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le profit, autorisant la défenderesse à procéder sur la demande, — déclare l'assignation donnée à la femme Marion, en vertu de l'arrêt d'admission dont il s'agit, nulle et de nul effet, et, par suite, Mignot déchu de sa demande en cassation..." Un autre arrêt du 25 mars 1812, au rapport de M. Ruperou, avait déja consacré cette doctrine (Sirey, 1812, p. 317.)

Toutefois, l'irrégularité résultant de ce que le mari n'a pas été appelé en même temps que la femme, est plutôt une insuffisance qu'une nullité radicale dans l'assignation, si elle est introductive d'instance; en sorte que si, avant le délai donné à la femme pour comparaître, son mari est assigné par acte séparé pour l'autoriser, l'ajournement donné à la femme peut n'être pas annulé. C'est ce qu'à jugé un arrêt de la même cour, section des requêtes, du 5 avril 1812, au rapport de M. Lombard (Ibid., 1813, p. 8.

Mais, s'il s'agit de l'appel ou du recours en cassation, qui doivent être formés dans un délai déterminé, à peine de déchéance, le demandeur qui a laissé passer le délai, sans assigner le mari, est irrévocablement déchu.

Lorsque la femme commune est autorisée par justice à plaider et qu'elle succombe, les condamnations peuvent-elles être recouvrées sur les biens de la communauté ?

Voy. jugement, sect. 1, § 2, n° 15.

« La cour, — attendu que, suivant l'art. 30 du tit. 4 de la première partie du réglement de 1738, l'arrêt d'admission doit être signifié dans les trois mois de sa date, sous peine de déchéance de la demande, et que, d'après l'art. 215 du Code civil, la femme ne peut ester en jugement sans l'autorisation de son mari ou de la justice, à peine de nullité de la procédure, conformément à l'art. 225; qu'il suit, de la combinaison de ces articles, qu'à moins d'une autorisation déja existante à cet effet, la femme ne peut être assignée sur une demande en cassation, sans appeler le mari dans les trois mois de l'arrêt d'admission, à l'effet de l'autoriser, ou pour, sur son refus, la faire autoriser par la la justice à défendre à la demande; que, faute de ce, l'assignation est nulle et la déchéance encourue; que, dans le fait, Mignot a fait signifier l'arrêt d'admission dans les trois mois de sa date, à la femme Marion, avec assignation à comparaître dans les délais du réglement, pour procéder sur la demande ; mais que rien ne prouve que, de fait, elle fût alors autorisée à défendre à cette demande; qu'il résulte bien du jugement de première instance et de l'arrêt attaqué, qui sont les seules pièces légales produites à cet égard devant la cour, qu'elle l'avait été pour plaider en première instance et en appel, mais qu'il n'en résulte point qu'elle le fût pour défendre à la demande en cas sation; que rien ne prouve non plus que son mari ait été appelé dans les trois mois de l'arrêt VII. La femme qui a plaidé ou contracté, sans d'admission pour l'autoriser, ou à l'effet de la y être autorisée, dans le cas ou l'autorisation est faire autoriser, sur son refus, par la justice, à dé-requise, a agi sans pouvoir; le jugement ou l'acte fendre à la demande ; que, par suite, l'assignation est nulle et la déchéance encourue; qu'on n'a pu se dispenser d'appeler le mari pour accorder à la femme cette autorisation, sous prétexte qu'il l'avait antorisée à plaider en première instance et en appel, puisque l'art. 215 défend, d'une manière absolue, à la femme, d'ester en jugement sans autorisation, et que le recours en cassation est une instance indépendante, dans laquelle l'intérêt des époux pourrait être compromis, si l'autorisation prescrite par cet article n'était observée; qu'on a pu encore moins s'en dispenser, sous prétexte que les communes qui ont gagné leurs procès, peuvent défendre en appel et en cassation; sans être de nouveau autorisées, et qu'il y a même raison pour les femmes: parce que l'autorisation maritale prescrite pour les femmes repose sur d'autres motifs que celle requise pour les communes, et que celles-ci tiennent à cet égard | de la loi, une dispense qui n'existe point pour les Le sieur Burghoffer fut mis en liberté, et ce femmes; qu'enfin, si Mignot a assigné le mari aux fut alors que sa femme éleva des difficultés sur la fins de l'autorisation, il ne l'a fait que depuis les validité de l'engagement qu'elle avait contracté. trois mois de l'arrêt d'admission; que le délai ac- Elle prétendit que la cession qu'elle avait consencordé par la loi la loi pour la signification de l'arrêt tie au profit des sieurs Ham et Weneck était nulle, étant alors expiré, il n'a pas dépendu de lui de parce qu'en s'engageant, pour tirer son mari de valider une assignation nulle, et de priver la prison, elle devait, aux termes de l'art. 1427 du femme Marion d'une déchéance qui lui était ac- Code civil, être autorisée par la justice. quise donnant défaut contre Marion, et, pour

