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Le tribunal de Montfort accueillit ce système, | ressort, ont évidemment contrevenu à la dispoet attendu que les demandeurs avaient fixé à 50 sition de l'art. 454 précité. francs la valeur du dommage qu'ils avaient souffert, ce qui déterminait la compétence du juge de paix, qui avait par conséquent jugé en dernier ressort, déclara l'appel non-recevable.

Ce jugement a été principalement attaqué comme étant en contravention à l'art. 454 du Code de procédure, qui porte que: « Lorsqu'il s'agira d'incompétence, l'appel sera recevable, encore que le jugement ait été qualifié en dernier res

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Mais la disposition de l'art. 454 est générale, et, se trouvant au titre des appels, gouverne ceux des jugements des tribunaux de paix comme ceux des tribunaux inférieurs. La contravention a été réprimée ainsi qu'il suit :

« La cour casse et annule le jugement rendu par le tribunal de Montfort, le 18 août 1808, etc. «Fait et prononcé, etc., section civile. » IV. Le principe qu'en matière d'incompétence l'appel est toujours recevable, doit être renfermé dans ses justes bornes. Ainsi, lorsqu'un tribunal est saisi pour cause d'incompétence de l'appel d'un jugement rendu en premier et dernier ressort il ne peut examiner que la question de savoir si le premier juge était ou non compétent. Il ne peut annuler pour cause d'irrégularité autre que l'incompétence, ni aucunement statuer sur le fond. Deux arrêts de la cour de cassation, section civile, des 28 juin 1812 et 11 mai 1813, l'ont ainsi décidé de la manière la plus formelle. Voici l'espèce du premier de ces arrêts, telle qu'elle est rapportée au bulletin civil:

En janvier 1809, les sieurs Golibert firent citer le sieur Jourdan devant le juge de paix du canton de Lodève, en paiement d'une somme de 40 francs, à titre de dommages intérêts, résulpièce de terre appelée la Bruyère-Vidal, dont ils tant de ce qu'il avait coupé des arbres dans une annonçaient avoir la possession et la propriété à cause de leur domaine de Grammont.

Sur quoi, ouï le rapport de M. Rousseau, l'un des conseillers; les observations de Lavaux, avocat Jourdan soutint que la pièce de terre, sur lades demandeurs ; celles de Sirey, avocat des dé- quelle il avait coupé des arbres, était un comfendeurs ; les conclusions de M. Lecoutour, avocat-munal dépendant de la commune du Bosc. général; vu l'art. 454 du Code de procédure cidessus cité;

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Attendu que la disposition de cet article est générale; que, se trouvant au titre unique de l'appel et de l'instruction sur l'appel, elle gouverne les appels des jugements des justices de paix, comme ceux des tribunaux inférieurs, dès qu'elle n'est contrariée par aucune autre disposition des divers titres du livre I, qui concerne l'instruction devant les justices de paix ;

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Que si la loi autorise spécialement, dans certains cas, l'appel des jugements rendus dans les matières où les juges décident en dernier ressort, on n'en peut conclure que le cas d'incompétence du juge de paix, lorsque le fond n'excède pas le pouvoir de son dernier ressort rentre dans la règle ordinaire et soit hors de l'atteinte de l'appel, puisque le législateur, après avoir déclaré en général, à l'art. 453, que les appels des jugements rendus en matière dont la connaissance en dernier ressort appartient aux premiers juges, ne seront pas recevables, dispose de suite, art. 454, que l'appel sera recevable lorsqu'il s'agira d'incompétence, bien que le jugement ait été qualifié en dernier ressort; qu'ainsi les juges du tribunal de Montfort, en refusant l'action d'appel contre le jugement du juge de paix du canton de Plélan, sous prétexte que le fond de la demande qui lui était soumise, était dans les limites de ses pourvoirs pour juger en dernier

Tome I.

Jugement qui condamne Jourdan aux dommages intérêts demandés.

