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Des formes de l'adoption.

I. Ces formes sont tracées dans le Code civil d'une manière très-précise.

La personne qui se propose d'adopter, et celle qui veut être adoptée, se présentent devant le juge de paix du domicile de l'adoptant, pour y passer acte de leurs consentements respectifs. (Code civ., art. 353.)

On a prétendu que les parties ne peuvent pas se faire représenter à cet acte par un mandataire. Sans doute elles font mieux de comparaître en personne; mais la loi ne leur défend pas de se servir d'un mandataire spécial, et, par cela même, elle les y autorise.

V. Dans les trois mois qui suivent cet arrêt, l'adoption doit être inscrite à la réquisition de l'une ou de l'autre des parties, sur le registre de l'état civil du lieu où l'adoptant est domicilié. Cette inscription n'a lieu que sur le vu d'une expédition en forme de l'arrêt de la cour royale; et l'adoption reste sans effet si elle n'a été inscrite dans ce délai. (Ibid., 359.)

Ainsi l'inscription sur le registre de l'état civil dans le délai fixé est indispensable pour consommer l'adoption.

VI. Le contrat passé devant le juge de paix n'en confère pas moins un droit irrévocable aux parties; l'une ne peut s'en départir au préjudice de l'autre sans son consentement: cela est si vrai que la mort même de l'adoptant arrivée, depuis que ce contrat a été présenté aux tribunaux, et avant que ceux-ci aient définitivement prononcé, n'empêche point l'instruction d'être continuée et l'adoption admise, s'il y a lieu. Les héritiers de l'adoptant peuvent seulement remettre au procureur du roi des mémoires et des observations, s'ils croient avoir des motifs pour faire rejeter

Cet acte est un véritable contrat synallagmatique; il ne peut être dissous que par le consentement des deux parties; mais, pour consommer l'adoption, le concours des tribunaux est nécessaire. II. Dans les dix jours suivants, la partie la plus diligente doit remettre une expédition de cet acte au procureur du roi près le tribunal de première instance, dans le ressort duquel se trouve le do-l'adoption. (Ibid., 360.) micile de l'adoptant, pour être soumis à l'homologation de ce tribunal. (Ibid., 354.)

Ce délai n'est pas de rigueur, en sorte que si les diligences n'étaient faites qu'après qu'il est expiré, ce ne serait pas pour le tribunal un motif suffisant de refuser son homologation. (Arg. de l'art. 359.)

III. Le tribunal, réuni en la chambre du conseil, et après s'être procuré les renseignements convenables, doit vérifier, 1° si toutes les conditions de la loi sont remplies; 2° si la personne qui se propose d'adopter jouit d'une bonne réputation. (Ibid., 355.)

C'est donc à l'époque de ce contrat que la capacité de l'adoptant doit être considérée.

Il est sensible que si l'adopté mourait avant que l'adoption fût consommée par l'inscription sur le registre de l'état civil, tout ce qui aurait été fait serait comme non-avenu, car alors l'adoption manquerait par la base, puisqu'elle n'aurait plus pour objet les intérêts de paternité et de filiation adoptives, mais seulement les intérêts purement pécuniaires des héritiers de l'adopté.

VII. L'adoption testamentaire permise au tuteur officieux n'est soumise à d'autre forme qu'à celle des testaments. Il n'est donc besoin ni de l'hoAprès cette vérification, qui se fait par les ren-mologation des tribunaux, ni de l'inscription sur seignements particuliers que chaque juge peut se procurer, et après avoir entendu le procureur du roi, le tribunal, sans aucune autre forme de procédure et sans énoncer de motifs, prononce en ces termes il y a lieu, ou il n'y a pas lieu à l'adoption. (Ibid., 356.)

