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Le principe général en cette matière est que les assureurs sont tenus de réparer toutes pertes et dommages qui proviennent de fortunes de mer, c'est-à-dire de tous les évènements qui arrivent sur mer par cas fortuit ou par force majeure. L'art. 350 du Code de commerce, qui énonce ce principe, spécifie dans sa disposition les principaux évènements de ce genre.

Il place au premier rang la tempête, si fréquente sur mer, et qui cause dans le navire des désordres plus ou moins grands; le naufrage, qui engloutit ou fracasse le vaisseau; l'échouement, qui l'engrave sur un bas-fond.

Vient ensuite l'abordage, c'est-à-dire le choc de deux navires. Cet accident, qui n'est pas rare, à l'entrée et à la sortie des ports, arrive fortuitement, ou par la faute de l'un des capitaines, et quelquefois sans qu'on puisse en discerner la cause. Le Code ne met de plein droit aux risques de l'assurance que l'abordage fortuit, parce qu'il est, en effet, le seul qui soit, à proprement parler, une fortune de mer.

Voyez Abordage.

II. Les changements forcés de route, de voyage ou de vaisseau, sont aussi au nombre des fortunes de mer spécifiées par l'art. 350. Occupons nous d'abord du changement de route.

Pour que ce changement puisse rendre l'assureur garant des dommages qui en résultent, il faut qu'il soit forcé, c'est-à-dire que le capitaine du vaisseau assuré ait dévié de la route tracée par la police d'assurance, ou de la route ordinaire, soit par la violence des vents contraires, soit dans la crainte d'être pris par l'ennemi, de faire naufrage, ou pour échapper à tout autre péril de mer. Si le changement de route a lieu par le seul fait de l'assuré ou de ceux dont il répond, il cesse d'être aux risques de l'assuré; c'est ce qui découle implicitement de l'art. 350, et ce que décide textuellement l'art. 351. Il est évident, en effet, , que ce n'est point là un événement fortuit qui puisse peser sur l'assureur, dont la responsabilité ne saurait être aggravée par la seule volonté de l'assuré.

Les as

infestée. Il eut le malheur d'être pris après un combat opiniâtre où il perdit la vie. surés demandèrent anx assureurs la somme portée dans la police d'assurance. Ceux-ci repoussèrent la demande, en disant qu'elle était non-recevable, par le motif qu'on avait fait prendre au navire, sans leur consentement, la route la plus longue.

L'amirauté de Marseille adopta ce système de défense; et, sa sentence rendue le 23 novembre 1745, fut confirmée par arrêt du parlement d'Aix, du 30 juin 1746. Mais cet arrêt fut cassé par le conseil du roi, le 6 avril 1748; il était en effet contraire à l'ordonnance.

Dans cette espèce, il n'y avait pas précisément déviation de la route tracée par la police d'assurance, il y avait seulement préférence donnée, par des motifs de prudence, à nne plus longue route, sur la route la plus courte et la plus naturelle.

à

la cour de cassation, et où il y a changement Mais voici une autre espèce, qui a été soumise de la route convenue entre les parties.

armateurs du navire la Bellone, font assurer, par Le 13 nivose an x1, les sieurs Doullé et Mazza,

la

de 115,000 fr., dont 80,000 fr. sur le corps du compagnie des assurances du Havre, la somme navire, actuellement dans le port du Havre, en armement pour aller à la Martinique, et faire son retour en ce même port; les autres 35,000 fr. dans la police d'assurance, que si le vaisseau fait portent sur les marchandises. Il est convenu échelle aux îles du Vent, les assureurs en courront les risques, au moyen d'un quart pour cent pour chacune d'icelles, et un pour cent, s'il descend à Saint-Domingue.

tionnelle à la précédente, contenant les mêmes Le 18 ventose suivant, nouvelle police, addiconditions, et y ajoutant la permission d'aller à la Louisiane, moyennant deux et demi pour cent d'augmentation de prime.