Un an après, les frères Golibert firent encore citer Jourdan devant le même juge de paix, en paiement d'une autre somme de 50 francs, à titre de dommages-intérêts, résultant de ce qu'il se serait encore permis de couper des arbres sur la même pièce de terre.

Jourdan proposa un déclinatoire, prétendant que la Bruyère-Vidal appartenait, non plus à la commune du Bosc, mais à lui-même en grande partie.

Il dénia, au surplus, les voies de fait qu'on lui imputait.

Le 11 janvier 1810, jugement par lequel le juge de paix, attendu que, de l'adjudication faite aux sieurs Golibert du domaine de Grammont, il résulte que la propriété de la Bruyère-Vidal fait partie de ce domaine, et que d'ailleurs, toutes les fois qu'un individu est en possession d'un droit quelconque on doit le maintenir dans sa possession, sans s'inquiéter de la nature de ce droit, sauf à se pourvoir devant les tribunaux compétents, pour faire juger la question de propriété; et qu'il est constaté que les frères Golibert sont en possession de la Bruyère - Vidal; que Jourdan dénie d'avoir coupé des arbres dans cette Bruyère, que les frères Golibert offrent de le prouver, et que les parties sont donc contraires en faits; avant dire définitivement droit aux par

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ties, sans s'arrêter aux exceptions proposées par terjeter un appel pour cause d'incompétence, et Jourdan, admet les frères Golibert à prouver que le tribunal qui serait saisi de cet appel pourpar témoins le trouble dénié. rait, même en rejetant les moyens d'incompé

demandeurs.

Le 18 du même mois de janvier, second ju- tence, s'immiscer dans le fond, et réformer le gement, qui condamne le sieur Jourdan à cin-jugement pour vice de forme ou pour mal jugė; quante francs de dommages-intérêts envers les « Et qu'il en résulterait, 'en définitive, qu'il n'y aurait réellement de jugements en dernier ressort que ceux qui seraient rendus par les tribunaux d'appel, puisqu'il y aurait un moyen indirect qui, bien ou mal fondé, soumettrait à l'infirmation, soit en la forme, soit au fond, tous les jugements rendus en première instance, quoiqu'ils fussent en dernier ressort aux termes des lois;

Le sieur Jourdan interjette appel des deux ju- | gements; et, le 19 mars 1810, jugement du tribunal civil de Lodève, conçu en ces termes :

« Attendu que, d'après l'art. 454 du Code de procédure, lorsqu'il s'agit d'incompétence, l'appel est recevable, encore que le jugement ait été qualifié en dernier ressort; que l'exception d'incompétence formée devant le juge de paix n'était autre chose qu'une demande en renvoi ; que toute demande en renvoi doit, d'après l'art. 172 du Code de procédure, être jugée sommairement, sans qu'elle puisse être réservée ni jointe au principal; que, dans l'espèce, le juge de paix a prononcé sur le principal, sans avoir préalablement statué sur la compétence, et que, par là, il a violé l'article 172 précité; le tribunal, disant droit à l'appel, annulle le jugement dont est appel et ce qui a suivi, met les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit jugement, et les renvoie devant le juge de paix de Clermont. »

Les frères Golibert se sont pourvus en cassation contre ce jugement, pour fausse application des articles 172 et 454 du Code de procédure, et pour excès de pouvoir.

« Sur quoi, ouï le rapport de M. Chabot (de l'Allier), et les conclusions de M. Pons, avocatgénéral;

«Attendu, 1o en droit, que, suivant l'art. 454 du Code de procédure, l'appel est recevable, lorsqu'il s'agit d'incompétence, encore que le jugement ait été qualifié en dernier ressort;

«Que cette disposition, étant générale et sans exception, et se trouvant placée au titre des tribunaux d'appel, est applicable aux jugements rendus en dernier ressort par les juges de paix, comme à ceux rendus en dernier ressort par les tribunaux d'arrondissement.

