Page images
PDF
EPUB

auraient pour résultat de transformer lentement leur condition, au fur et à mesure des lents progrès de leur culture, mériteraient une entière approbation Mais le système en vigueur a deux vices essentiels : le premier est de traiter absolument comme des civilisés des indigènes qui ont perdu un peu de leur barbarie primitive; et le second est de considérer comme une preuve de civilisation l'accomplissement d'une formalité administrative.

L'inscription d'un enfant indigène sur les registres de l'état civil n'est pas un baptême de civilisation qui va, comme par enchantement, transformer sa structure intellectuelle et morale. Elle ne prouve même pas que les parents aient compris les avantages de la civilisation! Le fait de faire enregistrer son mariage par un officier de l'état civil ne suppose pas nécessairement un avancement de culture. C'est méconnaître les indigènes que de le penser! L'immatriculation elle même n'est soumise à aucune condition d'instruction ou de moralité Elle ne donne aucune garantie que l'immatriculé mérite de l'être.

Et pourtant, voici, par un coup de baguette magique, les grands enfants d'indigènes complétement transformés! Les voici soumis au régime compliqué de lois européennes !

Et cette importante innovation est adoptée sans que des études préliminaires suffisantes en déterminent l'exacte influence. L'indigène immatriculé est-il encore soumis à l'autorité de son chef? La loi est muette à ce sujet et il n'est pas douteux que, à la lumière des principes, cette question doive recevoir une réponse négative. Les indigènes possédant le statut européen doivent être traités comme des Européens et ne relever que des autorités administratives. Que de conflits dangereux pour la paix publique vont surgir au sein des tribus, désorganisées et plutôt démoralisées par cette situation!

Ou bien le régime de l'assimilation des indigènes au statut européen restera lettre morte ou il menacera la tranquillité intérieure de l'Etat.

§ 3. Des Congolais soumis au statut in digène.

[ocr errors]

Font partie de cette catégorie tous les Congolais qui ne Congolais à statut rentrent pas dans une des classes des nationaux possédant le

statut européen.

indigène.

civile.

Leur situation est surtout établie en matière civile par les situation en matière art. 1er et 4 de l'ordonnance du 4 mai 1886, modifiée par le décret du 11 janvier 1898 (1`, et en matière pénale par l'art. 84 du décret du 27 avril 1889 (2).

En principe, quand, en matière civile, les deux parties en cause sont indigènes, le différend continue à être jugé par les chefs locaux et conformément à la coutume locale. Cette disposition a pour effet de laisser la plus grande partie de l'activité de l'immense majorité de la population congolaise soumise au droit indigène. Toute la vie civile des noirs, l'organisation de la famille, hérédité, les contrats, sont régis par les coutumes locales

Une atténuation de ce principe, pourtant salutaire, a été introduite dans la législation par le décret du 11 janvier 1898 qui donne au tribunal de première instance du Bas-Congo la faculté de connaître des contestations, quelles que soient les parties en cause, lorsqu'il est saisi à la requête de l'une d'elles.

Toute partie indigène a donc la faculté de soustraire une contestation à la juridiction des chefs locaux. Mais, outre que cette règle ne s'applique qu'au tribunal du Bas-Congo,

(1) Bull. off., 1886, p. 90, et 1898, p. 37.

(2) Bull. off., p. 108.

Situation en matière immobilière.

Situation en matière pénale.

ce qui en anéantit presque la portée, il faut remarquer que la loi applicable à la contestation, quand les deux parties seront des indigènes ne possédant que le statut indigène, sera la coutume locale. Il y a dans ce cas transfert de juridiction, mais non pas applicabilité du droit européen.

Le décret du 14 septembre 1886 (1) a posé une autre règle importante, au point de vue du droit civil, en ordonnant que « les terres occupées par des populations indigènes, sous l'autorité de leurs chefs, continueront à être régies par les coutumes et les usages locaux ». Le droit immobilier indigène reste applicable, par conséquent, aux Congolais soumis au statut indigène.

