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doucement à son oreille; mais non les bruyans concerts et les chansons répétées par plusieurs voix.

Nous avons encore une chanson latine et rimée que chantèrent les Français pour célébrer une grande victoire remportée sur les Saxons par Clotaire II. Deux autres chansons nous ont été conservées : l'une est une espèce d'ode de saint Paulin, patriarche d'Aquilée, dans laquelle il chante les vertus du fameux Éric, duc de Frioul, qui mourut en 799; l'autre est une élégie de six strophes que Gotescalc écrivit dans son exil, et qui est soumise à un refrain. Le célèbre Abeilard fit des chansons; saint Bernard luimême en fit, si l'on en croit Béranger, qui, dans son apologie d'Abeilard, reproche au saint abbé de Clairvaux d'avoir fait, dans sa jeunesse, des chansons bouffonnes et des motets pour les hommes du siècle. Mais ces chansons n'étaient peutêtre pas en français; la langue latine était seule usitée parmi les personnes distinguées par la naissance et les emplois; des chansons françaises n'auraient pu avoir cours que dans le menu peuple.

temps où l'art d'écrire était peu commun, et elles étaient retenues et chantées par des gens qui ne savaient pas lire, comme cela se voit encore dans nos villages. Mais il ne faut pas confondre ces récits, quoique composés de strophes ou de couplets, avec la chanson proprement dite, qui est l'expression d'un sentiment, le développement d'une pensée. La chanson. passe pour être éminemment française; mais la chanson est cosmopolite, elle a le monde pour patrie, et c'est seulement ur genre, une nuance de la chanson, que notre nation peut revendiquer comme lu étant propre, de même que notre siècle a le droit de se vanter de lui avoir donne une physionomie particulière.

On ne doit pas, comme l'ont fait certains auteurs, confondre avec la chan son proprement dite les hymnes et les cantiques: la chanson peut être patriot que, politique, guerrière, philosophique. satirique, érotique, bachique; mais des chants religieux ne sont pas des chansons. Le langage poétique qui sert d'interprète à l'homme pour s'adresser à la divinité est une ode, une hymne, un cas tique, un psaume.

Les chansons, jusqu'au xvi° siècle, D furent en France que des poésies joyeuses ou amoureuses qui remplissaient les vei'

occupés pouvaient donner à l'amusemet", mais à dater de ce temps, nous voyca les chansons ou vaudevilles (voy, ce mo prendre un caractère historique et satinque. On trouve dans les recueils manu crits de la Bibliothèque royale des chatsons sur les guerres de Francois 1er et d Charles-Quint, sur la bataille de Pavie, sur le combat de Jarnac et de la Chategneraie, sur la mort de Henri II, de Charles IX, sur l'insolence des mignons de Henri III, sur l'assassinat de ce prince. Le recueil de chansons historiques,en 6 vol., fait par M. de Maurepas, et conser vé au cabinet des manuscrits de la B

Ce fut vers le règne de Philippe-Auguste que parurent des chansons françaises; on laissa alors le latin aux hymnes et aux autres chants d'église. On trouve à cette époque un chansonnier fé-lées des oisifs ou les momens que les gen cond dans la personne de Gauthier de Coincy, religieux de Saint-Médard de Soissons; on possède un nombre considérable de ses chansons manuscrites, parmi ses autres poésies. On donna le nom de lais aux premières chansons françaises; c'était une sorte d'élégie amoureuse. Il est question de ces lais dans le roman de Tristan qui parut vers 1190. Cependant on se servait encore de la langue latine dans la capitale, lorsque la Normandie vit éclore des chansons en langue vulgaire; ses poètes précédèrent même les poètes provençaux à qui on attribue à tort le mérite de nous avoir donné la rime. L'art de ces chansonniers futbliothèque royale, est une chose des pla nommé gaie science, gai saber; des jongleurs et des ménestrels allaient chanter leurs vers de ville en ville. Le rhythme poéique et musical devait aider la mémoire. Les longues romances que nous ont conservées d'anciennes traditions viennent d'un

curieuses et des plus remarquables en ce genre. Il y a dans ces chansons des cit constances et des particularités qui oc: échappé aux historiens; il y a la conleur locale, celle de l'esprit public; il y a, pour l'observateur, des nuances qui

donnent aux faits leur véritable physio- | jets de circonstance. Tabarin chantait sur les tréteaux de Mondor, et Hugues Gueru, dit Fléchelle, composait les chansons de Gautier Garguille.

