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Carrières-sous-Charenton (1) ne peut plus faire son service depuis

deux jours.

[Arch. nat., F 201.]

XXXIV

Du 22 nivôse, l'an 11 de la République française.

Il se répand une nouvelle qui fait beaucoup de plaisir au commerce et au public en général; c'est qu'il va paraître, dans quelques jours, à Paris, une nouvelle taxe des denrées et des marchandises d'après la loi du maximum. Cette nouvelle taxe, sollicitée depuis longtemps, est infiniment désirée. Il n'est pas douteux que, si elle est faite sur des bases solides et bien calculées, elle ne produise un très grand bien dans la République et particulièrement dans cette grande commune. Le producteur reprendra ses travaux, le fabricant ne craindra plus de vendre, le marchand d'acheter et de revendre, et le consommateur, instruit, par une triste expérience que, quand on met les marchandises au-dessous de leur valeur, on en arrête infailliblement le cours et on en cause la disette, se félicitera de ne plus éprouver la privation pénible où il a été des choses les plus usuelles et les plus nécessaires. La circulation renaîtra, les communications interceptées se rouvriront, le commerce languissant se ranimera, et les approvisionnements deviendront plus nombreux et plus faciles. J'aurai moi-même à me féliciter d'un changement aussi heureux. Je n'ai cessé, depuis la publication de la loi du maximum, de représenter les inconvénients graves et multipliés qui résultaient de la taxe faite à Paris d'après cette loi, et d'en solliciter la revision pour en former une nouvelle sur des bases plus justes. J'aurai coopéré au succès de cette mesure; ce sera une grande satisfaction pour moi; il n'en est pas de plus douce pour un vrai républicain que celle que produit le sentiment d'avoir contribué par ses travaux au bonheur de la République.

On remarque depuis quelque temps que certaines marchandises, particulièrement les petites étoffes de laine, sont plus communes qu'elles ne l'étaient et que les prix en sont diminués; mais beaucoup de personnes n'observent pas que cette diminution de

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prix n'est qu'apparente. Ces étoffes ont une qualité et une largeur moindre qu'elles n'avaient. Ainsi le fabricant et le marchand, tout en ayant l'air de donner leurs étoffes à meilleur marché, les vendent tout aussi cher, et quelquefois plus cher qu'auparavant. C'est une petite ruse mercantile, dont les personnes peu instruites sont les dupes. Que les fabricants et les marchands aient la liberté de faire et de débiter des étoffes de toutes qualités et de toutes largeurs, à la bonne heure, car la liberté est bonne pour tout et en toutes choses; mais qu'ils soient assujettis à tenir, dans leurs magasins et dans leurs boutiques, un tableau bien apparent, fait en deux colonnes, sur l'une desquelles seront inscrits le nom, la qualité, la largeur et le prix qu'avaient chacune de leurs étoffes dans leur nouveauté, ainsi que le prix qu'ils les vendaient au moment du maximum, et, sur la colonne en face, la qualité, la largeur et le prix des mêmes étoffes dans le moment actuel; ce sera un préservatif pour les acheteurs, qui verront d'un coup d'œil la tromperie qu'on voudrait leur faire, et qui pourront s'en garantir s'ils le jugent à propos.

[Arch. nat., F7 3688.1

GRIVEL, commissaire du Pouvoir exécutif
pour le département de Paris.

XXXV

Du 25 nivôse, l'an 11 de la République française.

J'ai déjà représenté (1) au citoyen Ministre de l'intérieur, que le lait, qui est un objet de consommation journalière et très étendue pour Paris, y était rare et très cher, puisqu'il s'y vendait au prix de l'eau-de-vie, à 32 sous la pinte, quoique mêlé d'une grande quantité d'eau. Aujourd'hui, j'avertis le même Ministre qu'il se fait depuis quelques jours autour des laitières, au moment où elles arrivent dans les quartiers qu'elles ont coutume de servir, des rassemblements comme il s'en formait devant les boutiques des boulangers pour la distribution du pain, et que les laitières mettent à

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leur marchandise le prix qu'elles veulent. Il résulte de cette rareté du lait et du haut prix auquel les personnes aisées qui ne savent pas s'en passer le font monter, que les nourrices des familles pauvres ne peuvent pas s'en procurer pour faire la bouillie à leurs nourrissons; c'est ce que viennent de représenter à la municipalité les citoyens de la section de l'Arsenal (). Peut-être ce motif, le manque de lait pour la bouillie des enfants, n'est-il qu'apparent, car il est, je crois, possible de leur faire de la bouillie avec de l'eau; peut-être sont-ce les femmes de cette section, plutôt que les enfants, qui souffrent de la rareté ou de la privation du lait. Quoi qu'il en soit, la pétition de la section de l'Arsenal a été accueillic, et il paraît qu'on va s'occuper des mesures à prendre pour remédier au plus tôt à la pénurie et à la cherté du lait.

On doit avoir annoncé au Ministre que les marchés de Charenton et de Choisy sont nuls depuis dix ou douze jours; s'il ne le savait pas, je l'en avertis : il n'y eut point de marché hier à Charenton. Tout cela tient aux mesures forcées et mal combinées qu'on a prises pour l'approvisionnement des grains. Tant de réquisitions, tant de commissaires aux approvisionnements se croisent, que les gens timides et les malveillants profitent de cette discordance soit. pour cacher les grains, soit pour en élever le prix au-dessus du maximum. Jusqu'à ce qu'on puisse rendre au commerce et surtout à celui des grains la liberté de la circulation dans l'intérieur de la République, des mesures partielles de police sont insuffisantes, il faut des mesures générales. Je n'ai cessé de demander la simplification des réquisitions et la réduction du nombre des commissaires. J'ose croire que, si l'on m'avait écouté, on n'éprouverait pas la pénurie des denrées que l'on souffre, ni les embarras que l'on éprouve.

