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Le sieur Chabaud s'est pourvu en cassation contre ce jugement.

Le moyen de cassation a été tiré d'une fausse application de l'art. 1326 du Code civil.

Le demandeur a dit que le billet du 5 mai 1808 est un billet à ordre, qu'il en a le caractère et la forme; que, suivant l'article 637 du Code de commerce, un billet à ordre est un effet de commerce, lorsqu'il porte en même temps des signatures d'individus négociants et d'autres individus non négociants; que, dans l'espèce, le billet avait été souscrit entre négociants; que le défendeur avait donc donné sa signature sur un effet de commerce; que le cautionnement mis au-dessus de cette signature était donc une obligation accessoire à un acte commercial, qui, dans sa forme et dans ses effets, devait être régi exclusivement par les lois du commerce; et qu'ainsi l'on ne pouvait lui appliquer l'art. 1326 du Code civil, qui ne concerne que les affaires purement civiles, et non pas les obligations de commerce, soit principales, soit accessoires.

Le défendeur a répondu, 1o qu'à la vérité, pour avoir mis sa signature au dos d'un billet à ordre, il s'était soumis à la juridiction commerciale, mais qu'il n'en résultait pas que l'article 1326 du Code civil ne fût pas applicable; qu'en effet, ce n'était ni un endossement, ni un aval, qu'il avait consenti, mais un simple cautionnement; qu'un engagement de cette nature ne peut exister sans la preuve matérielle de la volonté expresse de la personne qui a donné sa signature, et que cette preuve ne peut résulter que de l'accomplissement des formalités prescrites par l'art. 1326;

2o Qu'il a été constaté, par le jugement dénoncé, qu'il n'avait donné qu'une simple signature en blanc, et que c'était à son insu, et à une date fausse, qu'on avait écrit le cautionnement que réellement il n'avait pas souscrit ; et qu'ainsi l'art. 139 du Code de commerce ayant défendu d'antidater les ordres, à peine de faux, il devait être également défendu, sous la même peine, d'antidater des cautionnements sur des effets de com

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Oui le rapport fait par M. le chevalier Chabot (de l'Allier), conseiller en la cour; les observations de Jousselin, avocat du demandeur, et de Mathias, avocat du défendeur; et les conclusions de M. Joubert, avocat-général,

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Vu, 1o l'article 141 du Code de commerce, et 2o l'art. 187 du même Code;

« Mais qu'aucune des dispositions de ces articles ne déroge aux formes établies pour les cautionnements ou avals sur des billets à ordre, lors même qu'ils sont souscrits par des individus non négociants; et que seulement il est dit, par l'article 637, que la contrainte par corps ne pourra être prononcée contre ces individus non négociants d'où il suit que, sauf cette exception, toutes les autres règles précédemment établies leur sont applicables;

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Qu'ainsi le jugement dénoncé, en décidant que le cautionnement ou l'aval du défendeur, mis au dos d'un billet à ordre souscrit entre marchands, était nul, pour n'avoir pas été revêtu des formalités prescrites par l'art. 1326 du Code civil, qui ne concerne que les matières purement civiles, a fait, dans l'espèce, une fausse application de cet article, et a formellement violé les ar ticles 141 et 187 du Code de commerce;

Attendu, enfin, qu'il n'est pas prouvé que le cautionnement du défendeur ne fût pas écrit et daté avant que l'ordre du billet ait été passé au demandeur, et qu'il a même été jugé, en fait, par le jugement dénoncé, que le demandeur a pu ignorer que le cautionnement n'était pas sincère; d'où il suit que l'art. 139 du Code de commerce ne peut être applicable à l'espèce;

Par ces motifs, la cour, après en avoir délibéré à la chambre du conseil, casse et annule le jugement du tribunal de première instance de Rochechouart, du 17 juin 1811.

Fait et jugé, etc. Section civile. »

AVANTAGE ENTRE ÉPOUX. Voyez Dona tion entre-vifs, Contrat de mariage et Séparation entre époux.