Le lendemain 19 ventose, le vaisseau met à la voile, cingle vers Saint-Domingue, aborde au Cap le 26 germinal, en repart le 3 messidor, dirige sa route vers la Martinique, et, parvenu à la vue de cette île, il est capturé par une corvette an

Ces dispositions du nouveau Code de commerce sont calquées sur les art. 26 et 27 de l'ordonnance de 1681, au titre des Assurances, et ainsi les déci-glaise. sions qui ont appliqué les principes de cette ordonnance, peuvent être invoquées pour commenter la loi nouvelle.

Le 10 vendémiaire an XII, les sieurs Doullé et Mazza dénoncent cet événement aux assureurs et leur demandent la garantie promise par la police.

se sont chargés par la police, ont cessé pour eux.

Nous retracerons d'abord l'espèce d'une con- Les assureurs répondent que le navire a dévié testation rapportée par Valin, commentateur de de sa route; qu'au lieu d'aller de Saint-Domingue l'Ordonnance. Les sieurs -Belin et Consort, négo-à la Martinique, il devait aller de la Martinique ciants à la Rochelle, avaient fait assurer le navire à Saint-Domingue; qu'ainsi les risques dont ils le Benjamin. Le capitaine qui le commandait, partant du petit Goave, déboucha par le canal de Saint-Baliam, au lieu de passer sous le môle Saint-Nicolas. Il avait par conséquent pris la route la plus longue. Mais il l'avait fait pour éviter les corsaires dont il savait que l'autre route était

Une décision arbitrale prononce en faveur de la compagnie des assureurs. Les assurés en interjettent appel; mais, par arrêt du 6 février 1806, la cour royale de Rouen, vu les art. 27 et 36 de l'ordonnance de 1681, titre des Assurances, con

firme la sentence des arbitres. Les motifs de cet | Domingue et à la Louisiane, avant d'aller à la arrêt sont:

Martinique, ce qui aurait augmenté le voyage de deuze cents lieues; que le capitaine n'avait pas le droit d'intervertir l'ordre établi par les polices,' à moins que ce ne fût pour raccourcir le voyage, auquel cas, s'il lui convenait d'aller en droite ligne à Saint-Domingue, il fallait qu'il renonçât à la Martinique et aux autres îles du Vent, puisqu'en remontant, au lieu de se rendre d'un lieu à l'autre, il augmentait, par cette seule contravention, le voyage de cinq cents lieues; que le chande voyage, s'est fait sur les instructions particulières données au capitaine par les assurés, sans le consentement des assureurs; en sorte qu'aux termes des art. 27 et 36, liv. 11, tit. vi, de l'ordonnance de la marine, les risques ont cessé d'être au compte des assureurs, du moment où le navire a quitté le Cap pour remonter à la Martinique.

Les sieurs Doullé et Mazza se pourvoient en cassation contre cet arrêt de la cour de Rouen, pour fausse application des art. 27 et 36 de l'ordonnance de la marine.