est infecté de nullité, et ce vice peut être opposé en tout état de cause. Mais la nullité n'est que relative; elle ne peut être opposée que par la femme, par le mari, ou par leurs héritiers (Code civil, art. 225.)

Peut-elle être opposée par les créanciers personnels de la femme?

Voy. nullité, $ 3 n° 3, et § 4, no 1. La femme mariée peut-elle, avec la seule autorisation de son mari, et sans celle de la justice, aliéner ses biens pour tirer son mari de prison?

Le sieur Burghoffer était retenu en prison pour dettes. Sa femme, pour lui procurer la liberté, vendit des immeubles qu'elle possédait, et en céda le prix aux sieurs Han et Weneck, à la requête de qui son mari avait été incarcéré.

Dans les actes de vente et cession, la dame Burghoffer contracta avec l'autorisation de son mari.

Les sieurs Han et Weneck soutinrent, au con

traire, que, d'après les art. 219 et 222 du même | dence, que l'article doit s'appliquer aux cas où Code, l'autorisation de la justice n'était nécessaire la femme contracte des obligations sur ses biens que dans les cas où le mari refusait ou était dans personnels. l'impossibilité d'autoriser lui-même sa femme, et que c'était avec cette restriction que devait être entendu l'art. 1427.

Jugement du tribunal de première instance de Colmar qui, adoptant ces derniers moyens, déclare valable la cession faite par la dame Burghoffer.

Sur l'appel, arrêt de la cour de Colmar, du 8 décembre 1812, qui, par les mêmes motifs, confirme le jugement de première instance.

Pourvoi en cassation pour violation de l'art. 1427 du Code civil et fausse application des art. 219 et 222 du même Code.

Il est vrai qu'en principe général, a dit la dame Burghoffer, une femme mariée peut s'engager avec la seule autorisation de son mari. Mais ce principe reçoit plusieurs exceptions, dont la plupart sont fondées sur l'intérêt que le mari peut avoir à donner son autorisation et sur la maxime nemo potest esse auctor in rem suam. Ainsi, d'après l'art 2144, la femme ne peut, avec la seule autorisation de son mari, restreindre l'hypothèque générale qui lui est accordée pour sa dot; elle a besoin de l'avis de quatre de ses plus proches parents réunis en assemblée de famille.

Le législateur a de même senti qu'il ne devait pas permettre à la femme d'aliéner ses biens, pour tirer son mari de prison, avec la seule autorisation de son mari, qui, dans une pareille position, consulterait bien plutôt son propre intérêt que celui de sa femme; il a voulu empêcher qu'une femme ne se laissât alors entraîner par un mouvement irréfléchi qui pourrait consommer sa ruine et celle de ses enfants. Il lui a donné, contre sa propre faiblesse, un appui toujours assuré dans la prudence des magistrats dont elle doit obtenir, dans ce cas, l'autorisation. Telle est la disposition de l'art. 1427 qui est ainsi conçu :

"La femme ne peut s'obliger ni engager les << biens de la communauté, même pour tirer son << mari de prison, ou pour l'établissement de ses enfants, en cas d'absence du mari, qu'après y avoir été autorisée par justice.