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Mais qu'il résulte de cette disposition, ainsi que des dispositions de la loi du 28 août 1790, que le tribunal qui est saisi, pour cause d'incompétence, de l'appel d'un jugement rendu en dernier ressort, ne peut connaître que des moyens d'incompétence, puisque l'appel n'est recevable que sous le rapport de l'incompétence;

Qu'ainsi, lorsque le tribunal décide que le jugement a été incompétemment rendu, il n'a pas à examiner le jugement sous d'autres rapports, ni en la forme, ni au fond;

« Qu'autrement il n'y aurait pas de jugement en dernier ressort qui ne pût être réformé par un tribunal d'appel, puisqu'il suffirait à la partie qui ne voudrait pas exécuter le jugement, d'in

« 2° Que, dans l'espèce, les jugements rendus par le juge de paix du canton de Lodève statuaient sur une action possessoire, à raison de laquelle les demandeurs n'avaient réclamé que cinquante francs de dommages-intérêts; qu'ils étaient donc en dernier ressort, aux termes de l'article 10, titre 3 de la loi du 24 août 1790; et qu'ainsi, l'appel n'en était recevable que pour cause d'incompétence, en ce que les jugements auraient statue sur la propriété;

« Mais que le tribunal de l'arrondissement de Lodève ne s'est pas borné à examiner les jugements sous le rapport de l'incompétence, qu'il les a examinés en la forme et au fond;

"

Qu'en effet, il ne les a pas annulés comme rendus par un juge incompétent, mais comme ayant été rendus irrégulièrement, en ce que, par contravention à l'article 172 du Code de procé dure civile, le premier jugement aurait prononcé sur le principal, sans avoir préalablement statué sur la compétence;

"

Qu'il a même décidé que la contestation sur laquelle il avait été statué était de la compétence des juges de paix, puisqu'en annulant les jugements il a renvoyé la cause devant un autre juge de paix ; et qu'ainsi il a annulé, pour toute autre cause que l'incompétence, des jugements rendus en dernier ressort;

D'où il suit qu'il a faussement appliqué, et même violé l'art. 454 du Code de procédure civile; qu'il a expressément violé l'art. 10, tit. 3 de la loi du 24 août 1790, et commis en conséquence un excès de pouvoir:

«Par ces motifs, la cour donne défaut contre le défendeur, et en adjugeant le profit, casse et annule le jugement rendu par le tribunal de première instance de Lodève, le 19 mars 1810, etc. »

V. Quand une question sur la qualité des personnes, comme celle de savoir si un individu est ou n'est pas héritier, se présente devant un tribunal de première instance, le jugement est sujet à l'appel, quoique l'affaire n'offre qu'un intérêt déterminé au-dessous de mille francs. Mais si la question sur la qualité de la personne n'est présentée qu'incidemment, le jugement est en dernier ressort, si la demande principale en était suscep

que

tible. Alors le jugement qui intervient sur la de- | d'hérédité, action indéterminée par sa nature, mande principale, n'a l'autorité de la chose jugée quoique restreinte alors à une simple partie de relativement à cette demande, et ne l'a point l'universalité de la succession; les juges ne poudu tout par rapport à la question d'état. Cette dis- vaient donc prononcer en dernier ressort sur cette tinction importante résulte de la jurisprudence affaire, et ils ont contrevenu à l'art. 5 du tit. 4 de de la cour de cassation, comme le prouve un la loi du 24 août 1790, qui détermine l'étendue arrêt du 23 brumaire an xit, dont nous puisons de leur pouvoir. l'espèce dans le Bulletin civil.

Jean-Denis Caseneuve avait été institué héritier de son père par acte testamentaire du 14 février 1770; Michel-Jérôme son frère, qui depuis a émigré, et les autres enfants furent renvoyés à leur légitime de droit; et si Jean-Denis ne laissait pas d'enfants, Michel-Jérôme était substitué à l'hérédité.