Les chansons satiriques ne manquèrent pas non plus et la gloire du grand roi ne désarma pas la licence.

La régence, qui fut un temps de festins, de plaisirs et de débauches élégantes, ne manqua pas de chansons. Le règne de Louis XV vit fleurir Vergier, Dufresny, Lamonnoye, Haguenier, Lattaignant, Vadé, qui firent des chansons pour la société, tandis qu'une foule d'auteurs inconnus en faisaient pour le public sur les jésuites, le quiétisme, la bulle Unigenitus, les convulsions, sur la paix et la guerre, sur les victoires et les défaites. Il faut joindre à ces noms ceux de Piron, Gallet, Collé, Panard, Favart, Boufflers, et bien d'autres dont la nomenclature serait trop longue.

nomie. En effet, au milieu des horreurs des guerres civiles qui ensanglantèrent la France depuis Charles IX jusqu'à Henri IV, on voit un débordement de chansons licencieuses et impies qui s'accorde avec les misères et les désordres publics de ce temps. La liberté de penser et l'extrême licence introduite dans tous les ordres de l'état amenèrent ensuite la chanson satirique, qui se maintint au milieu des troubles dont elle s'alimentait et qui prit plus tard, dans les mains de Blot, de Hotman et de l'abbé de Marigny, le nom de Mazarinades (voy.). Pendant tout le temps que dura la Fronde, Paris fut inondé de chansons, et quoiqu'on cite toujours le mot de Mazarin: Ils chantent, ils paieront! il n'en est pas moins vrai que ce ministre, fatigué des chansons qu'on faisait contre lui, tenta de gagner ce Chauvigny, baron de Blot, qu'on appelait dans sa jeunesse Blot- L'avénement de Louis XVI, son mal'Esprit, et qui avait une charge dans riage, la naissance du dauphin, font naître la maison de Gaston, frère du roi. Blot, un déluge de chansons où l'enthousiasme vendu à Mazarin, osa chansonner son de l'espérance devenait la critique la plus maitre qui le renvoya; mais la pension cruelle du dernier règne. Une douzaine faite par le cardinal n'étant pas payée, d'années n'était pas écoulée que des chants Blot retourna à Monsieur et refit des de terreur et de mort retentissent auMazarinades. Nous citons ce fait pourtour du palais qu'avaient salué de si brilfaire voir que tout se paie, les chan-lans pronostics ! La chanson révolutionsonniers comme les historiens. Mézerai ne suspendait-il pas ses éloges quand il avait des quartiers en arrière?

Sous le règne galant de Louis XIV les chansons amoureuses, les pastorales, les madrigaux abundèrent; on vit une poésie de sentimens où régnaient la douceur et la mollesse. Les chansons semblaient modelées sur les opéras de Quinault, de qui | l'on disait si spirituellement qu'il avait désossé la langue. Et la cour et la ville roucoulaient les airs de Lambert et fredonnaient les chansons gracieuses de Benserade, de l'abbé Périn, de Linière, et les chansons à boire de Boursault. On chantait dans la société les chansons de Coulange, celles de madame et de mademoiselle Deshoulières.

naire des rues fut hideuse et sanglante, grossière dans l'expression comme elle était cruelle dans la pensée. Tandis que le peuple la hurlait dans les rues, quelques poètes, ainsi que de nobles météores, s'élevaient au-dessus de cette tourbe impure, et des chansons admirables guiderent aux armées une jeunesse bouillante. La Marseillaise et le Chant du Départ furent des hymnes de guerre. On doit remarquer aussi l'hymne religieux des théophilantropes: Père de l'univers, supréme intelligence, qui retentit dans les temples veufs pour un temps du culte catholique.

