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Madame Chaudet, née JEANNE-ELISABETH GABIOU (en 1767), s'est fait un nom parmi les femmes qui se sont adonnées à la peinture des sujets familiers. On a gardé le souvenir de cette Jeune fille montrant à lire à un chien, du salon de 1798, chef-d'œuvre de naïveté enfantine; d'une jeune fille mangeant du lait en présence d'un chien qui fait la révérence pour en obtenir, exposé en 1812, année où Mme Chaudet obtint un prix d'encouragement. Croyant corriger le défaut de son mari, qui fut son maître et dont les ouvrages étaient ternes, gris, monotones, elle affecta le clair, le brillant, le lumineux, et franchit bientôt la ligne qui sépare la fraîcheur du factice. Ses derniers tableaux sont roses et blancs, et faibles de contours. Mme Chaudet a laissé de beaux portraits, parmi lesquels il faut citer celui de Mme Gérard. L. C. S. CHAUDIÈRE. C'est un vase dont l'emploi est extrêmement fréquent dans les arts et dans l'industrie: il sert à faire bouillir des liquides; toutefois on ne donne à ce vase le nom de chaudière que lorsqu'il est fait de métal. Il faut distinguer la chaudière du chaudron et de la cuve, qui servent en apparence aux mêmes usages: le chaudron n'est, à proprement parler, qu'un ustensile de cuisine ou de pharmacie ; la cuve sert à des préparations ou à des macérations; on ne fait pas chauffer un liquide dans une cuve, on l'y verse déjà bouillant, ou bien on l'y échauffe par un jet de vapeur, comme cela se pratique aujourd'hui avec de grands avantages.

La chaudière est une partie fort importante des machines à vapeur. C'est dans son sein que se forme la vapeur dont l'élasticité met en mouvement, par différents mécanismes, la manivelle, les pistons, etc. Les principales conditions à remplir pour une bonne chaudière sont la force de résistance, la légèreté et le peu de volume. Dans les machines à haute pression, l'effort exercé par la vapeur sur les parois de la chaudière est extrêmement considérable. Il est inutile de s'appesantir sur la nécessité de la légèreté et du peu de volume de la chaudière pour les machines locomotives.

La forme des chaudières des machines à vapeur a beaucoup varié; on découvre chaque jour des perfectionnemens nouveaux : un des plus importans c'est de donner à la chaudière une forme telle que, sous un certain volume, elle présente à la flamme du foyer la plus grande surface possible. Autrefois toutes les chaudières étaient cylindriques; depuis quelque temps on a beaucoup employé la forme sphérique comme ayant la plus grande capacité pour la même superficie. On construit beaucoup de chaudières dans l'intérieur desquelles sont disposés des tuyaux conducteurs de la chaleur fournie par le foyer. Une chose fort importante pour mettre la chaudière à l'abri des explosions, c'est que ses parois soient partout également épaisses; autrement on aurait à craindre des malheurs occasionnés par des déchirures. Nous ne parlerons pas ici des différens accidens causés par les explosions des chaudières des machines à vapeur; il en sera question à l'article EXPLOSION. La chaudière doit être de temps en temps débarrassée du dépôt salin qui adhère à ses parois et qui finirait par les altérer. On conseille de placer au fond un lit de matières végétales (des pommes de terre) qui empêche les dépôts de s'attacher au métal. C-s.

CHAUDRONNIER. Ce nom est donné indistinctement à ceux qui fabriquent divers ustensiles de ménage, aux ouvriers qui planent, polissent et brunissent les planches dont les graveurs se servent, et aux fabricans d'instrumens d'acoustique et de musique.

La première classe de chaudronniers, appelés grossiers, emploie, outre le cuivre rouge, le cuivre jaune ou le laiton. Les ustensiles que ces chaudronniers fabriquent ne sont pas d'une seule pièce; un grand nombre se fait par la réunion de plusieurs planches de cuivre, clouées l'une à l'autre sur leurs bords, opération qu'on appelle river. Souvent aussi le chaudronnier est obligé de souder diverses parties d'un vase, et il y parvient en employant la soudure forte ou la soudure tendre.

