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Il est autorisé.

L'existence du con

seil supérieur est

trouve fondé .. il reste à organiser sur les bords du Congo LE GOUVERNEMENT ET L'ADMINISTRATION. >>

Ces raisons ne sont pas décisives. Un fait domine toute cette matière Les Chambres connaissaient, quand elles ont accordé au Roi l'autorisation de devenir souverain du nouvel Etat, les conditions dans lesquelles cet Etat allait exister. Elles savaient que, forcément, c'est à Bruxelles que le Roi établirait le siège du gouvernement Il n était pas possible de supposer, à raison de l'éloignement du Congo et du manque de communications rapides, que la haute administration ne demeurerait pas à Bruxelles. Car il faut se rappeler que, déjà à ce moment, les territoires étaient administrés de cette ville, siège de l'Association internationale Il résulte de ces considérations que, à raison des circonstances, l'autorisation donnée au Roi emportait celle d'établir en Belgique le gouvernement de 1 Etat Indépendant.

Le passage de la lettre de Léopold II, qui est reproduit plus haut, vise simplement la nécessité d'organiser l'administration locale.

Le gouvernement central peut prendre en Belgique toutes les décisions qui lui paraissent bonnes, à condition qu'elles ne doivent pas recevoir exécution sur le territoire belge Cette règle ne vise, bien entendu, que les actes gouvernementaux proprement dits. L'Etat du Congo, ayant la personnalité civile, peut faire en Belgique tous les actes ordinaires de la vie civile. permis aux étrangers. Mais la souveraineté belge serait lésée si des mesures politiques étaient réalisées sur le territoire.

§ 4. De l'établissement et du fonctionnement en Belgique du conseil supérieur du Congo.

L'établissement et le fonctionnement à Bruxelles d'une

un empietement Cour de justice congolaise constituent un empiètement indis

sur la sou verai

neté belge. cutable sur la souveraineté territoriale de la Belgique.

D'après l'article 34 du décret du 28 avril 1891, la Cour peut ordonner, même d'office, la comparution personnelle des parties.

D'après l'article 49, les témoins défaillants sont condamnés à une amende qui ne peut excéder 500 francs. Les témoins qui refusent de répondre sans pouvoir exciper du secret professionnel peuvent être condamnés à la même peine.

D'après l'article 76, tous magistrats congolais peuvent être pris à partie devant le conseil supérieur, s'il y a dol ou concussion commis, soit dans le cours de l'instruction, soit lors des sentences rendues ou s'il y a déni de justice.

D'après l'article 86, tous exploits sont faits, soit par les huissiers constitués au Congo, soit par un huissier assermenté près le conseil supérieur.

Le décret du 14 juillet 1896 règle la procédure pénale. Le conseil supérieur, en vertu du décret du 28 octobre 1890 (1), est compétent pour connaître en matière pénale de l'appel intenté par des juges et officiers du ministère public condamnés par le tribunal d'appel.

De même le conseil supérieur connaît en premier ressort des infractions commises par les juges du tribunal d'appel ou par les officiers du ministère public près ce tribunal.

En matière pénale, le conseil supérieur peut donc avoir à prononcer des peines prévues par les lois pénales congolaises.

En réalité, et rien ne montre plus clairement l'irrégularité de la situation créée par le tribunal d'appel, la plupart de ces dispositions ne peuvent recevoir aucune exécution en Belgique.

Si une personne était assignée en qualité de témoin pour comparaître devant le conseil supérieur, elle ne serait ni tenue de comparaître, ni d'exécuter la sentence qui pourrait

(4) Bull. off., p. 154.

Au regard de la loi belge il est inexistant.

être prononcée contre elle en vertu de l'article 49 du décret du 28 avril 1891. La loi congolaise n'a aucune force obligatoire en Belgique. L'article 9 porte que nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans les formes qu'il prescrit, et l'article 9 de la Constitution stipule que « nulle peine ne peut être établie, ni appliquée qu'en vertu d'une loi ». Ces articles protègent toute personne se trouvant en Belgique contre l'application des lois congolaises, qu'on ne pourrait pas plus appliquer en Belgique que la loi chinoise ou la loi siamoise.

Il y a mieux encore.

Le conseil supérieur est dans l'impossibilité d'exercer aucune juridiction sérieuse en matière pénale.

Il n'a naturellement compétence, en dehors des règles sur les témoins défaillants et la police de l'audience, que pour des faits qui se sont passés au Congo.

