Page images
PDF
EPUB

rapport précédent (1) qu'elle était devenue plus commune que jamais, puisque, dans les endroits où la boucherie ne tenait qu'un jour par semaine, on avait presque toujours trouvé de la viande, dans les boutiques. Aujourd'hui que le premier tableau du maximum est public, les bouchers élèvent la question de savoir si l'on doit la leur payer au maximum ou 20 sols. Ils disent qu'ils ont acheté leurs bestiaux avant que le maximum fût connu; que s'ils eussent su que le bœuf n'eût été taxé que 16 sols, ils ne l'eussent pas acheté aussi cher, ou qu'ils n'en auraient pas acheté du tout; qu'ils n'ont fait leurs emplettes que dans la confiance qu'ils vendraient 20 sols, etc. Le peuple, de son côté, trouve que le maximum est trop haut, de manière que cette taxe, à en croire les murmures des marchands et des consommateurs, ne paraît pas, quant à présent, avoir l'assentiment général.

Si cependant, ainsi que le prédisent les marchands, cette nouvelle fixation ne ramène pas l'abondance, il sera plus que démontré que c'est leur cupidité qui met des entraves, puisque, depuis la cessation de l'ancien maximum, l'abondance commençait à renaître, ou au moins qu'il était facile de reconnaître que la disette n'était que factice.

Au surplus, on ne peut encore rien préjuger sur cet objet; il faut attendre quelques jours d'expérience.

Je crois devoir observer que plusieurs cultivateurs des communes environnantes avaient ensemencé à grands frais leurs terres de légumes, entre autres de pois, qui ont coûté jusqu'à 12 et 15 livres le boisseau, Ces pois se sont trouvés presque généralement viciés; ils n'ont pas levé; il a fallu retourner les terres ainsi ensemencées et y mettre d'autres grains.

Il est assez extraordinaire que cette fatalité ait porté de préférence sur ce genre de comestibles, tandis que les autres grains. promettent merveilles. On ignore si pareille chose aura lieu dans les haricots, fèves, lentilles, etc.

[Arch. nat., F 201.]

(1) Voir ci-dessus, P. 294.

SIRET.

LXIX

Du 9 germinal, an 11 de la République.

Suite des observations sur les marchandises qui nous viennent de l'étranger (1).

Nous allons tracer ici un tableau des huiles traitées en rivière de Gênes, d'après lequel on pourra calculer ce que pourront coûter à peu près celles qu'on serait dans le cas de tirer des autres endroits indiqués dans nos précédentes observations faites sur cette matière.

5 pièces d'huile, contenant 50 millerolles à
de Gênes, ci....

Frais.

Déchet et empilage à 30 sols la millerolle.
Futailles à 45 sols aussi la millerolle...
20 cercles de fer à 45 sols la pièce.... . . .
Plaques, bouchons et étuves des pièces à
1 livre pour chacune...

Droits de sortie et portefaix à 10 sols la
millerolle...

Port à bord à 5 sols la millerolle....
Arrimage à bord des navires à 1 sol la
millerolle...

Commission à 2 1/2 p. 100.....

72 livres

3,500' 00' 00°

[blocks in formation]

Au change ancien de 5 livres tournois pour une piastre

de change de Gênes de 5 livres 15 sols en monnaie dudit lieu, le montant est, en livres tournois...... 3,4561 'ood Fret et assurance de Gênes à Marseille, présumé 15

p. 100 de la valeur..........

518 8 00

3,974' 10' 00'

Ces 50 millerolles devront rendre à Marseille, s'il n'y a point de coulage extraordinaire, 5,700 livres net, poids de marc, coûtant 3,974 livres 10 sols; le quintal en reviendra à 69 livres 15 sols.

() Voir ci-dessus, p. 217.

Si le change, au lieu de 5 livres en assignats métalliques, est du double en assignats en papier, cette huile, qui dans le premier cas revient à 69 livres 15 sols, devra dans le second cas monter évidemment à 139 livres 10 sols, et si le change en assignats pa-pier outrepasse le double, la proportion du prix devra s'en accroître dans la parité.

Il est donc évident que la taxe de l'huile à 120 livres, à Marseille, est posée sur une base absolument fausse, puisque, si on se la procure dans l'étranger, en assignats métalliques elle ne reviendra qu'à 70 livres ou environ, et que, si on la paye en papier monnaie, le prix variera autant que le change et pourra s'élever jusqu'à 160 livres et peut-être plus. Dans une pareille incertitude, aucun commerçant ne peut s'occuper de tirer des huiles de l'étran ger; il en sera de même de toutes les productions qui ne sont pas territoriales. On a donc fait un calcul absolument erroné en e permettant d'apprécier les marchandises étrangères. Cette mesure de taxation ne devait et ne pouvait porter que sur les denrées et marchandises territoriales, ou bien il fallait décréter que tous les remboursements pour raison d'achats faits à l'étranger seraient opé rés en assignats métalliques, ou en fournir aux négociants pour cet emploi. Alors on aurait vu le change retomber au taux où il était en 1790, et, à 1 ou 2 p. 100 près, on cùt opéré avec sagesse et intelligence. Bien loin de repousser par cette taxe les marchandises étrangères, il eût été bien plus convenable d'accorder des primes à ceux qui nous en porteraient.