AVANTAGE INDIRECT, On appelle ainsi une libéralité simulée en faveur de ceux qu'il n'est pas permis d'avantager. (Voy, l'art. 911, du Code civil.)

I. Cautionner un successible est-ce enfreindre la prohibition de l'avantager au préjudice de ses cohéritiers, si d'ailleurs le cautionnement n'est pas frauduleux?

La cour de cassation a décidé que non, par arrêt rendu le 5 avril 1809, au rapport de M. Liger de Verdigny; dont voici les motifs :

-.

La cour, vu les articles 873 et 2017 du Code civil; et considérant que le cautionnement est un acte licite de sa nature; que l'usage de ce contrat admis dans l'ancien droit a été maintenu dans le Code civil; que les engagements des cautions passent à leurs héritiers qui en sont tenus personnellement pour leur part et portion civile, et hypothécairement pour le tout, sauf leur recours contre le principal obligé; que le caution« Qu'il n'y a d'exception à l'art. 187 que pournement n'a pour objet direct que la sûreté de la les dispositions relatives aux cas prévus par les tierce-personne au profit de laquelle il est conarticles 636, 637 et 638; senti; que cautionner sans fraude et pour cause

« Attendu qu'il résulte de ces deux articles, qu'il y a une manière particulière de garantir ou cautionner, tant pour les lettres-de-change que pour les billets à ordre;

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payer

L'affaire portée au tribunal de Valence, le sieur Lambert a été condamné, en sa qualité, à à Claudine-Rosalie Chaptal les billets des 1 et 6 nivose, dans la proportion de ce qui revenait à Marie-Mélanie-Adèle Lambert, sa fille, dans la succession de Joseph Chaptal.

légitime, un successible, ce n'est point enfreindre | validité des billets des 1 et 6 nivose an x, souscrits la prohibition de l'avantager au préjudice de ses en faveur de Claudine-Rosalie Chaptal, parce qu'ils cohéritiers, puisque d'une part, suivant la défini- contenaient, suivant lui, une libéralité déguisée tion du droit, on n'entend par avantage que ce sous la forme d'obligation, et que cette donation qui est donné à quelqu'un au-delà de ce que la était nulle pour n'avoir pas été faite avec les forloi lui attribue, et que d'autre part, le fidejusseur. malités requises par le statut delphinal et par l'orbien loin de rien donner à ce successible, acquiert donnance de 1731. contre lui une action éventuelle, soit en garantie, soit en indemnité; «Que s'il fallait entendre le précepte de l'égalité dans le sens de l'arrêt attaqué, la plupart des relations de bienveillance seraient interdites entre les père et mère et leurs enfants, et ceux-ci se trouveraient le plus souvent écartés de toutes les affaires, de tous les emplois dans lesquels il faut être cautionné; considérant qu'il n'a point été articulé soit en première instance, cause d'appel, que le cautionnement donné par la mère fût frauduleux, ou qu'il eût été fait à une personne interposée, qu'il a même été maintenu par l'arrêt dénoncé sur la portion civile de Guillemin fils; casse, etc. »

soit en

Appel à la cour de Grenoble. Cette cour a rés formé ce jugement et annulé les billets contentieux, comme contenant une obligation simulće et sans cause, et une donation non revêtue des solennités prescrites par le statut delphinal du 31 juillet 1456.

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Sur le pourvoi de Claudine-Rosalie Chaptal, la II. Si une donation est déguisée sous la forme cour de cassation a rendu l'arrêt dont la teneur d'une obligation, d'un bail ou d'une vente, est-suit, sous la date du 5 janvier 1814: elle valable, lorsqu'elle ne contient pas un avantage excédant la quotité disponible? Est-ce là ce que l'on doit entendre par un avantage indirect prohibé par la loi? Si la donation ainsi faite excède la quotité disponible, est-elle nulle pour le tout?