<< Vu les articles 27 et 36 du titre des Assurances, de l'ordonnance de 1681, attendu qu'il est constant que le navire la Bellone a été directement du Havre au port du Cap, qu'il est sorti du Cap pour remonter à la Martinique, et qu'il a été capturé dans ce trajet par les Anglais, aux attérages de cette dernière île; que la navigation de la Martinique au Cap est d'environ cinq cents lieues moins longue que celle du Cap à la Martiniqne, parce que, dans la pre-gement de route qui a produit cette prolongation mière, les vents et les courants sont toujours favorables; tandis que, dans la seconde, ils sont toujours contraires, ce qui oblige à débouquer très-avant dans la mer, et à faire souvent des bordées; de là vient que l'une s'appelle navigation descendante et l'autre navigation ascendante, et que la première n'est communément que de sept à huit jours, et la seconde de vingt-sept à vingthuit jours; que les stipulations des polices d'assurance font loi entre les parties, et sont d'obligation non moins étroite que ce qui est l'objet des conventions dans les autres actes; que la route que le navire la Bellone avait à suivre dans le cours du voyage assuré, était tracée dans les polices d'une manière claire et précise; que, conformément à leurs dispositions, le capitaine devait, au départ du Havre, faire voile immédiatement pour la Martinique et les autres îles du Vent, où il avait le droit de faire échelle. Il pouvait en outre descendre à Saint- Domingue, même aller à la Louisiane, s'il le jugeait à propos; mais de quel point devait-il descendre à Saint-Domingue? Ce n'était sûrement pas du Havre, puisqu'en sortant du port, il devait se rendre, sans aucune déviation, aux îles du Vent; c'était done des îles du Vent qu'il devait naviguer pour Saint-Domingue, et c'est aussi ce que disent très-explicitement les polices, où l'on voit que c'est consécutivement après avoir parlé de la direction du navire aux îles du Vent, qu'elles stipulent la faculté de descendre à Saint-Domingue, expression d'autant plus énergique et décisive dans la cause, que, d'une part, on ne s'en est jamais servi à l'égard d'un navire qui va du Havre au Cap, et que, d'une autre part, elle est usuelle au langage de mer, pour indiquer la navigation des îles du Vent à Saint-Domingue, laquelle est constamment descendante par la nature du Vent et des courants Enfin le changement de navire, s'il est forcé, qui la secondent; d'où il suit que dans le cours comme par exemple, lorsque le vaisseau assuré du voyage du navire la Bellone, considéré soit se trouve réduit à l'état d'innavigabilité, il est clair généralement, soit respectivement aux îles de la que c'est là une fortune de mer aux risques des Martinique, ce lieù, dans le véritable point de assureurs. Mais si les assurés substituent volontaivue de la contestation, était manifestement le rement un autre navire au navire assuré, et cela terme a quo, et Saint-Domingue le terme ad sans la participation des assureurs, ceux-ci ne quem; que c'est étrangement se méprendre sur le sauraient être tenus des suites de cette subtitusens des polices du navire la Bellone, que de pré- tion. La connaissance de la solidité du vaisseau tendre s'il voulait user de toute la latitude du bon état de ses agrès et apparaux, de son arque qu'elles fui donnaient, il était tenu d'aller à Saint-mement, de sa force, sont des éléments par les

Mais, le 27 janvier 1808, arrêt de la section des requêtes, au rapport de M. Lasaudade, par lequel: « — attendu que la cour d'appel de Rouen ayant décidé, en point de fait, d'après les termes de la police, d'après la localité et les usages de la marine, ainsi qu'elle avait le droit de le faire, que le navire la Bellone, en dirigeant sa course d'abord vers le Cap, île et côte Saint-Domingue; pour, de là, remonter à la Martinique, a contrevenu au traité d'assurance qui lui prescrivait de se diriger directement vers la Martinique, sauf à descendre de là à Saint-Domingue, s'est conformée exactement aux dispositions des art. 27 et 36 du tit. 6, liv. 3 de l'ordonnance de la marine de 1681, en jugeant en droit que les assureurs doivent être déchargés des risques, et qu'aucune autre loi n'a été violée; la cour rejette etc. »

Comme le changement de route, le changement de voyage doit être forcé pour que les assureurs en subissent les conséquences. Il est encore plus grave que le permier, car il détruit en quelque sorte la convention des parties. Si, par exemple, un vaisseau, expédié pour les EtatsUnis, se rend à la Guadeloupe, la condition des assureurs est totalement changée.

quels l'assureur se détermine à faire l'assurance, et qui servent à régler la prime qu'il exige: or, ces éléments disparaissent par la substitution d'un navire à l'égard duquel l'assureur n'a pris aucun engagement.

Il faut cependant remarquer que l'art. 353 permet de charger les assureurs de ce qu'on appelle la baraterie de patron, c'est-à-dire, des prévarications, et même des simples fautes du capitaine et de l'équipage. Lorsqu'une telle stipulation se trouve dans la police d'assurance, il n'est pas doules assureurs ne soient responsables de tous changements, même volontaires, de route, de voyage ou de navire.

teux que

III. Le jet à la mer, le feu, la prise et le pillage, sont encore des événements que l'art. 350 met aux risques des assureurs.