IV. Dans le mois qui suit le jugement du tribunal de première instance, ce jugement, sur les poursuites de la partie la plus diligente, est soumis à la cour royale, qui instruit dans les mêmes formes que le tribunal de première instance, et prononce sans énoncer de motifs : le jugement est confirmé, ou le jugement est réformé; en consé quence, il y a lieu, ou il n'y a pas lieu à l'adoption. (Ibid., 357.)

le registre de l'état civil; mais elle n'est valable qu'autant que le tuteur officieux ne laisse ni enfants ni descendants légitimes. (Code civ., 361 et 366.) Voyez Tutelle officieuse.

S III.

Des effets de l'adoption.

I. L'adoption ne produit point de changement d'état. Si l'adopté acquiert des droits dans la famille de l'adoptant, il n'en perd aucun dans la sienne (Code civ., 348). L'adoptant n'acquiert qu'une quasi-paternité fondée sur les bienfaits et la reconnaissance. Et comme cette institution sort des règles du droit commun, elle ne produit L'arrêt doit être délibéré en la chambre du d'autres effets que ceux que la loi y a expressément conseil, après que le procureur-général a été en-attachés ou qui en sont une suite nécessaire. tendu, et il ne reçoit de publicité que lorsque l'adoption est admise. Dans ce cas il est prononcé à l'audience et affiché en tels lieux et en tel nombre d'exemplaires que la cour juge convenable. (Ibid., 358.)

II. L'adoption confère le nom de l'adoptant à l'adopté, en l'ajoutant au nom propre de ce dernier. (Ibid., 347.)

L'adopté reste dans sa famille naturelle, et y conserve tous ses droits : néanmoins le mariage

est prohibé entre l'adoptant, l'adopté et ses des- | n'enlèvent jamais les droits irrévocablement acquis cendants;

Entre les enfants adoptifs du même individu; Entre l'adopté et les enfants qui pourraient sur venir à l'adoptant;

Entre l'adopté et le conjoint de l'adoptant, et réciproquement entre l'adoptant et le conjoint de l'adopté. (Ibid., 348.)

L'obligation naturelle qui continue d'exister entre l'adopté et ses père et mère, de se fournir des aliments dans les cas déterminés par la loi, est considérée comme commune à l'adoptant et à l'adopté, l'un envers l'autre. (Ibid., 349.) Voyez Aliments.

L'adopté n'acquiert aucun droit de successibilité sur les biens des parents de l'adoptant, mais il a sur la succession de l'adoptant les mêmes droits que ceux qu'y aurait l'enfant né en mariage, même quand il y aurait d'autres enfants de cette dernière qualité, nés depuis l'adoption. (Ibid., art. 350.)

III. L'adoptant étant présumé n'avoir choisi pour son héritier que l'adopté, et le droit de succession n'étant pas réciproque entre eux, car l'adoptant ne succède point à l'adopté, il est tout à la fois juste et conforme à la volonté des contractants, que si l'adopté meurt sans descendants légitimes, les choses données par l'adoptant, ou recueillies dans sa succession, et qui existent en nature lors du décès de l'adopté, retournent à l'adoptant ou à ses descendants, à la charge de contribuer aux dettes, et sans préjudice des droits

des tiers.

Le surplus des biens de l'adopté appartiendra à ses propres parents; et ceux-ci excluront toujours, pour les choses dont il s'agit, tous héritiers de l'adoptant autres que ses descendants. (Code civ., art. 351.)

Par suite du même principe, si du vivant de l'adoptant, et après le décès de l'adopté, les enfants ou descendants laissés par celui-ci meurent eux-mêmes sans postérité, l'adoptant succède, comme on vient de le dire, aux choses par lui données; mais ce droit est inhérent à la personne de l'adoptant, et non transmissible à ses héritiers, même en ligne descendante. (Ibid., 352.) IV. Les donations entre-vifs, faites par celui qui n'avait point d'enfants, sont-elles révoquées par l'adoption postérieure?

Cette question rentre dans celle de savoir si l'adoption peut empêcher l'effet du retour conventionnel, et qui est traitée ci-après avec détail dans le n° 10. Les raisons de décider étant à peu près les mêmes pour la donation que pour le retour, nous nous contenterons d'y renvoyer.