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Il est évident que cet article, dont les termes sont clairs et précis, est une exception aux principes généraux portés dans les art. 219 et 222 du Code civil.

En vain a-t-on dit que l'art. 1427 ne parlait que du cas où la femme aliénait, pour tirer son mari de prison, les biens de la communauté. Les termes de l'article repoussent cette interprétation. Il ne dit pas seulement que la femme a besoin de l'autorisation de la justice pour aliéner les biens de la communauté, il exige également cette autorisation pour qu'elle puisse s'obliger. Or, l'opposition de ce mot avec les termes ni engager les biens de la communauté, prouve, jusqu'à l'évi- |

Tome I.

On a soutenu encore que cet art. 1427 n'exigeait l'autorisation de la justice, dans le cas où la femme s'oblige pour tirer son mari de prison, que lorsque le mari est absent, ce que l'on fait résulter des termes en cas d'absence du mari, qui se trouvent en effet dans l'article. Mais on donne à ces mots une extension qu'ils n'ont pas et qu'ils ne peuvent avoir la construction grammaticale de l'article prouve que ces mots ne s'appliquent qu'au second cas prévu dans l'article, celui de l'établissement des enfants. D'ailleurs n'est-il pas évident que la position du mari, qui est en prison, repousse toute idée d'absence, et qu'ainsi ces termes de l'article ne peuvent pas s'appliquer au cas où il s'agit de lui rendre la liberté? Mais c'est malgré la présence du mari, et par les raisons que nous avons vues, que la loi assimile ce cas à un autre cas où l'époux est réellement absent.

Ces raisons n'ont pas été accueillies ; et par arrêt du 8 novembre 1814, au rapport de M. Zangiacomi, <«< la cour, sur les conclusions de M. Jourde, avocat-général, et après un délibéré en la chambre du conseil, -considérant qu'aux termes des art. 217, 218 et 222 du Code civil, l'autorisation dont la femme a besoin pour contracter ne peut être demandée en justice que lorsque le mari refuse ou est dans l'impossibilité de la donner; qu'ainsi, de sa nature, l'autorisation de la justice n'est qu'un acte supplétoire qui devient inutile lorsque l'autorisation du mari existe; que vainement on oppose que ce principe a été modifié par l'art. 1427 du Code civil; que, pour déterminer le véritable sens de cet article, il faut le conférer avec celui qui le précède immédiatement; que, par cet article ( 1426), il est dit que la femme, non marchande publique, ne peut engager les biens de la communauté lorsqu'elle ne contracte qu'avec l'autorisation de la justice; que l'objet de l'article suivant (1427) est de dire, par exception à cette règle, qu'avec la seule autorisation de la justice, la femme peut valablement engager les biens de la communauté lorsqu'il s'agit 1o de tirer son mari de prison, et 2° d'établir les enfants pendant l'absence du mari; que l'article 1427 étant évidemment réduit à cette disposition, ainsi qu'il résulte de son propre texte sainement entendu, et de la discussion à laquelle il a donné lieu au tribunat, il n'est aucun prétexte d'en conclure qu'il déroge au principe général posé dans les art. 217, 218 et 222, principe qui a existé de tout temps, et qui est une conséquence naturelle inhérente à l'autorité maritale; - rejette, etc. >>

VIII. La femme mariée avant le Code civil peut-elle valablement cautionner son nari avec la seule autorisation de celui-ci ?

Le peut-elle si elle s'est mariée sous l'empire de 33

la coutume de Normandie, ou dans un pays régi par le sénatus-consulte velléien ?

Nombre d'arrêts ont résolu ces questions pour l'affirmative. En voici un qui a mis le sceau à cette jurisprudence.

Par acte authentique du 16 messidor an xIII, la veuve Lejeune, autorisée par son mari, avait cautionné celui-ci, et hypothéqué un domaine qu'elle possédait, régi par la coutume de Dreux. La veuve Lejeune, poursuivie en paiement, a demandé la nullité de son cautionnement; et elle s'est fondée, 1° sur les dispositions du sénatus-consulte Velléien; 2° sur ce qu'étant femme normande, elle n'avait pu valablement obliger ses immeubles dotaux.