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La cour de cassation a résolu affirmativement la première de ces trois questions, et négativement les deux dernières, par les arrêts suivants.

Première espèce. Joseph Chaptal, de son mariage avec Ursule-Mélanie Chaptal, a eu deux filles, Claudine-Rosalie et Marie-Ursule-Mélanie Chaptal.

Marie-Ursule-Mélanie épousa le sieur Lambert en l'an 8. Joseph Chaptal son père lui constitua en dot 8,500 francs en avancement d'hoirie. De ce mariage est née Marie - Mélanie-Adèle Lambert, qui a succédé à sa mère.

Claudine-Rosalie Chaptal, l'aînée des deux filles Chaptal, habita quelque temps la maison paternelle. Son père souscrivit à son profit, les rer et 6 nivose an x, deux billets, le premier de la somme de 10,000 francs, le second de 5,000 francs.

Le 13 nivose an x, Joseph Chaptal épousa en secondes noces Victoire Peyronnier.

Claudine-Rosalie Chaptal se maria peu après au sieur Antelme. Elle fit rendre, le 23 fructidor an x, du consentement de son père, un jugement portant reconnaissance de la signature par lui apposée aux billets des 1o et 6 nivose an x; et le 24 fructidor de la même année, elle prit une inscription hypothécaire sur les biens de son père. Le sieur Chaptal père est mort le 2 frimaire

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Ouï le rapport de M. le conseiller Oudot; les observations de Mailhe, avocat de la femme Antelme; celles de Darrieux, avocat de Lambert, ès noms, et les conclusions de M. l'avocat-général Thuriot;

«Vu les lois 36 et 38, D. de contrahenda emptione; la loi 6, D. pro donato; et la loi 3, eodem titulo; « Et attendu que les donations tacites sont permises par les lois ci-dessus citées; que le statut delphinal et l'ordonnance de 1731 ne les ont pas formellement abrogées; que les dispositions de ces lois relatives aux formes qu'elles prescrivent comme indispensables pour la validité des donations, ne se rapportent qu'aux donations proprement dites, et non aux libéralités tacites faites sous les formes d'un autre contrat, lorsqu'il y a capacité de donner et de recevoir sans blesser le vœu de la loi ; que la simulation n'est prohibée que lorsqu'elle a pour objet d'éluder une disposition de loi, ou de nuire aux droits d'un tiers; que le principe contenu à cet égard dans les lois romaines se trouve reproduit et consacré par l'article 911 du Code civil; que la cour d'appel de Grenoble, en annullant les promesses dont il s'agit, sous prétexte qu'elles sont simulées et qu'elles contiennent une donation qui n'a point été revêtue des formalités prescrites par le statut del phinal ou par l'ordonnance de 1731, a formellement contrevenu aux lois romaines ci-dessus citées;

«La cour casse et annule l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, du 24 décembre 1810, etc. » 2o espèce. Par acte passé devant notaire, le 12 fructidor an vIII, le sieur Lecesne père avait fieffé Contestation entre Claudine-Rosalie Chaptal et à Etienne-Michel Lecesne son fils et son succesle sieur Lambert, son beau-frère, tuteur de Marie-sible, tous ses immeubles, moyennant une rente Mélanie-Adèle Lambert. Ce tuteur a contesté la foncière et perpétuelle de 500 francs.

an xiv.

Il était décédé en 1812, laissant cette rente foncière de 500 francs dans sa succession.

Ses trois filles et leurs maris avaient prétendu que cette rente était inférieure à la véritable valeur des biens aliénés; et qu'ainsi le bail à fief était une donation simulée sous la forme d'un contrat à titre onéreux.

nationis causá venditio facta, pretio viliore, nullius momenti est.

