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legrini, n'ayant paru à la délibération de la famille Mora, relative à la tutelle de Joseph, qu'en sa qualité de juge de paix, la citation qui lui a été donnée à ce sujet n'a pu être qu'une véritable prise à partie; -qu'ainsi il n'aurait pu être cité qu'en la cour d'appel, et après permission préalable; que par conséquent la citation qui lui a été donnée et la condamnation qui a suivi, sont infectées d'une double nullité, en ce que le tribunal de Gênes était incompétent, et qu'en le supposant même compétent, il n'aurait été régulièrement saisi qu'autant qu'il aurait préalablement autorisé cette citation; d'où il suit que la loi a été violée : casse..... >>

IV. Toute cause pour délibération de famille doit être jugée sommairement sur les conclusions du ministère public. (Code de proc., articles 83 et 884.)

Le jugement est susceptible d'appel, quelle que soit la valeur de la chose qui a fait l'objet de la délibération. (Ibid., art. 889.)

Les frais faits par un membre du conseil de famille intimé pour soutenir une délibération, peuvent, suivant les circonstances, être mis à sa charge, ou passés en dépenses d'administration. (Code civ., art. 441.)

Si la délibération de famille est annulée, et qu'une autre doive être provoquée, elle doit avoir lieu devant le même juge de paix, dont la compétence n'est pas consommée parce qu'il a présidé un conseil de famille. Tant que la tutelle dure, il continue d'être membre et président-né de tous les conseils de famille qui peuvent être appelés à délibérer sur la personne ou la fortune du mineur, et ce, dans le cas même où le mineur viendrait à avoir un autre domicile que celui où la tutelle s'est ouverte. C'est ce qu'a jugé la cour de cassation par arrêts des 19 novembre 1809 et 23 mars 1819, rapportés à l'article Tutelle, § IV, no 1v. (Voyez aussi le 1er arrêt dans Sirey, 1810, page 62.)

Il en est de même des parents ou alliés plus proches; ils ne peuvent être exclus des conseils de famille que dans le cas d'incapacité ou d'indignité expressément prévus par les articles 442 et 445 du Code civil. C'est aussi ce qu'a décidé un arrêt de la même cour, du 13 octobre 1807, au rapport de M. Zangiacomi, en cassant un arrêt de la cour de Bordeaux, attendu qu'il est de principe qu'un individu légalement appelé à l'exercice d'un droit, d'une charge, d'une fonction quelconque, n'en n'en peut être exclu à raison d'incapacité ou d'indignité que par un texte formel de la loi. (Voyez Tutelle, § vIII, no 1.)

V. Les délibérations qui ne contiennent qu'une simple nomination, sans autre objet, s'exécutent sans avoir besoin d'être revêtues de la sanction de la justice.

Il n'en est pas de même de celles qui excluent ou destituent le tuteur qui réclame, ou qui au

Tome 1.

torisent à vendre, hypothéquer, emprunter, transiger pour le mineur; elles ne peuvent être exécutées qu'après que le tribunal a vérifié qu'elles ne compromettent pas les intérêts du mineur et qu'il les a homologuées. (Code civ., art. 458, 467; Code de proc., art. 981.)

Dans tous les cas où il s'agit d'une délibération sujette à homologation, une expédition de la délibération doit être présentée au président, lequel, par ordonnance sur requête au bas de ladite délibération, ordonne la communication au ministère public, et commet un juge pour en faire le rapport à jour indiqué. (Code de proc., art. 885; 78, tarif.)

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Le procureur du roi donne ses conclusions au bas de ladite ordonnance; la minute du jugement d'homologation est mise à la suite des dites conclusions, sur le même cahier (Code de proc., art. 886); et le tout s'expédie au greffe, sans que l'avoué, qui a signé la requête, puisse fournir de qualités.

Le jugement d'homologation étant un simple jugement sur requête, se rend à la chambre du conseil. ( Code civ., art. 458.)

VI. Si le tuteur ou autre chargé de poursuivre l'homologation, ne le fait dans le délai fixé, ou à défaut de fixation, dans le délai de quinzaine, un des membres de l'assemblée peut poursuivre l'homologation contre le tuteur et aux frais de celui-ci, sans répétition. (Code de proc., article 887.)

