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c'est-à-dire, qu'elles ont triplé en 6 ans. Les exportations ont presque décuplé dans le même laps de temps. De 1.816.000 dollars en 1896, elles sont montées à près de 11 millions en 1902.

L'importation directe de France se traduit par ce mot significatif : néant. Cependant il se vend à Seattle quelques produits de l'épicerie française et des conserves provenant de notre pays, mais elles ne sont pas d'importation directe. Il n'y a pas eu non plus de marchandises exportées de Seattle en France. Ce port a été cependant fréquenté par quelques voiliers français, mais ces derniers ont déchargé ou transporté des produits étrangers ou destinés à l'étranger. En laissant le cabotage de côté, Seattle a vu entrer, en 1902, 656 vapeurs jaugeant 868.700 t. et 163 voiliers avec 165.400 t. Les sorties ont été un plus faibles.

L'Angleterre a pu importer à Seattle pour plus de 2 millions 1/2 de produits en 1902. Avec quelques efforts, nous pourrions aussi nous montrer sur ce marché si plein d'avenir, où le tiers des navires battait pavillon britannique, alors que 6 voiliers français seulement l'ont visité en 1902! Qu'on n'oublie pas que Seattle, avec ses 125.000 habitants, est une ville qui s'accroît avec une remarquable rapidité, qu'elle est un centre où les mineurs de l'Alaska viennent pour la plupart s'approvisionner, que la classe aisée y augmente tous les jours, que de grosses spéculations s'y font de plus en plus et que par conséquent il y a place dans ces pays nouveaux pour les produits français aussi bien que pour les produits anglais. Il faudrait donc absolument sur place des représentants français munis d'échantillons et capables de faire apprécier nos marchandises, presque inconnues par suite de notre inertie coupable.

L'ÉTAT DE WASHINGTON

Situé dans l'angle nord-ouest de l'Union américaine, et borné par la Colombie britannique au nord, l'état de Washington prospère très rapidement, depuis quelques années surtout, grâce aux richesses minérales, agricoles et forestières qui y abondent. La population de l'état était de 522.000 habitants en 1901, soit seulement 10 habitants par mille carré. L'état est divisé en deux régions par les montagnes Cascades qui le traversent du nord au sud. La partie orientale est très favorable à la culture, notamment à celle des céréales et des fruits, et à l'élevage des animaux. La partie occidentale n'est presque qu'une immense forêt.

Les montagnes Cascades et les arêtes qui en descendent sont riches en métaux; on y exploite, entre autres, l'or et l'argent. Le charbon se rencontre abondamment dans le nord, aux environ de Bellingham Bay. Près de Seattle, dans le comté de King, et dans le comté de Pierce (où se trouve Tacoma), les mines de charbon sont importantes. Ces diverses mines ont donné, en 1900, près de 24 millions 1/2 de tonnes de houille et, en 1902, elles ont permis d'en exporter plus de 30 millions de tonnes, sans compter la consommation locale.

Bien que l'état de Washington ne soit peuplé que depuis relativement peu d'années, la plus grande partie des terrains est déjà occupée et, tous les ans, l'espace cultivé en céréales s'accroît considérablement. Le gouvernement dispose encore de quelques terres qui sont concédées aux nouveaux immigrants. En 1902, près de 1.500.000 acres (1) ont été concédées à des particuliers par le bureau des terres fédérales. Actuellement l'état produit 30 millions de boisseaux de blé valant 83 millions de francs et pour 2 millions 1/2 de dollars d'avoine, pour 6 millions de dollars de foin et autres fourrages. La récolte du houblon a été de 1 million 1/2 de dollars en 1902, soit 3 fois plus que l'année précédente. A la même date, on comptait dans l'état 1.355.000 têtes de bétail valant 12 millions de dollars. Les produits des laiteries sont évalués à 5 millions et l'élevage de la volaille donne 3 millions. Les troupeaux de moutons, les porcs et les chevaux sont nombreux.

