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Ceux qui auront obtenu l'envoi provisoire pourront même requérir, pour leur sûreté, qu'il soit procédé, par un expert nommé par le tribunal, à la visite des immeubles, à l'effet d'en constater l'état. Son rapport sera homologué en présence du procureur du roi; les frais en seront pris sur les biens de l'absent. (Ibid.)

Tous ceux qui ne jouissent qu'en vertu de l'envoi provisoire sont les représentants de l'absent, et toute personne qui aurait des droits à exercer contre ce dernier ne peut les poursuivre que contre eux (art. 134). Mais ils ne peuvent aliéner ni hypothéquer les immeubles de l'absent. (Code civ., art. 128 et 2126.)

VII. Si l'absent reparaît, ou si son existence est prouvée pendant la durée de la possession provisoire, les effets du jugement qui aura déclaré l'absence cesseront, le dépôt cessera également, et la propriété de tous ses biens meubles et immeubles lui sera restituée (Code civ., art. 131). Dans le cas où l'absent ne reparaîtrait pas, et où son existence serait prouvée, il sera pourvu, s'il y a lieu, à l'administration de ses biens, comme il est dit dans la section première. (Ibid.)

VIII. Par une conséquence de la cessation du dépôt ou mandat, les fruits perçus devraient également être restitués en entier; mais une considération puissante a dû faire fléchir ce principe. Pour ne pas dégoûter les héritiers présomptifs, les ayantdroit, l'administrateur, d'un dépôt onéreux, d'une administration stérile qui les expose à une garantie pesante, à des répétitions subites et considérables, il a fallu leur offrir quelque avantage. On leur a accordé une quotité des revenus par eux perçus, graduée sur la durée de l'absence. Si l'absent revient avant quinze ans révolus depuis le jour de sa disparition, ils ne sont tenus de lui rendre que le cinquième des revenus. S'il ne reparaît qu'après les quinze ans, ils ne lui remettent que le dixième. Enfin, lorsqu'il s'est écoulé trente ans depuis la disparition, la totalité des fruits leur appartient. (Art. 127.)

Quoique dans cet article on prenne pour point de départ le moment de la disparition, il ne faut pas croire que les droits des possesseurs provisoires sur les fruits remontent jusqu'à cette même époque. La portion des fruits qu'ils gagnent est le salaire de leur administration: ce gain ne commence donc pour eux qu'avec leur administration, c'est-à-dire depuis l'envoi en possession. Les fruits échus avant cette époque sont réunis à la masse des biens, et il doit en être fait emploi au profit de l'absent. C'est ce qui résulte du 2 alin.de l'art. 126. IX. Nous venons de raisonner dans l'hypothèse de l'apparition de l'absent ou de la réception de ses nouvelles; mais si au contraire il vient à décéder pendant l'envoi provisoire, sa succession sera ouverte du jour de son décès prouvé, au profit des héritiers les plus proches à cette époque; et ceux qui auraient joui de ses biens seront

tenus de les restituer aux héritiers, toutefois sous la réserve des fruits acquis en vertu de l'art. 127. (Art. 130.)

X. Lorsque l'absence se prolonge tellement que le retour ne serait plus qu'une chose extraordinaire, la présomption de mort qui va toujours croissant, quoique toujours balancée par la présomption de vie, devient prédominante, et alors il est tout à la fois dans l'intérêt des possesseurs provisoires et dans l'intérêt public de conférer à ces possesseurs un droit définitif, et de rendre ainsi les biens au commerce.

C'est ce que fait l'art. 129 qui porte que, si l'absence a continué pendant trente ans à compter de l'envoi provisoire, ou de l'époque à laquelle l'époux commun a pris l'administration des biens de l'absent, les cautions seront déchargées; tous les ayant-droit pourront demander le partage des biens de l'absent, et faire prononcer l'envoi en possession définitif par le tribunal de première instance du domicile de l'absent.

Il est un cas où il n'est pas même nécessaire de l'expiration des trente années pour que l'absence produise tous les effets déterminés par l'article précité; c'est celui où il s'est écoulé cent ans révolus depuis la naissance de l'absent; car alors la présomption de mort est complète, suivant les lois de la nature. (Art. 129.)

Dans ce cas, la date de sa mort doit être fixée rétroactivement au jour de sa disparition ou de ses dernières nouvelles, à moins que l'on ne justifie d'une autre date du décès réel; c'est ce qu'a décidé un arrêt de la cour de cassation, section des requêtes, du 22 décembre 1813, au rapport de M. Sieyes. (Sirey, 1814, p. 90.)

