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sont réunies, l'Etat existe, même lorsque la réunion de ces conditions s'est faite en dehors du droit des gens ou même contrairement aux règles qu'il proclame.

L'Association Internationale du Congo n'a pas acquis la souveraineté territoriale par les traités passés avec les tribus indigènes. Si un Etat, dans les débuts de l'oeuvre, avait systématiquement dénié la validité de ces conventions, avait considéré les territoires du Congo visés par ces traités comme vacants et les avait soumis à sa souveraineté, ces annexions eussent été parfaitement valides au point de vue du droit des gens.

Heureusement, des raisons politiques et diplomatiques, qui seront exposées plus loin, ont écarté ce danger. Les puissances restèrent inactives; elles ne considérèrent point. le territoire occupé par l'Association comme vacant. Elles eussent pu, en quelques mois, annihiler l'œuvre entreprise, annexer le Congo. Elles ne le firent point.

de fait.

Et pendant ce temps, avec une énergie et une persévérance L'Etat eut une existence admirables, l'Association occupait le pays, multipliait ses stations, organisait une administration, établissait des règles. de gouvernement, les appliquait, faisait respecter son autorité. Léopold II exerçait les pouvoirs d'un souverain. Sa volonté dictait la loi à ses collaborateurs blancs; les populations indigènes y étaient soumises... Vint un moment où exista un gouvernement de fait. Dès lors, l'Etat existait, il était créé, il pouvait se réclamer du droit international, il ne s'agissait plus que d'obtenir la reconnaissance des puissances pour le faire entrer dans la société des nations.

L'Etat du Congo ne doit donc pas son origine à un mode dérivé d'acquisition de la souveraineté : la cession, mais à un mode originaire : l'occupation. Les traités passés avec les indigènes ne constituent pas son titre juridique. Ils n'ont pas d'importance à ce point de vue.

Quand l'Etat du Congo a-t-il commencé à exister?

Il ne faudrait pas en conclure qu'ils n'ont eu aucune utilité : ils ont permis à l'Association d'invoquer un semblant de titre et ont ainsi fortifié sa position vis-à-vis des puissances; ils ont parfois concilié les tribus avec lesquelles ils ont été passés et ont ainsi rendu plus aisés et plus pacifiques l'établis sement des agents de l'Association, la création des stations et l'organisation du pays.

A quel moment l'Etat Indépendant du Congo a-t-il commencé à exister? Est-ce au moment où il fut reconnu pour la première fois par les Etats-Unis, le 22 avril 1884, ou bien le jour où furent clôturés les travaux de la conférence de Berlin?

La réponse à cette question ne saurait être un seul instant douteuse. Il est absolument impossible, ainsi qu'il résulte des principes juridiques qui précèdent, de fixer avec précision le moment où l'Etat du Congo a commencé à exister. La reconnaissance des Etats n'est nullement une condition de leur existence. Tous les auteurs sont d'accord pour proclamer que cette reconnaissance a, non pas un caractère constitutif, mais simplement un caractère déclaratif. Elle se borne à constater le fait, antérieur à toute reconnaissance, que l'Etat reconnu existe. L'absence de reconnaissance ne fait pas plus obstacle à l'existence de l'Etat, que la reconnaissance ne suffirait à le créer si les éléments constitutifs n'en étaient pas réunis.

Lorsque donc les Etats-Unis reconnurent le drapeau de l'Association Internationale du Congo à l'égal du drapeau d'un Etat ami, c'est que, déjà antérieurement à cette époque, l'Etat existait. L'Etat a commencé à exister en fait, au moment, impossible à déterminer, où, grâce aux efforts des agents du Comité d'études du Haut Congo et de l'Association Internationale du Congo, sous la direction de Léopold II, la

population des territoires occupés fut soumise à l'influence civilisatrice, à l'autorité de Léopold II; quand cette autorité se fut assise et affermie; quand, en un mot, le Roi, par l'intermédiaire de ses mandataires, eut réussi à soumettre à une action gouvernementale effective, régulière et stable un nombre considérable de tribus. Ce moment se place entre 1879, date de la première expédition de Stanley pour compte du Comité d'études du Haut-Congo, et le 22 avril 1884, date de la reconnaissance par les Etats-Unis, mais il sera toujours impossible de le déterminer avec plus d'exactitude (1).