Toutes les denrées, aux environs de Paris, sont vendues à un tiers et une moitié en sus des prix fixés d'après la loi du maximum.

La plupart de ces denrées, avant d'arriver à Paris, sont vendues deux et trois fois et toujours en augmentant de prix. Des spéculateurs vont les chercher jusqu'auprès des communes d'où elles sortent; ils les revendent à profit à d'autres spéculateurs, qui les

(1) A la séance du 23 nivòse an 11 (Journal de la Montagne, 25 nivòse an 11, p. 492; Courrier républicain, 25 nivòse an 11, p. 94).

attendent en chemin, lesquels les revendent encore avec un plus fort bénéfice à d'autres avant d'arriver aux barrières. Toutes ces ventes et reventes entre le producteur et le consommateur font que des denrées telles que le lait, le beurre, les œufs, sont à Paris à des prix triples et quadruples de ce qu'ils se vendent au village.

GRIVEL, commissaire du Pouvoir exécutif
pour le département de Paris.

[Arch. nat., F7 36883.]

XXXVI

Le 26 nivòse, an 11 de la République.

La dénonciation des bouchers de Paris (1), les questions adressées aux districts par le Comité de sûreté générale (2) et la résolution que la Convention vient de manifester sur la loi du maximum, même à l'égard des fournisseurs de la République (3), ne laissent pas que d'embarrasser la plupart des autorités et des sociétés populaires de la campagne.

En effet, on ne peut se dissimuler que presque partout cette loi salutaire est regardée comme non avenue, qu'elle est violée de la manière la plus impudente, que, loin de la faire respecter, plusieurs communes en favorisent l'inexécution, soit en autorisant publiquement dans les marchés à vendre au-dessus du tarif, soit

(1) Il est possible que Siret fasse allusion aux plaintes présentées contre les bouchers et les charcutiers, le 5 nivôse an 11, au Conseil général de la Commune de Paris par la Section de l'Unité (Journal de la Montagne, 7 nivòse an 11, p. 348). C'est surtout en pluviôse que les dénonciations contre les bouchers se firent nombreuses et pressantes.

(2) Sur l'exécution des diverses lois révolutionnaires et notamment de celles relatives aux subsistances. Ce questionnaire est publié au Journal des débats et des décrets, nivôse an 11, no 475.

(3) A la fin de la séance du 21 nivôse, le Comité des marchés présenta un projet de décret relatif aux fournisseurs de viande des armées, accusés de violer couramment le maximum. La Convention ne vota pas le décret, mais prescrivit au Comité de préparer un «rapport général sur les fournisseurs de la viande aux différentes armées de la République» (Procès-verbal de la Convention nationale, t. XXIX, p. 162; Courrier républicain, 92 nivôse an и, p. 66).

en imposant silence au peuple d'une manière indirecte, par la présence de la force armée, sous le prétexte de maintenir l'ordre et la police.

Les sociétés populaires elles-mêmes, composées de propriétaires cultivateurs, de fermiers et autres individus intéressés à éluder cette loi, ont pris un tel empire sur les autorités que celles-ci, s'imaginant être sous la dépendance immédiate des premières, n'osent ouvrir les yeux sur l'inexécution d'une loi qui contrarie l'intérêt des vendeurs.

Il faut convenir, d'ailleurs, que dans la rédaction des tarifs, la précipitation, l'inexpérience, peut-être même les passions, la prévention et la cupidité ont occasionné quelques erreurs; mais à coup sûr ces erreurs ne frappent pas sur les denrées de première nécessité.

Si on avait quelque reproche à faire aux rédacteurs de ces tarifs, ce serait d'avoir forcé le prix des productions locales, d'avoir négligé d'y comprendre les plus essentielles et d'avoir avili les pro- · duits des territoires voisins, ceux des arts, de l'industrie, des manufactures, etc. Il semblerait que chaque canton de la République s'est proposé de doubler ses facultés aux dépens des autres, et de se procurer pour presque rien un luxe jusqu'alors inconnu dans les campagnes.

Mais, quelle que soit l'opinion que l'on n'a cessé de suggérer au peuple sur l'effet de cette loi et de celle sur les accaparements (1), il n'est pas moins certain moins certain que, sans le secours de ces deux lois, la République serait aujourd'hui dans le plus affreux dénûment. Ce n'est donc point à ces lois qu'il faut attribuer la rareté apparente et la cherté excessive des denrées et des marchandises; cette rareté et cette cherté existaient avant leur promulgation, l'une et l'autre étaient infiniment plus alarmantes. C'est uniquement à leur inexécution, à l'inertie, à la faiblesse des administrations, à la cupidité des fermiers et cultivateurs, au découragement du commerce et à l'abus dans l'application des principes, qu'il faut s'en prendre.

Certainement il y a des accaparements. Il y en a eu d'un genre horrible, que la postérité aura peine à croire. J'ai vu moi-même des manœuvres infâmes dont j'ai gémi. Je n'étais alors correspondant d'aucune autorité, mais je fus tellement révolté de ce dont

(1) Décret du 26 juillet 1793 (Recueil... sur le commerce des céréales, no 27).

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