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« Et la loi 163 de Reg. juris, portant: Cujus est donandi, eidem et vendendi et concedendi jus est; « Vu l'article 3 de l'ordonnance de 1731, les articles 843, 853, 893, 911, 918, 1969 et 1973 du Code civil, relatifs à la forme des donations à titre purement gratuit, et à la validité des avantages indirects, c'est-à-dire des dispositions ayant le caractère de libéralité, contenues dans un acte à titre onéreux;

Sous ce prétexte, et après avoir fait constater par experts, en vertu d'un jugement du tribunal civil, que les immeubles donnés à fief moyennant une rente de 500 francs, valaient, au temps de l'aliénation, un sixième de plus, elles avaient vil; conclu à la nullité de l'acte du 12 fructidor an

VIII.

« Vu enfin les articles 918 et 920 du Code ci

• Attendu que l'acte du 12 fructidor an vIII, Un arrêt de la cour royale de Caen, du 8 juil-nation simulée, est valable dans sa forme et dans considéré par la cour royale comme acte de dolet 1816, en confirmant le jugement du tribunal civil, avait en effet déclaré cet acte nul; soit parce que, contenant donation, il aurait dû être

sa substance;

« Qu'il est valable dans la forme, parce que, quels qu'en soient les effets, c'est un contrat à réunit les trois conditions requises pour sa valititre onéreux, un acte équipollent à vente, qui dité: res, pretium et consensus :

« Qu'il est également valable dans sa substance, « 1° Parce que la loi permet la vente par le père à son fils, et par conséquent autorise tous que cette vente peut produire en faveur du successible;

les effets

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le contrat, comparée avec la valeur réelle de 2° Parce que l'infériorité du prix stipulé dans l'immeuble, ne constituerait, si l'on croyait devoir la prendre en considération, qu'un avantage

revêtu des formes prescrites par l'ordonnance de 1731, et par le Code civil pour la validité des donations; soit parce que cette donation, à raison de la qualité des parties, et par cela seul qu'elle avait été déguisée sous la forme d'un contrat à titre onéreux, était frauduleuse. Mais, par cette décision, la cour royale avait confondu la forme des actes avec leurs effets; elle avait admis, pour des preuves de dol et de fraude, des présomptions ou des faits qui n'en ont pas le caractère aux yeux de la loi; et son arrêt, en déclarant aussi arbitrairement nul et frauduleux un acte valable dans sa forme et dans sa substance, se trouvait en opposition avec les lois, et même avec la jurispru-indirect, et que les avantages indirects sont lidence de la grande majorité des cours et tribunaux, qui jugent uniformément qu'un avantage indirect fait entre personnes capables et sans fraude, par un contrat à titre onéreux, est, lorsque ce contrat est régulier, aussi valable que le serait une donation à titre gratuit revêtue de toutes les formalités requises par l'ordonnance de 1731 et par le Code civil.

En conséquence, la cour de cassation l'a annulé ainsi qu'il suit, par arrêt du 13 août 1817: « Ouï le rapport de M. Poriquet, chevalier, conseiller en la cour de cassation; les observations de Loiseau, avocat du demandeur, et de Duprat, avocat des défendeurs, et les conclusions de M. Jourde, avocat-général;

« Vu les lois 55 et 151 de Reg. juris, ainsi

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cites, toutes les fois qu'on ne les a pas déguisés sous la forme d'un contrat à titre onéreux, pour échapper à la disposition prohibitive de quelques lois existantes au jour du contrat, ou pour se des tiers à la même époque; toutes les fois en soustraire à l'exercice de quelque droit acquis à un mot qu'ils sont faits entre personnes capables et sans fraude;

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Qu'ils étaient expressément autorisés dans le droit romain, l. 38 if. contrah. empt., 1. 163 de Reg. juris, ci-dessus transcrites;

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Qu'ils le sont de même par une foule de dispositions du Code civil, et notamment par l'article 911, qui, comme la loi romaine, ne déclare nulle la donation déguisée sous la forme d'un contrat à titre onéreux, ou faite sous le nom de personnes interposées, que lorsqu'elle est faite au profit d'un incapable;

« Par les articles 843, 853, 918, 920 et 1970, qui, ne faisant aucune distinction entre les libéralités directes à titre purement gratuit, et les libéralités ou avantages indirects faits dans un contrat à titre onéreux, ordonnent que rapport sera fait des unes et des autres à la masse de la succession, et supposent par conséquent la validité des unes et des autres.