Le pillage est une force majeure si évidente, qu'il n'est besoin d'aucune explication.

que

l'incendie est aux risques de l'assureur. « Il est arrivé quelquefois, dit Pothier, no 53, les capitaines ne pouvant plus défendre le navire, y ont mis le feu pour l'empêcher de tomber entre les mains des ennemis; il n'est pas permis d'en venir à cet extrémité, à moins que le capitaine n'ait trouvé le moyen de faire sortir tout son monde du navire, avant que le feu y prît: le capitaine ayant pris cette précaution, fait brûler le vaisseau: on demande si les assureurs peuvent se défeudre d'en supporter la perte, sous le prétexte qu'elle est arrivée par le fait du capitaine. Je pense que les assureurs la doivent supporter, et qu'ils ne peuvent opposer qu'il a été brûlé par le fait du capitaine; car le capitaine a eu un juste sujet de le brûler : et quand même le navire n'aurait pas été incendié, il n'en aurait pas moins été perdu, puisqu'on suppose que la prise en eût été sans cela inévitable. Emérigon, chap. 12 sect. 17, et Valin, sur l'art. 26 de l'ordonnance de 1681, tiennent le même langage, et tous deux A l'égard du feu, l'article ne distingue pas le feu rapportent deux arrêts, l'un du parlement de qui provient de force majeure, de celui qui pro- Bordeaux, du 7 septembre 1747, l'autre du parvient du fait de l'assuré ou de ceux dont il ré-lement de Provence, en date du 30 mars 1748, pond, comme il l'a fait pour l'abordage, ainsi que qui l'ont ainsi jugé. pour le changement de route, de voyage et de navire. Mais il ne faut pas en conclure qu'il soit dans tous les cas à la charge de l'assureur. Celui-ci ne répond que de l'incendie arrivé par fortune de mer, et non de celui qu'auraient allumé dans des intentions criminelles, ou même par simple faute, l'assuré, ou le capitaine du navire; cela résulte très-positivement des art. 352 et 353. Si toutefois le contrat d'assurance renfermait une stipulation V. Les frais de touage; pilotage et lamanage, qui mit la baraterie de patron aux risques de ne sont point des risques maritimes; ce sont des l'assureur, ce dernier serait responsable de l'in-frais ordinaires de navigation qui ne peuvent être cendie causé par le capitaine ou par l'équipage.

Pour ce qui concerne le jet, voyez ce mot. Voyez aussi Prise, pour ce qui y est relatif.

Cette distinction établie, il n'est pas inutile de présenter quelques observations sur son application.

Lorsque le vaisseau est embrâsé par le feu de l'ennemi, ou par le feu du ciel, il ne saurait y avoir de doute: ce sont des fortunes de mer dans toute la force du terme. Les assureurs seraient également tenus du feu que le capitaine, en vertu d'un ordre de l'autorité, aurait mis lui-même à son vaisseau, atteint de la peste: ce serait encore là une fortune de mer. Toutefois, il en serait autrement, comme le remarque Emérigon, si la peste pouvait être imputée au capitaine; dans ce cas, les assureurs n'en seraient point tenus, sauf la clause de la baraterie de patron. C'est ce qui a été jugé par arrêt du parlement d'Aix, du 23 juillet 1725, à l'égard du vaisseau le grand Saint-« Antoine, qui, par la fatale imprudence du capitaine, avait apporté la peste à la ville de Marseille. Mais que faudra-t-il décider si le capitaine, pour empêcher une capture inévitable, met le feu à son vaisseau ?

Dans ce cas, tous les auteurs sont d'accord que

IV. Enfin l'art. 350 du code de commerce range dans l'énumération des risques de l'assureur, l'arrêt par ordre de puissance, la déclaration de guerre et les réprésailles.

Pour ce qui concerne l'arrêt de puissance, voyez Embargo, et pour ce qui est relatif à la déclaration de guerre, voyez ce que nous disons dans le paragraphe suivant, en parlant de la prime.

à la charge des assureurs. Il en est de même des droits imposés sur le navire et sur les marchandises de son chargement (Code de com., art. 35.4.)