V. L'enfant adoptif peut-il au moins prendre la réserve légale sur ces donations antérieures? Nous ne le pensons pas. Il est certain que le donateur par ses actes, et la loi, par ses concessions gratuites, ne doivent pouvoir enlever, ni

à des tiers.

VI. Si par la survenance d'un enfant légitime les donations antérieures sont révoquées, l'enfant adoptif partage-t-il ces biens avec l'enfant légitime?

L'affirmative ne paraît pas douteuse. Les biens donnés, une fois rentrés dans le patrimoine du père commun, forment sa succession; c'est sur cette succession que l'enfant adoptif a les mêmes droits que ceux qu'y aurait l'enfant né en mariage, même quand il y aurait d'autres enfants de cette dernière qualité, nés depuis l'adoption (art. 350.) Il doit donc avoir sa quote-part sur ces biens rentrés, autrement ses droits ne seraient pas les mêmes que ceux des enfants nés en mariage; quotepart qu'il ne prend pas sur le patrimoine du donataire et qu'il ne lui enlève point, mais qu'il prend sur la succession de son père adoptant, et qu'il enlève à son frère.

VII. L'adopté empêche-t-il les père et mère de son père adoptif de prendre sur les biens de celui-ci leur réserve légale ?

ques

L'on croit devoir se prononcer pour la négative par les motifs expliqués, au n°X, p.119, sur la tion de savoir si le retour légal peut avoir lieu au préjudice de l'adoption. Dans l'un comme dans l'autre cas, il s'agit d'un droit acquis par la disposition de la loi et qui doit être jugé de la même manière.

VIII. L'adopté hérite-t-il des droits qui étaient inhérents à la personne de l'adoptant?

Oui, si ces droits, recueillis et exercés déja par son père adoptif, formaient partie de son patrimoine et de sa succession, tout comme une autre propriété quelconque. Ainsi décidé par arrêt de la cour de cassation du 4 décembre 1816: au rapport de M. Lasagni.

Attendu, sur le second moyen (porte l'arrêt), qu'il a été reconnu en fait, 1o que les deux successions de Charles-René de Guer, et de BonneLouise Levoyer, qui ont donné lieu au droit utile d'aînesse dont il s'agit, se sont ouvertes sous l'empire de la coutume de Bretagne ;

« 2o Que c'est sous l'empire de cette même coutume que le dit droit utile d'aînesse a été recueilli, et joui par Claude-René père de l'adoptant, et par Louis-Armand, l'adoptant lui-même ; qu'en décidant en droit, que le dit droit utile d'aînesse, ainsi recueilli et joui, faisait partie intégrante de la succession de Louis-Armand, père adoptant, ouverte sous l'empire des nouvelles lois, et que par conséquent Armand-Auguste, fils adopté, y devait être maintenu, comme dans tout le reste de la même succession, l'arrêt attaqué, loin de violer, ou faussement appliquer les articles 541, 550 et 563 de la coutume de Bretagne, et l'article 350 du Code civil, en a fait une juste application: cation:- rejette.» (Sirey, an 1817, page 82.) IX. Les enfants de l'adopté qui a prédécédé

puté enfant légitime; et encore, n'est-ce même pas sous tous les rapports qu'il en est ainsi, puisque l'adoption ne serait point, comme la survenance d'enfants, une cause de révocation des donations faites par l'adoptant, l'art. 960 ne s'appliquant évidemment pas à ce cas. Si donc l'adoption n'est qu'un contrat entre l'adoptant et l'adopté, contrat qui fait acquérir à ce dernier des droits de successibilité sur les biens du premier seulement, et non sur les biens des parents de celui-ci; si elle n'établit aucun lien entre l'adopté et les ascendants mêmes de l'adoptant, tellement que le mariage n'est point interdit entre eux (art. 348, analysé), il faut en conclure que les effets de ce contrat, définis et limités comme ils le sont par la loi, ne subsistent qu'entre les parties elles-mêmes, et ne s'appliquent nullement aux tiers, par conséquent, au donateur qui a stipulé le retour des objets par lui donnés pour le cas où le donataire mourrait avant lui sans laisser de descendants; car, à son égard, c'est comme s'il n'y avait pas d'adoption; et rien, d'après cela, ne s'oppose au retour des choses données, puisque la condition, sous laquelle il avait été stipulé, s'est réalisée.