« Enfin plus spécialement encore par l'article 918, qui non-seulement ordonne l'exécution d'un

contrat de vente dont le prix aléatoire qui y est stipulé contient un avantage indirect pour le successible, mais dispose de plus que cet avantage indirect est censé fait hors part et par préciput, et qu'il n'y a lieu au rapport que de ce qui excéderait la portion disponible;

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Qu'il suit de là que Lecesne père et fils ont usé de leur droit, en passant ensemble l'acte du 12 fructidor an VIII; que ni la qualité des parties, ni l'intériorité du prix, ni l'avantage indirect qui en résulterait pour le successible, ni la circonstance que cette espèce de libéralité a été faite dans un contrat à titre onéreux, ne présentent aux yeux de la loi le caractère du dol et de la fraude; qu'ainsi la cour royale de Caen, en annulant cet acte pour prétendu vice de forme, et comme entaché de dol et de fraude, a faussement appliqué les dispositions de l'ordonnance de 1731 et de l'article 893 du Code civil, qui ne concernent que les donations à titre purement gratuit, a violé les lois qui autorisent les avantages indirects résultant de contrats à titre onéreux faits entre personnes capables et sans fraude, et contrevenu tant à l'article 918 du Code civil, qui, en décla- | rant valable l'acte de vente qui contient avantage indirect, n'ordonne le rapport à la masse que de ce qui excède la portion disponible, qu'à l'article 920 du même Code, qui porte que les dispositions qui excéderont la portion disponible, seront réductibles à cette quotité lors de l'ouverture de la succession:

<< Par ces motifs, la cour casse et annule l'arrêt de la cour royale de Caen, du 8 juillet 1816, etc. « Fait et jugé, etc. Section civile. » On voit que cet arrêt a consacré le même principe que le premier, et qu'il a jugé en outre que la donation faite, sous la forme d'un contrat à titre onéreux, au profit d'un successible, est censée faite à titre de préciput et hors part.

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3 espèce. Par deux actes notariés des 20 nivose an XIII et 5 août 1806, Jean-Baptiste Leboursier, père commun des parties, vendit à Jean Tranquille-Jeanne trois pièces de terre, moyennant la somme de 1600 francs argent et 36 francs

de rente.

Le 14 septembre de la même année 1806 Jeanne revendit ces trois pièces de terre à Jean-Michel Leboursier, fils puiné de son vendeur, pour le même prix qu'il les avait acquises.

Jean-Baptiste Leboursier père, étant mort au mois d'avril 1810, il a été question de procéder entre ses cinq enfants au partage de sa succession. Le fils aîné et les trois filles ont prétendu faire entrer dans ce partage les trois pièces de terre acquises de Jeanne par leur frère puîné, soutenant que les ventes consenties par le père à Jeanne et la revente que celui-ci en avait faite à JeanMichel, n'étaient que des actes simulés et frauduleux, dont l'objet était de transmettre à ce fils, au préjudice de ses cosuccessibles, les immeubles

dont il s'agit, les seuls, à ce qu'il paraît, dont le vendeur fût propriétaire, et qui composaient la presque totalité de sa succession.

Jean-Michel opposa l'authenticité légale des actes, par lesquels il était devenu propriétaire, et il en réclama l'exécution.

L'affaire portée au tribunal civil de Bayeux, les cohéritiers de Jean-Michel appelèrent en cause Jeanne, acquéreur et revendeur apparent des héritages litigieux.