Le décès du père arrivé, Jean-Denis répudie la succession et institution, le 3 septembre 1785, dans la confiance, à ce qu'il paraît, que ses enfants demeuraient substitués à son institution.

L'arrèt de cassation est conçu ainsi qu'il suit : « Oui le rapport de M. Rousseau, l'un des juges; les observations de Me Leblanc, défenseur du défendeur, et les conclusions de M. Merlin, commissaire du gouvernement;

R

1790;

« Vu l'art. 5 du tit. 4 de la loi du 24 août attendu que la question engagée entre le demandeur et la régie consistait uniquement à savoir sil était seul héritier de son père, au moyen de ce que la répudiation de l'hérédité avait été rétractée, ou si la régie n'était pas cohéritière avec Une créance de 3,000 livres en principal dé-lui; que le tribunal de Pamiers n'a pas décidé pendait de la succession; Caseneuve en recut le remboursement en l'an 2, comme légitime admi

nistrateur des biens de ses enfants.

La régie de l'enregistrement, comme représentant l'émigré Michel-Jérôme, décerne une contrainte en paiement de 600 livres pour la portion compétente à l'émigré.

Jean-Denis rétracte alors sa répudiation, et déclare accepter purement et simplement l'hé

rédité.

La régie conteste la validité de la reprise de la qualité d'héritier.

Le tribunal de Pamiers se proposa pour question de savoit si Jean-Denis Caseneuve avait pu valablement reprendre l'hérédité après l'avoir répudiée; ainsi il s'agissait de décider si Caseneuve était seul héritier, ou si la régie devait être admise à la partager:

d'autre question par le jugement attaqué; que la contrainte décernée par la régie, n'était autre chose qu'une action en pétition d'héridité, action alors à une partie de l'universalité de la succesindéterminée de sa nature, quoique restreinte sion; que cette espèce est absolument différente de celle d'un créancier qui dirige son action contre un prétendu héritier, et à l'égard duquel cette qualité est jugée d'une manière incidente et particulière; mais que, dans la cause actuelle, la qualité d'héritier étant principalement en contestation entre les deux parties qui la réclamaient entière, le tribunal de Pamiers n'a pu, sans exrespectivement, et devant s'appliquer à l'hérédité cès de pouvoir et sans violer la loi citée, prononcer en premier et dernier ressort sur des objets indéterminés de leur nature:

« Par ces motifs, le tribunal casse et annule le jugement du tribunal de Pamiers, du 13 pluviose an x... Fait et prononcé, etc. Section civile. »

Le tribunal considéra que la chose n'était plus entière lors de la réclamation de la régie, qui était antérieure à la reprise de l'hérédité; que la Comme on l'a vu ci-dessus, no 2, sous l'empire nullité de la répudiation n'était pas justifiée: il du Code de procédure civile, le point jugé par le parut encore au tribunal que les héritiers Case-tribunal de Pamiers, devrait être, en pareil cas, neuve n'étaient nullement institués, mais seulement mis dans la condition; que, par conséquent, la répudiation avait appelé les autres enfants à la succession paternelle, et que la régie avait, du chef de l'émigré, droit au cinquième des 3,000 livres il condamna donc Caseneuve à payer la somme de 600 livres comprise en la contrainte; mais il prononça par jugement en premier et dernier ressort, comme si la question d'héridité n'eût été qu'incidentelle, et que le titre principal de la demande n'eût pas été tout entier dans la qualité d'héritier qui faisait la matière de la con

testation.

