eux de véritables amitiés. Pour étendre la connaissance de cette langue, il convient que l'on en organise l'enseignement à Ceuta, à Melilla et dans quelques-unes des principales villes commerçantes de la péninsule et îles adjacentes; il y aurait utilité à créer à Grenade une école des langues et des civilisations orientales analogue à celles des langues

orientales vivantes qui existent en Allemagne et en France, ainsi que l'institut diplomatique réclamé par des congrès géographiques, par des écrivains et par des représentants du pays au Parlement. Pour l'action directe sur les Riffains, il y aurait lieu d'étudier leur langue propre, le berbère, dont l'emploi par les Espagnols les flatterait et servirait à les unir à nous. L'illustre orientaliste Saavedra estime qu'en faisant connaître le dialecte « xeoj », le plus pur des dialectes berbères, l'Espagne rendrait aux lettres un service important et se créerait des titres à la considération du monde savant.

Institutions et missions.

Comme le fondement de toute intimité de relations est la connaissonce mutuelle, il importe de soutenir les institutions qui existent au Maroc et se livrent à une étude importante du pays, comme, par exemple, la commission militaire; il importe aussi d'envoyer avec fréquence des chargés de missions de différentes professions, professeurs, ingénieurs, agriculteurs, industriels, commerçants qui nous fassent connaître le Maroc à tous les points de vue, et de publier les travaux déjà faits ou qui seront faits; de faire des efforts pour que les Marocains des classes élevées visitent nos villes du Midi, Grenade, Séville, Cordoue, qui exercent sur eux une si grande attraction et pour qu'ils envoient leurs enfants faire leur éducation en Espagne.

Les missions commerciales employées par les peuples modernes présentent un singulier intérêt. Le succès d'une exploration commerciale allemande en Chine et au Japon, présidée par un consul et composée de plusieurs industriels et commerçants; celui de la mission commerciale française en Extrême-Orient organisée par la Chambre de commerce de Lyon, qui fit une importante étude économique des pays parcourus; les résultats ohtenus chez nous par l'ambassade commerciale à la République Argentine, ainsi que par l'envoi en Espagne d'un délégué de la colonie espagnole de Buenos-Ayres, faits qui ont projeté une lumière énorme sur les causes qui entravent le développement des relations hispano-américaines, encouragent à appliquer les nêmes procédés à l'étude économique du Maroc.

Ceci suppose l'emploi de ressources et des sacrifices pour un résultat positif, mais médiat, ressources difficiles à obtenir pour le gouvernement, en raison de l'insuffisance du budget, de même que pour un particulier ou une entreprise; mais l'association des organismes qui re

présentent les classe industrielles et commerçantes, la constitution d'une grande compagnie pour le développement du commerce avec le Maroc, au moyen d'actions représentant un faible capital et dont le placement servirait pour apprécier le patriotisme et évaluer l'intérêt positif et réel du pays dans la tâche dont nous nous occupons, permettrait de faire une œuvre utile et nous amènerait à renoncer aux lamentations stériles pour entrer dans le domaine de l'action pratique et féconde.

La mission commerciale au Maroc, en faisant des observations et en recueillant des renseignements sur place, avec le concours des diplomates et des consuls, mettrait au clair l'état de nos relations commerciales avec cet empire; elle signalerait les causes du recul de notre pavillon et de notre industrie sur les côtes voisines; elle indiquerait les facilités existantes ou les difficultés auxquelles on se heurte; les conditions des produits qui donnent lieu à la plus forte consommation et la manière de les présenter pour qu'ils satisfassent entièrement les goûts du consommateur et qu'ils soient bien accueillis sur le marché; elle fournirait, en somme, une règle aux industriels et aux exportateurs pour la fabrication et la préparation des articles destinés au Maroc et elle procurerait des données extrêmement utiles en ce qui concerne les mesures propres à développer le trafic.

Muni de ces renseignements, le gouvernement, guidé par les groupements économiques, pourrait s'occuper de la suppression des obstacles et de la concession de facilités; en outre, si la chose était nécessaire en vue du développement du trafic avec le Maroc, ainsi que pour éviter les effets d'inégalités insurmontables, il devrait aussi recourir aux moyens extrêmes de réduction ou de suppression de l'impôt et même accorder d'autres avantages encore à l'exportation des articles qui ne peuvent actuellement soutenir la concurrence sur ces marchés avec les articles analogues d'origine étrangère.

Pour le développement des rapports d'amitié avec le Maroc, le progrès du commerce et de la navigation, l'exploitation agricole, industrielle et minière, ainsi que pour la création des voies terrestre de communication que, d'un commun accord avec le sultan, on jugera nécessaire d'établir dans l'empire chérifien comme éléments d'améliotion de son administration et en faveur de l'influence espagnole il conviendrait également que le gouvernement obtint l'autorisation des XXIX (Août 1904.) No 308.