La cour d'appel de Rouen avait accueilli la demande de la veuve Lejeune.

Cet arrêt a été cassé pour contravention à l'article 55 de la coutume de Dreux, et pour violation des art. 2, 1123, 1125, 1428, 1535, 1538 et 1554 du Code civil.

L'arrêt portant cassation, sous la date du 27 août 1810, est ainsi conçu:

« Oui le rapport de M. Liger de Verdigny, conseiller; les observations de Mailhe, avocat du demandeur, et les conclusions conformes de M. le procureur-général ;

« Vu les art. 2, 1123 et 1125 du Code civil,

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à la dame Lejeune la faculté d'hypothéquer ses immeubles avec le consentement de son mari;

. Considérant enfin que l'art. 1554 du Code civil, relatif à l'inaliénabilité des biens dotaux, étant introductif d'un droit nouveau, n'a pu être appliqué sans donner à la loi un effet rétroactif, réprouvé expressément par l'art. 2 du Code civil;

«Par ces motifs, la cour casse et annule, pour contravention aux articles 1123, 1125, et à l'art. 55 de la coutume de Dreux, et pour fausse application de l'art. 1554 du Code civil, et violation de l'art. 2 dudit Code, et de l'art. 7 de la loi du 30 ventose an xii, l'arrêt rendu par d'appel de Rouen, le 4 février 1808, etc. «Fait et prononcé, etc., section civile. (Voy. ci-dessus, n° v. :)

la cour

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D'après les motifs de cet arrêt, on pourrait croire que, dans l'opinion de la cour, la disposition de la coutume de Normandie, qui défendait aux femmes d'aliéner et hypothéquer leurs biens, était un statut réel.

Mais voici un arrêt du 12 juin 1815, dont nous puisons l'espèce dans le Bulletin civil, qui a jugé in terminis que cette disposition est un statut personnel: née en Normandie, contracta mariage avec le Le 9 thermidor an x, la demoiselle Baillard,

sieur Crotat.

Par une clause, il fut stipulé que les époux sel'art. de la loi du 30 ventose an XII, et l'ar-raient séparés de biens; par une autre, il fut dit que la demoiselle Baillard apportait en mariage ses immeubles.

ticle 55 de la coutume de Dreux;

«Considérant, 1° que le sénatus-consulte Velléien était un statut purement personnel et indépendant des conventions matrimoniales; que l'incapacité dont il s'agit, laquelle frappait indistinctement les filles, les femmes mariées ou veuves, a été levée par le Code civil; qu'en effet, le chapitre 1er du titre XIV, qui définit le cautionnement, n'a adopté, dans aucune de ses dispositions, la prohibition de cautionner faite aux personnes du sexe par le sénatus-consulte Velléien; que l'art. 1123 confère, au contraire, à toute personne, sans aucune exception, le droit de s'obliger, de contracter; que l'article 1125 ne permet à la femme mariée de pouvoir attaquer ses engagements pour cause d'incapacité, que dans les cas prévus; que les lois romaines, ordonnances, statuts ou coutumes en opposition aux dispositions du Code, ont été expressément abrogés par l'art. 7 de la loi du 30 ventose an xII; enfin, que le cautionnement dont il s'agit a été consenti depuis la promulgation du Code civil;

Suivant l'art. 538 de la coutume de Normandie, la femme pouvait vendre ses immeubles avec la seule autorisation de son mari.

Un réglement postérieur, appelé placités, avait statué, art. 127, que la femme séparée de biens ne pourrait vendre les immeubles qu'elle avait, lors de la séparation, sans avis de parents et permission de justice.

