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Gette opinion n'a été combattue par personne; elle a même été plus fortement exprimée par M. Malleville, ancien conseiller-d'état, et membre de la commission chargée de rédiger le projet du Code civil. Voici comment il s'exprime dans un ouvrage qu'il a publié depuis le Code:

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Je suis, dit-il, convaincu que si la paternité a été reconnue, les juges ne peuvent ni << ne doivent admettre l'adoption. Eh! que se« rait-ce en effet que l'adoption d'un enfant qu'on aurait déja reconnu pour le sien? Ce sont les « enfants d'autrui que la loi permet d'adopter, « et non ceux qui sont déja nôtres : Quod meum « est, amplius meum fieri non potest. »

D'après cela, n'est-on pas fondé à dire qu'il n'a pas été dans la pensée du conseil-d'état, qu'un père qui a reconnu un fils naturel pût ensuite l'adopter?

4o. La jurisprudence: plusieurs arrêts de la cour royale de Grenoble ont autorisé l'adoption d'enfants naturels reconnus; mais les cours royales de Paris, Bordeaux, Besançon et Nîmes, l'ont constamment prohibée en se fondant sur les dispositions que le Code renferme, soit sur les enfants naturels, soit sur l'adoption.

Voici les circonstances dans lesquelles a été rendu l'arrêt de la cour de Nîmes, qui a été dénoncé à la cour de cassation:

Le 8 septembre 1812, un jugement du tribunal civil de Privas autorise Louis Bernard à adopter Victor-Benjamin, son fils naturel reconnu; « vu (porte le jugement) que la jurisprudence a consacré le principe, que l'adoption des enfants naturels devait être admise. Ce jugement est présenté à l'approbation de la cour royale de Nîmes. L'arrêt de cette cour, sous la date du 30 décembre suivant, n'énonce aucun motif, comme le prescrit l'art. 357 du Code civil; et réforme le jugement de première instance, en déclarant qu'il n'y a pas lieu à l'adoption. Au nombre des pièces que vise l'arrêt, on voit figurer « l'acte de reconnaissance fait dans les registres de la commune d'Aubenas, le 9 mars 1806, par Louis Bernard, de Victor-Benjamin pour son fils naturel. »

De cette circonstance et du motif énoncé par les premiers juges, le sieur Bernard tire la conséquence que l'adoption a été refusée, uniquement parce qu'elle avait pour objet un enfant naturel reconnu; il se pourvoit devant la cour régulatrice, et demande la cassation de l'arrêt.

M. le procureur-général Mourre, portant la parole, a combattu avec force la prétention du sieur Bernard, que le Code autorise l'adoption des enfants reconnus. Il a rejeté l'autorité du pro

cès-verbal du 16 frimaire an x, comme n'énoncant pas l'opinion du conseil-d'état, parce que ce conseil n'en a pas autorisé la publication.

M. le rapporteur, après avoir exposé les moyens du demandeur, a soumis à la cour les questions suivantes :

L'arrêt de Nîmes peut-il être attaqué par la voie de cassation? La cassation en est-elle possible? Deux raisons de douter:

1o La loi défend aux juges d'exprimer les motifs de leur décision; la cour de cassation serait donc réduite à les deviner, ou du moins à les conjecturer.

2o On conçoit la possibilité de casser un arrêt, qui admettrait l'adoption dans les cas où la loi la prohibe d'une manière expresse, si la violation de la loi résultait de l'arrêt: mais dans l'espèce actuelle, l'arrêt a refusé l'adoption; où est la preuve que la qualité d'enfant naturel reconnu ait été le seul motif de cette décision? La probabilité suffit-elle pour motiver une cassation, lorsqu'il y a possibilité qu'un autre motif tenu secret, mais légal, ait entraîné la conscience des juges ?

Quant au fond, ajoute le rapporteur, il est vrai que le Code ne prononce pas en termes exprès la prohibition d'adopter un enfant naturel reconnu. La cour examinera si cette prohibition ne résulte pas implicitement et de l'esprit géral du Code tendant à favoriser les mariages et les mœurs, et de l'exclusion des enfants naturels de la succession de leurs père et mère, sur laquelle elle ne leur accorde qu'une simple créance: disposition que le père éluderait facilement au moyen de l'adoption, et dont l'effet possible serait de faire concourir, dans la succession paternelle, l'enfant naturel avec l'enfant légitime survenu au père depuis l'adoption.

