Page images
PDF
EPUB

La neutralité de l'État

est facultative et non garantie.

La neutralité peut être imposée ou facultative. Elle peut aussi être ou ne pas être garantie.

Les puissances signataires du traité de Londres du 15 novembre 1831 ont fait de la neutralité de la Belgique une condition de leur reconnaissance de l'indépendance belge; par contre, elles ont pris l'engagement de prendre les armes pour faire respecter cette neutralité si elle était violée. La neutralité du Congo est essentiellement différente. L'art. 10 du traité de Berlin donne aux puissances qui exercent des droits de souveraineté dans le bassin du Congo, la faculté de se déclarer neutres. Cette déclaration de neutralité est donc volontaire.

L'Etat Indépendant a, le 1er août 1895 (1), usé de cette faculté Il s'est déclaré perpétuellement neutre et, en notifiant cette déclaration aux puissances, a déclaré réclamer les avantages garantis par les dispositions de l'acte général de la conférence de Berlin relatives à la neutralité et assumer les devoirs que la neutralité comporte. Cette notification contenait aussi une détermination des limites de l'Etat telles qu'elles résultaient des traités jusqu'alors conclus.

Le 28 décembre 1894, le gouvernement de l'Etat Indépendant, qui venait de passer une série de conventions internationales modifiant ses frontières primitives, a rectifié et complété la déclaration de neutralité de 1885 (2). Pour le territoire de l'Etat se trouvant compris dans le bassin conventionnel du Congo, cette modification ne pouvait soulever aucune difficulté. La région cédée à l'Etat Indépendant par l'Angleterre, par le traité du 12 mai 1894, n'est point soumise au régime de la neutralité.

L'Etat est donc astreint aux devoirs de la neutralité et,

(1) Bull. off., 1885, p. 22; Bull. off., 1888, p. 237.
(2) Bull. off., 1894, p. 258.

aussi longtemps qu'il remplira les devoirs que celle-ci comporte, les puissances qui ont ratifié le traité ou qui y ont adhéré ont l'obligation de la respecter.

Les puissances n'ont d'ailleurs pas garanti cette neutralité. Si l'une d'elles violait la neutralité de l'Etat Indépendant, les autres puissances pourraient intervenir, car cette violation constituerait une violation du traité de Berlin, mais elles ne seraient pas tenues de le faire.

puissances existe la neutralité.

Les États qui sont restés en dehors des travaux de la confé- Vis-à-vis de quelles rence ne sont point liés par les règles qu'elle a adoptées. Que ce soient des Etats européens ou des Etats indigènes, ils ont conservé la faculté de chercher à obtenir par la guerre le redressement des torts réels ou imaginaires que l'Etat Indépendant du Congo leur aurait causés. L'Etat aurait alors à pourvoir à sa propre défense ou à compter sur l'intervention des puissances signataires du traité.

tralité sur la souveraineté.

Certains auteurs ont une tendance à considérer que les Influence de la neuEtats perpétuellement neutres, comme la Belgique et la Suisse, sont dans une condition juridique inférieure. Ils vont jusqu'à les comparer aux Etats mi-souverains. Cette théorie est vivement et justement combattue. La neutralisation ne porte atteinte aux droits de souveraineté que dans la mesure où leur exercice est rigoureusement incompatible avec les obligations que la neutralité impose. C'est dans ces limites seulement que la neutralité du Congo affecte sa souveraineté.

Il faut de plus remarquer que l'Etat Indépendant se trouve à ce point de vue dans une situation plus favorable que la Belgique, car sa neutralité, au lieu de lui avoir été imposée, est simplement facultative.

Bons offices.

CHAPITRE II

LES BONS OFFICES

La conférence de Berlin a institué, comme un autre moyen d'empêcher que la guerre ne dévaste les territoires faisant partie du bassin du Congo, le recours aux bons offices des puissances.

L'hypothèse prévue par l'art. 11 (1) de l'acte général vise le cas d'un conflit surgissant entre des puissances dont l'une au moins exerce des droits de souveraineté ou de protectorat dans le bassin du Congo et pour des causes n'ayant rien de commun avec leurs possessions congolaises. Il en serait ainsi, par exemple, si une guerre venait à éclater entre la France et l'Angleterre. Les belligérants, dans ce cas, pourraient porter les hostilités sur tous les points où l'ennemi leur semblerait le plus vulnérable. L'Angleterre aurait donc le droit d'attaquer les territoires français du Congo, d'y combattre les troupes françaises et d'essayer de s'emparer du pays. C'est à écarter cette éventualité redoutable pour les intérêts de la civilisation que la conférence s'est attachée.