Mais, ultérieurement, était intervenu l'article 217 du Code civil, suivant lequel la-femme séparée de biens peut aliéner avec le seul concours du mari, ou son consentement par écrit.

par contrat du 27 thermidor an XIII, la dame Depuis la publication de ce dernier article, Crotat vendit, sous la seule autorisation de son mari, aux sieurs Martin, Oriot et Lepec, la terre appelée du Courant, qu'elle avait en Normandie lors de son mariage; la vente fut faite moyennant une somme qu'elle délégua à ses créanciers, à l'exception d'un résidu dont elle s'obli

« 2o Que la disposition de la coutume de Nor-gea de fournir remploi. mandie, qui défendait aux femmes d'aliéner et d'hypothéquer leurs biens, était un statut réel qui n'avait d'empire que sur les immeubles situés dans l'enclave de cette commune; que, dans l'espèce, la ferme de Cocherel, affectée au paiement de la créance, était régie par la coutume de Dreux; que l'art. 55 de cette coutume donnait

Au mois d'avril 1813, la dame Crotat prétendit qu'étant séparée de biens par son contrat de mariage, et ayant la propriété de la terre du Courant lors de la séparation, elle n'avait pu la vendre sans permission de justice et avis de parents, conformément à l'art. 127 des placités; que cette formalité étant une condition de l'alié

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nabilité des biens, n'était point abolie par l'ar- l'article 127 des mêmes placités, portant que la ticle 217 du Code, parce qu'elle avait le caractère femme séparée de biens ne peut vendre, sans d'un statut réel, et que les statuts de cette na-permission de justice et avis de parents, les biens ture ne peuvent être abolis pour ce qui s'est passé sous leur empire, sans donner à la loi un

effet rétroactif.

Par arrêt du 8 mai 1813, la cour de Rouen accueillit ce système; elle jugea que la formalité voulue par l'art. 127 des placités formait une condition indivisible de l'aliénabilité des biens, et était par conséquent un statut réel qui n'était pas aboli par l'art. 217 du Code : en conséquence, elle annula la vente, et condamna les acquéreurs

au délaissement des biens.

Les acquéreurs ont demandé la cassation de cet arrêt, pour fausse application de l'art. 127 des placités et violation de l'art. 217 du Code.

Ils ont soutenu qu'un statut est personnel toutes les fois qu'il a pour objet immédiat de régler l'état des personnes, quelque influence qu'il ait d'ailleurs sur les biens par ses effets

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qui lui appartenaient lors de la séparation, avait pour objet direct de régler la capacité civile de la femme et de n'affecter les biens que par suite et conséquence de cette capacité;

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Que le Code civil a introduit un droit nouveau à cet égard par son article 217, en disposant que la femme séparée de biens peut aliéner avec le concours du mari dans l'acte, ou son consentement par écrit; que, par une suite, il abroge l'article 127 des placités qui ne le lui permettait qu'avec avis de parents et permission de justice;

Que, dans le fait, le contrat de vente dont il s'agit, a été passé depuis l'abolition de l'article 127 des placités et sous l'empire du Code, puisqu'il est du 27 thermidor an xIII, et que le titre du Code contenant l'article 217 avait été publié

le 16 ventose an XI;

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Que, dans le fait aussi, la femme Crotat a consenti cet acte sous l'assistance et l'autorisation de son mari;

Que, de droit commun, la femme pouvait, en Normandie comme dans le reste de la France, vendre ses immeubles avec la seule autorisation de son mari; que, par conséquent, en statuant Qu'il suit de là que la vente, étant conforme que la femme séparée de biens ne pourrait ven-à la loi sous l'empire de laquelle elle a été faite, dre ses immeubles sans avis de parents et permis- est valable, quoique consentie sans avis de pasion de justice, l'art. 127 des placités n'avait eu rents et permission de justice; que cependant pour but direct que de substituer l'autorisation l'arrêt l'annule faute de cette formalité; qu'en de la justice à celle du mari; que, par une con- cela il viole formellement l'article 217 du Code, séquence ultérieure, cet article étant un statut et fait une fausse application de l'article 127 des personnel, était aboli par le Code. placités;

La dame Crotat disait, au contraire, que la formalité prescrite par l'art. 127 formant une condition de l'aliénabilité des biens, était un statut réel; que conséquemment elle n'était point abrogée par la loi nouvelle.