Le tuteur contre qui l'homologation est poursuivie doit être appelé à l'audience pour la voir prononcer, puisque c'est contre lui qu'elle se poursuit et qu'il peut y avoir contestation, ce qui ne saurait avoir lieu qu'à l'audience publique.

Ceux des membres de l'assemblée qui croient devoir s'opposer à l'homologation, sont tenus de le déclarer, par acte extrajudiciaire, à celui qui est chargé de la poursuivre ; et s'ils n'ont pas été appelés, ils peuvent former opposition au jugement. (Ibid., art. 888.)

Celui qui n'a pas été membre du conseil de famille peut-il attaquer le jugement d'homologation par opposition ou par appel?

Si l'homologation a eu lieu sur requête par jugement rendu en la chambre du conseil, le tiers, qui n'y a pas été appelé, n'a pas intérêt de l'attaquer, puisqu'on ne peut le lui opposer en aucun temps, et sans intérêt point d'action. Voy. Opposition aux jugements, § 1o, n° iv.

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Mais, si l'homologation est devenue contentieuse par suite de réclamation des intéressés, et si dès lors le jugement a été rendu à l'audience publique, ce n'est plus un simple jugement sur requête non communiquée, c'est un jugement ordinaire qui peut être attaqué, soit par intervention sur l'appel, soit par tierce-opposition, l'instance d'appel est vidée, conformément aux art. 466 et 474 du Code de procédure. ( Voy. l'arrêt

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si

de la cour d'appel de Turin, du 29 juillet 1809. Sirey, 1810, Code de proc., art. 225.)

à de justes réprimandes, et même encourir sa radiation du tableau.

classes, les délits sont des infractions aux lois; pour lui seul le délit consisterait dans tout acte que Au reste, l'homologation n'est qu'une simple n'avouerait pas une scrupuleuse délicatesse. Ainsi, approbation de la délibération qui en est l'objet, tout mandataire a le droit de stipuler le paiement à l'effet de la rendre exécutoire; elle n'en couvre du prix de ses services, de l'exiger même d'aaucunement les vices. Pour attaquer la délibéra-vance; l'avocat ne pourrait le faire, sans s'exposer tion, lorsqu'elle est opposée, il suffit de se pourvoir par opposition contre le jugement d'homologation, parce que n'appartenant pas à la juridiction contentieuse, il n'a point l'autorité de la chose jugée et n'épuise pas la juridiction du tribunal qui l'a rendu. Cela résulte nettement de la loi 1, ff., de re judicata dont voici les termes : res judicata dicitur quæ finem controversiarum pronunciatione judicis accipit, quod vel CONDEMNATIONE vel ABSOLUTIONE contingit. Voyez Présomtion, § 1er.

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AVOCAT (1). C'est le titre que prennent les licenciés en droit, après qu'ils ont été reçus avocats par une cour royale. Ils ne peuvent ensuite exercer en cette qualité, que lorsqu'ils sont inscrits au tableau des avocats de la cour ou du tribunal devant lequel ils veulent exercer.

III. Sur la ligne des devoirs qui précédent en quelque sorte le ministère de l'avocat, nous placerons aussi l'étude. Celui qui entreprend la défense de la fortune, de la vie, de l'honneur des autres, se présentera-t-il sans armes au combat? le zèle en ce cas ne serait point une excuse pour la témérité. La probité lui dira donc qu'avant de prétendre à la confiance publique, il faut avoir la sienne propre; et celle-ci, il ne pourra l'obtenir qu'à la suite de longs et pénibles travaux, et lorsque de sérieuses méditations sur les lois lui auront appris à en saisir l'esprit ; c'est alors seulement qu'il croira avoir acquis assez de lumières pour guider son client et se guider lui-même, et que sa conscience lui permettra l'usage de son

talent.