[Arch. nat., F" 201.]

GRIVEL.

NOTES, EXTRAITS ET DOCUMENTS.

LA QUESTION DU PRIX RÉEL" DES BIENS NATIONaux aliénés.

L'arrêté du 28 vendémiaire an 1x (20 octobre 1800) permit la rentrée en France d'un grand nombre d'émigrés; aussitôt les acquéreurs de biens nationaux furent inquiets et leurs inquiétudes ne furent pas vaines dans tel département, ils reçurent des lettres anonymes les exhortant à se dessaisir de leurs biens pour éviter de fâcheux inconvénients; dans tel autre, les biens nationaux perdirent toute valeur; ailleurs les émigrés déclarèrent qu'avant peu ils rentreraient dans leurs biens, sans rien payer; en Maine-et-Loire un acquéreur fut dénoncé au préfet comme ayant acheté à vil prix; le préfet fit procéder à une réestimation qui jeta l'alarme parmi les acquéreurs; dans le Jura, un émigré alla trouver un maître de forges pour lui demander le prix d'une portion de son bien qu'il avait acquise et payée à la Nation (1).

C'est précisément du département du Jura que vint, en floréal an IX (mai 1801), une curieuse proposition adressée au Ministre de l'intérieur par un ancien membre de la Législative devenu juge de paix à Dôle. Vuillier, autrefois président du bureau de conciliation de Dôle (2), était frappé de voir que dans l'opinion générale le titre d'acquéreur de domaines nationaux était devenu, pour ainsi dire, synonyme de dilapidateur, d'usurpateur de la fortune publique. Il attribuait ce jugement unanime non pas simplement à l'esprit de jalousie mais bien plutôt à la disproportion énorme que la dépréciation progressive da papier-monnaie avait établie presque généralement entre la valeur positive des biens vendus et leur produit réel».

(1) Voir dans le recueil de M. AULARD, État de la France en l'an vIII et en l'an 1x (Paris, 1897, in-8°, publication de la Société de l'histoire de la Révolution française), les tableaux rédigés par les bureaux du Ministère de l'intérieur pour les premiers mois de l'an 1x et donnant l'état de l'esprit public, dans les départements, à cette époque.

(2) A la Législative, Vuillier avait prononcé un discours pour demander l'aliénation des forêts nationales.

Il estimait que la Nation avait le droit d'exiger des acquéreurs de ses domaines le prix réel de leur évaluation. Le mémoire de l'« exlégislateur Vuillier montre à quel degré la valeur réelle des payements effectués était, dès la Révolution même, considérée comme importante. Pour l'histoire de la vente des biens nationaux, c'est un facteur dont il faut, quand on le peut, tenir soigneusement compte.

DEPARTEMENT Du Jura.

Ch. SCHMIDT.

Dôle, le a floréal an g'.

Le citoyen Vuillier, de Dôle, ex-législateur, au Ministre de l'intérieur.

Citoyen ministre,

L'agriculture, le commerce et la navigation, ces trois sources de la prospérité publique et particulière, ont besoin, pour étendre leurs relations et pour accroître leur domaine, de tout l'appui que le Gouvernement leur prête. Augmenter ses ressources c'est donc multiplier leurs moyens de prospérité tel est le but que je me suis proposé dans un mémoire sur les domaines nationaux aliénés, dont j'ai l'honneur de vous adresser une copie.

Quoique je sois dans mon département un des plus gros acquéreurs de ces domaines, je ne me suis point arrêté à quelques considérations qui me touchaient de plus près que bien d'autres. Je n'ai voulu voir et n'ai vu que les grands intérêts publics; et quel que dût être pour moi, en particulier, le résultat du plan que je propose, si mes vues sont utiles mon zèle aura sa récompense.

Salut et respect.
VUILLIER().

Réflexions sur les domaines nationaux aliénés.

Une dette immense à acquitter, une guerre implacable à soutenir, tels furent les premiers fléaux que légua l'ancienne monarchie à la France régénérée; il ne lui restait qu'une ressource, l'aliénation des domaines natio

(1) Le Bureau du commerce lui accusa réception de sa lettre le 2 prairial an 1x; le mémoire est aux Archives nationales (série F12, documents non encore classés). - L'opposition que signale Vuillier explique que dès l'an vii (loi du 26 vendémiaire) on ait exigé le payement entièrement en numéraire pour les 125 millions de biens mis aux enchères. Cf. Ph. SAGNAC, Les ventes de biens nationaux, dans la Revue d'histoire moderne et contemporaine, 1906-1907, t. VII, p. 737-775.

« PreviousContinue »