La possession définitive confère à ceux qui l'obtiennent le droit de vendre et d'hypothéquer les biens de l'absent. ( 128, 132, 2126, ibid.)

XI. Quelque forte que soit la présomption qui s'élève contre le retour de l'absent après l'envoi en possession définitif, il est cependant possible qu'il ait lieu, ou du moins que le fait de son existence soit constaté. Dans l'un et l'autre cas, l'absent recouvrera ses biens, mais dans l'état seulement où ils se trouveront, le prix de ceux qui auraient été aliénés, ou les biens provenant de l'emploi qui aurait été fait du prix de ses biens vendus; le tout sans pouvoir, dans aucun cas, attaquer les tiers qui auraient contracté avec les possesseurs définitifs. (Art. 132.)

L'art. 133 donne les mêmes droits aux enfants et descendants directs de l'absent, qui n'auraient pas été connus, ou qui auraient négligé de se présenter, soit lors de l'envoi en possession provisoire, soit lors de l'envoi définitif; mais à la charge par eux de les exercer dans les trente ans qui suivent l'envoi en possession définitif, sous peine d'être écartés par la prescription. Il est inutile, sans doute, de remarquer qu'en limitant cette faveur aux enfants et descendants, le législateur a

entendu en exclure tous les héritiers collatéraux | l'art. 113, relatif aux présumés absents, paraît les sans distinction.

§ II.

reconnaître habiles à succéder, puisqu'il parle de commettre un notaire pour les représenter dans les comptes, liquidations et partages où ils sont intéressés.

Des effets de l'absence relativement aux droits éventuels qui peuvent compéter à l'absent. Cependant M. Locré, dans son Esprit du code civil, nous apprend que cette difficulté, agitée au Conseil I. Quiconque réclamera un droit échu à un indi-d'état, a été résolue dans un sens opposé. On a vidu dont l'existence ne sera pas reconnue, devra pensé, dit-il, que l'incertitude de l'existence de l'abprouver que ledit individu existait quand le droit sent remonte au jour de sa disparition, que l'on ne a été ouvert; jusqu'à cette preuve, il sera déclaré s'est servi de ces expressions, individu dont l'exisnon recevable dans sa demande. (Code civ., article tence n'est pas reconnue, que dans l'intention de 135.) généraliser la pensée de la loi, et d'y comprendre les présumés absents comme les absents déclarés, et l'on a concilié l'art. 113 avec le principe, en disant que les art. 135 et 136 supposent une contestation, une fin de non-recevoir opposée à celui qui réclame un droit ou une succession, et qu'ainsi l'absent présumé recueillera les successions que personne ne lui contestera, pour lesquelles nulle fin de non-recevoir ne sera opposée.

En conséquence, s'il s'ouvre une succession à laquelle soit appelé un individu dont l'existence n'est pas reconnue, n'est pas prouvée, elle sera dévolue exclusivement à ceux avec lesquels il aurait eu le droit de concourir, ou à ceux qui l'auraient recueillie à son défaut. (Art. 136.)

Ces deux dispositions sont deux corollaires évidents du principe que nous avons posé, que le fait de l'existence de l'absent flotte continuellement entre la présomption de mort et la présomption de vie, sans que l'une puisse exclure entièrement l'autre, quelque prédominante qu'elle puisse devenir par la durée de l'absence. De sorte qu'on n'est pas plus admissible à réclamer du chef de l'absent un droit subordonné à la condition de sa vie, si l'on ne prouve qu'il existe, qu'à exercer un droit soumis à la condition de son décès, si l'on ne se présente muni de la preuve de sa

mort.

II. Le sens de l'art. 136 relatif aux successions ouvertes au profit de l'absent, et qui a été l'objet de diverses interprétations, nous paraît fort clair. Il renferme les deux cas dans lesquels peut se trouver l'absent: ou il a des co-successibles, ou il est seul de son degré. Dans le premier cas, la succession est recueillie exclusivement par ceux avec lesquels il aurait eu le droit de concourir; expressions qui excluent positivement le droit de représentation que pourraient réclamer les héritiers de l'absent; car s'il pouvait y avoir représentation, il ne serait pas vrai de dire que la succession est exclusivement dévolue à ceux qui auraient été appelés à concourir avec lui. D'ailleurs on ne représente que les personnes défuntes (art. 744), et l'absent n'est pas même présumé mort.