La régie n'agissait qu'en cette qualité; Caseneuve en excipait aussi pour en exclure la régie: il était donc évident que l'on soumettait et que le tribunal de Pamiers jugeait une action en pétition

déféré au juge d'appel, avant de pouvoir être soumis à la cour de cassation, parce que maintenant la qualification de la loi l'emporte sur celle du juge. Mais pour notre principe, la base est aujourd'hui ce qu'elle était alors. Le tribunal de Pamiers ne pouvait juger qu'à charge d'appel, parce que la qualité universelle d'héritier était l'objet principal de la demande ; il aurait statué en dernier ressort, si cette qualité n'avait été agitée qu'incidemment, attendu que, dans ce cas, le jugement n'aurait eu l'autorité de la chose jugée sur la qualité d'héritier que relativement à l'objet pécuniaire et particulier de la demande. Depuis, la cour a confirmé cette doctrine, notamment par ses arrêts des 15 juillet 1806, au rapport de M. Bailly, et 24 mars 1812, au rapport de M. Liger de Verdigny. (Bulletin civil,

1806, P. 253.
p. 325.)
Lorsqu'un jugement statue sur le fond en pre-
mier et dernier ressort, la disposition qui pro-
nonce la contrainte par corps peut-elle être atta-
quée par la voie de l'appel?

Sirey, 1807, p. 528, et 1812, | et ont soutenu, par le motif donné devant la
cour de Turin, que l'appel sur lequel il avait été
statué n'était pas recevable.

Voyez Contrainte par corps, § 1, no vii. VI. Un jugement rendu en premier ressort ne peut être attaqué par la voie de l'appel, lorsque la partie ayant le libre exercice de ses droits, y a acquiescé expressément ou tacitement. (Voyez Supra, no 11.)

Un arrêt de la cour de cassation, du 14 juillet 1813, a décidé que les jugements volontaires ne sont pas susceptibles d'appel. Voici l'espèce de cet arrêt telle qu'elle est rapportée au Bulletin civil.

Par acte authentique, du 25 février 1805, le sieur Orméa s'est reconnu débiteur envers les sieurs Trèves, professant la religion juive, d'une somme de 20,000 fr., qu'il s'obligea de leur payer à différents termes.

Le sieur Orméa n'ayant pas satisfait à ses engagements, les sieurs Trèves dirigèrent contre lui des poursuites en expropriation forcée.

L'affaire portée devant le tribunal de Turin, il intervint, le 21 novembre 1807, un jugement dans lequel on lit:

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Les parties se sont rapprochées à l'amiable, et, après plusieurs discussions, sont comparues devant ce tribunal, et ont pris d'accord les suivantes conclusions, signées par les parties mêmes. Pour les sieurs Trèves, on a conclu à ce que le sieur Orméa soit condamné au paiement des 20,000 fr. en principal, ensuite de l'acte public du 25 février 1805, à payer (en tel délai).

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« Pour le sieur Orméa, on a déclaré n'y avoir aucune difficulté de payer la somme de 20,000 fr. aux sieurs Trèves, avec les intérêts aux taux de cinq pour cent, dans le délai et avec les déclarations dans les conclusions prises par les sieurs Trèves. »

« Parties ouïes, le tribunal d'accord des mêmes, condamne le sieur Orméa au paiement, au profit des sieurs Trèves, de la somme de 20,000 fr., portée par l'acte public du 25 février 1805, dans le délai de, etc.....>>

Le 24 octobre 1809, le sieur Orméa a interjeté appel de ce jugement devant la cour d'appel de

Turin.

Les sieurs Trèves ont soutenu cet appel nonrecevable, attendu qu'il suffisait de lire le jugement attaqué, pour se convaincre que le sieur Orméa avait acquiescé à ses dispositions.

La cour d'appel de Turin a rejeté cette fin de non-recevoir, et a prononcé sur le fond par arrêt du 13 février 1810, lequel est principalement fondé sur le décret du 17 mars 1808, concernant les Juifs.

Les sicurs Trèves se sont pourvus en cassation,

Le sieur Orméa a fait défaut.

