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premier pas fait vers la reconnaissance, par la République française, de l'Association Internationale du Congo.

Ce premier danger était écarté, mais les prétentions du Portugal en avaient fait surgir un autre.

Le Portugal, dont les marins avaient découvert le Congo, Projets du Portugal. était, depuis lors, établi à la côte occidentale d'Afrique. La traite des esclaves, que pratiquèrent surtout les Portugais, donnait à leur possession une valeur considérable. Depuis le commencement du siècle, le Portugal avait entamé des négociations diplomatiques avec les cabinets anglais et essayé d'obtenir la reconnaissance de sa souveraineté sur les territoires compris entre le huitième et le cinquième degré douze minutes de latitude sud, c'est-à-dire sur l'embouchure du Congo et les côtes maritimes situées au nord et au sud de cette embouchure.

L'Angleterre s'était toujours refusée à reconnaître les prétentions portugaises. Elle admettait la souveraineté du Portugal sur les territoires situés au sud d'Ambriz, mais considérait comme vacant tout le territoire situé au nord.

Le voyage de Stanley révéla aux Portugais la faute qu'ils avaient commise en ne devinant pas l'importance du bassin du Congo et en négligeant de reconnaître le haut fleuve et d'occuper effectivement le pays. Ils ressuscitèrent leurs

de la République, l'assurance expresse à Votre Majesté je me plais à espérer qu'Elle verra dans notre empressement une nouvelle preuve de nos sentiments pour Sa Personne et du prix que nous attachons à faciliter, autant qu'il peut dépendre de nous, la généreuse entreprise placée sous son haut patronage. »

Le Roi répondit le 24 octobre 1882: « Je sais que le Gouvernement de la République rend justice à l'entreprise poursuivie dans un but général de civilisation et de progrès par l'Association et le Comité, et qu'il manifeste l'intention d'en faciliter, autant qu'il dépendra de lui, le succès définitif. J'espère fermement que rien ne nous empêchera d'entretenir en Afrique d'aussi bonnes relations qu'en Europe. »

Négociations du Portugal avec l'Angleterre.

Traité du 26 février

1884.

prétentions et les firent valoir avec plus de force que jamais. Le 8 novembre 1882, le Gouvernement portugais renouvelait, auprès de Lord Granville, ministre des affaires étrangères anglais, ses démarches en vue d'obtenir la reconnaissance de sa souveraineté sur la côte située entre 5o 12' et 8o de latitude sud.

Lord Granville, au lieu de persister dans l'attitude prise par ses prédécesseurs, se déclara disposé à donner satisfaction aux Portugais, en échange, bien entendu, de sérieux avantages pour le commerce.

Le Portugal promettait que seuls des tarifs de douane. modérés seraient établis; il promettait la liberté complète de la navigation, l'égalité de traitement pour les négociants et les marchandises de toutes les nations. Il professait ouvertement l'ambition de joindre ses possessions de la côte occidentale à celles de la côte orientale, en établissant un empire trans-africain.

Lord Granville souffla immédiatement sur ce beau rêve en déclarant qu'il voyait de grands obstacles à l'extension de la souveraineté portugaise vers l'intérieur. Il était poussé, en cela, par le désir de sauvegarder la situation et les droits de l'Association Internationale du Congo. Puis, il réclama des stipulations plus précises relativement au commerce. Il demanda que le Portugal limitât ses prétentions à une assez étroite bande de côte. Il voulut aussi obtenir l'assurance que les droits de l'Association Internationale du Congo et les traités conclus par elle avec les indigènes seraient respectés. Il demanda d'autres concessions encore, mais elles ne touchent pas directement à l'objet de cette étude.

Les négociations des deux gouvernements furent longues et difficiles. Finalement, elles aboutirent, le 26 février 1884, à la conclusion d'un traité (1).

(1) Le texte de ce traité se trouve dans BANNING, Partage politique de l'Afrique, p. 103.

L'Angleterre y reconnaissait la souveraineté du roi de Portugal sur la partie de la côte occidentale placée entre 8° et 5o 12' de latitude sud et sur une bande de terre qui s'étendait à l'intérieur jusqu'à Nokki. L'article 2 du traité ouvrait ces territoires à toutes les nations et leur assurait à toutes l'égalité de traitement. L'article 3 et l'article 4 proclamaient la liberté de la navigation sur le Congo et le Zambèze et interdisaient l'établissement de tout monopole, de toute autre entrave au commerce et de tous impôts qui ne seraient pas expressément autorisés par le traité. Une commission mixte. anglo-portugaise devait régler la navigation sur le Congo. Les autres articles stipulaient des avantages pour les navires anglais, l'abolition de l'esclavage, etc., etc.

au traité.

La convention du 26 février 1884 excita en Europe un vif Opposition générale émoi. Si elle avait été maintenue, le Portugal eût perçu des droits de douane à l'entrée du bassin du Congo, l'Angleterre y fût devenue prépondérante au point de vue politique et, surtout, l'Association Internationale du Congo, réduite à la situation d'une puissance méditerranéenne, sans accès à la côte, perdait toute chance de vie et de développement.