La cour n'est point entrée dans l'examen du fond de la question relative à la prohibition d'adopter l'enfant naturel reconnu.

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<< Attendu, porte l'arrêt, que le demandeur ne propose aucun moyen tendant à prouver que les formes établies par la loi aient été violées dans l'espèce ; — attendu, quant au fond, qu'en matière d'adoption, la loi défend aux tribunaux et aux cours de motiver leurs jugements et leurs arrêts; attendu que lorsqu'une cour déclare n'y avoir lieu à adoption, elle peut y être déterminée par les circonstances particulières, que l'article 355 du Code civil autorise et abandonne à la conscience des juges; qu'ainsi des arrêts portant refus d'adoption, dont l'on ne peut connaître les motifs, ne peuvent, quant au fond, former l'objet d'un pourvoi en cassation, d'où la conséquence qu'il est inutile de s'occuper de la question élevée par le demandeur; la cour rejette.....

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Il résulte de cet arrêt, que le jugement qui refuse l'adoption d'un enfant naturel reconnu ne

importance et leur universalité, ont été, avec raison, placés au frontispice de notre législation civile.

viole pas la loi, et ne peut, sous ce point de vue, donner ouverture à cassation. Cette décision autorise à penser que l'arrêt d'une cour royale, qui, dans ce cas, approuverait l'adoption, ne pourrait échapper à la cassation comme contraire à l'esprit et à la lettre de la loi.

V. Un Français peut-il adopter un étranger? On dit pour la négative: l'adoption se considère ici sous trois rapports différents: 1° comme une naissance fictive; 2o comme une institution du droit civil qui change l'état des personnes; 3° comme un contrat synallagmatique: et de leur examen résulte la preuve que l'étranger ne peut être adopté. 1° L'adoption, étant une institution du droit civil, une fiction véritable, constitue une paternité et une naissance fictives, qui établissent entre l'adoptant et l'adopté des rapports de paternité et de filiation. Ainsi elle imite la nature dans la différence d'âge qui doit exister entre eux, dans la faculté donnée à l'adoptant d'avoir plusieurs enfants adoptifs, dans la défense d'être adopté par plusieurs personnes, si ce n'est par deux époux. (Code civ., art. 343, 344, 348; Code pén., art. 299.)

On voit par là que le législateur n'a rien omis, pour que l'adoption imitât la naissance naturelle. De là il suit que l'enfant d'un Français étant Français, il faut aussi, pour ne pas déranger l'harmonie de la loi, que l'enfant adoptif soit Français. Autrement on donnerait à l'adoptant le droit de nationaliser un étranger et de lui conférer son nom, lorsqu'il est certain que la qualité de Français ne peut être conférée que par l'autorité souveraine, et qu'un particulier ne peut donner son nom à un autre, qu'avec la permission du gou

vernement.

2° Toutes les dispositions du Code civil sur l'adoption annoncent que la loi n'a eu en vue que l'adoption des Français. Effectivement, l'adoption confère à l'adopté la qualité de fils de l'adoptant qu'il n'avait pas; elle lui donne un nouveau père, un nouveau nom; elle le rend incapable de contracter certains mariages, et lui impose des devoirs et des obligations envers son père adoptif. Elle change donc son état civil; et cela est si vrai que la loi ordonne l'inscription de l'adoption sur les registres de l'état civil. (Code civ., art. 347, 348, 349, 359.)

Mais l'état civil n'est pas à la disposition des particuliers, car il tient essentiellement à l'ordre public. La minorité, la majorité, l'interdiction, le mariage, la séparation entre époux, la filiation, la puissance paternelle, rien de tout cela ne pent être l'objet de conventions entre particuliers. Voilà pourquoi l'art. 3 du Code civil dispose que « les lois concernant l'état et la capacité des personnes régissent les Français, même résidant en pays étrangmo, tandis que l'art. 6 défend de déroger, par de Lonventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public »; principes qui, par leur

C'est donc en vain que de son autorité privée, l'adoptant voudrait donner à l'étranger adopté un nouveau nom, de nouveaux liens de famille, lui créer, à l'égard de certaines personnes, l'incapacité de se marier, des droits et des devoirs de filiation; tous ces objets sont hors du domaine des conventions particulières: à l'aide d'aucune stipulation il n'est permis de modifier l'état civil d'un étranger, ni par conséquent de lui conférer l'adoption.

