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d'un propriétaire, mais elle comporte le droit de cultiver le sol et d'en recueillir les produits périodiques.

Ces deux espèces de contrat conviennent parfaitement pour les exploitations agricoles ordinaires, mais, en général, les conditions spéciales de l'industrie de la production du caoutchouc et des gommes copales réclament un contrat d'une nature spéciale

Le caoutchouc est le latex d'arbres ou de lianes qui poussent naturellement dans les forêts. Ces arbres et ces lianes, poussant au hasard, sont parfois très espacés, de sorte qu'une exploitation assez considérable de caoutchouc nécessite un trop grand espace de terrain pour qu'il soit possible de I acheter ou de le louer. D'un autre côté, les exploitants de caoutchouc ne récoltent le plus souvent que ce seul produit, ils ne cultivent pas le sol. Ils n'auraient que faire de la propriété ou de la location du sol proprement dit. Ce qu'il leur importe d'obtenir, c'est le droit exclusif d'exploiter les lianes à caoutchouc d'un territoire donné, d'obtenir une concession d'exploitation du caoutchouc ou une concession de gomme copale ou de tout autre produit végétal.

Le contrat qui se forme entre le concédant et le concessionnaire est en réalité un contrat de location d'une nature spéciale. C'est ainsi que le qualifient justement les décrets (1). Le concessionnaire obtient de l'Etat concédant le droit exclusif d'exploiter, dans les conditions générales établies par les décrets et règlements et les conditions spéciales établies par le contrat dans chaque cas particulier, un produit végétal déterminé, dans la limite d'un territoire déterminé. Il résulte de cette conception que l'on peut concevoir qu'un même territoire soit affermé à la fois à plusieurs particuliers: l'un d'eux ayant le droit de couper certaines essences de bois,

(1) Décret du 30 octobre 1892, art. 5, Bull. off., p. 309.

Première législation.

un autre exploitant le caoutchouc, un troisième la gomme copale et ainsi de suite.

Enfin il est une portion du domaine public où les particuliers et les sociétés commerciales peuvent, sans concession, et en vertu d'un décret, exploiter concurremment le caoutchouc, sans avoir obtenu une concession, et moyennant payement de certaines taxes et redevances.

L'exploitation de tous les produits végétaux n'est pas soumise aux mêmes règles ni réglée par les mêmes décrets.

Les coupes de bois font l'objet de dispositions spéciales à raison de la nature même de cette industrie. L'exploitation du caoutchouc est, à raison de son importance, soumise à un régime particulier. Il y a donc lieu d'examiner séparément l'exploitation des produits végétaux en général, l'exploitation du caoutchouc dans les forêts ouvertes à l'exploitation publique, les concessions d'exploitation de caoutchouc, et les coupes de bois.

B.

De l'exploitation du caoutchouc dans les forêts ouvertes à l'exploitation publique.

Le 17 octobre 1889 (1), un décret régiementait l'exploitation du caoutchouc et des autres produits végétaux sur les terres faisant partie du domaine privé (2). Cette exploitation pouvait avoir lieu en vertu de concessions spéciales accordées par l'administrateur du département des finances à qui les demandes et soumissions devaient être présentées et qui réglait les conditions des concessions et les redevances à payer à l'Etat. Ceux qui se livraient à l'exploitation des pro

(1) Bull. off., p. 218.

(2) Le décret ne portait que sur une partie du domaine privé, mais, en réalité, il est devenu applicable à tout le domaine privé.

duits végétaux sans être titulaires de concessions régulières étaient frappés de peines sévères.

Les compagnies commerciales qui faisaient alors le commerce de caoutchouc au Congo, n'en faisaient point l'exploitation. Elles ne possédaient point d'établissements qui exploitaient systématiquement certaines forêts ou parties de forêts contenant des lianes à caoutchouc, moins encore avaient-elles fait des plantations de ces lianes. Elles se contentaient d'acheter aux indigènes, au plus bas prix possible, le caoutchouc qu'ils produisaient avec leurs moyens primitifs. En un mot, elles faisaient le commerce et non pas l'exploitation du caoutchouc. Elles se livraient à ce commerce, dans l'ensemble du territoire de l'Etat, sans que telle ou telle partie leur fussent interdites.

tés commerciales.