l'adoptant, peuvent-ils, du chef de leur père, prétendre à la succession du même adoptant? La négative paraît certaine. Il suffit de rappeler le principe qui régit le droit de famille et de successibilité dans l'adoption. L'adopté et sa famille demeurent tout-à-fait étrangers à la famille de l'adoptant, de même que l'adoptant et sa famille demeurent tout-à-fait étrangers à la famille de l'adopté: il n'y a même pas de réciprocité entre l'adopté et l'adoptant; car, quoique l'adopté succède à l'adoptant, les enfants de l'adopté étant entièrement étrangers à l'adoptant ne peuvent aucunement avoir le droit de lui succéder. Ils ne peuvent pas même, en représentant leur père, succéder de son chef à l'adoptant, parce que pour pouvoir exercer le droit de représentation il faut appartenir à la personne de la succession dont il s'agit. Or, les enfants de l'adopté n'appartiennent d'aucune manière à l'adoptant auquel ils sont même entièrement étrangers, soit d'après la nature, soit d'après la loi qui n'étend point la fiction au-delà de la personne de l'adopté, donc ils ne peuvent se prévaloir du droit de représentation. X. Le retour légal ou conventionnel, en faveur du donateur, a-t-il lieu dans le cas où le donataire, qui a prédécédé le donateur, ne laisse pour héritier qu'un enfant adoptif (1)?

Examinons le cas du retour conventionnel. L'article 951 porte, << Le donateur pourra stipuler le droit de retour des objets donnés, soit pour le cas de prédécès du donataire et de ses descendants.....

« Ce droit ne pourra être stipulé qu'au profit du donateur seul. »>

L'existence d'un enfant adoptif du donataire au moment de sa mort, fait-elle défaillir la condition sous laquelle le retour a été stipulé?

Nous ne le pensons pas.

Sans doute, que l'enfant adoptif a sur la succession de l'adoptant les mêmes droits que ceux qu'y aurait l'enfant né en mariage, quand même il y aurait d'autres enfants de cette dernière qualité nés depuis l'adoption : c'est la disposition de l'art. 359 du Code civil. Sans doute aussi, que l'existence d'enfants légitimes, auxquels dans ce cas on assimile l'enfant adoptif, aurait fait défaillir la condition sous laquelle le droit de retour aurait été stipulé; mais cette assimilation de l'enfant adoptif aux enfants nés du mariage, contracté postérieurement à l'adoption, doit, dans ses effets, se restreindre aux objets pour lesquels la loi l'a spécialement établie, attendu que l'adoption est une fiction de la loi, et que toute fiction ne s'étend pas au-delà du cas pour lequel elle a été créée: fictio ultra casum fictum non operatur. Or, la loi dit expressément que ce n'est que quant à la succession de l'adoptant que l'adopté est ré

(1) Ce numéro est de à M. Daranton, professeur à l'École de

droit de Paris.

Ces observations acquièrent une nouvelle force quand on songe qu'il s'agit ici des effets d'une stipulation dont l'interprétation doit se faire d'après l'intention vraisemblable des contractants au moment où elle a eu lieu, puisque c'est une règle constante, que l'on doit rechercher dans les contrats quelle a été la commune intention des contractants, plutôt que de s'attacher au sens littéral des termes (art. 1156): or, il est de toute vraisemblance qu'en stipulant le droit de retour pour le cas où le donataire lui survivrait sans laisser de descendants, le donateur, non plus que le donataire, ne songeait point à l'adoption, qui est un événement si rare, comparativement à la masse des citoyens, à cause des nombreuses conditions auxquelles il est subordonné. En effet, on ne peut raisonnablement croire que cet événement était renfermé, même implicitement, par la pensée des contractants, dans celui qui devait faire défaillir la condition dont dépendait le droit de retour. Les contractants, au contraire, songeaient à ce qui arrive le plus communément, à ce qui est régulier, et dans l'ordre de la nature, aux enfants et petits-enfants proprement dits, et non point aux enfants, conventionnels, appelés enfants adoptifs. Cette vérité est incontestable pour donations faites à une époque où l'adoption n'était point encore admise dans notre législation. D'ailleurs, qu'importe que, dans les lois, on donne parfois aux adoptés la dénomination générique d'enfants? ce n'est toujours que d'une manière relative, et en subordonnant l'effet de cette dénomination à la disposition spéciale de la loi. Mais cette dénomination, susceptible de deux sens, doit, comme toutes celles du même genre, être prise