La cour n'a vu dans cette formalité qu'un supplément de l'autorisation maritale; par conséquent, un statut personnel aboli par le Code. En conséquence, elle a annulé l'arrêt dénoncé ainsi qu'il suit:

« Oui le rapport de M. Cassaigne, conseiller; les observations des avocats des parties; et les conclusions de M. Thuriot, avocat-général ;

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Vu les art. 538 de la coutume, 126 des placités de Normandie, et 217 du Code civil;

"Attendu que les lois qui règlent la capacité civile des personnes, saisissent l'individu et ont leur effet du jour de leur promulgation;

« Qu'en cela elles n'ont aucun effet rétroactif, parce que l'état civil des personnes étant subordonné à l'intérêt public, il est au pouvoir du législateur de le changer ou modifier selon les besoins de la société, et que l'influence qu'il a sur les biens, n'étant qu'un effet de cet état, est subordonnée aux mêmes variations que l'état luimême ;

Que, d'après les art. 538 de la coutume et 126 des placités de Normandie, la disposition de

« La cour casse, etc. »

IX. L'interdiction d'une femme mariée peutelle être régulièrement provoquée par ses parents et prononcée par les tribunaux, sans que cette femme ait été autorisée par son mari à ester en jugement?

Le mari qui n'a pas donné son autorisation, peut-il former tierce-opposition au jugement qui a prononcé l'interdiction de sa femme, et le faire annuler, ainsi que tout ce qui l'a précédé et suivi?

La cour de cassation a résolu la première question pour la négative et la seconde pour l'affirmative, par un arrêt du 9 janvier 1822, ainsi rapporté dans le Bulletin civil:

Le 26 novembre 1813, Claude Bernaud, Antoine-Henri et Simon-François Grangeneuve, parents de Constance Rouchon, épouse du sieur Robert, provoquèrent son interdiction pour cause d'imbécillité. Ils articulèrent les faits de démence et indiquèrent les témoins, dans une requête qu'ils présentèrent au tribunal civil de Roanne.

Le même jour, le président ordonna la communication de la requête au ministère public, et commit l'un des juges pour en faire le rapport.

Le 30 du même mois, le rapport fut fait, le ministère public donna ses conclusions, et le tribunal ordonna la convocation et la délibération du conseil de famille, à l'effet de donner son avis

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sur l'état moral de Constance Rouchon. Il fut or- | même jour, deuxième arrêt qui ordonne la réasdonné, en outre, que la requête et l'avis du con- signation du demandeur pour l'audience du 23 seil de famille seraient notifiés à Constance Rou- mai, et, cedit jour, troisième arrêt qui prononce chon, qu'elle serait interrogée par un juge-com- défaut, faute de plaider, contre l'avoué du sieur missaire, en présence du procureur du roi, et que Robert, et de comparution contre ce dernier; met les actes constatant l'accomplissement de ces for- l'appellation au néant, en ce qui concerne le jumalités seraient communiqués au procureur du gement du 7 mai, et le déboute de sa tierce-opporoi, pour, après que ladite Constance Rouchon sition à celui du 10 août 1814. aurait été entendue ou dûment appelée, être par les parties conclu, et par le tribunal ordonné ce qu'il appartiendrait.

Le 17 décembre 1813, assemblée du conseil de famille. Il délibéra, et fut d'avis de l'interdiction. Le sieur Robert ne fut ni présent, ni appelé à la

délibération.

L'avis du conseil et la requête antérieure furent notifiés à Constance Rouchon, le 22 du même mois.

Le 3 janvier 1814, elle fut interrogée par un juge-commissaire, en présence du procureur du roi et du greffier du tribunal. L'interrogatoire lui fut signifié le 24 du même mois.

Le 3 février suivant, jugement qui ordonne la preuve vocale des faits de démence. Trente-cinq témoins furent entendus. Ils déposèrent, presque tous, que Constance Rouchon était affligée d'une aliénation mentale depuis plusieurs années.