I. Les fonctions de l'avocat étaient en grand IV. Mais c'est à ce moment qu'il devra redouhonneur à Rome; elles fournissaient aux séna- bler de précautions pour éviter tous les écueils teurs et aux consuls le plus noble moyen de main- dont sa nouvelle route se trouvera semée. Malheur tenir à la fois leur popularité et leur puissance. à lui, s'il ambitionne un autre triomphe que celui La défense d'un citoyen obscur devenait quelque du bon droit et de la vérité ! et si les intérêts de fois le plus beau titre de gloire du premier ma- sa cause ne sont, à ses yeux, qu'un moyen d'assurer gistrat de la république : on les appelait honorati, ceux de son amour-propre! il s'interdira le lanclarissimi, et même patroni, comme pour dési- gage de la malignité; non pas seulement parce gner que les cliens qu'ils avaient défendus ne leur que ses succès sont trop faciles, mais parce qu'ils devaient pas moins de reconnaissance que les es- sont méprisables. Quels applaudissements que ceux claves en devaient aux maîtres qui les avaient af- que l'on ne doit qu'à des efforts employés contre franchis. Les mœurs des nations modernes et sur-l'honneur et la réputation d'un citoyen! ce sont 1 tout la forme de leurs gouvernements, ont partout éloigné du barreau les grands personnages de l'état, mais ce changement dans les hommes ne s'est point fait sentir dans la profession; elle a toujours le même objet, la même utilité; et l'avocat, ainsi que son nom seul l'indique (ad auxilium vocatus), est toujours appelé au secours des parties. Il y est appelé par les parties elles-mêmes et par la loi, et ce premier aperçu va bientôt nous servir à signaler les principaux devoirs imposés à l'avocat, dans cette double mission qu'il reçoit, à la fois, et de l'intérêt privé et de l'intérêt public.

II. Sous le premier de ces rapports, le zèle qu'il doit apporter dans la défense de son client ne lui fera jamais oublier cette belle maxime consacrée par un usage pratiqué dans l'ordre dont il fait partie : les principes de probité et de délicatesse font la base de la profession d'avocat.

C'est à ces principes aussi que la loi semble s'être particulièrement attachée pour en faire la règle des devoirs positifs de l'avocat. Pour les autres

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ses titres et ses prétentions qu'il s'agit d'attaquer; quant à sa personne, elle doit être toujours respectée. La loi, d'accord avec la morale, ne met à ce principe qu'une seule exception, le cas où la nécessité de la cause l'exigerait, et lorsque les avocats en ont la charge expresse et par écrit de leurs clients où des avoués de leurs clients.

A cette première restriction, nous apercevons déjà que l'avocat, lorsqu'il plaide, n'est plus seulement l'homme de sa partie, mais qu'il est encore l'homme de la loi; en l'appelant, elle a voulu qu'il se présentât, dégagé de ces passions qui animent ordinairement les parties, et dont le speetacle ne servirait qu'à blesser les regards de la justice, et à entretenir la division et la haine dans les familles.

C'est par une conséquence du même principe qu'il ne doit défendre une cause juste que par des voies justes; qu'il ne peut se permettre ni altération dans les faits, ni surprise dans les citations, et qu'enfin (ce que l'on ne pourrait, sans une extrême rigueur, exiger de la partie elle-même) les discours inutiles et superflus lui sont interdits. La mauvaise foi n'est pas toujours la cause des

mauvais procès. Le plaideur est le plus souvent égaré par son intérêt, par son orgueil, par le désir d'avoir raison; aucune de ces excuses ne pourrait convenir à l'avocat. Étranger à la contestation, il y apporte et le calme de l'esprit et la connaissance des lois. Ses passions ne peuvent l'aveugler, et son jugement doit le mettre en garde contre celles de son client; mais ce n'est pas assez. Lorsqu'une fois il a reconnu le peu de fondement des prétentions de ce dernier, 'il doit employer tous ses soins à le lui démontrer; s'il trouve un homme prévenu, inaccessible à la raiou qui, forcé de s'y rendre, persiste dans la volonté de soutenir un procès injuste, l'avocat ne se rendra pas son complice. L'honneur et son serment lui rappeleront qu'il ne peut défendre aucune cause qu'il ne croirait pas juste en son ame et

son,

conscience.