L'empire reconstitua la France sur une base solide, et la chanson refleurit. Jamais on n'avait peut-être fait plus de A la même époque la chanson popu- chansons qu'on en fit alors. La raison en laire apparaissait sur le Pont-Neuf (voy. est simple: gloire au dehors, richesse au ce mot), où le Savoyard attirait la foule dedans, point d'autre préoccupation poliautour de ses tréteaux. Le cocher de M. de tique que celle des bulletins de victoire. Verthamont exerçait sa verve sur des su-Il fallait une issue à cette inquiétude de

l'esprit français qui demande sans cesse un nouvel aliment. La littérature était encouragée, les poèmes, les tragédies, les comédies, les vaudevilles abondaient; mais il n'y avait pas place pour tout le monde, et tout le monde n'atteint pas les hauteurs du Parnasse. On chanta, on fit des chansons, on organisa des académies chantantes. Vers 1800 s'établit la société des Diners du Vaudeville, réunion à laquelle apportèrent une fois par mois le tribut d'une chanson les auteurs les plus connus de ce théâtre: c'étaient Piis, Barré, Radet, Desfontaines, Bourgueil, Léger, Ségur, Deschamps, Desprez, Dupaty, Cadet-Gassicourt, Dumersan, Dieulafoi, Chazet, Pain, Ourry, Gersin et quelques

autres.

A cette société succéda celle du Caveau moderne, où brillèrent surtout Armand Gouffé, Desaugiers, Francis, Brazier, Béranger, et, au milieu d'eux, le vieux Laujon, seul reste de l'ancien Caveau; c'était, parmi les chansonniers, le dernier des Romains (voy. CAVEAU).

On vit bientôt, à l'imitation du Caveau, s'élever des sociétés chantantes dans la plupart des villes de France. Des sociétés rivales ou émules surgirent aussi dans la capitale, et comme tout le monde ne pouvait pas être du Caveau, on fonda la Société de Momus, où l'on remarqua Etienne Jourdan, Casimir Menestrier, Hyacinthe Leclerc, Émile Debraux, etc. Les faubourgs et les banlieues eurent leurs sociétés chantantes dans la classe ou vrière. On vit naître la société des Lapins (ainsi nommée parce que la modeste table de ces épicuriens était couverte d'une gibelotte), la société des Oiseaux, celle des Bergers de Syracuse, etc., etc.

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leurs plaisirs et leurs amours; et les guer-
res civiles et les proscriptions n'ont point
été chez les anciens des sujets de vaude-
ville. Le Français, continue La Harpe, est
le peuple chansonnier par excellence. Il
n'y a dans toute son histoire qu'une seule
époque où il n'ait pas chansonné: c'est
celle de la Terreur; mais aussi ce n'est pas
une époque humaine, puisque ni les bour-
reaux ni les victimes n'étaient des hom-
mes, et, dès qu'on a cessé d'égorger, les
Français ont recommencé à chanter.» Il
est utile de relever cette erreur de La
Harpe qui pourrait faire autorité : les
Français n'ont jamais cessé de chanter.
Au milieu des saturnales révolution-
naires il y eut des hymnes, des romances
pleines de sentiment et de délicatesse, et
des chansons furibondes et grotesques.
Le Chansonnier patriotique, imprime en
1792, en fait foi; beaucoup d'autres re-
cueils parurent à cette époque; l'Alma-
nach des Muses ne fut jamais interrom-
pu, et ce qui fait un contraste bien
digne de notre légèreté, c'est que la même
année 1794 voyait paraitre en même
temps le Chansonnier de la Montagne et
le Chansonnier des Graces; que l'on con-
tinuait de publier les Etrennes d'Apol
lon, les Étrennes lyriques, et les Étren-
nes du Parnasse, pendant que la guil-
lotine était en permanence; qu'on chan-
tait dans les rues la Carmagnole et (4
ira, et dans les boudoirs la chanson
érotique de la Guillotine de Cythere,
pendant que tout le monde répétait avec
attendrissement la romance de Mont-
Jourdain sur l'air de la soirée orageuse
«L'heure avance où je vais mourir.» Enfin,
le théâtre duVaudeville, ouvert en 1792,
jouait des pièces remplies de couplets
à l'ordre du jour, sans compter les cou-
plets spirituels et gracieux des pièces qui
n'avaient point le cachet de la circons
tance (voy. ce mot).

Il existe un ouvrage fort curieux intitulé Nouveau Siècle de Louis XIV et de Louis XV, où l'on a imaginé de rappeler et de caractériser les événemens et les personnages du dernier siècle par les chansons dont ils ont été le sujet. « Cette idée, dit La Harpe, est prise dans le caractère français; on n'aurait pas imaginé chez les Romains, ni même chez les Athéniens, aussi légers que les Ro-gique.Sans compter les nouvelles editions mains étaient sérieux, de trouver leur histoire dans leurs chansons. Celles d'Horace et d'Anacréon n'ont pour objet que

Un écrivain spirituel, qui a fait dans un dictionnaire moderne l'article de la chanson, a prétendu qu'elle était récemment morte en France, et qu'il ne pouvait lui consacrer qu'un article nécrolo

de Béranger, de Désaugiers, de Debraux et de Brazier, il paraît encore tous les ans des recueils alimentés par les chanson

niers libres et par ceux qui font partie de sociétés chantantes; cette année même a vu naître la société des Enfans du Caveau, qui cherche à faire revivre l'association fondée par Piron, Gallet, Collé et autres, il y a bientôt un siècle, et qui a fait éclore plus de volumes de chansons qu'il ne s'est écoulé d'années depuis cette époque.