D'autre part, l'adopté qui recueille le titre et le majorat avec l'autorisation du prince, doit prêter serment de lui être fidèle, de le servir en bon et loyal sujet, d'obéir aux lois françaises, et de marcher à la défense de la patrie. (Décret du 1er mars 1808, art. 37 et 38.)

Or ne suffit-il pas d'énoncer de pareilles obligations, pour démontrer qu'elles ne peuvent être contractées par le sujet d'une puissance étrangère, et que, par suite, on ne peut adopter un étranger?

L'adoption renferme essentiellement un contrat synallagmatique dans lequel chacune des parties prend des engagements envers l'autre. (Code civ., art. 349 et 350.)

Cependant l'adoption d'un étranger ne constituerait pas un lien de droit à son égard, parce que le contrat porterait sur son état civil, dont il ne peut pas, dont il n'a pas le droit de consentir la modification. D'où il résulte que l'obligation de l'adopté de fournir des aliments à l'adoptant tombé dans l'indigence, que le droit de l'adoptant de succéder aux biens par lui donnés, et de les reprendre dans les successions de l'adopté et de ses descendants, décédés sans postérité, seraient sans effet, tant que l'adoption de l'étranger n'aurat pas été homologuée par les tribunaux de son pays. L'adoption d'un étranger manquerait donc de son caractère essentiel, qui est de constituer des obligations réciproques.

Nous n'avons dissimulé aucune des raisons forles qui peuvent être apportées à l'appui de ce système. Nous allons maintenant présenter celles qui sont au moins propres à les balancer et peut-être à mériter la préférence.

1o Il n'est pas exact de dire que l'adoption soit une imitation parfaite de la nature, car l'adopté reste dans sa famille naturelle; il est hors de la puissance de l'adoptant, puisqu'il n'a pas de consentement à lui demander, même en cas de mariage; enfin il n'acquiert aucun droit de successibilité sur les biens des parents de l'adoptant. (Code civ., art. 348 et 350.)

Il est évident dès-lors que l'adoption ne confère point la qualité de Français à l'étranger qui, au contraire, conserve sa qualité d'étranger, qui conserve même jusqu'à son domicile, dès qu'il reste dans sa famille naturelle. Et quant au

tion ne les confère pas à l'adopté.

Elle lui crée bien certaines incapacités de mariage vis-à-vis de quelques personnes; mais cela ne touche point à l'état civil proprement dit. L'étranger qui épouse une Française, ne pourra pas, devenu veuf, épouser sa belle-sœur française. Cependant celle-ci n'avait point participé au contrat de mariage; n'importe, le mariage de sa sœur l'a rendue incapable d'épouser son beaufrère. Assurément personne n'osera soutenir que l'état civil de cette sœur a été changé par cette incapacité réelle. C'est qu'en effet elle n'est qu'une exception, et que jamais pareille exception, qui est, en tout point, semblable à celle où se place l'adopté, n'a été considérée comme un changement d'état. Aussi voit-on, par la discussion du conseil-d'état, qui a préparé et amené le titre de l'adoption tel qu'il se trouve dans le Code, que l'adoption n'est pas un changement d'état, mais une simple transmission de nom, avec l'expectative de recueillir une succession.