V. C'est ainsi que, dans toutes les affaires, l'avocat s'en constituera le premier juge. Mais c'est surtout chez celui qui se livre exclusivement à la consultation, que devront se rencontrer les qualités du vrai magistrat. Dans le silence du cabinet, loin des regards du public, il dédaigne le facile honneur d'entraîner des suffrages. Il n'a besoin ni de l'accent de la passion, ni des mouvements de l'éloquence, qui suffisent pour charmer la multitude. Ce n'est qu'avec la raison, et la raison la plus éclairée, qu'il pourra parvenir à persuader le client qu'amènent chez lui la conscience de son bon droit ou l'aveuglement de son ignorance. Les sages conseils de l'homme de bien, la doctrine profonde du jurisconsulte, prépareront, ou la conciliation qui préviendra le procès, ou la discussion qui en assurera l'heureuse issue. C'est à ce dernier résultat que viendront aboutir les efforts des avocats, soit qu'ils plaident, soit qu'ils consultent; et toujours ils auront présent à la pensée ce qu'ils se doivent à eux-mêmes, ce qu'ils doivent à leurs clients, ce qu'ils doivent à la chose publique. Ce mot nous amène à d'autres réflexions, qui tiennent à un ordre d'idées de la plus haute importance.

VI. Souvent chargés par leurs parties de grands intérêts, les avocats sont munis par la loi de grands pouvoirs. Elle veut qu'ils exercent librement leur ministère pour la défense de la justice et de la vérité; mais aussi elle leur interdit toute attaque contre les principes de la monarchie, les constitutions de l'état, les lois et les autorités établies; l'avocat, ami de son pays, ne séparera jamais dans son esprit ces deux dispositions, et leur combinaison lui apprendra l'usage et les limites de la liberté justement attachée à sa profession. Il ne croira pas que la loi spéciale qui veut qu'il soit libre, l'autorise à violer ouvertement toutes les autres lois de l'état; il ne confondra pas l'audace avec le courage, et l'indépendance qui se fonde sur la vertu, (comme l'a dit d'Aguesseau), avec l'insubordination qui n'a rien de sacré. Il saura tout à la fois défendre l'intérêt privé et res

il ne

pecter l'intérêt public. Organe de la loi, voudra pas être l'instrument d'un parti. Il ne sera ni le flatteur ni l'ennemi du pouvoir; mais son indépendance elle-même s'honorera de fléchir devant l'intérêt social.

Pénétré de l'importance de ses fonctions, il jettera ses regards sur les autres rangs de la société, sans orgueil, comme sans jalousie, et n'éprouvera que le noble et juste sentiment de sa dignité. Sous les yeux des magistrats dont il éclaire la religion, il sera fier de devenir ainsi leur collaborateur, et de participer aux décisions de la justice. Loin d'être humilié de n'occuper que la seconde place, il sentira que le meilleur moyen de la rendre plus honorable encore, est d'entourer la première d'égards et de respect, et c'est ainsi qu'il trouvera dans sa modestie même la source de son élévation.

VII. Les avocats sont tellement une partie intégrante des corps de justice; leur présence est tellement nécessaire dans l'instruction des affaires, qu'il est des cas où, par une exception aussi sévère que juste, la loi porte une sorte d'atteinte à leur liberté; et ne leur permet pas de refuser leur ministère. L'honorable impuissance où elle les place à cet égard, est un véritable hommage rendu à leur délicatesse par le législateur. Ainsi, le tribunal désigne d'office un avocat à la partie qui ne trouve pas de défenseur (art. 41 de l'ordonnance du 22 novembre 1822, et 294 du Code d'inst. crim.) On sent aisément que, dans ces circonstances, les devoirs de celui-ci changent avec sa position. S'il s'agit d'un procès civil, la mauvaise foi même du client, qui lui est donné, ne sera pas une raison capable de le dispenser d'obéir à la loi. Il en sera de même au criminel. La conviction qu'il aura pu acquérir aux débats de la culpabilité de l'accusé n'enchaînera pas ses efforts; mais que leur nature sera différente de ceux qu'il emploie au triomphe de la vérité! on ne le verra pas appuyer, mais exposer des prétentions injustes. On le verra moins encore mentir à sa conscience pour troubler celle des jurés, en proclamant avec force l'innocence de celui qu'il reconnaît être coupable; cependant il ne désespérera pas entièrement de son sort, et il s'adressera encore à l'humanité, lorsqu'il n'osera plus invoquer la justice.