Or, à moins que l'inculpé ne comparaisse volontairement et ne retourne volontairement au Congo après avoir été condamné, il est impossible de prononcer aucune condamnation contradictoire ou d'exécuter aucune condamnation prononcée par le conseil supérieur.

L'inculpé, en effet, ne pourrait être amené en Belgique comme prisonnier, car sa détention sur le sol belge par des officiers congolais constituerait un cas de séquestration qui serait passible des articles 434 et suivants du Code pénal.

Si l'inculpé se trouve en Belgique, il n'y a aucun moyen de le faire comparaître devant le conseil supérieur.

De même, l'exécution de toute condamnation prononcée est impossible en Belgique..

L'exercice de la juridiction civile ou commerciale par le conseil supérieur est tout aussi impossible. Un Belge qui serait assigné en Belgique pour comparaître comme partie ou comme témoin devant le conseil aurait le droit de ne pas

tenir compte de l'assignation qui lui serait donnée et si, malgré cela, il était passé outre aux débats et qu'un jugement intervînt, aucun tribunal belge ne pourrait accorder à la décision rendue plus d'importance qu'aux actes de simples particuliers qui se constitueraient en tribunal.

En un mot, à l'égard de la loi belge, le conseil supérieur, en tant qu'exerçant une juridiction, doit être considéré comme inexistant et ses décisions comme non avenues.

Il est difficile de concevoir que la législature belge puisse jamais régulariser la situation du conseil supérieur. On ne voit pas comment une loi belge pourrait rendre obligatoire en Belgique les lois d'un autre Etat.

La régularisation de la situation devrait donc être cherchée dans d'autres voies.

CHAPITRE III

COMPÉTENCE DES TRIBUNAUX BELGES

BIBLIOGRAPHIE

-

DE CUVELIER, De l'incompétence des tribunaux nationaux à l'égard des gouvernements étrangers et de la situation spéciale de l'État du Congo en Belgique. Revue de Droit intern., t. XX, p. 109 et s. DE PAEPE, Études sur la compétence civile à l'égard des États étrangers et de leurs agents politiques, diplomatiques et consulaires. Bruxelles, 1894.

PANDECTES BELGES, vis Exterritorialité, nos 43 et s.;

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Congo, nos 165

SPÉE, De la compétence des tribunaux belges à l'égard des gouvernements et des souverains étrangers. B. J., 1876, p. 1441 et s.; — Journ.

de Droit intern. privé (Clunet), 1876, p. 328-340 et 435-447.

BORMANS, t. II, nos 976 et s.

BONTEMPS, t. III, art. 52, nos 2 et s.

Les tribunaux belges

sont-ils compétents

étrangers?

Bien que les questions que soulève la compétence des tribunaux belges à l'égard de l'Etat du Congo rentrent dans le cadre. du droit belge et du droit international, leur examen a sa place marquée dans ce traité à raison de leur grande importance pratique.

Il y a lieu de rechercher d'abord, d'une façon générale, si les tribunaux belges sont compétents pour connaitre des contestations où des Etats étrangers sont parties. Puis, se posera la question de savoir si les principes ordinaires sont applicables à l'Etat du Congo.

La question de la compétence des tribunaux belges vis-àpour juger les Etats vis des Etats étrangers est très controversée. Plusieurs systèmes ont été développés par la doctrine. La jurisprudence elle-même est très divisée depuis quelque temps. Toutefois, dans l'ensemble, on peut dire que, pendant longtemps, la majorité des auteurs et des tribunaux a proclamé l'incompétence des tribunaux nationaux pour juger les Etats étrangers. Cette théorie est encore assez généralement adoptée aujourd'hui. Toutefois, il est une série de points sur lesquels les auteurs sont d'accord et qui doivent être éliminés afin de mieux préciser le fond du débat.

Points non controversés.

Il est certain que les tribunaux belges, qui sont incompétents pour connaître de tout acte gouvernemental accompli par l'Etat belge agissant comme personne publique, sont, a fortiori, incompétents pour décider de la légalité d'un acte accompli par un Etat étranger dans la sphère de sa mission politique. Il y a donc toujours lieu de rechercher si l'acte à raison duquel on veut déférer cet Etat aux tribunaux belges n'a pas été fait en vertu de sa puissance publique. Chaque fois qu'il faudra répondre affirmativement à cette question, il y aura lieu de se prononcer pour l'incompétence des tribunaux nationaux ratione materiæ. Cette exception d'incompétence ratione materia peut être opposée à tout moment de la procédure.

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