Souple et légère elle se plie

Au ton des sages et des fous.

Les CHANSONNETTES sont de petites chansons gaies et légères, dont les airs sont vifs et piquans; les Italiens donnent le titre de canzonnette à nos chansons, et ce qu'ils appellent canzone (voy.), sont des poèmes assez longs sur lesquels on fait de la musique à peu près du même

On a toujours chanté, on chantera tou-style que nos cantates. jours. Le peuple s'en va répétant dans les rues le refrain qui lui plaît; il le chante en chœur dans les cabarets, il le demande dans les salles de spectacle. Une chanson est le mot de ralliement d'un parti, l'expression du sentiment d'une masse populaire.

La chanson a été la plus souple des adulatrices, la plus vile des complaisantes. La facilité de la faire, de la répandre, de la retenir, l'électricité que le chant lui communique, en ont fait un moyen de propagande plus puissant que ne le

serait un discours raisonné ou un ouvrage éloquent.

La chanson n'est point un fruit de l'étude ni de la réflexion: c'est celui de l'inspiration ; et cela est suffisamment prouvé par les succès qu'ont obtenus dans ce genre des artisans qui, sans quitter leur rabot, leur forge ou leur foulerie, ont rimé de joyeux couplets: témoins Adam Billaut, menuisier de Nevers, le serrurier Dereaut, et Olivier Basselin, foulon du Val-de-Vire.

Les hommes les plus sérieux peuvent chercher à se délasser de leurs graves études et de leurs importans travaux, en fredonnant une piquante chansonnette, ou une gracieuse romance. Mais Catin, Margot, Lisette, une mansarde, une table de cabaret, sont des choses qui ne sauraient être du goût de tout le monde. Anacréon se couronnait de roses, et ses vers respirent le parfum du climat et la grace des mœurs qui les ont inspirés ses erreurs mêmes sont polies et élégantes. Les ménades et les bacchantes d'Horace dansent sur des collines verdoyantes.

Bernis a ainsi caractérisé la chanson en France :

Fille aimable de la Folie,

La Chanson naquit parmi nous,

On peut consulter sur les scolies ou chansons de table des Grecs, un ouvrage aussi curieux que plein d'érudition, de Ch. D. Ilgen, publié à Iena en 1798. M. Koster a publié à Berlin, en 1831, un petit volume intitulé De cantilenis popularibus veterum Græcorum. On doit à M. Fauriel un ouvrage sur les chants des Grecs modernes (voy. CHANTS POPULAIRES). Il y a dans le tome x111 des Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, deux excellens mémoires de De La Nauze sur les chansons de l'ancienne Grèce. On peut lire avec fruit une dissertation de l'abbé Lebeuf, sur le même sujet (Paris, 1739); un discours préliminaire de l'Anthologie française de Monnet, par Meusnier de Querlon; les lettres sur les chansons, par l'Évêque de la Ravallière, dans son ouvrage sur les poésies du roi de Navarre; enfin l'Essai sur la chanson, par M. de Roquefort, à la fin de son ouvrage sur l'état de la poésie française, dans les x11 et XIIIe siè

cles.

D. M.

CHANSON (musique), petit poème dont les paroles sont ordinairement l'expression d'un sentiment d'amour, de l'attachement qu'inspire la patrie, ou des dispositions de l'ame à la joie et au bonheur (voy. l'art. précédent). Les couplets dont il est composé se chantent tous sur le même air, et les mélodies de ce genre ne répondent pas toujours rigoureusement à la coupe des strophes. Tous les peuples ont cette espèce de chant (voy. AIR), mais sous des dénominations différentes et avec des modifications dont on doit chercher la cause, soit dans les nuances du caractère national, soit dans d'autres causes locales et accidentelles. Presque tous ont, primitivement, cultivé la musique sous la forme de la chanson; car c'est celle qui se rapproche le plus de la

sons pour la société, tandis que Panard, Collé, Gallet, faisaient des chansons pour le public. Laharpe, Imbert, Marmontel, Dorat et d'autres faisaient des chansons qu'on pourrait appeler littéraires; elles paraissaient dans des recueils poétiques; quelques-unes obtinrent une vogue populaire, il en est qui sont restées comme modèles d'esprit ou de grace.