les

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dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat (art. 1158); et, incontestablement, le sens qui convient le plus à la stipulation du retour est exclusif des descendants par adoption, auxquels, on le répète, vraisemblablement les contractants n'ont pas songé. Et s'il en est ainsi, comment se prêter à la pensée que le donataire puisse, après coup, altérer le pacte, en rendant à son gré plus difficile, et, disons mieux, peut-être impossible à se réaliser, la condition du retour, sans laquelle la libéralité n'aurait point eu lieu ? En faisant ainsi, par son fait, par un fait non prévu, et pris hors de celui qui formait l'essence de la condition réelle, en faisant défaillir cette même condition, il doit, et, par suite, ses héritiers, être considéré comme obligé purement et simplement au retour suivant la règle consacrée par l'art. 1178.

Enfin, nous voyons que selon le droit romain, qui explique, avec la plus grande étendue, tous les effets de l'adoption, elle ne donne point les droits du sang. Adoptio enim, non jus sanguinis, sed jus agnationis affert (1. 23, ff. de adopt.): aussi, en déterminant le sens le plus étendu du mot liberi, enfants, la loi 220, ff. de verb. signif., ne l'applique-t-elle qu'aux enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, de l'un et de l'autre sexe, et nullement aux adoptés, qui ne sont enfants que relativement aux droits d'agnation, inconnus chez nous, et aux autres droits établis en leur faveur par les lois dont ils sont l'objet.

Il résulte de cette discussion que l'enfant adoptif du donataire, quia prédécédé le donateur, n'empêche pas ce dernier de recueillir l'effet du retour stipulé en sa faveur dans le cas de prédécès du donataire sans descendants.

Cette opinion a été consacrée par un arrêt de la section des requêtes, rendu au rapport de M. Pardessus, le 27 juin 1822, entre les sieur et dame Ressein et les sieur et dame Dandurain. Les époux Ressein demandaient la cassation d'un arrêt de la cour royale de Pau, du 9 mai 1821; ils se fondaient sur la violation de l'art. 350 du Gode civil, en ce que cette cour avait refusé à un enfant adoptif le droit qu'a l'enfant légitime d'empêcher l'effet du retour conventionnel.

La cour de cassation a rejeté le pourvoi, « attendu que s'il est déclaré par l'art. 350 du Code civil que l'enfant adopté a, dans la succession de l'adoptant, tous les droits d'un enfant légitime, il est contraire à l'esprit de l'art. 951 du Code civil et à l'intention de ceux qui stipulent un retour, au cas où le donataire décéderait sans enfants, de prétendre que l'adoption d'un enfant puisse être considérée comme une survenance de postérité qui ferait obstacle à ce droit de retour; que, dans l'espèce, cette intention des parties ne saurait être douteuse, puisqu'on lit dans le contrat de mariage de 1770, que le retour aura lieu au cas de désavennement du mariage sans enfants issus d'icelui;

« D'où il suit que la cour de Pau, loin d'avoir violé les lois citées, en a fait une juste applica tion: la cour rejette le pourvoi.