Dans le Puget-Sound et les rivières de l'état de Washington, on pêche le saumon, la morue, le hareng, la sole, l'éperlan, la truite, etc. En 1902, on a mis en boîte, dans les fabriques de Puget-Sound, 778.000 caisses de saumons valant 4 millions de dollars. Les autres pêcheries ont produit pour 6 millions de dollars. On trouve encore des huîtres, des crabes, des clovisses, des crevettes et des moules. L'établissement d'ostréiculture d'Olympia rend de grands services. En 1902, l'état de Washington a exporté plus de 1 million 1/2 de barils de farine, valant près de 5 millions de dollars. Les scieries mécaniques se développent aussi très vite, par suite de l'importance des forêts, d'où l'on tire des bois en grume en quantités; aussi l'exportation des planches et madriers s'étend-elle sur une vaste échelle.

On évalue à 195 milliards 1/2 de pieds le bois des forêts de l'état de

(1) L'acre 40 ares.

Washington, ce qui permettrait d'alimenter l'industrie, sans reboisement, au taux de l'exploitation actuelle, pendant un siècle au moins. Mais cette appréciation est peut-être exagérée; car les bûcherons américains exploitent en faisant trop de déchets et les incendies provenant de négligences réduisent encore la durée des forêts. L'administration forestière n'existe guère aux États-Unis et l'exploitation à outrance pourra amener plus tard des regrets. Pour abattre un arbre, on l'entaille en sifflet, à hauteur d'homme, au moyen de cognées, puis à l'aide d'une scie de plusieurs pieds, la section est pratiquée. « Le chemin de scie étant maintenu ouvert au moyen de coins qui supportent le poids de. l'arbre, au dernier moment les ouvriers se retirent et l'arbre tombe dans la direction désirée; il est ensuite traîné au moyen de chevaux ou de bœufs jusqu'au campement, où il est sectionné en tronçons qui sont ensuite portés par voie ferrée jusqu'aux scieries de Tacoma ». Les forêts de l'état de Washington renferment surtout comme essences le sapin, le pin, le cèdre, le mélèze, l'érable, le peuplier, etc. En 1902, les diverses industries du bois ont donné un produit de 30 millions de dollars.

Les terrains agricoles de cette région sont à un prix très abordable, mais les concessions que le gouvernement fait aux immigrants moyennant une redevance minime ne sont pas toujours avantageuses étant trop éloignées des centres commerciaux et des chemins de fer. Il en résulte que, ne trouvant pas à vendre leurs récoltes, ces premiers colons sont souvent conduits à vendre leurs terres avec perte. Il est donc préférable d'acheter dans les régions plus connues et plus peuplées. Le terrain y vaut 10 à 20 dollars l'acre, avec les bâtiments et écuries.

En résumé, l'état de Washington, grâce à ses ressources longtemps encore inépuisables, est appelé à progresser considérablement, malgré ses progrès déjà réalisés. San Francisco peut donc perdre son ancien monopole de l'ouest américain et devra vraisemblablement, dans un avenir prochain, partager son trafic avec Seattle et Tacoma.

Paul BARRÉ.

TORPILLEURS ET BATEAUX DE PÊCHE

L'INCIDENT DE HULL

La paix européenne a failli être troublée par les incidents graves qui se sont produits entre des pêcheurs anglais de Hull et l'escadre russe de la Baltique, en route pour l'Extrême-Orient.

Traversant la mer du Nord par une nuit brumeuse, cette escadre se trouva, en passant près du Dogger Bank, au milieu d'une flottille de chalutiers anglais. A un moment donné les Russes reconnurent ou crurent reconnaître, au milieu des petits vapeurs de pêche, 2 torpilleurs qui se rapprochaient des navires de leur escadre. Après avoir fait des signaux que les pêcheurs anglais ne virent ou ne comprirent pas et auxquels ils ne répondirent point, les Russes ouvrirent le feu sur les navires suspects qui disparurent. Mais il arriva que les canons à tir rapide de l'escadre atteignirent et endommagèrent plusieurs bateaux de pêche, tuèrent 2 matelots anglais et en blessèrent plusieurs. Voilà le fait brutal.