Les puissances signataires de l'acte général et celles qui y

(1) ART. 11. — Dans le cas où une puissance exerçant des droits de souveraineté ou de protectorat dans les contrées mentionnées à l'art. 4er et placées sous le régime de la liberté commerciale serait impliquée dans une guerre, les hautes parties signataires du présent acte et celles qui y adhéreront par la suite s'engagent à prêter leurs bons offices pour que les territoires appartenant à cette puissance et compris dans la zone conventionnelle de la liberté commerciale soient, du consentement commun de cette puissance et de l'autre, ou des autres parties belligé rantes, placés pour la durée de la guerre sous le régime de la neutralité et considérés comme appartenant à un Etat non belligérant; les parties belligérantes renonceraient, dès lors, à étendre les hostilités aux territoires ainsi neutralisés, aussi bien qu'à les faire servir de base à des opérations de guerre.

ont adhéré sont formellement tenues de prêter leurs bons offices en vue d'obtenir que les territoires appartenant aux belligérants et situés dans le bassin du Congo soient placés, pour la durée de la guerre, sous le régime de la neutralité. Si ce résultat est obtenu, les territoires neutralisés sont considérés comme appartenant à un Etat non belligérant; ils ne peuvent ni devenir le théâtre d'hostilités, ni servir de base à des opérations de guerre.

L'art. 11 ne semble pas pouvoir s'appliquer jamais à l'Etat du Congo. Celui-ci est, en effet, un Etat purement congolais, de sorte que tous les conflits où il peut être impliqué seront des conflits visés par les dispositions de l'art. 12 du traité.

Il était toutefois utile d'exposer cette matière, parce que l'art 11 acquerrait une importance plus grande le jour où l'Etat du Congo se transformerait en une colonie belge.

CHAPITRE III

LA MÉDIATION

L'art. 12 de l'acte général de la conférence de Berlin (1) Médiation. prévoit le cas où un dissentiment sérieux aurait pris naissance au sujet ou dans les limites du bassin conventionnel du Congo. Tous les conflits intéressant l'Etat Indépendant rentrent dans cette catégorie.

-

(1) Art. 12. Dans le cas où un dissentiment sérieux, ayant pris naissance au sujet ou dans les limites des territoires mentionnés à l'art. 1er et placés sous le régime de la liberté commerciale, viendrait à s'élever entre des puissances signataires du présent acte ou des puissances qui y adhéreraient par la suite, ces puissances s'engagent, avant d'en appeler aux armes, à recourir à la médiation d'une ou de plusieurs puissances amies.

Pour le même cas, les mêmes puissances se réservent le recours facultatif à la procédure de l'arbitrage.

La puissance avec qui aurait surgi la contestation, serait tenue, en vertu des principes plus haut exposés, de respecter la neutralité de l'Etat Indépendant, si, bien entendu, elle est au nombre des Etats qui ont ratifié le traité de Berlin ou y ont adhéré.

Si cette puissance respecte ses engagements, elle ne pourra pas ouvrir des hostilités contre l'Etat. Elle devra essayer d'obtenir satisfaction par les voies diplomatiques. Si elle attaquait l'Etat, malgré la neutralité de ce dernier, chaque puissance signataire du traité pourrait intervenir et considérer la violation de la neutralité comme un casus belli.

En tous cas, les Etats signataires se sont formellement engagés à recourir à la médiation d'une ou de plusieurs puissances amies, avant d'en appeler aux armes. L'Etat Indépendant du Congo ne serait donc exposé à une aggression, que si la médiation des puissances ne produisait aucun résultat.

Un conflit assez aigu a surgi, il y a quelques années, entre la France et l'Etat du Congo, relativement à leurs frontières dans la région de l'Oubanghi. La France, ayant ratifié le traité de Berlin, était tenue de respecter la neutralité de l'Etat. Elle n'eût pu, en tous cas, recourir aux armes, sans recourir, au préalable. à la médiation de quelque autre puissance. Quoique le dissentiment fût assez sérieux, le recours à la médiation ne devint même pas nécessaire.

CHAPITRE IV

Arbitrage.

L'ARBITRAGE

La médiation s'impose comme une obligation formelle, dans les cas prévus au paragraphe précédent. Si cette médiation restait inefficace, il resterait une dernière possibilité

« PreviousContinue »