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Voyons maintenant s'il en est du retour légal comme du retour conventionnel, c'est-à-dire, si l'existence de l'enfant adoptif est un obstacle au droit de retour légal accordé aux ascendants, par l'art. 747 du Code civil, aux choses par eux données à leurs enfants ou descendants décédés sans postérité, lorsque les choses par eux données se retrouvent en nature dans la succession? La question est plus délicate que la précédente; elle est l'objet d'une controverse plus sérieuse. On peut dire en effet pour exclure le droit de retour dans ce cas,

1° Que l'enfant adoptif est considéré comme enfant légitime quant à l'adoptant; qu'il a sur la succession de celui-ci les mêmes droits que ceux qu'y aurait l'enfant né en légitime mariage, même quand il y aurait d'autres enfants de cette der nière qualité nés depuis l'adoption (art. 350 ). Or, les biens que réclame l'ascendant donateur font partie de la succession du donataire, et s'il pouvait les réclamer, ce serait, non pas par droit de retour conventionnel, comme dans le cas précédent, mais par droit de succession, puisque l'art. 747 dit positivement que l'ascendant succede aux choses par lui données à son descendant dé cédé sans postérité. D'après cela, l'ascendant paralyserait, du moins en partie, l'exercice du droit de même nature qu'a l'adopté sur cette même succession.

2o Si, comme le Code le suppose, l'adoptant avait, depuis l'adoption, des enfants légitimes, et si ces enfants légitimes, ou l'un d'eux seule. ment, existaient à la mort de leur père donataire, l'ascendant donateur ne pourrait recueillir les biens par lui donnés; et cependant l'enfant adoptif ayant les mêmes droits sur la succession de l'adoptant que ceux attribués aux enfants légitimes, il paraît conséquent que, puisque, dans un cas donné, l'adopté recueille, dans la succession de l'adoptant, les biens en question, au moins pour une part, il doit également les recueillir, au même titre, dans le cas où il n'y a pas d'enfants ou descendants.

3o En admettant même que, sous la dénomi nation générique de postérité, dont se sert l'article 747, les enfants adoptifs ne fussent pas compris, et qu'ainsi l'une des conditions exigées par cet article, pour que l'ascendant donateur succède aux biens par lui donnés, se trouve accomplie, l'autre condition, celle qui exige que lesdits biens existent en nature dans la succession, se trouve évidemment défaillie. En effet, si le donataire avait lui-même, par donation entre vifs, disposé de ces biens au profit d'une autre personne, ou s'il les avait vendus et que le prix n'en fût pas dû, le retour légal n'aurait pas lieu; bien mieux, il a été jugé par la cour de cassa

Telles sont les principales raisons que l'on peut invoquer à l'appui de cette opinion. Il s'en présente d'autres, mais accessoires, et que nous croyons devoir passer sous silence.

Dans le système contraire on peut répondre : 1° L'art. 747 accorde le droit de retour à l'ascendant donateur sous deux conditions copulatives. La première est que le donataire décède sans postérité;

La seconde, que les biens se retrouvent en nature dans la succession, ou que le prix en soit encore dû, ou qu'il y ait quelque action en reprise de ces mêmes biens.

Sur la première de ces conditions, on doit dire que sous la dénomination de postérité, l'on ne peut comprendre l'adopté : jamais les lois, prises dans leur sens propre, ne lui ont appliqué cette qualification, qui ne convient qu'aux enfants, et même qu'anx descendants de ceux-ci.