Celui-ci fit, le 28 juin 1812, par le ministère d'un huissier, une déclaration, portant en substance « que l'acte de vente à lui consenti le 5 août 1806, ainsi que la revente qu'il avait faite au profit de Jean-Michel, le 14 septembre suivant, n'avaient été que des actes confidenciaires, ayant pour objet de faire passer, par son intermédiaire, sur la tête de ce dernier, la propriété des objets énoncés dans ces actes; qu'il ne les avait, quant à lui, jamais regardés comme sérieux; qu'en effet, bien que ces actes portassent l'énonciation des prix de vente et de revente successivement payés, la vérité était qu'il n'avait jamais rien payé ni reçu à cet égard; ajoutant qu'il avait cru qu'il ne serait jamais fait usage de ces actes; mais que, puisqu'il en était autrement, s'empresserait de rendre hommage à la vérité, et de reconnaître l'existence d'une simulation, dont il n'avait pas apprécié dans le temps toutes les conséquences. » Il termina en demandant d'être mis hors d'instance.

il

Sur cette déclaration et les autres documents qui ont pu éclairer d'ailleurs la religion des magistrats, jugement est intervenu, le 20 novembre 1812, qui a déclaré les actes dont il s'agit simulés, frauduleux et nuls, et a ordonné, en conséquence, que les immeubles vendus entreraient dans le partage à faire de la succession de JeanBaptiste Leboursier. Le tribunal de Bayeux s'est fondé sur ce que ces actes n'avaient été souscrits par Leboursier père que dans la vue de faire passer sur la tête de Jean-Michel, son fils, la plus grande partie de sa fortune, et de frustrer ainsi ses autres enfants de leur part héréditaire.

Sur l'appel, ce jugement a été confirmé par un premier arrêt par défaut de la cour royale de Caen, du 22 février 1813.

Jean-Michel Leboursier a formé opposition à cet arrêt, et a soutenu qu'en supposant même que les actes contestés ne fussent que des donations déguisées à son profit, il n'y avait pas pour cela lieu à leur annulation totale, mais seulement à la réduction des libéralités qu'ils contenaient jusqu'à concurrence de la portion disponible dans la succession du père commun.

Mais la cour royale de Caen, sans avoir égard à ce moyen de défense, a rendu, le 29 mars 1813, son arrêt définitif, par lequel elle a débouté Jean-Michel de son opposition à celui du 22 février. Cette cour, en se référant aux motifs

des premiers juges, a ajouté uniquement que les | audit sieur Leboursier la faculté de disposer à ventes faites par Leboursier père à Jeanne n'étant point réelles, celui-ci n'avait pu revendre à Leboursier fils ce qui ne lui appartenait pas.

Ces deux arrêts violaient ouvertement les articles 913 et 920 du Code civil, puisqu'aux termes de ces articles, Leboursier père, ayant cinq enfants, avait le droit de disposer, au profit de l'un d'eux, du quart de ses biens, et que, dans le cas où sa disposition, directe ou indirecte, aurait excédé cette quotité, cette disposition n'était pas pour cela nulle, mais seulement réductible à la quotité disponible.

Cette violation a été réprimée par l'arrêt suivant, du 6 mai 1818:

« Oui le rapport de M. le conseiller Boyer, officier de l'ordre royal de la Légion d'honneur; les observations des avocats des parties; ensemble les conclusions de M. l'avocat général Joubert; et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil ;

« Vu les art. 913 et 920 du Code civil;

son gré du quart de ses biens, et de l'art. 920 du même Code, suivant lequel les dispositions entre vifs ou à cause de mort, excédant la portion disponible, sont seulement réductibles à cette quotité:

«Par ces motifs la cour casse et annule les arrêts de la cour royale de Caen, etc. »>

III. Les libéralités entre vifs ou testamentaires faites à la mère d'un enfant adultérin, sont-elles censées faites à l'enfant lui-même incapable de les recueillir? La mère doit-elle nécessairement être considérée comme personne interposée?