En matière pénale, le principe est que la loi pénale s'applique à toutes les infractions commises sur le territoire de l'Etat, quels que soient leurs auteurs. Toutefois, lorsque l'infraction est commise par un indigène au préjudice d'un autre indigène, l'officier du ministère public a la faculté d'abandonner le prévenu à la juridiction effective du chef local et à l'application des coutumes indigènes. Il est évident que, jusqu'aujourd'hui, la presque totalité des infractions est punie en conformité des coutumes locales indigènes.

L'art. 84 est-il applicable lorsqu'une infraction est commise par un indigène soumis au statut européen ou au détriment d'un indigène soumis au statut européen? La question n'est expressément tranchée par aucun texte. Même, l'art. 4, qui définit la stituation juridique des indigènes assimilés au statut européen, porte simplement qu'ils jouiront de tous les droits civils. Il ne fait done pas obstacle à l'application de l'art. 84. Pourtant, il est certain que, logiquement, on ne concevrait pas qu'un indigène assimilé au statut européen fût jugé par

(1) Bull. off., 1893, p. 215.

un chef local, conformément aux coutumes locales. C'est un civilisé qui a droit à la protection des lois civilisées.

Si donc on ne consulte que l'esprit des institutions, il faut décider que tout indigène soumis au statut européen n'est passible que du droit pénal européen et que celui-ci est seul applicable quand l'indigène possédant le statut européen a été lésé par une infraction. D'après les rigueurs des règles d'interprétation juridique, au contraire, l'art. 84 reste applicable même quand l'auteur ou la victime d'une infraction possède le statut européen.

S4. Des étrangers.

Une série de dispositions, empreintes d'un esprit fort large, Etrangers. règlent avec précision la situation juridique des étrangers au Congo.

L'étranger qui se trouve sur le territoire de l'Etat y jouit de la plénitude des droits civils accordés aux nationaux. Il est protégé, au même titre qu'eux, dans sa personne et ses biens.

L'art. 7 consacre le principe de l'égalité des étrangers et des nationaux qui a été posé par le traité de Berlin.

L'état et la capacité de l'étranger ainsi que ses rapports de famille sont régis par sa loi nationale.

Le Code contient, sous le titre « Des étrangers », une série de dispositions qui, logiquement, auraient dû former un titre spécial intitulé: « Des conflits de droit international privé ». C'est sous cette rubrique que cette matière sera examinée.

[merged small][ocr errors][merged small]

Le désaccord des lois réglant, dans les divers pays, les Heimathlos. questions de nationalité, fait que certaines personnes ne

possèdent aucune nationalité, soit qu'elles n'en aient jamais eu, soit qu'elles aient perdu leur nationalité originaire sans en acquérir une nouvelle. On les appelle généralement les heimathlos. La loi congolaise (art. 8) leur assimile ceux qui n'ont pas de nationalité connue.

L'état et la capacité de ces heimathlos, ainsi que leurs rapports de famille, sont réglés par la loi congolaise.

Pour le reste, ils se trouvent dans la position des étrangers et peuvent, comme cux, invoquer le bénéfice de l'art. 7.

CHAPITRE III

DES CONFLITS DE LOIS

Conflits de droit international privé.

[blocks in formation]

Les lois pénales, ainsi que les lois de police et de sûreté publique, obligent tous ceux qui se trouvent sur le territoire. de l'Etat (art. 14). C'est là un principe primordial qui se retrouve dans toutes les législations.

L'art. 15 en tire une conséquence logique : « Les lois, les jugements des pays étrangers, les conventions et dispositions. privées ne peuvent, en aucun cas, avoir d'effet dans l'Etat Indépendant du Congo en ce qu'ils ont de contraire au droit public de cet Etat ou à celles de ses lois qui ont en vue l'intérêt social ou la morale publique. » En réalité, c'est là plutôt une extension qu'une simple application de l'art. 14. Que faut-il entendre par « lois qui ont en vue l'intérêt social ou la morale publique »? La disposition est fort vague et de nature à permettre des interprétations arbitraires.

On a vu plus haut qu'en ce qui concerne les étrangers, c'est leur loi nationale qui règle leur état, leur capacité et leurs rapports de famille.

« PreviousContinue »