Elle fut appelée à l'audition des témoins par une assignation. L'enquête lui fut notifiée le 11 juin 1814, avec ajournement à l'audience du tribunal de Roanne, pour entendre prononcer son interdiction.

Le 10 août suivant, jugement d'interdiction. Le 17 du même mois, signification de ce jugement à Constance Rouchon.

Le 17 et 19 septembre 1814, le sieur Robert forma, en sa qualité d'époux, tierce-opposition au jugement. Il en demanda la nullité, ainsi que de tous autres jugements et de la procédure. I se fonda, 1° sur ce que sa femme n'avait été autorisée ni par lui, ni par la justice, a ester en jugement; 2° sur ce qu'il n'avait pas été appelé au conseil de famille.

Le 7 mai 1817, jugement qui admit la tierceopposition, annula le jugement d'interdiction et tout ce qui avait précédé, jusques et y compris le jugement qui avait ordonné l'enquête.

Appel de ce jugement devant la cour royale de Lyon, et le 11 avril 1818, premier arrêt, qui met l'appel au néant, déboute le sieur Robert de la nullité par lui proposée, reçoit néanmoins sa tierce-opposition, et, pour y statuer, renvoie la cause à l'audience du 2 mai suivant, à laquelle le sieur Robert «< sera tenu, en sa double qualité de mari et de tuteur de sa femme, de la faire intervenir et de la présenter aux yeux de la cour, pour y être soumise à tout examen et interrogatoire qui seront jugés nécessaires. »

Le 2 mai, l'avoué seul du sieur Robert se présenta pour demander le renvoi de la cause. Le

Le sieur Robert s'est pourvu en cassation de ces trois arrêts. Parmi les différents moyens qu'il propose, il insiste principalement sur la violation des articles 215 et 225 du Code civil, qu'il reproche à la cour royale de Lyon d'avoir commise en infirmant le jugement du tribunal civil de Roanne, qui avait reçu sa tierce-opposition et déclaré nulle toute la procédure.

;

Ce jugement, dit le demandeur, était fondé sur les motifs les plus sages. Les juges avaient considéré que je n'avais été ni partie ni représenté dans l'instance d'interdiction de ma femme; que j'exerce un droit qui m'appartient de mon propre chef; que je n'ai pu conséquemment user que de la voie de la tierce-opposition contre le jugement et les actes de la procédure à fin d'interdiction que la disposition de l'art. 215 du Code civil est générale, qu'elle ne reçoit nulle part aucune autre exception que celle exprimée dans l'art. 216; que les tribunaux ne peuvent admettre des exceptions que la loi n'a point établies ; que je n'ai pas été appelé pour autoriser mon épouse; qu'aucune ordonnance ou jugement intervenu dans la cause ne contient l'autorisation supplétive de la justice; que Constance Rouchon n'a donc pu valablement ester en jugement; qu'au surplus, l'art. 225 du Code civil accorde au mari le droit de proposer la nullité résultant du défaut d'autorisation.

Mais, dit la cour de Lyon dans son arrêt du 11 avril 1818, « la disposition de la loi qui ne permet pas à la femme d'ester en jugement sans l'autorisation du mari, ne s'applique pas aux matières d'interdiction. En effet, l'action en interdiction participe du caractère de l'action publique, dont la défense est de droit naturel et n'a pas besoin d'être autorisée. D'autre part, il serait ridicule d'admettre qu'un mari pût être soumis à autoriser sa femme à se laisser interdire; la femme ellemême, dans la prévention de démence où la place l'action en interdiction dirigée contre elle, serait incapable d'user sagement d'une pareille autorisation. »

Ces considérations vaudraient peut-être dans la bouche du législateur, si la question était agitée par la chambre des pairs ou par celle des députés ; mais peuvent-elles être proposées devant les tribunaux ? L'art. 215, conçu dans les termes les plus généraux et les plus absolus, souffre-t-il la moindre exception? Celle contenue dans l'article 216, comme l'a fort bien remarqué le tribunal de Roanne, faite seulement pour les cas où la femme est poursuivie en matière criminelle ou de

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