La seconde classe comprend les chaudronniers planeurs, parce qu'ils rendent

planes les surfaces des planches de cuivre rouge. Pour y parvenir ils grattent le cuivre, étirent les planches, les dressent, et ensuite les planent; puis poncent le cuivre, le charbonnent pour en enlever les traits qu'a faits la pierre ponce, et enfin polissent ou brunissent les planches. C'est seulement alors que les graveurs peuvent les employer.

La troisième classe n'emploie guère que le cuivre rouge pour la confection des instrumens; mais il faut qu'il soit rendu très mince au moyen du marteau. C'est avec cette matière ainsi préparée qu'on confectionne les cors de chasse, les trompettes, etc.

L'art du chaudronnier est resté presque stationnaire. Il est vrai que ses procédés sont assez bornés et que ceux qui l'exercent n'ont besoin que de pratique et d'adresse pour réussir; cependant quelques opérations demandent une grande dextérité, telle que celle du retreint, qui signifie resserrer, et au moyen de laquelle on parvient à faire les chaudrons, les marmites, les caisses de tambour et autres objets qui affectent la forme cylindrique. La confection des tubes contournés servant aux cors de chasse, trompettes, etc., présente aussi de grandes difficultés. Autrefois les parties creuses de plusieurs pièces, telles que les anses des arrosoirs, se remplissaient avec du plomb pour empêcher que les chocs les déformassent on y substitue aujourd'hui le plâtre, plus léger, et qui atteint le même but.

V. DE M-N.

CHAUFFAGE. Ce mot indique la manière et l'action de se chauffer. En le considérant dans tous ses détails, c'est vraiment un art dont les applications sont fort étendues et souvent très difficiles. Nul doute que depuis quelques années, grace à l'emploi de la vapeur et de l'air chaud, il n'ait fait d'immenses progrès, surtout en ce qui concerne les appareils; mais il n'en est pas moins vrai qu'en France on ne sait pas encore se chauffer, surtout dans nos maisons, dans un grand nombre d'édifices, tels que les églises, les bibliothèques, etc. C'est par exception que nous pourrions citer tel établissement, tel auditoire nouveau, où la chaleur est conservée,

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distribuée également et économiqueme Un des moyens les plus simples de chauffer est l'emploi des cheminées; m cet appareil sera décrit plus bas. Vi nent ensuite les calorifères, nom qu donne aux poêles de diverses formes, a fourneaux et autres appareils, qui pour objet de distribuer la chaleur da les ateliers, les manufactures, les app temens, etc. Dans cette classe il faut p cer les poêles de Curaudeau, semblab aux cheminées du même auteur. Les produits par la combustion circul autour de l'appareil et se rendent da un tuyau commun, d'où partent < bouches qui projettent la chaleur da l'appartement; 2° les poéles calorife de Désarnod dont la construction est d férente de ceux de Curaudeau, mais q ont le même but. L'expérience pro qu'avec la même quantité de bois, élèverait une fois plus la température a ceux-ci qu'avec ceux-là ; 3° les calorife à air qu'on emploie plus particulier ment à chauffer les étuves, les sechoir les ateliers, etc., et dans le cas où i veut obtenir une température au-dess de 20 degrés. Dans le nord, on s'en se pour entretenir, avec un seul foyer, u température uniforme dans les divers pièces d'une maison; 4° les calorifer d'eau, analogues aux précédens et l'eau chaude circule au lieu de l'air, 1 sont pas moins utiles lorsqu'il s'agit d'e lever la température d'un petit nomb de degrés et d'une manière constan ment uniforme. Il faut ajouter que dar les grands établissemens où les calor fères sont garnis d'un plus ou moin grand nombre de tuyaux cylindriques on les place dans des caves construite sous le bâtiment. Mais il serait prefera ble de les poser dans une pièce basse e de mettre seulement la bouche du foye au dehors pour la commodité du service On conçoit que lorsqu'on applique la cha leur à l'eau renfermée dans un tube, le molécules les premières échauffées se dilatent et, devenant plus légères, s'élèven et viennent occuper la partie supérieure du tube jusqu'à ce que le refroidissement les fasse retomber. Elles font alors place à d'autres qui arrivent échauffées à leur tour par le foyer commun. C'est celle