VIII. On voit par ces détails que les avocats sont, à beaucoup d'égards, assujettis à des devoirs non moins sévères que les magistrats. S'ils ne doivent pas observer la même impartialité, ils doivent au moins professer le même amour pour la vérité, le même éloignement pour tout ce qui tend à troubler l'ordre public, la même délicatesse, le même désintéressement. C'est la pratique de ces vertus non moins essentielle à leur profes sion que l'étude et l'instruction, qui les assimile en effet à la magistrature, et qui a décidé le législateur à les appeler, dans certains cas, à sup

pléer les juges ou les officiers du ministère public. | seul exemple du temps des parlements; mais cet Cette disposition, fondée sur la confiance accordée à avocat était rayé du tableau depuis un grand l'ordre des avocats, est renouvelée des anciennes nombre d'années à l'époque où il forma sa deordonnances. Elles prescrivaient formellement, mande contre le duc d'Aiguillon. lorsqu'il n'y avait point assez de juges dans les siéges royaux ou des seigneurs, que l'ont prêt des avocats pour en compléter le nombre.

D'après ce qui précéde, on voit que ce que les autres hommes appellent des qualités extraordinaires, les avocats les considèrent comme des deIX. C'est également aux usages et aux temps voirs indispensables. Cette opiniou particulière à les plus anciens que remonte la prérogative con- leur profession, lui donne en quelque sorte un servée aux avocats par les règlements nouveaux, caractère religieux, et c'est par ce motif sanset qui consiste à demeurer couverts pendant leur doute, que les faits confiés dans le secret de leur plaidoierie. Il est vraisemblable que, comme celle cabinet sont aussi respectés, que ceux même qui dont nous venons de parler, elle a pour principe l'ont été sous le secret de la confession. C'était la la haute estime dont a toujours joui cette profes-jurisprudence des anciens parlements; c'est encore sion, et que c'est une prééminence qu'on a en- celle de nos cours, sous la législation actuelle. Il tendu lui accorder sur les autres. Ce qui le n'y a d'exception à ce principe que lorsque ces prouve, c'est d'abord que si l'avocat lit des pièces, faits sont parvenus à leur connaissance par une titres et procédures, ou qu'il prenne des conclu-autre voie que celle de l'exercice de leur minissions, il se découvre, parce qu'il fait alors la fonction d'avoué; c'est ensuite l'usage contraire pratiqué à l'égard des avoués qui doivent toujours rester découverts en plaidant, et quoiqu'ils remplissent alors la fonction d'avocat.

X. L'on peut regarder aussi comme une des prérogatives les plus honorables des avocats, le droit spécial qui leur est attribué de taxer euxmêmes leurs honoraires, avec la discrétion qu'on doit attendre de leur ministère (art. 43 du décret du 14 décembre 1810.)

tère. C'est alors seulement qu'ils rentrent dans la règle générale et qu'ils peuvent être contraints de déposer, même à la charge de la partie, dont ils sont les conseils ordinaires. Voy. Enquête, sect. I, § iv, n° III.