Ces dispositions sont confirmées par l'art. 406 qui déclare que ces dépenses ne constituent point des avaries, et qu'elles ne sont que de simples frais à la charge du navire. Leur application est sans difficulté, lorsqu'il s'agit des cas ordinaires; mais si, dans quelque circonstance extraordinaire, un navire, pour se mettre à l'abri de la tempête, ou pour échapper à la poursuite de l'ennemi, avait relâché dans un port où il ne serait pas entré sans cet événement, les frais de touage, de pilotage et de lamanage, qui ont été la conséquence de cette relâche forcée, ne doivent-ils pas être supportés par les assureurs ?

Pothier examine cette question, et il dit, no 67: Un jurisconsulte, dont je respecte les lumières, pense que les assureurs, même en ce cas, n'en sont pas tenus; non-seulement parce que l'art. 30 (de l'ordonnance) décharge indistinctement les assureurs de ces frais; mais encore parce que les assureurs ne sont chargés que des pertes, et que ces frais sont des frais de conservation, plutôt que

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des pertes. Pour l'opinion contraire, on peut dire que lorsque c'est un accident extraordinaire de force majeure, qui a obligé le vaisseau de relâcher dans un port, où il n'aurait pas relâché sans cela, et qui a en conséquence donné lieu à ces frais, ces frais sont en ce cas une vraie perte pour l'assuré, qui lui est causée par une fortune de mer qui a donné lieu à ces frais. L'ordonnance, art. 26, ayant chargé, dans les termes les plus généraux, les assureurs, de toutes les pertes causées par fortune de mer, ils doivent être chargés de celleci; et qu'en conséquence l'art. 30, qui décharge les assureurs des frais de lamanage, etc., ne doit s'entendre que du cas auquel ces frais sont frais ordinaires. M.Valin tient à cette dernière opinion.» Ainsi s'exprime Pothier dont le sentiment nous

semble devoir être suivi.

VI. Il n'y a point non plus d'accidents maritimes, ni par conséquent de risques à la charge des assureurs, dans les déchets, diminutions et pertes qui arrivent par le vice propre de la chose; et ils ne sont tenus ni de ces avaries, ni des dommages causés par le fait des propriétaires, affréteurs ou chargeurs. (Ibid. art. 352.)

VII. En principe, l'assureur n'est pas responsable de la baraterie de patron, c'est-à-dire, des fautes et des prévarications du capitaine et des gens de l'équipage, parce que ce n'est point, à proprement parler, une fortune de mer; mais il est permis de stipuler dans la police d'assurance que ce genre de risques sera garanti par l'assureur l'assureur (ibid., art. 353). Voyez baraterie de patron. VIII. Du même principe qn'il n'y a point de contrat d'assurance sans risques, il suit que toute assurance faite après la perte ou l'arrivée des marchandises assurées est nulle, s'il y a présomption, et à plus forte raison s'il y a preuve, qu'avant la signature du contrat, l'assuré connaissait ou pouvait connaître la perte, ou l'assureur l'arrivée des objets assurés (Code de com., art. 365). Mais si les parties n'ont connu ni pu connaître l'évènement, leur bonne foi donne au contrat d'assurance toute sa force et tout son effet; c'est une conséquence qui découle implicitement de l'artique nous citons, Nous développerons ces principes § 5, no 7, où nous ferons connaître les effets du contrat d'assurance formé après la perte ou l'heureuse arrivée du navire à sa destination.

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IX: Les risques maritimes, qui sont de l'essence du contrat d'assurance, ne doivent être ni dissimulés, ni faussement présentés par l'assuré. « Toute réticence, porte l'art. 348 du Code de commerce, toute fausse déclaration de la part de l'assuré, toute différence entre le contrat d'assurance et le connaissement, qui diminueraient l'opinion du risque ou en changeraient le sujet, annulent l'assurance. L'assurance est nulle, même dans le cas où la réticence, la fausse déclaration ou la différence, n'auraient pas influé sur le dommage ou la perte de l'objet assuré. »

Le meilleur commentaire de cet article se trouve dans l'exposé des motifs, par M. Corvetto. Cet orateur disait au corps législatif :