tion (arrêt de la section des requêtes), le 17 décembre 1812, que la disposition testamentaire desdits biens, par le donataire, les faisait considérer comme n'existant plus en nature dans sa succession, et dès lors que le droit de réversion n'avait pas lieu au profit de l'ascendant donateur. A plus forte raison devrait-on le décider ainsi, si le donataire avait disposé de ces biens par institution contractuelle, laquelle étant irrévocable de sa nature a, bien mieux que le testament, le caractère d'aliénation. Or, par le contrat d'adoption, l'adoptant ne dispose-t-il pas au profit de l'adopté des biens qu'il laissera au jour de son décès, sous les modifications relatives à la quotité disponible? Cela paraît résulter de la loi, qui donne à l'adopté tous les droits de succession, par conséquent des droits sur les biens dont il s'agit, puisqu'ils font partie de la succession de l'adoptant, et que ce n'est qu'en qualité de successeur que l'ascendant donateur pourrait les reprendre, à la charge, comme on pense communément, et avec raison, de supporter, en cette qualité, sa part contributoire dans les dettes. Le contrat d'adoption doit donc produire dans l'intérêt de l'adopté, et sauf la quotité disponible, l'effet que produit au profit du donataire la donation, faite par contrat de mariage, des biens qui se trouveront au décès du donateur. Et la comparaison est encore bien plus à l'avantage de l'adopté dans le cas de disposition, par testament, des biens donnés; car les effets de l'adoption sont irrévocables, et constituent, par conséquent, l'aliénation comme la donation contractuelle; tandis que les effets du testament, tombant devant la volonté du testateur, ne renferment point d'aliénation pendant sa vie, mais bien à une époque où, la succession étant déja ouverte, l'ascendant donateur serait saisi à l'instant même, si, comme il résulte de l'arrêt précité, la volonté de l'homme ne faisait fléchir, aussi bien dans le cas de l'art. 747, que dans les cas ordinaires, la disposition de la loi

le

elle-même.

Si donc on doit assimiler l'adoption, dans ses différents effets, à une institution d'héritier par contrat de mariage; si même on doit la regarder comme plus efficace, plus certaine dans ses résultats, qu'une institution testamentaire, on doit décider que puisqu'il y a, par l'une et l'autre de ces dispositions, aliénation des biens donnés, il y a également aliénation par l'adoption elle-même, et dès lors que la seconde condition exigée par l'art. 747, pour que le retour ait lieu, est venue à manquer. Et il faut ici remarquer que si le contrat d'adoption se renferme dans ses effets, entre l'adoptant et l'adopté, ce raisonnement est sans force relativement à cette seconde condition, puisque l'aliénation des biens donnés, sans la participation de l'ascendant donateur, suffit pour la faire défaillir.

Il est bien vrai que l'enfant adoptif est, relativement à la succession de l'adoptant, considéré comme enfant légitime; mais, comme on l'a dit sur la précédente question, les effets du contrat d'adoption se renferment entre ceux qui l'ont formé, puisque ce contrat est étranger aux tiers, par conséquent à l'ascendant donateur. On ne peut pas plus en argumenter contre lui pour prétendre que l'une des conditions sous lesquelles la loi lui réservait le retour des biens donnés, a défailli, qu'on ne pourrait l'invoquer contre un donataire, pour prétendre que la donation à lui faite, par l'adoptant, est révoquée pour survenance d'enfant. L'ascendant a donné dans la pensée que ses biens lui reviendraient à l'exclusion de tous autres, comme le porte l'art. 747, si, ayant le malheur de perdre son enfant donataire, il ne trouvait pas dans les enfants de celui-ci, dans son propre sang, en un mot, une consolation à sa douleur : sans cette triste prévoyance, il eût peutêtre été détourné de faire la libéralité, par la crainte raisonnable de voir ajouter au chagrin d'avoir perdu son enfant, le déplaisir de voir passer en des mains étrangères les objets qu'il lui avait donnés. La loi romaine le suppose, en disant, pour encourager les ascendants à doter dignement leurs filles, qu'en cas de prédécès de celles-ci, ils reprendront la dot, solatii loco, ne et filiæ amissæ et pecuniæ damnum sentirent (L. 6, ff. de Jure dotium), et en ajoutant ailleurs que, s'il n'en était ainsi, les ascendants seraient peut-être plus réservés dans leurs libéralités: ne hac injusta formidine parentum circa liberos munificentia retardetur.

Si l'on se pénètre de l'esprit du législateur, on ne peut dénier, à l'ascendant donateur, le droit de reprendre les biens car évidemment il ne retrouve pas dans le fils adoptif de son fils, l'enfant qu'il a eu le malheur de perdre, puisque la loi, et surtout la loi française, n'établit, à proprement parler, aucun lien entre lui et cet enfant adoptif. On doit dire, au contraire, que,

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