Si, au contraire, l'absent est seul appelé à recueillir l'hérédité, il y a, comme le disent les derniers mots de l'article, dévolution au degré subséquent. Les héritiers de ce degré succèdent alors ipso jure et non par droit de représentation. III. Mais il s'élève une difficulté relativement aux deux articles que nous venons de citer. S'appliquent-ils exclusivement aux absents déclarés? ou bien s'étendent-ils aussi aux absents présumés? Placés sous le titre des effets de l'absence, ces articles ne sembleraient devoir s'appliquer qu'aux absents déclarés, avec d'autant plus de raison que

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IV. L'absent et ses représentants n'étant écartés des droits dont nous venons de parler qu'à raison de l'incertitude qui enveloppe son sort, il est juste, si des preuves positives détruisent cette incertitude, de leur donner le moyen de recouvrer ce qu'ils ont perdu ou plutôt ce dont ils ont été privés. C'est ce que fait l'art. 137, en déclarant que les dispositions des art. 135 et 136 auront lieu sans préjudice des actions en pétition d'hérédité et d'autres droits, lesquels compéteront à l'absent ou à ses représentants ou ayant-cause, et ne s'éteindront que par la prescription trentenaire.

Mais tant que l'absent ne se représentera pas, ou que les actions ne seront point exercées de son chef, ceux qui auront recueilli la succession gagneront les fruits par eux perçus de bonne foi art. 138), en vertu du principe général d'après lequel le possesseur de bonne foi fait les fruits siens, tant que dure sa bonne foi. (Art. 549 et 550.)

S III.

Des effets de l'absence relativement au mariage.

Lorsqu'un second mariage a été contracté avant la dissolution du premier, le ministère public a le droit d'en demander la nullité (Code civ. art. 190); tel est le principe général. Mais il n'en est pas ainsi en matière d'absence. L'époux absent dont le conjoint a contracté une nouvelle union est seul recevable à attaquer ce mariage par luimême, ou par son fondé de pouvoir, muni de la preuve de son existence (art. 139). Cette disposition érige en loi cette belle maxime de M. l'avocat-général Gilbert des Voisins, qui disait: l'incertitude de la mort de l'un des époux ne doit jamais suffire pour contracter un mariage nouveau; mais elle ne doit jamais suffire aussi pour troubler un mariage contracté.

Il ne faut pas perdre de vue que l'art. 139 est basé sur l'incertitude de la vie de l'absent, qui rend également incertain le crime de bigamie, et sur son éloignement, qui empêche le scandale de la nouvelle union. Si donc l'absent reparaît et garde le silence, le ministère public reprendra tous les droits que lui donne l'article 190 du Code. Si le mariage est annulé, il produira néanmoins ses effets civils, conformément aux art. 201 et 202, s'il a été contracté de bonne foi par les deux époux ou par l'un d'eux seulement. Voy. Mariage.

SECTION IV.

De la surveillance des enfants mineurs dont le père ou la mère a disparu.

Il faut distinguer entre les enfants issus d'un commun mariage, et ceux nés d'un mariage pré

cédent.

le

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3. « La requête, les extraits d'actes, pièces et renseignements recueillis au ministère de la guerre ou de la marine, sur l'individu dénommé dans ladu ministre de la justice, au procureur du roi. dite requête, seront renvoyés, par l'intermédiaire

« Si l'acte de décès a été transmis au procureur du roi, il en fera immédiatement le renvoi l'officier de l'état civil, qui sera tenu de se conformer à l'article 98 du Code civil.

« Le procureur du roi remettra le surplus des pièces au greffe, après en avoir prévenu l'avoué des parties requérantes, et, à défaut d'acte de décès, il donnera ses conclusions.

Dans le premier cas, si le père a disparu, la mère aura la surveillance des enfants, et elle exercera tous les droits du mari, quant à leur édu-à cation et à l'administration de leurs biens (Code civ., art. 141). Si c'est la mère qui a disparu, père continue d'exercer les droits attachés à la puissance paternelle. Si la mère était décédée lors de la disparition du père, six mois après cette disparition la surveillance des enfants sera déférée par le conseil de famille aux ascendants les plus proches, et, à leur défaut, à un tuteur pro-mande sera rejetée. visoire (142). Il en sera de même, si la mère, après avoir pris la surveillance, vient à décéder avant la déclaration d'absence. (Ibid.)

Dans le second cas, l'époux présent, soit le mari, soit la femme, n'ayant aucun droit sur les enfants de son conjoint, la surveillance de ces enfants est, comme dans le cas de l'article 142, déférée par le conseil de famille aux ascendants les plus proches, ou à un tuteur provisoire. Voy. Tutelle.