XI. Une profession où les devoirs ne sont tracés que par l'honneur, où la loi paraît trop douce quand elle n'est pas trop sévère, ne peut être maintenue dans sa pureté que par ceux-là mêmes qui l'exercent. Ce qui serait tyrannie de la part de l'autorité, devient à peine sensible lorsque Mais la délicatesse de l'ordre s'est montrée plus tous les vœux, tous les intérêts le commandent. sévère que la loi; envain un avocat s'appuierait L'indépendance de chaque avocat se tait quand sur elle pour réclamer le paiement de ce qui lui il s'agit de l'indépendance de tous, et tous proserait dû. La modicité de la somme à laquelle il fitent en particulier de cette noble communauté, se serait généreusement taxé, ne le préserverait dans laquelle ils apportent des efforts et des sapas du blame de ses confrères dont l'opinion ré- crifices égaux. De si puissantes considérations prouverait l'action que les tribunaux ne pourraient n'avaient point échappé à la sagesse de notre ans'empêcher d'admettre. On conçoit en effet que le cien gouvernement, et c'est pour cela qu'il avait législateur établisse des règles, à l'aide desquelles voulu que les avocats fussent réunis en un corps, certains droits, certaines actions puissent être quel- affranchi de toute domination, même de toute quefois dirigés ou modifiés; mais les vertus sont-influence. Il avait moins espéré de sa surveilelles susceptibles de modifications? Le désinteresse-lance que de leur liberté, et jamais, il faut le ment, par exemple, peut-il n'exister qu'en partie, et n'a-t-il pas cessé d'être, au moment où ses sacrifices ne sont pas entiers? Ce n'est pas que l'on veuille prétendre que l'avocat ne doive recueillir aucun fruit de son temps et de ses talents, mais il se rappelle que la récompense de son travail consiste en honoraires, et la loi romaine a défini ce mot : l'honoraire, dit-elle, n'est point un salaire; c'est ce que l'on offre spontanément, et par honneur pour celui à qui l'on offre. C'est plutôt la reconnaissance d'un bienfait que le paiement d'un travail. (leg. si quis advocatorum, Cod. de postulando; et novell. 124.)

L'avocat sait en conséquence qu'il peut l'accepter avec honneur, mais qu'il ne peut le demander sans blesser sa délicatesse. Aussi, dans aucun temps, sous les anciens comme sous les nouveaux réglements, n'a-t-on jamais vu d'avocats plaider pour leurs honoraires. On n'en citerait peut-être qu'un

dire, on ne les vit abuser de cette confiance si honorable et si paternelle. La pensée de supprimer toutes les corporations privilégiées, que méditait l'assemblée constituante, l'entraîna à détruire l'ordre des avocats. Par là, elle brisa des liens qui n'étaient resserrés que par l'honneur, et qui étaient fondés sur les principes d'une véritable et sage liberté. Elle fut perdue pour les avocats, cette liberté, par la loi du 2 septembre 1790, qui, les détachant du corps dont ils avaient jusqu'alors fait partie, les réduisit à leur force individuelle, et diminua tout à la fois et leur considération et leur courage. Mais ce qu'il y a de remarquable dans cette loi qui renversait tout à coup une ancienne institution, c'est qu'elle eut à peine les honneurs d'une légère discussion. Elle se trouva ajoutée comme par observation, à la fin de l'article qui détermine le costume que les juges devront dorénavant porter. Les

ga

hommes de loi, y est-il dit, ci-devant appelés avo- | et peut-être de la mériter. Ils exerceraient, sans cats, ne devant former ni ordre ni corporation, honneur, une profession dégradée. La justice, toun'auront aucun costume particulier dans leurs jours condamnée à douter de leur bonne foi, ne fonctions. saurait jamais s'ils croient eux-mêmes à leurs récits ou à leurs doctrines, et serait privée de la rantie que lui offrent leur expérience et leur probité. Enfin, sans une organisation intérieure qui l'affranchisse du joug inutile d'une surveillance directe et habituelle, cet ordre ne pourrait plus espérer de recevoir dans ses rangs les hommes supérieurs qui font sa gloire, et la justice sur qui rejaillit l'éclat de leurs vertus et de leurs talents, perdrait, à son tour, ses plus sûrs appuis et ses meilleurs guides.