On voit combien sont inexactes les affirmations si souvent répétées, sinon par les hommes d'Etat et les savants belges, tout au moins par la presse, que l'Etat du Congo a été créé par la conférence de Berlin. Toutes les conséquences qu'on a prétendu en tirer au point de vue de l'étendue de la souveraineté congolaise n'ont aucune base scientifique ou historique.

(1) Il serait, en somme, beaucoup plus exact de fixer à 1882 qu'à 1884 la première reconnaissance du Comité d'études du Haut-Congo. La lettre qu'adressa M. Duclerc, président du conseil des ministres de France, à Léopold II, le 16 octobre 1882, prouve que, déjà à cette époque, la France considérait le Comité d'études comme susceptible de droits internationaux et d'obligations internationales.

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Correspondence respecting the territory of the west coast of Africa, lying between 5o 12' and 8o of south latitude, 1845-1877. — Bluebook, c. 3531, Africa, no 2, 1883

Correspondence relating to negociations between the governments of Great Britain and Portugal for conclusion of the Congo treaty, 1882-1884. Blue-book, c. 3883, Africa, n 2, 1884.

Further papers relating to events connected with the negociations with Portugal for a treaty respecting the Congo river and adjacent coast, 1884. Blue-book, c. 4025. Africa, no 3, 1884.

Correspondence relating to negociations between the governments of Great Bretain and Portugal for conclusion of the Congo treaty, 1882-1884. Blue-book, c. 3885, Africa, no 2, 1884.

Despatch to Her Majesty's Minister at Lisbon inclosing the Congo treaty signed february 26 1884, and corrected translation of Mozambique tariff of 1877. Blue-book, c. 3866, Africa, no 3,

1884.

Protocols and general act of the west african conference. Blue book, c. 4205, Africa, no 7.

Correspondence respecting the west african conference. Blue-book, c. 4202, Africa, no 7, 1884.

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Further correspondence respecting the west african conference. Bluebook, c. 4241, Africa, no 8, 1884.

Correspondence with Her Majesty's ambassador at Berlin respecting the west african conference. Blue-book, c. 4284, Africa, no 2, 1885.

Affaires du Congo et de l'Afrique occidentale. -Livres Jaunes. - Paris, 1884, 1885.

393th Report to the senate of the united states of America.

gress, first session.

48th con

The occupation of the Congo country in Africa. Senate, 48th con-
gress, first session.

Aktenstücke, betreffend die Kongofrage, nebst einer Karte von Central-
Africa.

B. Principaux ouvrages.

BANNING (E.), Le partage politique de l'Afrique. Bruxelles, in-8°, 1888.

SCOTT KELTIE J.), The partition of Africa. London, second edition, 1895.

la naissance de l'Etat.

La création de l'Etat Indépendant du Congo a été une Causes qui ont favorisé création politique bien plus qu'une création juridique Elle s'est faite en dehors du droit des gens et sans sa protection, grâce à un concours de circonstances politiques habilement mises à profit par une diplomatie savante.

Les vues très légitimes et très naturelles de la France et du Portugal sur le bassin du Congo tinrent longtemps en suspens le succès de la grande entreprise de Léopold II. Ces deux puissances avaient intérêt à soutenir que l'Association Internationale du Congo était incapable d'acquérir la souveraineté. Si, prenant une attitude énergique, elles avaient déclaré considérer les traités passés avec les indigènes comme nuls et les territoires occupés par l'Association comme vacants, il eût été impossible d'invoquer contre elles les règles du droit international. Il est nécessaire d'analyser avec précision les raisons politiques qui ont écarté ce danger.

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