par gros vent d'ouest, la flotte ennemie était dans l'impossibilité de gagner le large. Ces séjours au mouillage étaient employés à faire le plein des soutes en vivres et en eau. Mais il était strictement édicté que le réapprovisionnement en vivres ne devait jamais être une cause de retard dans l'appareillage. Dès qu'à Torbay le vent passait du S. 0. au N. 0. tout navire devait lever l'ancre, regagner au plus tôt son poste de blocus et s'y trouver avant que le vent continuant de tourner vers le nord eût permis à la flotte française de prendre la haute mer. Malgré le mauvais temps, la brume, les courants, les rochers innombrables qui encombrent les abords de Brest, et fort mal connus alors, la flotte de Cornwallis ne perdit qu'un 2 ponts, le Magnificent, qui sombra sur un rocher des Pierres Noires en plein Iroise. Dans ces conditions la sortie sans combat exigée de Napoléon était une impossibilité. On se demande comment cet homme, d'un génie militaire si indiscutable, si admirablement renseigné par Decrès, put demander à son amiral une chose infaisable et refuser d'accéder à cette demande: Laissez-moi appareiller à mon heure je suis sûr de la victoire mais je ne puis appareiller sans combat. Il oublia que sur mer comme sur terre, la bataille seule vaut. Cet oubli le perdit. L'ouvrage dont nous parlons, nous fait revivre cette époque passionnante. Toutes les lettres nous permettent de suivre jour par jour l'anxiété par laquelle durent passer leurs auteurs. Ils recherchent les desseins de Napoléon, s'efforcent de tirer des conclusions de la manière dont sont armés et approvisionnés nos navires; et d'ailleurs on n'admet guère une descente sur la côte anglaise de Douvres. L'Irlande, l'Égypte sont les points généralement supposés. Cependant il ne faut pas que l'on infère de cela que les côtes anglaises de la Manche fussent dépourvues de moyens de défense. Il y eut un plan de protection parfaitement étudié par l'amirauté, plan que lord Keith commandant de la Manche eut à mettre exécution. On trouvera malheureusement de nombreux rapports de commandants anglais annonçant la capture de petits bâtiments français. Les ordres de l'amirauté étaient formels. Ils prescrivaient de capturer ou de détruire tous bâtiments français rencontrés de quelque espèce qu'ils fus sent, grands ou petits, de guerre ou de commerce; et les capitaines anglais ne s'en firent pas faute. Plusieurs raisons à ces ordres : 1° Diminuer les possibilités de la descente par la non constitution de la flotille de Boulogne; 2o Arrêter les ravitaillements français et réapprovisionner les Anglais le cas échéant; 3o Augmenter la flotte anglaise de tous les navires capturés. C'est ainsi que la flotte anglaise fùt renforcée de navires français Ville de Paris, monté par Cornwallis; l'Impétueux, le. Téméraire, le Courageux, la Flèche, l'Active, le Topaze, l'Égyptienne, l'Aimable, l'Embuscade, l'Ardent, la Rose, l'Atalante, le Foudroyant, le Tonnant et combien d'autres capturés à cette époque et pendant les guerres des années précédentes. Ils firent tous du service soit dans les escadres de haute mer, soit sur les côtes. La lecture des récits des nombreux petits combats livrés sur tous nos rivages n'est pas sans froisser très fréquemment notre amour-propre. A de fréquentes reprises, les officiers commandant des canonnières bien armées et montées par des marins et des soldats virent leurs hommes lacher pied presque sans combat devant de simples embarcations anglaises. Comment expliquer pareille conduite de la part de Français, semblables en tous points aux autres Français qui, transportés sur les bords du Rhin ou du Danube accomplissaient les prouesses que nous racontent tous les mémoires des auteurs de l'épopée impériale? Comment expliquer cette faiblesse autrement que par cette remarque; l'incomparable manieur d'hommes qui menait alors la France ne daigna jamais se faire voir aux flottes de Toulon, de Rochefort, de Brest, qui cependant devaient constituer la pièce maîtresse dans la partie liée avec l'Angleterre? Il ne daigna pas s'assurer par lui-même de la possibilité d'exécution de ses ordres. Pendant les années 1803, 1804, 1805 qui précédèrent Trafalgar et durant lesquelles Napoléon prépara sa descente, il ne jeta jamais un coup d'œil sur ses marins, lui si attentif à ses soldats. Il dépensa des millions à armer les 40 navires qui devaient lui assurer la suprématie dans le Pas-de-Calais et ne pensa pas à souffler à ses marins l'enthousiasme qu'il soufflait à ses soldats. Pourquoi? Fut-ce dédain? Il en a porté les conséquences. Est-ce, comme l'expose le commandant Desbrière dans sa très remarquable histoire des descentes françaises en Angleterre, est-ce que Napo léon n'aurait jamais pensé sérieusement à conquérir Londres et à dicter sur les bords de la Tamise, la paix du monde? Qui le saura jamais ! Mais si cette supposition, comme cela semble probable est l'expression de la vérité, combien coupable serait l'empereur d'avoir gaspillé ainsi de gaieté de cœur des forces aussi importantes. Un rapport est particulièrement instructif et bien que daté d'octobre 1804 se trouve être d'actualité toujours. Le capitaine Hurd propose à l'amiral Cornwallis de s'emparer de Molène et d'Ouessant. Le but est d'empêcher les Français de surveiller la flotte anglaise, de faire profiter la flotte britannique de l'abri de ces îles et enfin d'établir sur