nature. Les Grecs avaient leurs scolies | Lattaignant, Laujon, faisaient des chan(voy.) et autres chansons populaires; c'est des odes d'Horace que se composait, en partie, le répertoire des chansons des Romains: le lied et la canzone en tiennent la place en Allemagne et en Italie. Vers le vin siècle on découvre en France les premières traces de la chanson, et son époque la plus brillante dans ce pays a été le temps des troubadours. Malheureusement, cette espèce de chant a dégénéré de nos jours jusqu'à descendre, pour ainsi dire, au niveau des ponts-neufs; car ces mélodies sont, en général, dépourvues de cette fraîcheur, de cette vivacité caractéristi- | que, qui, naguère, en faisaient le mérite et l'ornement.

F. ST-L.

Il n'est pas un poète célèbre qui n'ait fait quelques chansons. Clément Marot, Scarron, Sarrazin, Voltaire, Chaulieu, Gresset, Jean-Baptiste et Jean-Jacques Rousseau, Bouflers, Delille, Parny, mille autres dont les noms feraient un dictionnaire, ont composé des chansons fort jolies. Des princes ont annobli la muse chansonnière, et on connaît les chansons du fameux Thibaut, comte de Champagne et roi de Navarre, celles de François 1, de Henri IV, de Charles IX, de Marie Stuart.

Les chansonniers d'aujourd'hui ne bornent pas leur ambition à des succes de famille ou de société : ils briguent l'honneur d'occuper le public de leurs ouvrages, ils visent à la réputation. Il est, au reste, deux moyens de lancer son nom dans la popularité: ces deux moyens sont les extrêmes. Soyez le chantre dévoue d'un parti dominant, vous serez répété par tout le monde: les uns vous chanteront par enthousiasme, les autres par peur, ceux-ci par hypocrisie, ceux-là par entrainement. C'est l'histoire de la Mar

CHANSONNIER. Le chansonnier est une spécialité littéraire; il travaille dans un genre qui ne nécessite aucune des qualités indispensables à toute autre espèce de composition, mais qui en exige de particulières. On naît chansonnier. Désaugiers et Béranger ont fait des chansons, comme La Fontaine faisait des fables. L'un, Désaugiers, a excellé dans la chanson épicurienne, anacréontique, dans le tableau vrai des mœurs populaires. Béranger plus sévère, plus satirique, a fait de l'Aristophane et du Rabelais; quelquefois chansonnier érotique, il a oublié de jeter une gaze sur ses figures. La facilité qu'il y a à faire une chanson médiocre, est cause qu'il n'y a peut-être pas un homme sachant écrire, quelquefois même ne le sachant pas, qui n'ait fait en sa vie quelques cou-seillaise et de la Parisienne. Ces chanplets; pas un artiste, un artisan, un sons ressemblent parfois au Credo chanté honnête commerçant, un légiste, qui un par des athées. beau jour ne se soit senti inspiré par la fête de sa femme, par le désir de louer un protecteur, par celui de lancer une épigramme en refrain sur une personne de sa société. Il assemble tant bien que mal des rimes au bout de 8 lignes de 8 syllabes chacune, et il obtient un grand succès dans son petit cercle. Quel jeune homme n'a pas soupiré son premier amour sur l'air de la romance à la mode? Quel écolier n'a pas chansonné son professeur, et fait des couplets de bonne année pour ses parens? Les chansonniers sont divisés en plusieurs classes. Coulange,

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Le chansonnier de l'Opposition a une autre chance de succès. Comme l'esprit humain est assez généralement contrariant, qu'il aime à rabaisser ce qu'il ne peut atteindre, à protester contre le pou voir auquel il est obligé de se soumettre, il saisit avidement l'occasion de répéter, de propager les satires contre les gouvernans et les gens en faveur. Souvent l'intention satirique remplace l'esprit aux yeux du public, et ce qui est méchant parait toujours bon. Nous avons les chansonniers dès rues, qui chantent et composent eux-mêmes leurs chansons.

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