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Au point de vue administratif.

Au point de vue

financier.

ni aucune disposition législative ou réglementaire ne doivent comme tels recevoir application au Congo (en mettant à part, bien entendu, l'application des règles du droit international privé). Certes, le gouvernement du Congo peut, en vertu de sa souveraineté interne, édicter pour recevoir application au Congo, telle ou telle disposition législative belge qu'il jugerait utile, mais cette disposition sera obligatoire dans les limites de l'Etat du Congo, en tant que loi congolaise. Jamais une loi belge qui n'a point été édictée au Congo, ne peut comme telle être considérée comme loi congolaise.

Il résulte de ce principe primordial que si une loi belge édictée au Congo était interprétée en Belgique par une loi subséquente qui ne serait pas édictée au Congo, la loi interprétative ne lierait point la magistrature congolaise.

Les jugements et arrêts de justice n'ont pas plus de valeur au Congo, même dans les matières réglées dans les deux pays par les lois identiques, que la jurisprudence française en matière de code civil n'en a en Belgique.

Chaque Etat conserve intacte sa souveraineté interne et la Belgique n'a pas plus le droit d'intervenir dans les affaires intérieures du Congo que l'Etat du Congo ne peut intervenir dans les affaires belges. La Belgique n'a vis-à-vis du gouvernement du Congo ni droit d'intervention, ni droit de direction, ni droit de contrôle. Sauf les exceptions qui auraient été établies par traité et qui devraient être restrictivement interprétées, l'Etat du Congo règle ses affaires intérieures dans une parfaite indépendance de la Belgique.

L'indépendance des deux pays est aussi complète au point de vue financier. Chaque Etat a sa dette propre et aucun n'est responsable des engagements financiers de l'autre Etat. Chacun d'entre eux adopte le régime fiscal et le système d'impôts qu'il croit bons, sauf les restrictions qui auraient été établies par traité.

militaire.

L'Etat du Congo a son organisation militaire spéciale. Au point de vue Aucun officier de l'armée d'un des deux Etats ne peut, en cette qualité, exercer aucune autorité, ni aucun commandement sur le territoire de l autre Etat, ni exiger aucune obéissance des militaires inférieurs en grade appartenant à l'armée de cet Etat. Les rapports des officiers des deux armées sont régis par les rapports de simple courtoisie internationale.

Les officiers et militaires belges qui exercent des commandements au Congo le font avec l'autorisation du gouvernement belge, en vertu d'une nomination en règle par le gouvernement de l'Etat Indépendant.

Le gouvernement belge pourrait, à tout moment, retirer à ses officiers et soldats l'autorisation de prendre du service dans l'armée congolaise et il pourrait, à tout moment, révoquer une autorisation qu'il aurait accordée.

Si même l'Etat du Congo se trouvait engagé dans une guerre, le gouvernement belge, pour s'acquitter de ses devoirs de neutre, devrait immédiatement rappeler tous ses officiers, sous-officiers et soldats au service de l'Etat Indépendant.

Les officiers belges qui ne rentreraient pas immédiatement en Belgique devraient être poursuivis conformément au code pénal militaire belge et ils tomberaient en outre sous l'application de l'art. 123 du code pénal (1).

étrangers au Congo,

Les Belges qui se trouvent sur le territoire de l'Etat Indé- Les Belges sont des pendant et les Congolais qui se trouvent sur le territoire. belge sont des étrangers et sont soumis au même traitement, ont les mêmes droits et les mêmes devoirs que les étrangers appartenant aux autres nationalités.

Un Belge qui s'établirait au Congo sans esprit de retour,

(1) Code pénal, art. 123. - Quiconque, par des actions hostiles non autorisées par le gouvernement, aura exposé l'Etat à des hostilités de la part d'une puissance étrangère, sera puni de la détention de 5 à 10 ans et, si des hostilités s'en sont suivies, de la détention de 10 à 15 ans.

perdrait, à supposer que cette absence d'esprit de retour fût suffisamment établie, la qualité de Belge.

Conflits

de souveraineté.

CHAPITRE II

DES CONFLITS RÉSULTANT DE L'EXERCICE SUR LE TERRITOIRE Belge
DE LA SOUVERAINETÉ CONGOLAISE.

La Belgique est, en vertu de divers décrets organiques, le siège du gouvernement central de l'Etat du Congo.