La question est de savoir si la conduite des Russes était justifiée. Les Russes furent-ils réellement attaqués? Le crurent-ils? Prirent-ils des bateaux de pêche pour des torpilleurs? Les chalutiers anglais avaientils leurs feux réglementaires allumés? Répondirent-ils aux signaux ? Sur tous ces points il y a désaccord entre les versions russe et anglaise. L'enquête internationale qui doit être faite, suivant l'entente qui vient d'intervenir entre les deux gouvernements, établira sans doute les responsabilités, et le tribunal de paix et d'arbitrage de la Haye tranchera le litige. Sans attendre la solution, le gouvernement russe a d'ailleurs spontanément transmis à Londres ses plus sincères regrets de la méprise et offert toutes les compensations désirables.

Ce fâcheux incident s'explique sur un point par l'excessive nervosité des marins russes. Depuis la traîtreuse surprise des navires russes à l'ancre dans la rade de Port-Arthur pendant la nuit du 8 février 1904, les Russes redoutent sans cesse d'être victimes d'un accident de ce genre. Connaissant bien maintenant la manière cauteleuse des Japonais de faire la guerre, le vaste réseau d'espionnage que ceux-ci ont établi tout autour des forces terrestres et maritimes de l'empire moscovite, les

Russes aperçoivent des Japonais un peu partout. Les accidents répétés survenus à l'escadre de la Baltique pendant son armement à Cronstadt, l'explosion d'un torpilleur, le cuirassé Orel coulant dans le port par suite de la malveillance et bien d'autres faits de ce genre, n'expliquent que trop bien l'état d'esprit des Russes. Si l'on ajoute la présence de Japonais en Suède, en Danemark, près des détroits que l'escadre de la Baltique devait franchir, en Angleterre, etc., on comprendra très bien que les Russes aient cru apercevoir, et peut-être aperçu, leurs adversaires au cours d'une nuit brumeuse.

Lorsque l'incident fut connu en Angleterre, une incroyable explosion de jingoïsme se produisit parmi les journaux anglais. Presque tous partirent en guerre contre la Russie, demandant une éclatante et prompte réparation sous la menace d'une rupture immédiate. On reconnaît bien là la vieille haine que les Anglais portent aux Russes et que ces derniers leur rendent bien. Plusieurs journaux accusaient nettement les Russes d'avoir attaqué les pêcheurs anglais de propos délibéré, comme si la Russie avait à cœur de se mettre en ce moment un nouveau conflit sur les bras. En effet, disaient-ils en substance, il n'est pas possible de prendre des bateaux de pèche pour des torpilleurs; la méprise est voulue et les Russes sont sans excuse.

Ce thème rebattu sur tous les tons fit le tour de la presse britannique. Or rien n'est moins admissible que la théorie anglaise. En effet, pour être bateau torpilleur il n'est nullement nécessaire d'avoir une forme allongée, une marche rapide, de ne posséder ni voiles, ni mâts. Un bateau quelconque, qu'il soit de plaisance ou de pêche, peut être transformé en torpilleur par l'adjonction d'un tube lance-torpilles et de quelques torpilles. Les premiers torpilleurs furent d'ailleurs de simples. canots qui avaient été munis d'une torpille fixée à l'avant. C'est avec des engins de cette nature que l'amiral Courbet torpilla des navires chinois à Sheipou et que les Russes firent sauter des canonnières turques sur le Danube en 1877. Le regretté amiral Makarov et l'amiral Skrydlov en savent quelque chose.

Il est, d'autre part, loisible de maquiller des torpilleurs pour les transformer en apparence en bâtiments marchands. Lors d'une des premières attaques de Port-Arthur par la flotte de l'amiral Togo, les Japonais avaient gréé en barques de pêche plusieurs de leurs torpilleurs, afin de pouvoir approcher plus facilement du goulet de la rade. Mais

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