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ment chauffe-pieds, petit appareil destiné à chauffer ou à maintenir chauds les pieds. Un petit vase de terre ou de tôle rempli de cendres chaudes ou de poussier de charbon allumé, et quelquefois renfermé dans un coffret de bois percé de trous, telle était la chaufferette vulgaire dont se servaient jadis les gens qui n'avaient pas le moyen de se chauffer mieux. Mais on leur reprochait plusieurs inconvéniens dont le plus réel et le plus grand était le dégagement d'acide carbonique, qui pou

accidens sérieux ou tout au moins de grandes incommodités. Alors on imagina de substituer au réchaud allumé une plaque de fonte chauffée enfermée dans un appareil approprié, ou de l'eau bouillante contenue dans un vase d'étain, qu'on pouvait au besoin mettre dans le lit. Enfin, l'invention la plus commode et la plus moderne est celle des Augustines. Qu'on se figure une petite boîte plate de la hauteur d'un tabouret, et recouverte d'un tapis; au fond est une petite lampe à l'huile au-dessus de laquelle se met un coffre plat, rempli de sable fin, qui, échauffé par la flamme de la lampe, maintient une douce et constante chaleur. Ces chaufferettes simples et sans mauvaises qualités sont généralement en usage à présent, et out même été adaptées aux voitures particulières et publiques. Dans plusieurs diligences, et à Paris dans les voitures de place appelées berlines du Delta, on a les pieds chauffés de cette manière.

Il faut mettre hors ligne les calorifères à la vapeur ou, pour mieux dire, le chauffage à la vapeur dont la découverte est attribuée à Rumfort. Leurs avantages sont incontestables; car ils ne présentent aucun danger pour le feu, ils peuvent transmettre très loin la chaleur, n'exigent qu'un seul foyer, donnent une grande ré-vait, dans les endroits fermés, produire des gularité de température, n'ont besoin que d'un seul surveillant et permettent enfin à ceux qui en font usage, de calculer d'avance les dimensions des appareils; la quantité de combustible, la dépense d'établissement, etc. Les formes des appareils varient à l'infini; quant à la matière à employer c'est le cuivre qui mérite la préférence. Les tuyaux dans les quels la vapeur doit passer pour aller plus loin échauffer un local désigné, sont en général d'un petit diamètre, tandis que ceux qui sont placés dans les endroits même où la chaleur doit se faire sentir, doivent avoir des surfaces étendues et permettre au calorique de rayonner, ce qu'on facilite en enduisant ces surfaces d'une couche de peinture. Un bon modèle de chauffage à citer est celui de la bourse de Paris. Les appareils ont été construits dans les ateliers de Charenton, dirigés alors par MM. Manby et Wilson. La vapeur sert aussi à chauffer les liquides avec une grande économie. Il suffit de faire plonger dans les réservoirs les tubes qui conduisent la vapeur. Il y a beaucoup d'arts auxquels s'appliquent ces procédés. On sèche également les toiles par la vapeur, et il suffit pour cela de les enrouler sur des cylindres creux qu'elle traverse. On voit par cette analyse que le chauffage est applicable à presque tous les arts, et que son mode varie selon les lieux, l'objet qu'on veut chauffer, la température qu'on veut obtenir, la durée de cette température, etc.

Un des élémens du chauffage, c'est le combustible. Nous renvoyons à ce mot pour compléter ce qui nous reste à dire aur le chauffage. V. DE M-N.

CHAUFFERETTE, ou plus exacte

On a reproché aux chaufferettes en général d'être une cause du catarrhe utérin chez les femmes (utéro-vaginite): cette assertion est mal fondée, et tout au plus s'appliquerait-elle à l'usage de chaufferettes trop ardentes, comme les emploient quelquefois, faute de mieux, les pauvres gens. En tout cas, elle ne devrait pas faire proscrire un usage utile et innocent en lui-même. F. R.

CHAUFFEURS. Ce nom désigne une espèce particulière de brigands, qui, à la faveur des troubles qui agitèrent la France à la fin du XVIIIe siècle et même encore au commencement du xix (de 1795 à 1803), désolèrent de la manière la plus affreuse les départemens de l'est et du midi. Ces brigands se faisaient un jeu de tous les