Le Souverain a, le 30 octobre 1885 (1). établi à Bruxelles le gouvernement central. La première organisation a été modifiée par le décret du 1er septembre 1894 (2), qui, en complétant celui du 30 octobre 1885, a maintenu implicitement Bruxelles comme siège du gouvernement. C'est de cette ville qu'est gouverné l'Etat du Congo. En réalité, il est gouverné comme une colonie. Les rouages de l'administration locale correspondent aux organismes administratifs dans les colonies et le gouvernement central correspond à un ministère des colonies. L'Etat du Congo, qui a le statut d'Etat, est en fait une colonie sans métropole. Comme le gouvernement du Congo doit s'exercer quelque part, on l'a établi à Bruxelles, résidence de Léopold II, en sa qualité de Roi des Belges.

Le décret du 16 avril 1889 (3) a créé, à Bruxelles, un conseil supérieur de l'Etat Indépendant du Congo qui a été organisé par celui du 8 octobre 1890 (4) Ce conseil est, avant tout, un corps judiciaire. Il connaît, comme Cour de cassation, des pourvois dirigés contre les jugements rendus en dernier ressort en matière civile et commerciale.

(1) Bull. off., 1885, p. 25.
(2) Bull. off., 1894, p. 186.
(3) Bull. off., 1889, p. 161.
(4) Bull. off., 1890, p. 154.

Il siège comme seconde Cour d'appel en matière civile et commerciale.

Il a même une juridiction pénale. Il connaît, dans certains cas, des infractions commises par les juges et les officiers du Ministère public de l'Etat Indépendant.

En dehors de ses fonctions judiciaires, le conseil supérieur a les attributions consultatives d'un conseil d'Etat.

Ce conseil constitue donc un tribunal d'un Etat qui siège et qui exerce sa juridiction sur le territoire d'un autre Etat. La procédure devant le conseil supérieur a été réglée par une série de décrets (1).

Les exploits devant le conseil supérieur sont faits soit par les huissiers institués au Congo, soit par les huissiers ayant compétence pour instrumenter dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles.

Il y a lieu de rechercher si ces divers modes d'exercice de la souveraineté congolaise sur le territoire belge sont conformes au droit international et au droit public belge.

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exclusif de la souveraineté.

Chaque Etat a sur son territoire des droits de souveraineté Caractère absolu et territoriale. Ces droits sont absolus et exclusifs Ils sont absolus, c'est-à-dire que toutes les parties du territoire, toutes les personnes qui y vivent, tous les actes qui s'y accomplissent sont soumis aux lois que cet Etat a instituées. Ils sont exclusifs en ce sens que l'Etat exerce seul ces droits à l'intérieur de ses frontières. Aucune autre puissance n'y peut faire acte de souveraineté. Ces principes sont universellement admis.

Des restrictions y ont pourtant été apportées par le droit

(1) Bull. off., 1891, p. 111. Bull. off., 1896, p. 222.

Dérogations à ce caractère.

international. La coexistence des nations établit entre elles des liens et des rapports nécessaires. Aucun Etat ne peut prétendre qu'à l'indépendance compatible avec l'existence des rapports qu'il entretient forcément avec les autres Etats

Des coutumes et usages internationaux, établis dans l'intérêt de tous les Etats et trouvant leur justification dans la règle de la réciprocité, ont établi des dérogations au caractère absolu et exclusif de la souveraineté territoriale.

Un souverain ou un chef d'Etat étranger, qui se trouve, même à titre privé, sur le territoire d'un autre Etat n'est point soumis à la juridiction du pays où il se trouve. Il n'est pas soumis aux lois de cet Etat.

On admet aussi en faveur des souverains des exceptions au caractère exclusif de la souveraineté : les chefs d'Etat peuvent, en vertu de la coutume internationale, accomplir sur le territoire des Etats étrangers, certains actes de souveraineté. Ils peuvent sanctionner et promulguer des lois, nommer aux emplois publics, user du droit de grâce, etc., etc., en un mot, ils peuvent exercer sur le territoire étranger, et de ce territoire, leur droit de souveraineté sur leurs Etats et sur leurs sujets.

Les coutumes internationales leur reconnaissent aussi certains droits limités de juridiction sur leur suite. Mais, à supposer qu'ils puissent exercer la juridiction civile ou la juridiction criminelle, il est certain qu'ils ne sont pas admis à faire exécuter, sur le territoire des Etats étrangers, les sentences qu'ils auraient prononcées

A fortiori, le souverain étranger n'est-il pas autorisé par le droit international, à établir sur un territoire étranger aucun tribunal constitué. Ce serait là une atteinte inadmissible à la souveraineté territoriale de l'Etat où il se trouve.

Des limitations de la souveraineté territoriale ont aussi été admises au profit des agents diplomatiques des Etats étran

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