Ouessant la tête d'une ligne de bâtiments légers qui croisant sur une ligne s'étendant d'Ouessant au cap Lands' End transmettraient rapidement en Angleterre la nouvelle des moindres mouvements de la flotte française. L'opération militaire ne devait exiger aucun corps de débarquement, les équipages de la flotte les « Marines » devaient suffire largement à enlever les quelques dizaines de soldats laissés sur les îles plutôt dans le but d'empêcher les rapports des habitants avec les Anglais que pour défendre les îles. Il y a 100 ans, aucune suite ne fut donnée à la proposition. Mais qui pourrait affirmer qu'il en sera de même encore, alors que la télégraphie sans fil permet de communiquer à de grandes distances et que l'île d'Ouessant enlevée pourrait être immédiatement transformée en un centre de communications télégraphiques? Dans ces lettres on verra comment les Anglais ont su utiliser les espions; comment ils voulurent incendier sur leur corps-mort les vaisseaux de Ganteaume; comment enfin l'amiral Calder fut traduit devant un conseil de guerre pour n'avoir capturé avec 11 navires que 2 des 26 navires franco-espagnols de Villeneuve. Les documents prennent fin au jour de Trafalgar. L'empereur ayant abandonné ses projets, le blocus de l'armée navale de Ganteaume n'offrait plus grand intérêt. Celle-ci, seule vis-à-vis de toute la flotte anglaise orgueilleuse de ses succès, était réduite à l'inactivité. L'Angleterre avait bien réellement conquis la maîtrise du monde. Après avoir enfermé Napoléon dans l'Europe soulevée par sa diploma tie adroite, elle put lancer ses navires à travers les océans, conquérir l'Inde, coloniser l'Amérique du Nord et prendre pied dans l'Afrique du Sud sans qu'aucune main fût assez forte pour mettre un frein à son envahissement. Certes elle eut à souffrir du blocus continental; mais le résultat de Trafalgar fut la grandeur britannique mondiale pendant tout un siècle; tandis que les résultats d'Ulm, d'Austerlitz, de léna, de Friedland furent un recul des bornes de la patrie française. A parcourir l'histoire maritime franco-anglaise on ne peut s'empêcher de trouver profondément heureuse la situation insulaire de notre ennemi séculaire. Tandis qu'en France nos gouvernements furent et sont toujours ballottés entre les questions européennes et les questions mondiales entre la politique qui fait conquérir la Hollande à Louis XIV et la politique géniale de Colbert, nous voyons la politique étrangère du cabinet de Londres suivre une même et unique voie la seule qui lui soit ouverte : la voie de la mer qui mène à la politique mondiale. Cela par la force même des choses, grâce à l'absence heureuse de frontières terrestres, grâce à l'absence de voisins menaçants. Il faut admirer Colbert dont la grande figure grandit avec les siècles, car il sut voir plus loin que les Pyrénées, plus loin que les Pays-Bas. Quant à nous profitant des leçons du passé nous ne devons pas nous laisser hypnotiser par la trouée des Vosges tout en gardant au cœur le ferme vouloir de venger les désastres de l'année terrible. HENRI TANIF. XXIX (Septembre 1904.) N° 309. 35 INDO-CHINE CULTURE ET COMMERCE DE LA CANNELLE EN ANNAM La cannelle est l'écorce parfumée d'un arbre qui appartient à la famille des Lauracées, qu'on trouve dans les massifs montagneux du Quang nam. Le cannellier est l'objet d'une culture relativement soignée de la part des Moïs. J'ai vu, au cours de mes voyages à Mangta, de jeunes arbres transplantés en terrain favorable et défendus par des branches tressées contre les atteintes des buffles, porcs, etc... J'ai vu également des groude 30 cannelliers, au moins, protégés par de fortes palissades, ainsi que des semis de cannelliers parfaitement clos et recouverts de nattes en bambous. pes Les fleurs sont en grappes, comme celles du lilas dont elles ont un peu la couleur grisâtre, mais tous les cannelliers ne fleurissent pas; seuls quelques arbres choisis, très vieux et très soignés, spécialement réservés comme producteurs de graines, se couvrent de fleurs tous les ans, de juillet à janvier. La graine est mûre en janvier. A ce moment les Moïs viennent la cueillir, la débarrassent de sa pulpe, la lavent et la mettent en terre. La germination dure de 40 à 45 jours. Quand le jeune sujet a atteint 20 centimètres environ et a émis quelques feuilles, ce qui demande plus ou moins de temps (de 1 à 2 ans selon la qualité du terrain), il est transplanté en pépinière. La mise en place définitive a lieu quand il mesure 1 20 environ dans des terrains choisis et déjà couverts de jeunes arbres destinés à protéger le nouveau plant. Cette · opération a généralement lieu en août et septembre. Il arrive que des graines emportées par le vent tombent en terrain favorable et germent naturellement. Le jeune plant est à peine sorti de terre qu'il est découvert par les Moïs et trouve un propriétaire. On emploie aussi les rejetons qui poussent sur la section du trone. Quand un arbre est vendu, il est coupé au ras du sol; il pousse ensuite sur la coupe plusieurs rejetons qui sont détachés plus tard avec une partie des racines et transplantés. Dans le Hà-dông, en pleine région annamite, on en trouve de magni M. le résident supérieur en Annam a adressé à la Direction de l'agriculture et du commerce de l'Indo-Chine là note suivante qui lui a été fournie par M. Moulié administrateur résident de la province du Quang-Nam. |