Les choses restèrent en cet état jusqu'à la loi du 22 ventose an XII, qui ordonna qu'il serait formé un tableau des avocats exerçant près les tribunaux. Mais elle s'en tint là. Après tant de systèmes qui avaient tour à tour régi la France, le gouvernement établi depuis quelques années ne dut chercher qu'à remédier aux maux les plus pressants; et ce qui le frappa davantage, ce fut la nécessité de purger le barreau de cette foule d'hommes cupides et ignorants, qui étaient venus prendre des places où l'on ne brillait autrefois que par le talent et la vertu. Il n'est donc pas étonnant qu'à cette époque il n'ait pas songé à rendre aux avocats le droit de former eux-mêmes leur tableau, et qu'il les ait tenus encore quelque temps dans une sorte de dépendance que les circonstances semblaient justifier. Ils ne rentrèrent dans l'exercice de cette faculté, et des plus importantes de celles dont ils avaient été dépouillés, que par le décret du 14 décembre 181c qui réorganisa véritablement leur ordre. Ce décret n'accordait pas à l'ordre des avocats la plénitude du droit de discipline dont il jouissait avant 1789, mais ce nouveau bienfait vient de lui être accordé par l'ordonnance du roi, du 20 novembre 1822, dont nous allons rapporter les dispositions, avec l'excellent rapport qui en fera connaître le véritable esprit.

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RAPPORT AU ROI.

Paris, le 20 novembre 1822.

SIRE, la profession d'avocat est si noble et si élevée; elle impose à ceux qui souhaitent de l'exercer, avec distinction, tant de sacrifices et tant de travaux; elle est si utile à l'état par les lumières qu'elle répand dans les discussions qui préparent les arrêts de la justice, que je craindrais de manquer à l'un de mes devoirs les plus importants, si je négligeais d'attirer sur elle les regards bienveillants de votre majesté.

« Cette profession a des prérogatives dont les esprits timides s'étonnent, mais dont l'expérience a depuis long-temps fait sentir la nécessité. L'indépendance du barreau est chère à la justice autant qu'à lui-même. Sans le privilége qu'ont les avocats de discuter avec liberté les décisions mêmes que la justice prononce, ses erreurs se perpétueraient, se multiplieraient, ne seraient jamais réparées, ou plutôt un vain simulacre de justice prendrait la place de cette autorité bienfaisante qui n'a d'autre appui que la raison et la vérité. Sans le droit pré. cieux d'accorder ou de refuser leur ministère, les avocats cesseraient bientôt d'inspirer la confiance

« Il y aurait peu de sagesse à craindre les dangers de ces priviléges. On a vu, sans doute, des avocats oubliant la dignité de leur ministère, attaquer les lois, en affectant de les expliquer, et calomnier la justice sous le prétexte d'en dévoiler les méprises. On en a vu qu'un sentiment exagéré de l'indépendance de leur état accoutumait par degré à n'en respecter ni les devoirs, ni les bienséances. Mais que prouveraient ces exemples qu'on est contraint de chercher dans les derniers du barreau, et faudrait-il, pour un petit nombre d'abus, abandonner ou corrompre une institution nécessaire?

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V. M., qui recherche avec tant de soin, les occasions d'honorer le savoir et les talents de l'esprit, ne partagera point les préventions que cette institution a quelquefois inspirées, et jugera bien plutôt qu'il convient de la consacrer et de l'affermir.

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« Dans un temps déja éloigné, et auquel l'époque actuelle ressemble si peu, on entreprit de constituer l'Ordre des avocats et de le soumettre à une organisation régulière. C'était le moment où les diverses classes de la société, fatiguées de la confusion dans laquelle la révolution les avait plongées, éprouvaient je ne sais quel besoin de subordination et de discipline, qui les rendait en général plus dociles aux devoirs qu'on se hâtait de leur imposer. Un long oubli des formes protectrices de l'ordre et de la décence semblait exiger alors une sévérité plus constante et plus rigoureuse; afin de plier à des habitudes nouvelles ce reste d'esprits inquiets que le spectacle de nos malheurs n'avait pas encore désabusés, et pour qui la régle la plus salutaire n'était que gêne et que servitude. Le gouvernement, d'ailleurs, préoccupé des obstacles qui l'environnaient, était contraint, par l'illégitimité même de son origiue, d'étendre perpétuellement ses forces et son influence. L'instinct de sa conservation l'entraînait à n'accorder aux hommes, unis par des intérêts communs et par des travaux analogues, que des priviléges combinés avec assez d'artifice pour lui donner à lui-même plus de ressort et d'activité.

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