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Quoique cet article soit nouveau, il est moins une addition à l'ordonnance qu'un sommaire des principes qu'elle avait consacrés. L'expérience a prouvé cependant que cet article, par la disposition surtout de son second paragraphe, pouvait prévenir des discussions spécieuses qui ont quelquefois retenti dans les tribunaux de commerce. « L'assureur a le droit de connaître toute l'étendue du risque, dont on lui propose de se charger: lui dissimuler quelque circonstance qui pourrait changer le sujet de ce risque, ou en diminuer l'opinion, ce serait lui faire supporter des chances dont il ne voulait peut-être pas se charger, ou dont il ne se chargerait qu'à des conditions différentes; ce serait, en un mot, le tromper.

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« Dès lors, le consentement réciproque, qui seul peut animer un contrat, viendrait à manquer. Le consentement de l'assuré se porterait sur un objet, et celui de l'assureur sur un autre; les deux volontés, marchant dans un sens divergent, ne se rencontreraient pas, et il n'y a cependant que la réunion de ces volontés qui puisse constituer le contrat.

La seconde partie de la disposition découle nécessairement de ces principes."

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« Le contrat n'ayant pas existé, aucune conséquence, ancun effet n'en ont pu résulter. Dès lors il est indifférent, à l'égard de l'assureur, que navire périsse ou ne périsse pas, ou qu'il périsse par une chance sur laquelle la réticence ou la fausse déclaration n'auraient pas influé : l'assureur serait toujours autorisé à répondre qu'il a assuré un tel risque, et que ce risque n'a existé. pas

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X. Lorsque la police d'assurance donne au capitaine le droit d'entrer dans différents ports pour y compléter ou échanger son chargement, les risques des effets assurés ne pèsent sur l'assureur que lorsqu'ils sont à bord. Ainsi toutes pertes arrivées dans l'nn de ces ports après le déchargement ou avant le chargement, sont pour l'assuré. L'art. 362 du Code de commerce. qui contient cette disposition, excepte cependant le cas où la police renfermerait nne stipulation contraire, stipulation que les parties ont la liberté de faire.

XI. La durée des risques est en général réglée par les parties, quand elle ne l'est pas, voici comment la détermine l'art. 328 du Code de commerce auquel renvoie l'art. 341: « Si le temps des risques n'est point déterminé par le contrat, il court, à l'égard du navire, des agrès, apparaux, armement et victuailles, du jour que le navire a fait voile, jusqu'au jour où il est ancré ou amarré au port ou lieu de sa destination. A l'égard des marchandises, le temps des risques court du jour qu'elles ont été chargées dans le navire, ou dans les gabares pour les y porter, jusqu'au jour où elles sont délivrées à terre. »

Dans le cas où le contrat d'assurance limite la durée des risques, il est clair que l'assureur est libre immédiatement après l'expiration du temps et l'assuré peut alors, s'il le juge à propos, faire assurer les nouveaux risques. (Code de comm., art. 363.)

convenu,

L'assureur est également affranchi des risques si l'assuré envoie le vaisseau dans un lieu plus éloigné que celui convenu dans le contrat, et où les risques devaient cesser à défaut de la limitation de leur durée, quoiqu'il n'y ait point changement de route (ibid., art. 364). La raison est que l'assuré ne peut pas à son gré prolonger les chances de la navigation au-delà du terme qui leur a été assigné.

Si, au lieu d'allonger le voyage, l'assuré le raccourcit, il n'en doit pas moins la prime entière, parce qu'il ne peut pas, par son fait, changer les conditions du contrat (ibid.).

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I. La prime est aussi, comme nous l'avons déja dit, de l'essence du contrat d'assurance. Elle est le prix des risques que court l'assureur. On la nomme ainsi parce qu'autrefois elle se payait avant tout, primò: La prime ou coût d'assurance, disait l'ordonnance de la marine, liv. I, tit. vi, art. 6, sera payée en son entier, lors de la signature de la police. Quoique, depuis, l'usage ait prévalu de ne pas la payer comptant, et que souvent l'assuré se borne à remettre à l'assureur un billet qu'on appelle billet de prime, lequel est stipulé payable à une certaine échéance, la dénomination de prime est demeurée.