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Cortès, afin de pouvoir prêter son concours aux entreprises qui viendraient à se constituer en Espagne avec cet objet, en garantissant un modeste intérêt au capital.

Rôle de l'initiative privée.

La Société insiste sur ce point que le principal facteur de la civilisation au Maroc est le commerce et que s'il incombe à l'État de le favoriser et de le stimuler, c'est au commerçant à en prendre l'initiative et à l'établir. Dans les œuvres modernes d'expansion, l'action du commerce précède généralement celle de l'État. Aux classes commerçantes revient une influence très importante que l'on ne saurait remplacer en ce qui concerne notre avenir au Maroc. Si l'agitation actuelle produite par la crainte que l'unique idéal de développement de notre influence dans le monde et d'éclat de la personnalité nationale- en vue de la réalisation d'une œuvre civilisatrice transcendante destinée à transformer et attirer à la vie moderne un peuple frère auquel nous unissent des liens étroits fondés sur la race et sur l'histoire doit être autre chose qu'un simple mouvement sans conséquences, il est nécessaire que le pays et principalement les classes productrices, les industriels, les commerçants, les armateurs et les organismes qui les représentent, entrent dans une période d'activité persévérante et qu'ils emploient les moyens bien connus qui servent pour la conquête des marchés: acquisition de renseiments, envoi d'échantillons et leur exposition dans les consulats, établissement de maisons de commission, envoi de voyageurs de commerce, création de lignes de navigation.

Il faut recourir à tous ces moyens sous la forme de l'action individuelle ou par celle de compagnies et de syndicats. Si les éléments producteurs ne s'engagent pas dans cette voie avec décision et intelligence, nous aurons perdu le dernier espoir de réaliser une œuvre efficace dans l'empire marocain pour l'accomplissement de nos destinées et de nos devoirs comme nation, et alors serait consacrée sans appel, pour toute entreprise d'expansion féconde, l'impuissance actuelle de la race prolifique qui a créé les nations hispano-américaines. Dans ce cas, notre conduite aurait justifié l'exclusivisme que s'attribue la France. Dieu garde Votre Excellence pendant de longues années! Madrid, le 30 avril 1904.

Le Secrétaire général,
RAFAEL-TORRES-Campos.

Le Président,

CESAREO-FERNANDEZ-DURO.

CANADA

L'USAGE DES DEUX LANGUES

Les travaux de statistique que publie le bureau du recensement général du Canada pour 1901 sont une mine inépuisable de renseignements. On sait avec quel soin et quelle minutie de recherches est fait ce travail. Le questionnaire très étendu et parfois même assez compliqué auquel est soumis le recensé et que le recenseur doit appliquer non seulement avec soin, mais encore avec intelligence et discernement, embrasse, en quelque sorte, tous les degrés de l'activité humaine en dehors de l'énumération stricte de la population. Outre les questions se rattachant plus particulièrement à l'état civil, aux races, langues et religions, le questionnaire s'applique à recueillir tous les détails concernant l'instruction, le commerce, l'industrie, l'agriculture, etc.

On voit donc quelle abondance de détails et quelle somme considérable de travail nécessite une pareille opération. Aussi n'est-ce que peu à peu, à des intervalles assez prolongés que le résultat de ces compilations peut être livré à la publicité. La Revue Française a déjà publié, sur les races et sur la part en nombre et en importance qui revient aux Canadiens-Français, une étude qui n'a pas été sans être remarquée et souvent consultée (1). Aujourd'hui, elle complète ce travail par un exposé de l'usage qui est fait, parmi la population bigarrée du Canada, des deux langues prédominantes, i'anglais et le français.

Les statistiques de l'éducation recueillies au recensement de 1904 nous fournissent des détails intéressants sur le nombre de personnes qui dans le pays peuvent parler les deux langues officielles reconnues par la constitution du Canada, c'est-à-dire l'anglais et le français.

On n'a recherché l'état d'éducation que des personnes âgées de cinq ans et au-dessus. La statistique indique que durant l'année du recensement il y avait dans le pays 4.728.631 personnes âgées de cinq ans et plus. Comme la population totale du pays était de 5.371.315, il suit qu'en 1901 il y avait dans tout le Canada 642 684 enfants âgés de moins de cinq ans.

Sur 4.728.631 personnes âgées de cinq ans et plus, 3.917.340 pouvaient lire et écrire. D'autre part, 129.450 personnes, tout en sachant lire, ne

(1) Voir Rev. Fr., sept.-oct. 1903: Les Canadiens Français et le recensement.

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