SECTION V.

4. « Sur le vu du tout, le tribunal prononcera. nis par le ministre que l'individu existe, la de« S'il résulte des pièces et renseignements four

« S'il y a lieu seulement de présumer son existence, l'instruction pourra être ajournée pendant un délai qui n'excèdera pas une année.

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Le tribunal pourra aussi ordonner les enquêtes prescrites par l'article 116 du Code civil, pour confirmer les présomptions d'absence resultant desdites pièces et renseignements.

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Enfin l'absence pourra être déclarée, ou sans autre instruction, ou après ajournements et enquêtes, s'il est prouvé que l'individu a disparu sans qu'on ait eu de ses nouvelles, savoir: de

De l'absence des militaires de terre et de mer, et puis deux ans, quand le corps, le détachement

des employés des armées.

ou l'équipage dont il faisait partie, servait en Europe; et depuis quatre ans, quand le corps, le détachement ou l'équipage se trouvait hors de l'Europe.

I. Les guerres longues et terribles que nous avons eues, ont entraîné loin de leur patrie bien des Français dont l'existence est un mystère. Cet 5. La preuve testimoniale du décès pourra état de choses a jeté dans un grand nombre de être ordonnée, conformément à l'art. 46 du Code familles et sur beaucoup de propriétés une incer- civil, s'il est prouvé, soit par l'attestation du mititude fatale. Il était urgent d'y apporter un remède, nistre de la guerre ou de la marine, soit par en dérogeant aux délais et aux formes établis toutes autres voies légales, qu'il n'y a pas eu de par le Code civil. C'est ce qu'a fait la loi du 13 jan-registres, ou qu'ils ont été perdus ou détruits en vier 1817, dont voici les dispositions: tout ou en partie; ou que leur tenue a éprouvé des interruptions.

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Art. 1. Lorsqu'un militaire ou un marin en activité pendant les guerres qui ont eu lieu depuis le 21 avril 1792, jusqu'au traité de paix du 20 novembre 1815, aura cessé de paraître, avant cette dernière époque, à son corps et au lieu de son domicile ou de sa résidence, ses héritiers

« Dans le cas du présent article, il sera procédé aux enquêtes contradictoirement avec le procureur du roi.

6. « Dans aucun cas, le jugement définitif portant déclaration d'absence ou de décès ne pourra

intervenir qu'après le délai d'un an, à compter de l'annonce officielle prescrite par l'art. 2.

7. « Lorsqu'il s'agira de déclarer l'absence ou de constater en justice le décès des personnes mentionnées en l'art. 1er de la présente loi, les jugements contiendront uniquement les conclusions, le sommaire des motifs et le dispositif, sans que la requête puisse y être insérée. Les parties pourront même se faire délivrer par simple extrait le dispositif des jugements interlocutoires; et s'il y a lieu à enquêtes, elles seront mises en minute sous les yeux des juges.

8. « Le procureur du roi et les parties requérantes pourront interjeter appel des jugements, soit interlocutoires, soit définitifs.

«

L'appel du procureur du roi sera, dans le délai d'un mois à dater du jugement, signifié à la partie au domicile de son avoué.

« Les appels seront portés à l'audience sur simple acte et sans aucune procédure.

9. Dans le cas d'absence déclarée en vertu de la présente loi, si le présumé absent a laissé une procuration, l'envoi en possession provisoire sous caution pourra être demandé, sans attendre le délai prescrit par les art. 121 et 122 du Code civil, mais à la charge de restituer, en cas de retour, sous les déductions de droit, la totalité des fruits perçus pendant les dix premières années de l'absence.

« Les parties requérantes qui posséderont des immeubles reconnus suffisants pour répondre de la valeur des objets susceptibles de restitution en cas de retour, pourront être admises par le tribunal à se cautionner sur leurs propres biens.

10. Feront preuve en justice, dans les cas prévus par la présente loi, les registres et actes de décès des militaires, tenus conformément aux art. 88 et suivants du Code civil, bien que lesdits militaires soient décédés sur le territoire français, s'ils faisaient partie des corps ou détachements d'une armée active ou de la garnison d'une ville assiégée.