"

La prime, pour être équitable, dit Pothier, doit être le juste prix des risques dont l'assureur se charge par le contrat; mais comme il n'est pas facile de déterminer quel est ce juste prix, on doit donner à ce juste prix une très-grande étendue, et réputer pour juste prix celui dont les parties sont convenues entre elles; sans que l'une des parties puisse être écoutée à alléguer à cet égard la lésion. (Traité du Contrat d'assurance, n° 82.)

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De ces réflexions, parfaitement justes, il suit que le taux de la prime est susceptible de varier suivant les circonstances qui rendent les risques plus ou moins grands, et que les parties ont toute latitude pour le fixer. C'est à elles à apprécier les risques auxquelles elles s'exposent; c'est à elles à prévoir ceux qui peuvent surveuir; c'est à elles à prévoir surtout, lorsqu'elles contractent en temps de paix, la possibilité d'une guerre qui accroîtrait considérablement les dangers de la navigation, et à stipuler une prime en conséquence. Mais lorsqu'une fois la convention est conclue, elle doit être exécutée sans modification, quels que soient les événements qui surviennent. Si, par

Tome I.

exemple, le contrat est fait en temps de paix, pour une prime modique, sans aucune stipulation d'augmentation de prime pour le cas d'une survenance de guerre, les assureurs ne sont point fondés à réclamer un accroissement de prime. Les événements postérieurs au contrat ne peuvent point, en effet, en changer les conditions. Pothier, dans son Traité du Contrat d'assurance, art. 83, raisonne en ce sens, et il ajoute que, conformément à ce principe, les assureurs anglais, lors de la guerre de 1756, ne firent aucune difficulté de payer les valeurs assurées dont l'état de guerre avait occasioné la capture par les corsaires de leur nation, et cela sans exiger la moindre augmentation de prime; mais qu'en France l'amirauté du Palais se détermina à accorder une addition de prime proportionnée à l'accroissement des risques, bien que les polices faites en temps de paix fussent pures et simples; et que ses décisions ont été confirmées par le parlement toutes les fois qu'il y en a eu appel.

Mais les raisons de cette jurisprudence n'étaient point fondées sur les principes du droit, que bien au contraire elles blessaient essentiellement; elles reposaient sur ce qu'il était d'une nécessité absolue, pour l'intérêt du commerce maritime, de prévenir et d'empêcher la ruine des assureurs et des chambres d'assurance, ruine qui, dit-on, eût été infaillible, si on ne leur eût pas accordé une augmentation de prime. C'étaient des considérations particulières, des tempéraments d'équité, bien respectables sans doute, mais qui ne sauraient, dans l'état actuel de notre législation, motiver des décisions judiciaires en opposition avec les principes qui régissent les conventions.

II. Pour prévenir toute difficulté sur ce point, on est dans l'habitude d'insérer dans les polices une clause relative à la survenance de guerre, et d'y stipuler pour ce cas une prime additionnelle. Les parties fixent elles-mêmes l'augmentation de prime, et alors c'est le contrat qu'il faut suivre; ou elles ne la déterminent point, et alors elle est reglée par les tribunaux, qui ont égard aux risques, aux circonstances et aux stipulations de chaque police d'assurance. (Code de comm., 433.)

Cet article 343 emploie les expressions temps de guerre ; et l'art. 350, qui énumère les fortunes de mer dont les assureurs répondent, se sert des mots déclaration de guerre. Il n'est pas inutile d'examiner si dans l'une ou l'autre de ces locutions, se trouvent comprises les hostilités qui ont lieu avant toute déclaration de guerre. La conduite des Anglais, lors de la guerre de 1756, fit naître cette question. On sait qu'ils commencèrent les hostilités le 8 juin 1755, par la prise des vaisseaux le Lis et l'Alcide, qu'ils les continuèrent depuis, et que la guerre ne fut déclarée qu'au mois de juin 1756. Pothier, dans l'ouvrage cité, no 84, s'exprime là-dessus d'une manière si judicieuse et si péremptoire, que nous ne pouvons rien faire de

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