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crimes: le vol, le pillage, le meurtre, viol, l'incendie n'étaient rien pour eux. On les appelait chauffeurs parce qu'ils chauffaient graduellement la plante des pieds de leurs victimes, jusqu'à ce que celles-ci eussent révélé le lieu où elles cachaient leur argent et leurs objets précieux. Ces bandes, réellement formidables, se composaient de vagabonds de toute espèce, de malfaiteurs expérimentés et hardis, de déserteurs et de soldats licenciés. Le Directoire ne prit contre eux que des mesures insuffisantes: lorsqu'on saisissait quelques chauffeurs, les juges devant lesquels on les traînait étaient tellement dominés par la crainte qu'ils n'osaient les condamner. Pourtant on était parvenu à les faire disparaître sur quelques points. Bonaparte, devenu premier consul, fit agir la force publique avec énergie. Peu à peu ces brigands, que les uns prétendaient excités par les royalistes et les autres soudoyés par l'Angleterre, furent anéantis. Schinderhannes (voy. ce nom), le plus redoutable d'entre eux, se défendit jusqu'en 1803 dans les nouveaux départemens du Rhin. Les chauffeurs sont aussi connus sous le nom de garrotA. S-R.

teurs.

CHAUFFOIRS. Dans les contrées où règnent des froids rigoureux et prolongés la bienfaisance publique ou privée ouvre, pendant la mauvaise saison, de vastes salles chauffées, où les malheureux des deux sexes, mais plus particulièrement les femmes et les vieillards, peuvent se réunir et se livrer à tous les travaux qui n'exigent point un atelier spécial. Quelquefois les chauffoirs servent de re fuge aux pauvres, non-seulement pendant le jour, mais encore pendant la nuit. On emploie alors pour le coucher des lits suspendus qu'on retire chaque matin. Dans la belle saison les chauffoirs peuvent recevoir une autre destination: ils peuvent servir de magasins ou d'ateliers de travail. Récemment on a essayé, mais sins succès, d'introduire les chauffoirs publics à Paris (10 arrond.). J. B-R.

On peut aussi appeler chauffoirs, les foyers couverts et entourés de siéges qu'on voit dans quelques grandes villes des pays froids, autour des théâtres et en d'autres lieux où stationnent les voitures. S.

CHAULAGE. On désigne sous ce l'emploi qu'on fait de la chaux pour truire dans les blés destinés à l'en mencement les principes de la carie ( La chaux dont on fait usage est ta caustique, tantôt hydratée; quelquesl'emploient seule, d'autres la mélang aux différentes substances caustique corrosives; ici l'opération se fait par mersion, là par simple aspersion. To la différence qui existe entre l'emploi la chaux vive et celui de la chaux étei gît dans l'époque de l'hydratation, qu lieu avant ou immédiatement après mélange du grain et de la chaux. substances qu'on ajoute le plus souv à celle-ci sont le sel, les cendres, la su le salpêtre, le liquide qui s'écoule fumier d'écurie. Toutes ces matières c courent à l'effet désiré, soit en stimul la force germinatoire des graines et la faisant triompher des influences m bifiques, soit en ajoutant à l'action létère qu'exerce la chaux sur les gern de la carie, celles d'une autre base a caline, savoir la potasse, la soude l'ammoniaque. A l'appui de cette secon manière de voir on peut citer les exp riences récentes de M. Mathieu de Do basle qui, pendant 2 années de suite, remarqué que l'addition d'un dixièr d'hydrochlorate de soude (sel commu à la chaux en augmente sensibleme l'action préservatrice, et que le carbona de soude employé au lieu de l'hydrochi rate est encore plus énergique, mais nu à la faculté germinatrice des graines.

Des deux manières de chauler, p immersion ou par aspersion, la pre mière est la plus embarrassante et la plu longue; mais en revanche elle est la plu efficace et elle exige le moins de chaus On met la semence dans un cuvier e l'on verse par-dessus de l'eau froide c chaude dans laquelle on a délayé soit de l'hydrate de chaux, soit de la chaux vive On emploie pour un hectolitre de grait environ un kilogramme de chaux. L'eau doit être en quantité suffisante pour recouvrir le grain de quelques pouces, e on y laisse séjourner celui-ci pendant 1: à 24 heures, suivant le degré de concentration du lait de chaux et la température de l'eau employée. Deux ou trois