Aussi la publication de la convention souleva-t-elle des protestations générales. La France, l'Allemagne, la Hollande, 2 les Etats-Unis formulèrent des réclamations. En Angleterre même, la convention rencontra une opposition très vive. On s'y indigna de voir soumettre le Congo à la souveraineté d'une puissance qui, pendant des siècles, n'avait su rien faire pour le développer. Lord Granville fut forcé de déclarer, le 26 juin 1884, qu'il abandonnait la convention. Mais, déjà avant cette date, était née l'idée de réunir une conférence pour résoudre toutes les difficultés diplomatiques pendantes.

une conférence.

C'est le Portugal lui-même qui, dans une dépêche-circulaire Projet de réunir adressée à ses agents diplomatiques en Europe, le 13 mai 1884, avait suggéré l'idée de réunir une conférence. Elle fut

Conférence de Berlin.

Reconnaissance de l'Association comme Etat.

reprise par le prince de Bismarck. Il proposa, le 17 avril 1884, au gouvernement français de se joindre à lui pour réunir une conférence en vue d'arriver à régler, par un accord général, les difficultés soulevées par les ambitions antagonistes de l'Association Internationale du Congo, de la France et du Portugal sur le bassin du fleuve. M. Ferry, qui était à ce moment chef du cabinet français, accéda à cette proposition.

L'Angleterre, après avoir fait quelques difficultés, donna son adhésion au projet en août 1884. Il résulte de dépêches qui furent échangées le 13 et le 29 septembre entre le gouvernement allemand et le gouvernement français qu'ils étaient dès lors décidés à consentir à la reconnaissance de l'Association Internationale du Congo comme un Etat indépendant.

La conférence de Berlin se réunit pour la première fois le 15 novembre 1884. L'Allemagne, l'Autriche-Hongrie, la Belgique, le Danemark, l'Espagne, les Etats-Unis d'Amérique, la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, la Russie, la Suède et la Norwège, la Turquie, y étaient représentés. La dernière séance de la conférence eut lieu le 26 février 1885 et eut, au point de vue de l'origine de l'Etat indépendant, une importance capitale. Il avait été convenu que la conférence elle-même n'aurait point à discuter la question de savoir s'il importait de reconnaître à l'Association Internationale du Congo la qualité d'Etat. Ce point, de même que l'aplanissement des difficultés diplomatiques soulevées par le Portugal, devaient faire l'objet de négociations en dehors des travaux de la conférence.

Les Etats-Unis d'Amérique, devançant toutes les puissances européennes, avaient, le 22 avril 1884, reconnu l'Association Internationale du Congo comme un Etat ami (1). Cette recon

(1) Voir ces conventions et déclarations dans OPPELT, Léopold II, roi des Belges, chef de l'Etat Indépendant du Congo, Fondation de l'Euvre internationale africaine. Bruxelles, Hayez, 41883.

naissance eut la plus heureuse influence. Des conventions ou des déclarations analogues furent obtenues des autres gouvernements par l'Association. La convention avec l'Allemagne date du 8 novembre 1884. La déclaration de la Grande-Bretagne est du 16 décembre 1884, la convention avec l'Italie du 19 décembre; la déclaration de l'Autriche-Hongrie du 24 décembre, la convention avec les Pays-Bas du 27 décembre, celle avec l'Espagne du 7 janvier 1885, celle avec la France du 5 février, celle avec la Russie du 5 février, celle avec la Suède et la Norwège du 10 février.

du Portugal.

Restait à obtenir du Portugal la renonciation à ses préten- Dernière résistance tions à la souveraineté sur le littoral compris entre 5° 8' et 8o de latitude sud et la reconnaissance de l'Association. Les négociations se firent à Paris, car il s'agissait de déterminer à la fois les limites des possessions françaises, des possessions portugaises et celles de l'Association. Les gouvernements français, allemand et anglais intervinrent pour exercer une pression « amicale» sur le Portugal. Il céda enfin. La convention avec la France fut signée le 5 février 1885 et la convention avec le Portugal date du 14 février. Le Portugal reconnut l'Association comme Etat et les limites des possessions territoriales furent fixées de commun accord. L'Etat du Congo conserva l'embouchure du fleuve et une quarantaine de kilomètres du littoral de l'océan au nord de cette embouchure.

La reconnaissance du Portugal faisait tomber la dernière difficulté. Le Danemark et la Belgique passèrent, avec l'Association Internationale du Congo, des conventions de reconnaissance le 23 février 1885.

Etat au traité de
Berlin.

Le 26 février, jour de la réunion de clôture de la confé- Adhésion du nouvel rence, le prince de Bismarck donna lecture d'une déclaration d'adhésion de l'Association Internationale du Congo, en date du 26 février, aux dispositions de l'acte général de la confé

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