nouveau nom que reçoit l'adopté, il ne change en France, l'autorisation du gouvernement lui sera pas pour cela de nom; il ne fait qu'ajouter celui nécessaire. Il est clair dès-lors que l'adoption d'un de l'adoptant à son nom propre qu'il conserve. étranger n'usurpe point les droits de la puissance (Code civ., art. 347.) souveraine, en ce qui concerne la qualité de FranCette addition d'un nom à un autre est d'ail-çais et les droits de domicile, puisque l'adopleurs l'effet de toute adoption; elle a lieu en vertu d'une disposition expresse de la loi; et si l'adoption est valable, elle en est la suite nécessaire. On ne peut donc pas argumenter contre le principe de l'adoption, de ce qui en sera la conséquence si l'adoption est valable. Arrivons à des raisons qui touchent réellement le fond de la question. 2o On a vu ci-dessus no I, que le Code impose six conditions à l'adoptant; mais qu'il suffit à l'adopté d'être majeur, et d'avoir le consentement de ses parents, s'il n'a pas vingt-cinq ans accomplis. La loi n'exige rien autre chose; nulle part elle ne donne même à entendre que l'adopté ait besoin d'être Français. Bien loin de là elle traite simplement d'individus ceux qui peuvent être adoptés (Code civ., art. 343). Donc l'adoption est permise en faveur de tout individu qui remplit les deux conditions qu'on vient de rappeler, car on ne pourrait exiger une troisième condition, celle d'être Français, sans ajouter à la loi, et l'on sait que ce droit n'appartient qu'au législateur. Il y a plus: le Code a si peu entendu exiger que l'adopté fût Français, que quand il a voulu exclure les étrangers d'une disposition, il s'en est expliqué formellement, comme on le voit dans l'art. 980 qui veut que les témoins, appelés pour être présents aux testaments, soient sujets du roi. Ainsi le rapprochement de cet article et de l'art. 343 prouve évidemment que le Code n'a pas entendu exclure les étrangers de la faveur de l'adoption.

C'est un principe commun avec la législation romaine. L'adoption n'était permise qu'au seul citoyen romain; mais il pouvait l'appliquer à un étranger, même à un affranchi. Comme la loi française, la législation romaine était exigeante pour les conditions de la part de l'adoptant, qui contractait de fortes obligations; elle l'était beaucoup moins pour l'adopté, qui n'était et n'est en quelque sorte qu'une partie passive. Cette différence est dans la nature des choses.

Pourquoi le Français, qui peut se choisir une épouse en pays étranger, et la rendre immédiatement française, ne pourrait-il pas y choisir un fils adoptif? Če fils ne devient pas Français par l'adoption; il n'acquiert pas même domicile en France; il n'est point soumis aux lois personnelles qui régissent les Français, mais il reste dans sa famille naturelle où il conserve tous ses droits civils et de famille. L'adoption ne change donc réellement ni les droits politiques, ni les droits civils de l'adopté. Et en effet, s'il veut devenir Français, il faudra qu'il remplisse les mêmes conditions qu'avant l'adoption; ilsera de même, en tout point, assimilé à l'étranger s'il veut établir son domicile

Tome I.

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Si, par l'adoption, l'étranger ne change pas tat, quel obstacle reste-t-il pour qu'elle soit autorisée ? Elle lui confère le droit de succéder à l'adoptant, de même que s'il était son fils légitime. Mais, pour le droit de succéder, de disposer et de recevoir, l'art. premier de la loi du 14 juillet 1819, qui a abrogé les art. 726 et 912 du Code civil, assimile en tout point les étrangers aux Français. Ils sont également aptes à recueillir des successions en France, aucune différence n'existe entre eux. Sous le rapport de la transmission des biens, l'adoption de l'étranger ne peut souffrir nulle difficulté.

Relativement à l'avantage que l'on voudrait tirer du serment que prête l'adopté lorsqu'il recueille un majorat, c'est un argument sans force, parce qu'il est contraire aux vrais principes d'interpréter une loi générale comme le Code civil, par une loi d'exception, telle que le décret du premier mars 1808. D'ailleurs l'adopté ne pourrait-il pas se soustraire au serment que prescrit ce décret, en renonçant an majorat pour s'en tenir aux autres biens de l'adoptant? L'affirmative n'est pas douteuse. Ainsi en se plaçant même dans l'exception, l'adoption n'en serait pas moins valable. Elle aurait le sort de toute adoption conférée à un Français, auquel le prince refuse la faculté de recueillir le majorat et le titre qui s'y trouvent attachés.

3° Quelles obligations pécuniaires prend l'adopté dans le contrat d'adoption? Une seule, celle de fournir des aliments à l'adoptant s'ilt be dans l'indigence. Cette obligation étant par lu .nsentie dans le temps où il est capable de s'enga

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ger, est parfaitement valable et obligatoire en ellemême; et si elle se trouve dans un contrat d'une espèce particulière et soumise à des formes spéciales, elle n'en produira pas moins tout son effet, parce que la forme des actes est toujours soumise aux lois du pays où ils sont passés, suivant la maxime locus regit actum.