fois pendant la durée du bain on remue la masse, ou même, suivant le procédé de Cadet de Vaux, on soutire et remet à chaque fois dans la cuve l'eau soutirée. Les grains cariés viennent en partie nager à la surface du liquide d'où on les enlève; de plus, la chaux détruit les germes de carie qui peuvent adhérer à la surface des grains sains. Au bout du temps indiqué on décante le liquide, on retire le grain, on le met en tas pour qu'il s'égoutte, et on le remue fréquemment de peur qu'il ne s'échauffe; on fera bien, au reste, de le semer le jour même du chaulage ou peu de jours après. Quand on procède par aspersion on se contente d'arroser le blé avec le lait de chaux, de le remuer avec la pelle de manière qu'il n'y ait pas un seul grain qui n'en soit couvert, et de le laisser en tas pendant 24 heures au moins. En suivant cette seconde méthode on doit employer 4 kilogr. de chaux par hectolitre de grains. L'inconvénient qu'elle présente, c'est qu'elle ne permet pas de séparer les grains complètement infectés de ceux qui sont seulement recouverts des germes d'infection.

Non-seulement le chaulage détruit le principe de la carie, mais encore il active la germination et rend les grains moins susceptibles d'être dévorés par les insectes, les oiseaux ou autres animaux nuisibles. On a recommandé à diverses époques quelques substances qui produisent autant ou même plus d'effet que la chaux, sans être employées en aussi grande quantité: tels sont entre autres le sulfate de cuivre ou vitriol bleu, essayé d'abord par Bénédict Prévost, l'arsenic, l'acide sulfurique, etc.; mais ces substances étant des poisons ou pouvant donner lieu à de graves accidens entre des mains inhabiles, il serait imprudent de chercher à en généraliser l'emploi ou de recommander aux cultivateurs les différentes poudres dont elles sont la base.

J. Y. CHAULIEU (GUILLAUME - AMFRYE DE), né en 1639 à Fontenai, dans le Vexin normand, vint de bonne heure habiter la capitale. Ses parens en avaient fait un ecclésiastique: le grand-prieur de Vendôme, trouvant chez lui des goûts

analogues aux siens pour le plaisir, la
bonne chère et la poésie, en fit un opu
lent abbé. Il eut pour plus de 30,000 li-
vres de rente en bénéfices, et jamais bé-
néficiaire ne satisfit moins à la loi ca-
nonique de la résidence. Il fixa la sienne
à Paris: là, dans une jolie maison qui
faisait partie de l'enclos du Temple, il
mangeait gaiment le bien de l'Église,
avec une société choisie de gens de lettres
et d'aimables épicuriens. On y voyait
réunis les deux princes de Vendôme, ses
bienfaiteurs; le marquis de La Fare, son
ami et son émule dans la poésie légère; le
jeune Voltaire, qui rêvait la gloire en don-
nant quelques-uns de ses instans à la vo-
lupté. La gaité insouciante, la philoso-
phie horatienne de l'abbé de Chaulieu
ajoutaient au charme de ces réunions. Pa-
resseux avec délice, suivant l'expression
d'un homme d'esprit des plus actifs, il
trouva néanmoins le temps de composer
un assez grand nombre de petites pièces
de vers, souvent remplies de négligences,
mais dont plusieurs ont aussi de la grace
et de la facilité. Ces bagatelles lui firent
alors une grande réputation parmi des
lecteurs qui n'étaient point encore bla-
sés sur la poésie fugitive, et auxquels les
chefs-d'œuvre de Voltaire dans ce genre
n'en avaient point jusqu'alors fait con-
naître la perfection. Toutefois ces suc-
cès poétique ne lui valurent point les
honneurs du fauteuil académique qu'il
avait brigués: Chaulieu s'en consola avec
une gaîté plus franche que celle de Pi-
ron. Il ne fit point d'épigrammes contre
l'Académie, mais il continua à compo-
ser, entre deux plaisirs, parfois entre
deux accès de goutte, quelques-unes de
ces bluettes qui l'avaient fait surnommer
l'Anacreon du Temple.

Parvenu à un âge avancé, l'abbé de Chaulieu conservait encore les goûts et la vivacité de la jeunesse, et à 80 ans il eut une véritable passion pour la femme spirituelle connue tour à tour sous les noms de Mlle de Launoi et de Mme de Staal. Quelquefois cependant des idées mélancoliques venaient l'assaillir, surtout quand à ses infirmités habituelles se joignit la cécité. Mais, modifiées par son épicuréisme, elles semblèrent prêter plus de charme à ses derniers vers. C'était

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