II. « Si les héritiers présomptifs ou l'épouse négligent d'user du bénéfice de la présente loi, les créanciers ou autres personnes intéressées pourront, un mois après l'interpellation qu'ils seront tenus de leur faire signifier, se pourvoir eux-mêmes en déclaration d'absence ou de décès. 12. Les dispositions de la présente loi sont applicables à l'absence ou au décès de toutes les personnes inscrites aux bureaux des classes de la marine, à celles attachées par brevets ou commissions aux services de santé, aux services administratifs des armées de terre et de mer, ou portées sur les contrôles réguliers des administrations . militaires.

« Elles pourront être appliquées par nos tribunaux à l'absence et au décès des domestiques, vivandiers et autres personnes à la suite des armées, s'il résulte des rôles d'équipage, des pièces

produites et des registres de police, passe-ports, feuilles de route et autres registres déposés aux ministères de la guerre et de la marine, ou dans les bureaux en dépendants, des preuves et des documents suffisants sur la profession desdites personnes et sur leur sort.

«

13. Les dispositions du Code civil relatives aux absents, auxquelles il n'est pas dérogé par la présente loi, continueront d'être exécutées. »

II. Cette loi déroge, comme nous l'avons annoncé, aux délais prescrits par le droit commun. On voit en effet, 1° que lorsqu'un militaire ou marin en activité pendant les guerres qui ont eu lieu depuis le 21 avril 1792, jusqu'au traité de paix du 20 novembre 1815, a cessé de paraître, avant cette dernière époque, à son corps et au lieu de son domicile ou de sa résidence, ses héritiers présomptifs peuvent de suite se pourvoir au tribunal de son dernier domicile, pour faire déclarer son absence; tandis que, d'après le Code civil, ils sont obligés d'attendre quatre ans, à compter du départ ou des dernières nouvelles, si l'absent n'a pas laissé de procuration, ou dix ans s'il en a laissé une ;

2o Que les enquêtes impérieusement prescrites par l'article 116 du Code civil, ne sont, à l'égard des militaires, que facultatives pour le tribunal;

3° Que la demande en déclaration d'absence doit être rendue publique, comme l'art. 118 du Code civil le prescrit pour les jugements d'absence, tandis que le Code civil n'exige point cette publicité;

4° Que l'absence peut être déclarée de suite (sans aucune distinction entre les cas où il y a procuration et celui où il n'y en a pas), s'il est prouvé que l'individu a disparu sans qu'on ait eu de ses nouvelles depuis deux ans, quand le corps ou détachemeut dont il faisait partie servait en Europe, et depuis quatre ans quand il servait hors de l'Europe, tandis que, d'après le droit commun, il faut nécessairenient, pour que l'absence puisse être déclarée, qu'il se soit écoulé depuis la disparition ou les dernières nouvelles un délai de cinq ans, s'il n'y a point de procuration, et de onze ans s'il y en a une;

5° Que le procureur du roi a le droit d'interjeter appel des jugements soit interlocutoires soit définitifs, tandis que le Code civil ne lui donne pas ce droit.

Cette loi spéciale contient encore une différence bien remarquable, c'est que suivant le droit commun on n'est admis qu'à faire déclarer l'absence, tandis qu'ici on peut même faire déclarer le décès, afin de faire disparaître toute incertitude; mais ce n'est qu'autant qu'il est prouvé qu'il n'y a pas eu de registres, ou qu'ils ont été perdus ou détruits en tout ou en partie, ou que leur tenue a éprouvé des interruptions. (Art. 5. Voyez aussi l'avis du Conseil-d'état, du 17 germinal an XIII, rapporté à l'article Acte de notoriété, et surtout | le mot Décès, no 14.)

III. Lorsque l'absence a été déclarée, l'envoi en possession provisoire sous caution peut être demandé immédiatement, quoique l'absent ait laissé un fondé de pouvoir. Mais, dans ce cas, si l'absent reparaît, les possesseurs provisoires seront obligés de lui restituer la totalité des fruits perçus pendant les dix premières années.

Cette disposition est fondée, comme la loi toute entière, sur le double intérêt de l'absent et de ses héritiers présomptifs, et rien ne nous paraît plus propre à la faire bien saisir, que les expressions de M. Lainé, ministre de l'intérieur, qui eu a exposé les motifs en ces termes :

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L'art. 9 abrège le délai avant lequel, d'après le Code civil, l'envoi en possession provisoire ne peut pas être demandé lorsqu'il existe une procuration. La disposition du Code est sans doute utile quand il ne s'agit que de voyageurs qui ordinairement, malgré leur éloignement, peuvent s'occuper de suivre leurs affaires, et s'en occupent en effet; mais cette présomption serait absurde vis-à-vis des prisonniers de guerre qui, transportés loin de leur patrie par une force étrangère et des évènements subits, n'ont eu ni le temps ni les moyens de pourvoir à leurs intérêts, et qui, si une correspondance leur était possible dans les lieux où ils se trouvent, n'auraient pas manqué de solliciter par cette voie l'assistance de leurs familles. D'ailleurs on peut difficilement espérer de voir reparaître ceux qui, depuis plus de deux ans, n'ont point profité de la liberté de

revenir.