Le donataire étranger prend bien aussi l'engagement de fournir des aliments au donateur dans le besoin (Code civ., art. 955). Et pourtant personne n'a encore imaginé de soutenir, que, pour être valable, la donation doit être homologuée par les tribunaux étrangers.

Donc, sous tous les rapports, l'adoption d'un étranger est permise.

Notre question s'est, au reste, présentée l'année dernière devant la cour royale de Colmar. Par acte du 30 janvier 1817, dressé devant le juge de paix du canton nord de Strasbourg, le sieur Lotzbeck et la dame Nagel, son épouse, avaient déclaré adopter leur neveu Chrétien-Frédéric Sander, né à Wisbaden, principauté de Nassau, fils d'Auguste Sander, bailly dans le grandduché de Bade. Le 3 février, homologation de cet acte par jugement du tribunal civil de Strasbourg; et le 11, arrêt confirmatif de la cour de Colmar. Le 17, l'adoption est transcrite sur les registres de l'état civil de Strasbourg.

Le 31 janvier 1820, le sieur Lotzbeck décède, après avoir disposé de toute sa fortune par testament. Le sieur Sander se présente à l'inventaire, et prend la qualité de fils adoptif et d'héritier légitime du défunt.

La dame Dugied, se disant légataire universelle, prétend alors que l'adoption est nulle, comme ayant été faite au profit d'un étranger, d'où il résulte, suivant elle, que le sieur Sander n'a aucun droit à la succession.

Celui-ci soutient, au contraire, la validité de son adoption. L'affaire est portée devant la cour royale de Colmar, et là, après une discussion approfondie, la cour, sur les conclusions contraires du ministère public, déclare l'adoption valable par les motifs suivants :

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Considérant, quant à la question, si un fransais peut adopter un étranger, qu'à Rome, sous les empereurs, l'adoption était permise au seul citoyen romain, et qu'il pouvait l'appliquer à un étranger, même à un affranchi, ce qui établissait une différence notable entre l'adoptant, partie active, et l'adopté, partie passive dans l'adoption; Qu'en France, pour l'espèce actuelle, on impose six conditions à l'adoptant:

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« 1° Qu'il soit sans enfants, ni descendants légitimes; 2° qu'il jouisse d'une bonne réputation; 3o qu'il ait plus de cinquante ans; 4° quinze ans plus que celui qui doit être adopté; 5° que pendant six ans au moins il ait fourni à ce dernier des secours et donné des soins non-interrompus; 6° que s'il est époux, il obtienne le consentement

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Qu'on remarque les articles 361, 366 et 368, suivant lesquels un Français, après en avoir été le tuteur officieux, peut adopter l'enfant recueilli dans un hospice, qui n'a pas de parents connus; que dans le doute on doit présumer qu'un tel enfant appartient à des parents français, mais qu'alors, ou plus tard, la certitude peut être acquise qu'il vient d'une terre étrangère, et que dans aucun de ces cas, la loi n'empêche, ou ne révoque l'adoption;

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« Qu'on a cité un arrêt de la cour royale de Besançon, du 18 janvier 1808; mais qu'en le supposant applicable, 1° il serait unique; 2o la question actuelle n'aurait pas été soumise à la cour suprême;

«Que d'un autre côté la cour royale de Besançon, dans ses motifs, parle bien de l'adopté comme d'un étranger; mais qu'au lieu de décider sous ce rapport, se rappelant les lois des 28 mars 1793, et 25 brumaire an 11, elle le juge comme fils d'é

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Qu'ainsi cet arrêt n'est pas applicable;

Que d'ailleurs la loi a confirmé le principe déjà posé, lorsqu'elle invoque quatre des six conditions, qui, dit-elle expressément, suffisent à l'adoptant envers celui qui l'a arraché à une mort imminente; qu'une action aussi généreuse honore plus l'étranger que le compatriote, et qu'à cette époque plusieurs nations partageaient, ou étaient sur le point de partager la gloire de nos armées;

« Qu'il y a plus, les Badois, à quelques différences près, sont régis par les mêmes lois civiles que le Français, et il y a identité parfaite, quant aux étrangers et à l'adoption;

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Qu'il existe une attestation conforme du 10 février dernier, émanée du ministère d'état du grand-duché, légalisée par les ministres des deux puissances; elle exprime en outre que l'adoption d'un Français serait admise et validée par les tribunaux badois;

