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Nature des limitations de souverai

lui

qu'un tout. Il y aura lieu seulement de signaler, le cas échéant, celles qui ne datent que de 1890.

Les règles adoptées par les deux conférences ont été groupées dans un ordre méthodique qui en met plus nettement l'esprit en relief.

Elles sont de deux natures bien distinctes. Les unes neté établies par imposent à l'État du Congo des obligations positives; les autres, au contraire, lui imposent simplement l'obligation passive de ne pas faire certains actes que sa souveraineté territoriale lui donnerait le droit de faire, n'étaient les traités.

Conservation des populations indigènes.

CHAPITRE PREMIER

RESTRICTIONS INTRODUITES DANS L'INTÉRÊT DIRECT DES POPULATIONS

INDIGÈNES

La conférence a assumé vis-à-vis des indigènes le rôle d'un tuteur officieux. Elle les a considérés comme des mineurs incapables de se protéger et elle a adopté des règles de nature à les défendre contre l'oppression. La plupart des dispositions prises dans ce but sont inscrites à l'article 6 de l'acte général. Elles seront exposées séparément.

§ 1er.

Obligation de veiller à la conservation des indigènes.

L'Etat est tenu, avant tout, de veiller à la conservation des populations indigènes. Cette disposition a été provoquée par le souvenir des atrocités des premières colonisations où, trop souvent, la disparition des populations apparut comme un but systématique ou tout au moins comme un mal inévitable.

Certes, ces actes de férocité ne pourraient plus guère se reproduire aujourd'hui dans leurs formes anciennes. Aucun Etat civilisé n'oserait s'exposer à l'indignation qu'ils soulève

raient dans le monde entier. Il n'était toutefois pas sans intérêt de proclamer, dans un acte solennel, que la morale contemporaine considère la conservation des indigènes comme la première obligation des Etats colonisateurs.

L'engagement de veiller à la conservation des indigènes. impose non seulement l'obligation passive de s'abstenir de tout acte gouvernemental qui entraînerait directement ou indirectement la disparition des tribus, elle impose aussi l'obligation positive de prendre les mesures qui seraient nécessaires pour entraver l'extinction des aborigènes par suite de circonstances naturelles ou par suite de leur entrée en contact avec la civilisation européenne.

Dans sa généralité vague, cette première disposition apparaît plutôt comme une règle de morale internationale que comme un principe juridique.

§ 2.

Obligation de concourir à la suppression de la traite
et de l'esclavage.

Une des mesures les plus efficaces que l'on pùt prendre pour conserver les populations congolaises était de supprimer la traite La conférence de Berlin (art. 6 et 9) a établi à ce sujet un principe que celle de Bruxelles a largement développé.

La conférence de Berlin a distingué nettement l'esclavage de la traite, c'est-à-dire du commerce d'esclaves, de la chasse à l'homme.

La traite c'est: « la négation de toute loi, de tout ordre social c'est un crime de lèse-humanité. » Vis-à-vis de la traite, aucune tolérance n'est possible. L'acte général impose donc l'obligation de prendre des mesures en vue d'arriver à la suppression de ces abominables pratiques.

Il est beaucoup moins impératif en ce qui concerne

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Mesures adoptées à
Bruxelles.

T'esclavage. Celui-ci, en effet, si malfaisant qu'il soit, a de profondes racines dans la constitution des sociétés africaines. Il ne se recrute pas seulement par les razzias. On nait esclave, on le devient par l'effet d'un contrat civil ou d'un acte de simple. volonté. Non seulement il est moins dur que la traite, mais il y aurait danger à vouloir faire disparaître, par des mesures énergiques et rapides, un état de choses aussi ancien et aussi intimement lié aux conditions d'existence des populations indigènes. La conférence de Berlin indique donc la suppression de l'esclavage comme un but, mais comme un but que chaque gouvernement essayera de réaliser à sa façon, en adaptant les moyens aux circonstances de temps et de milieux.

La conférence de Bruxelles a adopté les règles précises nécessaires pour obtenir la réalisation, dans le plus bref délai possible, du principe posé à Berlin.

Les articles I et II indiquent les moyens que les puissances déclarent les plus efficaces pour combattre la traite dans l'intérieur de l'Afrique, L'article III répète l'engagement pris à Berlin de poursuivre graduellement, suivant que les circonstances le permettront, soit par les moyens indiqués aux articles I et II, soit par tous autres qui paraitront convenables, la répression de la traite

Les articles V et suivants sont plus formels encore.