Ce commerce était très fructueux. Aussi l'Etat du Congo, Conflit avec les socié qui luttait contre de grandes difficultés financières, conçut-il, à certain moment, l'idée de se réserver exclusivement le caoutchouc de certaines régions, et de combler les déficits de son budget au moyen des bénéfices réalisés sur la vente de ce produit en Europe. Un décret du 29 septembre 1891 (1) ordonna de prendre les mesures nécessaires pour conserver à la disposition de l'Etat les produits du domaine de la région du Haut-Ubangi. Les mesures prises par les fonctionnaires de l'Etat en exécution de ce décret suscitèrent entre les pouvoirs publics et les sociétés commerciales un grave conflit 2).

L'Etat invoquait en faveur de ses droits les décrets constitutifs du domaine privé. Maître du domaine, il était aussi propriétaire de tous les produits du sol. Les compagnies de commerce prétendaient que la politique de l'Etat tendait à créer en sa faveur un monopole commercial et violait le

(4) Mouvem. géogr., 1892, p. 147.

(2) Voy. supra, p. 168.

Modus vivendi.

Domaine privé stricto sensu.

Zone réservée.

Zone de l'exploitation publique.

principe de la liberté commerciale inscrit au traité de Berlin. La valeur juridique de ces arguments a été examinée plus haut (1).

Quoi qu'il faille d'ailleurs en penser, l'Etat du Congo se décida, pour des raisons politiques, à proposer aux compagnies un modus vivendi qui a été consacré par le décret du 30 octobre 1892 (2).

Ce décret divise en trois zones les terres domaniales appartenant à l'Etat.

Dans la première, qui est déterminée à l'article 2, l'Etat s'est réservé l'exploitation exclusive du caoutchouc. Les territoires compris dans cette zone sont appelés dans les décrets et règlements ultérieurs « le domaine privé ». En réalité, ils ne constituent qu'une partie du domaine privé. Dans le but d'éviter des confusions et des erreurs, il y a utilité à les dénommer << domaine privé stricto sensu ».

((

Une seconde zone, dont les limites sont fixées à l'article 3, est réservée. Le décret porte que l'exploitation du caoutchouc y sera réglée lorsque les circonstances le permettront. Les mesures annoncées n'ont pas encore été prises à l'heure actuelle.

La troisième zone comprend toutes les terres domaniales qui ne font pas partie des deux zones précédentes. C'est la zone ouverte à l'exploitation publique.

Le régime établi par le décret du 30 octobre 1892 prendra fin au moment où la Belgique sera appelée à exercer son droit de reprise en vertu de la convention du 3 juillet 1890. C'està-dire en février 1901 (3). Si le délai d'option de la Belgique

(1) Supra, p. 168.

(2) Bull. off, 1892, p. 307.

(3. Supra, p. 129.

était prolongé, il y aurait lieu soit de prendre de nouvelles mesures, soit de proroger le système actuel.

dans cette zone.

Dans la zone ouverte à l'exploitation publique, les par- De l'exploitation ticuliers peuvent librement se livrer partout à l'exploitation du caoutchouc. Ce droit subit deux restrictions (1). Les droits acquis que possédaient des tiers sur certaines parties en raison d'engagements pris par l'Etat et publiés au Bulletin officiel, à la date du décret du 30 octobre 1882, doivent être respectés. D'un autre côté, le Gouverneur général peut accorder à des particuliers, dans cette zone, des concessions exclusives d'exploitation dans des conditions qui seront exposées plus bas (2).

Un décret du 1er février 1898 (3) porte que chaque établis- Droit de licence. sement fondé après cette date pour la récolte du caoutchouc dans les forêts domaniales ouvertes à l'exploitation publique, acquittera, outre les impôts généraux, un droit de licence de 5,000 francs.

Le décret prend des précautions pour la protection des Protection des lianes. lianes productrices du caoutchouc L'art. 6 porte que la

récolte ne pourra être faite qu'au moyen d'incisions prati

quées dans les arbres ou lianes.

Les indigènes qui récoltent le caoutchouc dans les terri- Impôts en nature. toires situés en amont du Stanley Pool où la récolte est autorisée, sont astreints par le décret (4) et l'arrêté du 6 décembre 1892 (5), à payer à l'Etat, à titre d'impôt, une quote-part de leur récolte qui ne peut excéder le cinquième. Les non-indigènes qui fondent dans ces régions des comptoirs ou des établissements de récolte du caoutchouc peuvent racheter la

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