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développée par Salomon, est parvenu, pour la première fois, à poser les vrais principes.

Un des premiers soins de Stanley et des agents sous ses ordres était, quand ils arrivaient dans une région, de conclure des traités avec les chefs indigènes. Ils suivaient, en cela, les instructions formelles qui leur avaient été données par le Comité d'études du Haut Congo, ainsi que le montre la lettre de Stanley à laquelle j'ai fait plus haut allusion (1).

Voici, à titre d'exemples, deux de ces traités qui peuvent être considérés comme des traités types:

Premier traité :

Nous, soussignés, chefs de Nzougi, consentons à reconnaître la souveraineté de l'Association internationale africaine, en foi de quoi nous adoptons son drapeau (bleu étoilé d'or). Nous nous engageons à maintenir la route ouverte et à exempter de toute taxe ou de tout impôt les étrangers arrivant avec une recommandation des agents de la dite Association.

Nous soumettrons à l'arbitrage de la dite Association tout conflit qui pourrait naître entre nous et nos voisins ou des étrangers d'une nationalité quelconque.

Nous déclarons n'avoir conclu antérieurement avec qui que ce soit des engagements écrits ou oraux invalidant la présente convention.

Nous déclarons que dorénavant, nous et nos successeurs, accepterons les décisions des représentants de l'Association dans toutes les questions relatives à notre bien-être ou à nos propriétés; que nous ne conclurons d'engagement avec personne sans en avoir référé au chef de Manyanga ou au chef de Léopoldville; enfin, que nous n'agirons, en aucun cas, d'une façon contraire à la teneur ou à l'esprit de la présente convention.

26 mars 1884.

(Suivent les croix (faisant office de signature) des chefs de Nzoungi et de Banza Mbouba, et les croix des deux témoins, Doualla et Mouamba).

(1) Page 17.

These

de l'Association.

Traités passés avec les indigènes.

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Entre Henry M. Stanley, commandant de l'expédition du Haut-Congo, agissant au nom et dans l'intérêt de l'Association internationale africaine, et le Roi et chefs de Ngombi et Mafela réunis en conférence à Manyanga-Sud, il a été convenu, après délibération, ce qui suit :

ARTICLE PREMIER. Les chefs de Ngombi et Mafela reconnaissent qu'il importe hautement, dans l'intérêt du progrès, de la civilisation et du commerce, que l'Association internationale africaine s'établisse solidement dans leur pays. Ils cèdent donc à la dite association librement, de leur propre mouvement, pour toujours, en leur propre nom et au nom de leurs héritiers et successeurs la souveraineté et tout droit de souveraineté et de gouvernement sur tous leurs territoires. Ils s'engagent également à aider la dite Association à gouverner et à civiliser le pays, à exercer leur influence auprès des autres habitants (lesquels approuvent unanimem ent la conclusion de ce traité) pour assurer l'obéissance de tous aux lois faites par ladite Association; à seconder, en tout temps, par leur labeur ou autrement, tous travaux, entreprises ou expéditions que ladite Association fera exécuter sur une partie quelconque de ces territoires.

ART. 2. Les chefs de Ngombi et Mafela s'engagent à prêter en tout temps main-forte à l'Association, pour repousser les empiétements ou les attaques de tout étranger, de quelque nationalité ou race que ce soit. ART. 3. - Le territoire cédé aux termes de l'art. 1er comporte à peu près tout le pays de Ngombi et Mafela, avec toutes les contrées tributaires. Les chefs de Ngombi et Mafela affirment solennellement que tout le pays qu'ils cèdent leur appartient absolument ; qu'ils peuvent en disposer librement; qu'ils n'ont jamais conclu dans le passé et ne concluront jamais dans l'avenir aucun traité cédant ou vendant des parties quelconques de ces territoires à des étrangers, sans l'autorisation de l'Association. Toutes les routes et voies fluviales traversant ce pays, ainsi que le droit de percevoir des droits, et tout le gibier, le poisson, les mines, les forêts, constitueront la propriété de la dite Association, aussi bien que tout territoire inoccupé qu'elle pourra choisir éventuellement.

ART. 4

L'Association internationale africaine s'engage à payer aux chefs de Ngombi et de Mafela les marchandises suivantes : Une pièce d'étoffe par mois à chacun des chefs soussignés, outre le présent d'étoffes offert aujourd'hui; et lesdits chefs déclarent accepter ce présent et ce subside mensuel à titre de paiement intégral des droits cédés à ladite Association.

ART. 5.

L'Association s'engage: 1° à n'enlever, sauf par consentement mutuel, aux indigènes habitant le pays cédé, ni terrain occupé ni terrain cultivé; 2o à développer jusqu'aux dernières limites la prospérité dudit pays; 3o à protéger ses habitants contre toute oppression ou toute invasion étrangère; et, de plus, l'Association autorise les chefs à arborer son drapeau, à régler tous les différends locaux par des palabres et à maintenir son autorité par les indigènes.

Arrêté, signé et certifié, le 1er avril 1884 (suivent les signatures de Henry M. Stanley, des chefs de Ngombi et Mafela et de trois témoins).

de ces traités.