Les puissances s'obligent à l'article V, à moins qu'il n'y soit déjà pourvu, à édicter ou à proposer à leurs législatures respectives une loi rendant applicables les dispositions de leur droit pénal qui concernent les attentats graves contre les personnes, aux organisateurs et coopérateurs des chasses à l'homme, aux auteurs de la mutilation des adultes et enfants mâles et à tous individus participant à la capture des esclaves par la violence. D'autre part, les puissances s'engagent aussi à rendre applicables aux convoyeurs, transporteurs et mar

chands d'esclaves, celles des règles de leur droit pénal qui concernent les attentats à la liberté individuelle.

Les coauteurs et les complices des mêmes délits doivent être poursuivis et punis. Les délinquants qui se seront refugiés sur le territoire soumis à la souveraineté d'un autre Etat, seront arrêtés et mis à la disposition des tribunaux compétents pour être jugés.

Les puissances se communiqueront, dans le plus bref délai, les lois ou décrets existants ou promulgués, en exécution des obligations qu'ils assument à l'art. V.

L'art. VI porte que les esclaves libérés à la suite de l'arrestation ou la dispersion d'une caravane à l'intérieur du continent, seront renvoyés, si les circonstances le permettent, dans leur pays d'origine. Si ce n'est point possible, les autorités locales leur faciliteront les moyens de vivre et de se fixer dans la contrée.

Les puissances sont tenues, en vertu de l'art VII, d'accorder leur protection aux esclaves fugitifs qui la viennent réclamer.

L'art. XV impose aux gouvernements signataires la surveillance des routes suivies sur leur territoire par les marchands d'esclaves, l'arrestation et la poursuite des convois. Ils doivent aussi XVI) établir des postes sur les points d'arrivée habituelle ou de croisement des caravanes de captifs. Une surveillance rigoureuse doit être organisée par les autorités locales (art. XVII) pour empêcher la mise en vente et l'embarquement des esclaves ainsi que la formation des caravanes des chasseurs d hommes.

Telles sont les principales obligations que l'acte général de la conférence de Bruxelles impose à l'Etat du Congo, relativement à la traite sur terre. Les dispositions destinées à réprimer la traite maritime (art. XX à LXXIII) le concernent moins directement.

Bureau internatio nal de Zanzibar.

L'acte général prévoit aussi (art LXXIV et s.) la création. à Zanzibar d'un bureau international ayant pour mission de centraliser tous les documents et renseignements de nature à faciliter la répression de la traite dans la zone maritime. Ce bureau a été créé et fonctionne à l'heure actuelle.

La Conférence de
Berlin n'avait pas

contre l'alcool.

§ 3. Obligation de restreindre le trafic des spiritueux.

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Bien que des esprits généreux et clairvoyants eussent attiré pris de mesures l'attention de la conférence de Berlin sur la nécessité de prendre des mesures contre l'introduction de l'alcool en Afrique, bien qu'un délégué anglais fût allé jusqu'à dire que les communautés indigènes étaient condamnées à la disparition si elles venaient à consommer l'alcool, la conférence, pour des raisons qu'il vaut mieux ne pas sonder, n'introduisit dans l'acte général aucune disposition relative au commerce des spiritueux !

Vives critiques.

Mesures adoptées à
Bruxelles.

Droits de douane.

Cette omission fut vivement et justement critiquée (1).

On ne peut s'expliquer comment les diplomates réunis à Berlin ne se sont pas aperçus qu'ils stérilisaient la portée de l'engagement de veiller à la conservation des populations. africaines, en s'abstenant de les protéger contre le fléau de l'alcool.

Cette attitude souleva de si vigoureuses récriminations que l'on sentit la nécessité de réparer à Bruxelles l'omission faite. à Berlin. Les art. XC à XCV de l'acte général ont imposé aux puissances signataires et, par conséquent, à l'Etat du Congo, une série de mesures qui, si elles sont sérieusement exécutées, doivent produire d'heureux résultats.

Dans toutes les régions où il est constaté que, soit à raison

(1) PATZIG, Die Afrikanische Conferenz, p. 65.

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