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Que les principes développés doivent jouir de plus de faveur encore depuis la loi du 14 juillet 1819, qui sans réciprocité accorde aux étrangers le droit de succéder, posséder et recevoir comme les Français; et certes, depuis la mort du sieur Lotzbeck, postérieure à cette loi, l'adoption au«Que l'adoption a été, surtout en France, in-rait été plus que jamais, s'il était possible, une stituée pour consoler, par l'image de la paternité, simple transmission de noms et de biens; les citoyens privés du bonheur d'avoir des enfants; raison de plus pour qué l'effet de l'estime et de l'affection ne soit pas à cet égard circonscrit dans certain lieu;

«Que lors de la discussion au conseil-d'état du projet de loi, il a été admis en principe que l'adoption n'offrait aucun changement d'état, qu'elle n'était qu'un moyen légitime de transmettre le nom et les biens, accompagné de conditions et de formalités particulières; qu'en parlant de bons citoyens à préparer pour l'état, on a dû penser que le choix tombant sur des étrangers, ils aspireraient par gratitude à le devenir;

«Que la loi rendue est en harmonie avec les antécédents que l'adopté n'entre ni n'acquiert aucun droit dans la famille de l'adoptant; qu'il n'est pas sous sa puissance; que même en cas de mariage, il n'a pas de consentement à lui demander; tandis que l'adopté reste avec ses devoirs et ses droits dans sa famille naturelle;

«Que l'adoption d'un étranger ne confère donc pas plus la qualité de Français qu'elle ne l'exige, ce qui aussi ne lui nuit pas plus qu'au fils légitime d'un Français qui aurait perdu cette qualité; que l'adoption n'acquiert pas même à cet étranger le droit de domicile; il n'est donc point soumis à des statuts personnels, mais seulement à celui de son pays, dont l'empire ne cesse que lorsque, par sa naturalisation, il est régi par celui personnel de sa nouvelle patrie;

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Que le Français peut donc se choisir un fils, là où personne ne lui conteste la faculté de prendre une épouse, et qu'on ne peut lui reprocher 'd'avoir jeté les yeux sur un parent étranger plutôt que sur un enfant inconnu ;

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Qu'ainsi il ne s'agirait ici au plus que d'appliquer à la seule successibilité l'article 11 du Code civil;

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Qu'enfin, 1o quant à la majorité acquise à des âges différents suivant les pays, l'étranger ne pourrait être adopté qu'à celui réglé par son statut personnel;

<< 2° Quant aux aliments à fournir par l'adopté, et au retour des biens après son décès, il est, dans tous les pays policés, une justice pour l'exécution des engagements et surtout pour ceux aussi légitimes que ceux-ci;

« 3° Quant à la possibilité du mariage entre des étrangers coadoptés, lorsque le législateur en ôtait l'espoir, il voulait prévenir les dangers de la cohabitation; mais la prohibition n'est que morale, et seulement un tel mariage n'aurait pas d'effets civils en France;

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Qu'au reste, outre que depuis la mort du sieur Lotzbeck, ces questions sont devenues sans intérêt quant à son fils adoptif, elles sont encore résolues par cette vérité; que d'après le Code civil badois de 1809, comme d'après le nôtre, la majorité est acquise à vingt-un ans; l'adoptant et l'adopté se doivent des alimens; les biens, dans les mêmes cas, doivent retourner à l'adoptant, et le mariage est prohibé entre les coadoptés:

« Qu'ainsi l'adoption du sieur Sander-Lotzbeck doit être maintenue.... »

Les sieur et dame Dugied se sont pourvus en cassation contre cet arrêt. Ils ont soutenu, à la section des requêtes, qu'en déclarant valable l'adoption faite par le sieur Lotzbeck, Français, du sieur Sander, sujet badois, cet arrêt a, par-là, méconnu les principes sur l'adoption, qui ne permettaient pas, surtout à l'époque où Sander a été adopté, qu'un étranger fût adopté par un Français.

J'étais rapporteur de cette affaire : la question qu'elle présentait a paru si importante que la section a été d'avis de la renvoyer à la section civile où elle sera discutée et jugée contradictoirement. En conséquence la requête a été admise par arrêt du 16 juillet dernier (1822). Nous donnerons l'arrêt qui interviendra, à l'article Succession, sect. 3, S IV.

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