En l'an vi, Barthélemi Rey, devenu veuf, a épousé en secondes noces Louise Repellin-Bérard, avee laquelle il avait eu, pendant son premier ma riage, un enfant naturel adultérin, dont il s'était déclaré le père sur les registres de l'état civil.

Le 20 avril 1810, il est décédé après avoir, par testament, institué Louise Repellin - Bérard,” sa femme, legataire universelle de tous ses biens.

Ses héritiers ont demandé la nullité du legs universel, comme fait indirectement par le père à son enfant naturel, par l'interposition de sa mère;

« Attendu que, suivant la disposition du premier de ces articles, les contrats tiennent lieu de loi entre ceux qui les ont souscrits; qu'il suit de là que, dans l'espèce, les actes de vente des 20 Et, à l'appui de leurs conclusions, ils ont invonivose an XII, 5 août et 14 septembre 1806, étant qué la disposition des art. 908 et 911 du Code revêtus de toutes les formes et de toutes les con- civil, qui déclarent les enfants naturels incapaditions nécessaires à ce genre de contrats, l'effet bles de recevoir au-delà de ce qui leur est attrin'aurait pu en être annulé entre les parties con-bué au titre des successions, soit directement, soit tractantes, sans une contravention formelle audit article, si la cour royale dont l'arrêt est attaqué, cût considéré ces actes comme des ventes réelles et sérieuses;

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Qu'aussi cette cour n'a cru pouvoir annuler lesdits actes que parce qu'au lieu d'y voir des ventes réelles et véritables, elle n'y a vu, ainsi qu'il résulte de tous les éléments du procès, et notamment des dispositions du jugement de première instance, du 20 novembre 1812, dont les motifs ont été adoptés, sans aucune restriction, par les arrêts attaqués, que des donations déguisées sous la forme de contrats onéreux, dans l'objet de faire passer sur la tête du demandeur, par l'interposition du sieur Jeanne, les immeubles mentionnés aux actes dont il s'agit:

par des personnes interposées, et qui réputent personne interposée la mère de l'incapable.

Mais la cour d'appel de Grenoble, par son arrêt du 15 juillet 1811, confirmatif du jugement du tribunal civil de la même ville, du 21 janvier précédent, les a déboutés de leur demande et a ordonné l'exécution du testament.

Les motifs de l'arrêt sont en substance, Que l'art. 908 du Code ne parle pas des enfants adultérins, mais seulement des enfants naturels ; Qu'il n'a pas dû entrer dans la pensée du législateur de déclarer personne interposée la mère des adultérins, parce qu'ils ne sont pas ses héritiers, et que, différant sur ce point des enfants naturels nés de personnes libres, ils ne peuvent recueillir dans sa succession aucune part des biens donnés;

Mais attendu qu'en considérant ces actes de vente comme des libéralités déguisées au profit du Que la mère de l'enfant adultérin dont il demandeur, la cour royale de Caen ne pouvait en s'agit, était en même temps la femme du testaprononcer l'annulation qu'en ce qui excédait la teur père de cet enfant; qu'à ce titre, son mari, réserve légale à laquelle les défendeurs avaient a pu lui donner par un pur motif d'affection condroit dans la succession du père commun; puis-jugale; et qu'une semblable donation entre époux que rien n'empêchait, pour le surplus, le sieur Leboursier père de transmettre à Jean-Michel son fils, par une voie indirecte, ce qu'il aurait pu

lui transmettre directement.

est formellement autorisée, dans le Code civil, par l'art. 1094, qui ne rappelle pas l'exception d'incapacité prononcée contre la mère de l'incapable, par l'art. 911;

«Que cependant cette cour, au lieu de réduire Que d'ailleurs les biens donnés par Barthéà ce terme la libéralité déguisée du sieur Lebour-lemi Rey lui provenaient d'une donation qui lui sier père l'a annulée pour le tout, ce qui est une violation de l'art. 913 du Code civil, qui donnait

en avait été faite par la tante de sa femme, à laquelle il a dû trouver juste de les rendre; qu'en

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