« Oui M. le baron Zangiacomi, conseiller en la cour, dans son rapport; les observations de Guichard, avocat des demandeurs, et les conclusions de M. le chevalier Jourde, avocat-général;

« Vu les articles 1350, 1351 et 1352 du Code civil; considérant, en fait, que le jugement rendu en première instance contre Orméa, l'a été du consentement de ce dernier, conformément à des conclusions signées de lui et renouvelées à l'audience; qu'ainsi il y a eu, de la part d'Orméa, acquiescement formel à la condamnation portée contre lui;

« En droit, que des jugements auxquels il a été acquiescé, obtiennent l'autorité de la chose jugée, et ne peuvent légalement être attaqués par la voie d'appel;

«

Que le décret du 17 mars 1808 ne déroge pas à ce principe, et par conséquent le maintient à l'égard des jugements rendus au profit des Juifs;

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D'où il suit, que la cour d'appel de Turin a fait une fausse application de ce décret, et violé les articles ci-dessus ;

La cour casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Turin, du 13 février 1810, etc. »

Celui qui exécute un jugement qualifié en dernier ressort, n'est pas réputé y acquiescer, si en l'exécutant il fait des réserves de se pourvoir, encore bien qu'il pût obtenir du juge d'appel des défenses d'exécution, parce qu'alors l'exécution n'a pas été volontaire; condition toujours nécessaire pour que l'exécution emporte acquiescement.

La cour de cassation, section civile, l'a ainsi jugé par arrêts des 28 octobre 1811 et 15 juillet 1818. (Sirey, 1811, p. 365, et 1818, p. 422.) Voyez Acquiescement.

VII. Lorsqu'une demande reconventionnelle. est régulièrement formée, doit-elle entrer en ligne de compte avec celle du demandeur originaire pour déterminer le dernier ressort ?

Voyez Justice de paix, § I, n° 8.

VIII. On ne peut appeler d'un jugement préparatoire, qu'après le jugement définitif et conjointement avec l'appel de ce jugement. En conséquence, l'exécution sans réserves d'un jugement préparatoire n'en rend pas l'appel non-recevable. Il en est autrement lorsqu'il s'agit d'un jugement interlocutoire; l'appel peut être interjeté avant le jugement définitif: on peut de même appeler avant le jugement définitif des jugements. qui accordent une provision. (Code de proc., article 451.)

L'article 452 définit ainsi les jugements préparatoires et interlocutoires :

Sont réputés préparatoires les jugements rendus pour l'instruction de la cause, et qui tendent

à mettre le procès en état de recevoir jugement | locutoire le jugement qui ordonne qu'il sera rendu définitif. compte d'une société dont l'existence est contestée ?

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Sont réputés interlocutoires les jugements rendus lorsque le tribunal ordonne, avant de faire droit, une preuve, une vérification, ou une instruction qui préjuge le fond. »

Le principe ainsi posé est sans difficulté dans la théorie; il n'en est pas de même dans la pratique; dans plusieurs circonstances, les mêmes jugements peuvent être tantôt préparatoires et tantot interlocutoires; cela dépend de l'état de la cause et de l'influence du jugement sur la décision définitive. Ainsi, je réclame contre vous le paiement d'une somme pour le prix d'ouvrages faits. Sans contester que les ouvrages ont été faits pour votre compte, vous prétendez que la somme que je réclame est exagérée. Le jugement qui ordonnera une expertise sera préparatoire, puisqu'il pour but que de mettre le tribunal à portée de statuer sur la valeur réelle des ouvrages. Mais si, au lieu de borner votre défense à prétendre que ma demande est trop élevée, vous soutenez que les ouvrages ne vous ont point été livrés, et que, malgré cette défense, le tribunal ordonne une estimation des ouvrages, il est clair que le jugement est interlocutoire, parce qu'il a le même effet que s'il eût décidé que, sans s'arrêter ni avoir égard à vos moyens, vous seriez tenu de payer les ouvrages sur le pied de l'esti

n'aura

mation.

A quels caractères, à quels indices les jugements préparatoires pourront-ils donc être distingués des jugements interlocutoires?