"

Au reste, le projet oblige les héritiers, en cas de retour, à restituer les fruits des dix premières années de l'absence. La disposition est donc toute entière dans l'intêret de l'absent. Elle le met à l'abri des dilapidations de mandataires agissant sans surveillance, et elle lui conserve néanmoins les avantages que l'art. 121 du Code civil assure à ceux qui ont laissé une procuration.» Quelles que soient les différences introduites par cette législation spéciale, il ne faut pas perdre de vue, comme l'indique le dernier article, que la nouvelle loi doit toujours être combinée avec le Code civil qui contient les règles générales, toutes les fois que la loi ne s'y oppose pas par des dispositions contraires ou inconciliables. IV. La loi du 11 ventose an I, spéciale pour les successions dévolues aux militaires absents, et qui veut que, lorsqu'une succession échoit à un militaire absent, il soit nommé à ce dernier un curateur chargé d'administrer la succession, a-t-elle été abrogée par les dispositions générales du Code civil en matière d'absence?

Cette loi est-elle applicable aux successions testamentaires, comme aux successions ab intestat? Un militaire continue-t-il d'être réputé tel, et de jouir du bénéfice de la loi dont il s'agit, encore bien qu'un certificat du ministre de la guerre constate que dans telle ou telle campagne il est

Tome 1.

resté en arrière de son corps, et a été rayé des contrôles du régiment auquel il appartenait?

La cour de cassation a résolu la première question pour la négative, et les deux autres pour l'affirmative, dans l'espèce suivante :

François Adar, curateur de Martin dit Armand, conscrit de la classe de 1812, avait réclamé pour lui, en vertu de la loi spéciale du 11 ventose an 11, la succession testamentaire de PierreElisée Martin, ouverte à son profit par le décès du testateur, en 1813.

Les hospices civils, le bureau de bienfaisance et le consistoire de l'église protestante réformée de la ville de Metz, appelés à recueillir cette même succession au défaut dudit Armand, dans le cas où il aurait prédécédé le testateur, s'étaient opposés à l'envoi en possession demandé par Francois Adar: à l'appui de leur opposition, ils avaient dit qu'étant justifié par un certificat du ministre de la guerre, qu'Armand était resté en arrière de son corps le 8 décembre 1812, en revenant de Moscou, et ayant en conséquence été rayé du contrôle de sa compagnie, il ne pouvait plus être considéré comme militaire.

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Mais un jugement contradictoire, rendu par le tribunal civil de Metz, avait fait main-levée de leur opposition parce que la loi du 11 ventose an II, rendue en faveur des défenseurs de la patrie, n'avait été ni rapportée ni modifiée; qu'elle s'appliquait à toutes les successions déférées aux militaires ab intestat ou autrement, et qu'Armand, quoique resté en arrière de son corps, n'avait pas cessé d'être légalement présumé militaire. »

La cour royale de Metz, saisie de l'appel de ce jugement, avait reconnu que la loi du 11 ventose an 1 était encore en vigueur; elle n'avait pas révoqué en doute qu'elle ne donnât droit aux militaires de recueillir toutes les successions qui leur étaient déférées ab intestat ou autrement; mais, en adoptant le système des appelants, elle avait jugé, par arrêt du 14 février 1817, qu'Armand, ayant été rayé du contrôle de son régiment comme resté en arrière le 3 décembre 1812, en revenant de Moscou, avait cessé d'être militaire et devait être privé du bénéfice de la loi du 11 ventose an 11.

Pourvoi en cassation de la part du sieur Adar pour violation de la loi du 11 ventose an 2, en ce que la cour de Metz n'a point appliqué les dispositions de cette loi, sous le prétexte que Martin dit Armand n'était pas présent à son corps, et a ainsi fait une distinction qui n'est ni dans la lettre, ni dans l'esprit de la loi.

Et par arrêt du 9 mars 1819, au rapport de M. Porriquet :

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Vu la loi du 1 ventose an 11, et les art. 135, 136 et 137 du Code civil;

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Considérant que la loi du 11 ventose an II, rendue en faveur des défenseurs de la patrie, les 4

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