La forme des traités passés avec les indigènes était, à l'ori- Forme et contenu gine, assez imparfaite, mais il est aisé de s'apercevoir que, à partir d'un certain moment, les explorateurs reçurent des formules rédigées en Europe par des jurisconsultes.

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Dans certains traités, les chefs indigènes ne transfèrent pas expressément à l'Association (1) leurs droits ou leurs prétendus droits de souveraineté : ils reconnaissent simplement la souveraineté de l'Association et s'y soumettent. Dans d'autres traités, au contraire, les chefs cèdent à l'Association : <«< librement, de leur propre mouvement, pour toujours, en leur propre nom et au nom de leurs héritiers et successeurs, la souveraineté et tous droits de souveraineté et de gouvernement sur tous leurs territoires ». Souvent aussi, les traités contiennent des cessions non pas seulement de souveraineté, mais aussi de propriété, sur le territoire ou la presque totalité du territoire des tribus

Les conventions de cette espèce furent excessivement nombreuses. Stanley en évalue le nombre à plus de 400. Quoi qu'il en soit, elles n'ont porté certainement que sur une minime.

(1) Il est bon de remarquer que, encore en mars 1884, les idées étaient si peu nettes au sujet de la distinction en Association Internationale africaine, Comité d'études du Haut-Congo et Association Internationale du Congo, que les traités conclus avec les indigènes le sont au nom de l'Association Internationale africaine. C'est Association Internationale du Congo qu'il eût fallu dire.

Grand nombre des traités.

Opinion de Arntz.

partie du territoire actuel de l'Etat Indépendant du Congo. L'Association internationale appuyait sur ces traités passés avec les indigènes ses prétentions à l'acquisition de droits. de souveraineté.

M. Arntz, dont la consultation est la plus étudiée, légitime ces prétentions en posant les principes suivants :

I. Les tribus habitant un territoire déterminé et représentées par leurs chefs, forment des Etats indépendants.

II. Leur territoire, par conséquent, n'est pas res nullius et ne peut être occupé.

III. Ces Etats ou leurs chefs peuvent faire des traités internationaux de toute espèce. Ils peuvent donc céder leurs droits de souveraineté sur tout ou partie de leur territoire.

IV. Les cessionnaires de ces droits les possèdent et les peuvent exercer dans la même mesure que les cédants.

La seule question à résoudre, d'après Arntz, est donc celle de savoir si des cessions de droits de souveraineté peuvent se faire à des particuliers ou à des compagnies composées de particuliers. Sans doute, dit-il, un individu, comme tel, une société privée, comme telle, ne peuvent exercer des droits souverains. Mais en vertu de quel principe de droit international voudrait-on empêcher un particulier de devenir demain un souverain? Les individus peuvent devenir souverains et exercer des droits de souveraineté de deux manières, soit en s'établissant sur un territoire sans maître et en constituant un gouvernement régulier, soit en succédant à un souverain dans l'exercice des droits de souveraineté d'un Etat. Quand une tribu africaine cède en pleine souveraineté à un particulier ou à une société privée, une partie de son sol, elle ne fait pas autre chose que d'appeler une autre personne ou une autre collectivité à l'exercice de ses droits de souveraineté sur une partie de son Etat qui devient un autre Etat. Des souverainetés nouvelles, à la tête desquelles sont des individus

et des associations cessionnaires des droits des tribus existent, sans que la reconnaissance par les autres Etats soit une des conditions nécessaires de leur existence.

Arntz, Travers Twiss et de Laveleye citent une série Précédents invoqués. d'exemples historiques qui prouvent, selon eux, que des particuliers ou des compagnies privées peuvent être titulaires de droits de souveraineté. Ils citent, notamment, la compagnie hollandaise des Indes orientales qui fonda les établissements coloniaux de la Hollande aux Indes; la compagnie anglaise des Indes orientales qui a créé l'empire des Indes; les chevaliers de l'ordre teutonique, avec qui se fusionnèrent à certain moment les chevaliers Porte-glaives, qui colonisèrent la Prusse, la Livonie et la Courlande et exercèrent pendant deux siècles jusqu'en 1454) des droits de souveraineté sans être organisés comme Etat; les chevaliers de Saint Jean de Jérusalem qui furent souverains de Malte. A une époque plus rapprochée de nous, ces auteurs invoquent encore la création de toutes pièces de la République de Liberia qui doit son existence à la « Société de colonisation américaine pour l'établissement d'hommes de couleurs libres des Etats-Unis » et qui fut successivement reconnue par les Etats européens. Le cas de cession de droits de souveraineté au baron Verbeck, un Autrichien, et à M. Dent, un Anglais, par les sultans de Brunnei et Sulu est encore plus probant Ces deux Européens rétrocédèrent leurs droits à une société de capitalistes anglais qui obtint du gouvernement une charte sous le nom de British North Borneo Company. La validité de cette cession ne fut pas contestée par les gouvernements espagnol et hollandais qui, pourtant, avaient intérêt à le faire et elle fut nettement proclamée au Parlement anglais.

Les partisans de l'opinion contraire, surtout Français et Thèse contraire. Portugais, proclamaient comme un principe absolu que seuls

les États peuvent acquérir et exercer des droits de souverai

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