Un arrêt de la cour de cassation, section civile, du 28 août 1809, a jugé que non-seulement ce jugement est interlocutoire, puisqu'il touche au fond, mais même qu'il est définitif dès qu'il décide définitivement que le compte réclamé est dû. (Sirey, 1809, p. 434.)

En thèse générale, un jugement qui ordonne la production d'un compte, est considéré comme purement préparatoire, lorsque le compte n'est pour les juges qu'un moyen de s'éclairer sur le fond de la contestation qui leur est soumise ; mais il n'en est pas ainsi, quand il s'agit principalement entre les parties de savoir si l'une d'elles doit un compte, ou si elle ne le doit pas ; si elle l'a rendu, ou si elle doit le rendre, parce qu'en ce cas, la décision de cette question préjuge le fond. C'est encore ce que la même cour, section civile, a jugé par arrêt du 21 juillet 1817. (Sirey 1817, pag. 365.)

IX. Il ne suffit pas qu'un jugement ordonne une preuve, une vérification ou une instruction, pour qu'il puisse être considéré comme interlocutoire; il faut de plus que cette preuve, cette vérification, cette instruction préjuge le fond. (Cod. de proc., art 452.)

Doit-on considérer comme interlocutoire un jugement qui ordonne une enquête du consentement des parties?

Deux auteurs estimables répondent que non, parce que ce jugement étant rendu du consentement des parties, ne préjuge pas le fond, et que personne n'est fondé à en appeler.

Il faut examiner scrupuleusement le véritable point de la difficulté soumise à la décision du tribunal, et l'influence que ce jugement rendu De ce qu'une des parties ne peut appeler d'un peut avoir sur la décision définitive de la contes-jugement qui ordonne une enquête, parce qu'elles tation. Le jugement est préparatoire lorsqu'il or- y ont acquiescé à l'avance, il n'en résulte pas que donne une mesure de pure instruction qui n'a au- le jugement prenne le caractère de jugement précune influence directe ni indirecte sur la manière paratoire, s'il préjuge le fond. L'art. 452 dit podont le fond devra être décidé. Il est interlocu-sitivement que le jugement qui ordonne une entoire lorsqu'il décide un point accessoire au fond, ou qu'il laisse entrevoir directement ou indirectement quelle sera la décision définitive.

une

Il ne faut pas croire qu'il n'y ait de jugements interlocutoires que ceux qui ordonnent preuve, une vérification ou une instruction qui préjuge le fond. Ces termes de la loi sont énonciatifs et non limitatifs. Ainsi, un jugement qui ordonne la mise en cause d'un tiers est en général préparatoire; mais, lorsque cette mise en cause peut influer sur la décision du procès, le jugement est interlocutoire. C'est ce que la cour de cassation, section des requêtes, a décidé par arrêt du 1er juin 1809, en rejetant le pourvoi en cassation dirigé contre un arrêt de la cour royale de Metz, qui avait déclaré interlocutoire un jugement qui avait ordonné la mise en cause d'un tiers. (Sirey, 1809, p. 304.)

Doit-on déclarer comme préparatoire ou inter

quête qui préjuge le fond est interlocutoire. Il ne distingue pas entre le cas où il est rendu avec le consentement des parties, et celui où il l'est, malgré la résistance de l'une d'elles. Tout jugement qui ordonne une preuve préjugeant le fond est donc essentiellement interlocutoire.

Mais, comme le droit d'appeler est facultatif, les parties se rendent non-recevables à attaquer le jugement lorsqu'elles y acquiescent, et c'est ce qui arrive quand elles consentent à ce qu'une enquête qui préjuge le fond soit ordonnée. (Voy. cependant Supra, no 11. )

X. Une question plus importante est celle de savoir si un jugement interlocutoire lie irrévocablement le tribunal qui l'a rendu.

La cour de cassation, saisie de cette difficulté, l'a résolue négativement par arrêt du 17 janvier 1810 dans l'espèce suivante

Par testament authentique du 15 brumaire

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