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Quels sont les droits que cette convention confère à l'Etat Indépendant?

Il est locataire des droits souverains appartenant à l'Angleterre sur cette région et il s'est engagé expressément à ne pas chercher à y acquérir des droits politiques à un autre titre qu'en vertu de la convention de bail.

Cet arrangement franco-congolais a introduit pour la première fois, au moins à l'époque contemporaine, dans le langage du droit international, l'expression: Bail de territoires. Cette expression comportait une idée hardie et neuve qui fut vivement combattue d'abord et qui a été adoptée depuis par les grandes puissances dans certaines de leurs relations avec la Chine.

Le bail confère au locataire l'exercice des droits de souveraineté. Il peut les exercer librement comme le ferait le titulaire direct de ces droits. Il n'y a qu'une exception à admettre. Il ne peut rien faire qui soit destructif des droits du propriétaire. Il doit agir de façon à pouvoir, à la fin du bail, restituer au titulaire les droits souverains dans l'état où il les a reçus. Il ne pourrait donc consentir, envers un Etat tiers, à aucune limitation définitive des droits de souveraineté.

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Le 1er août 1885, S. M. Léopold II, Roi des Belges, notifiait aux puissances que, d'accord avec l'Association Internationale du Congo, il avait pris le titre de Souverain de l'Etat. Indépendant du Congo.

On a, le plus souvent, interprété l'extrait qui précède, et qui fut inséré au Bulletin officiel de 1885 (1), dans ce sens que l'Etat étant désormais constitué et ayant besoin d'un monarque, Léopold II devint Souverain de l'Etat Indépendant. En réalité, la portée de la notification, qui a été très mûrement rédigée et dont presque chaque mot a son importance, est toute différente.

D'abord, c'est le roi Léopold II lui-même qui prend son titre, d'accord avec l'Association. Ce n'est pas l'Association qui a conféré son titre au Roi; elle a simplement donné son assentiment à un acte accompli par le Roi. Cet assentiment, sans doute, ne dut même pas être donné, parce que Léopold II résumait en sa personne, dans les derniers temps, toute l'Association Internationale du Congo. Un document récent

(1) Bull. off., 1885, p. 22.

Notification du 1 août 1885.

prouve que le Roi se considérait tout au moins comme le propriétaire de l'Association (1). Ces mots, inexacts au point de vue juridique, jettent un jour fort vif sur les rapports de l'Association avec Léopold II. L'Association n'existait plus que nominalement et s'incorporait toute dans la personne du Roi. Il est donc tout naturel que ce dernier ait pris lui-même le titre de Souverain et les mots d'accord avec l'Association n'ont été ajoutés que pour maintenir la fiction de l'existence de l'Association.

D'un autre côté, Léopold II ne dit pas qu'il a assumé d'accord avec l'Association les pouvoirs de Souverain de l'Etat Indépendant La notification du 1er août 1885 n'annonce que la prise d'un titre, ce qui suppose que le Roi possédait antérieurement les pouvoirs de Souverain. Ceci semble conforme aux faits.

L'acte général de Berlin n'a pas créé l'Etat Indépendant. Celui-ci existait, en fait, antérieurement à la reconnaissance qu'en ont faite les diverses puissances. Léopold II exerçait, à cette époque déjà, les fonctions souveraines. Dès lors, il n'y avait lieu, maintenant que l'Etat avait été reconnu par tous, que de modifier le titre. Le Roi exerça désormais, sous le titre de Souverain de l'Etat Indépendant, les pouvoirs qu'il avait exercés jusque-là en sa qualité de propriétaire ou de président de l'Association.

La notification du 1er août 1885 avait pour but de porter à la connaissance des puissances des faits accomplis antérieurement. L'acte royal, de quelque façon qu'on l'appelle, décret ou proclamation, par lequel Léopold II annonça l'existence de l'Etat Indépendant et son avènement, n'a pas été publié. On croit pourtant qu'il date du 29 mai 1883 (2).

(1) Bull. off., 1897, p. 41 et suiv.

2, MOYNIER, Compte-rendu des travaux de l'Académie des sciences morales et politiques, 1887, p. 460 et s.

Léopold II a pris le titre de Roi des Belges, Souverain de l'Etat Indépendant du Congo L'usage s'est introduit, dans les documents officiels congolais, de le désigner par les mots le Roi-Souverain.

CHAPITRE II

LA SUCCESSION AU TRÔNE

Le Roi-Souverain peut, en vertu de ses pouvoirs, régler Succession au tròne. comme il l'entend la succession au trône de l'Etat Indépendant du Congo. Il peut choisir son successeur soit au sein, soit en dehors de la famille royale de Belgique. Il dépend de lui de rendre le trône accessible aux femmes ou d'en restreindre l'accès aux hommes Quoi qu'il en soit, aucune pragmatique n'a été sinon édictée, tout au moins publiée jusqu'aujourd'hui.

Cette situation n'est pas sans présenter des inconvénients. Comme, dans le cas d'union personnelle, le successeur au trône de l'un des deux royaumes ne succède pas nécessairement au trône de l'autre royaume, les puissances pourraient trouver, à la mort de Léopold II, dans l'absence de pragmatique, prétexte à difficultés.

La pragmatique a pu paraître inutile jusqu'ici. Le testament du Roi et la convention de 1890 rendent peu probable, après la mort du Roi, l'existence de l'Etat du Congo comme tel. Seulement, les circonstances peuvent amener les Chambres belges à préférer à l annexion pure et simple la continuation du régime de l'union personnelle sous le sceptre du futur Roi des Belges. Il y aurait done utilité à ce que la succession au trône fût réglée.

Aussi longtemps que la convention de 1890 sera maintenue, le Roi-Souverain ne pourra adopter que des règles succes

sorales subordonnées à la condition que la Belgique ne s'annexe pas le Congo. La convention de 1890 entraîne des restrictions certaines aux pouvoirs du Roi sur ce point et le testament y apporte des limitations purement morales, mais tout aussi puissantes.

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