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s'il n'y en a pas, ou si ces actions sont communes à tous les héritiers, elles doivent l'être contre un curateur, au bénéfice d'inventaire, nommé dans la même forme que le curateur aux successions vacantes. (Code de proc., art. 996.)

I. Le bénéfice d'inventaire, d'abord introduit en faveur des soldats, fut étendu indistinctement à tous les héritiers, soit testamentaires, soit ab intestat, par l'empereur Justinien.

duire son effet, être précédée ou suivie d'un inventaire exact fait dans les délais, et suivant les formes qu'on va rappeler.

L'article 1 du titre 7 de l'ordonnance de 1667, délai de trois mois, à compter du jour de l'ouveraccordait à l'héritier, pour faire inventaire, un ture de la succession; et pour délibérer, un autre délai de quarante jours, à compter de l'expiration du premier, ou du jour de la clôture de l'invenDans notre ancienne législation, on ne pouvait taire, s'il avait été parachevé plutôt; l'article 795 en user en pays coutumier, sauf un petit nombre du Code civil a reproduit et consacré ces dispode coutumes qui avaient, sur cet objet, des dispositions. Elles se trouvent dans l'art. 174 du Code sitions particulières, qu'en obtenant du prince, à de procédure. cet effet, des lettres appelées lettres de bénéfice d'inventaire; et, au contraire, dans les pays de droit écrit, ces lettres n'étaient pas nécessaires, et l'hé ritier était admis à jouir du bénéfice d'inventaire, sur la simple déclaration de sa volonté d'en user. La raison de cette différence était que les lois romaines ayant, par la volonté du souverain, la force et le caractère de la loi dans les pays appelés de droit écrit, il n'était pas besoin de recourir à son autorité pour user d'un bénéfice qu'elles accordaient; et qu'au contraire les lois romaines n'ayant pas la même force et le même caractère dans les pays coutumiers, on ne pouvait user d'un privilége qu'elles constituaient, que de la volonté expresse et positive du prince.

Une loi de l'assemblée constituante, en date du 7 septembre 1790, fit cesser cette diversité et abolit, pour toute la France, l'usage des lettres de bénéfice d'inventaire.

Le délai de trois mois accordé pour faire inventaire n'est pas cependaut d'une rigueur absolue, et peut être profogé par le tribunal, suivant les circonstances. C'était la disposition de l'art. 4 du titre 7 de l'ordonnance de 1667; c'est celle de l'art. 798 du Code civil, et de l'art. 174 du Code de procédure. HORS

L'expiration des délais fixés par ces articles ne prive pas même l'héritier appelé, du droit de se porter héritier bénéficiaire; il peut en user tant qu'il n'a pas pris la qualité, ni fait acte d'héritier, et qu'il n'existe pas contre lui de jugement passé en force de chose jugée, qui l'ait condamné en qualité d'héritier pur et simple, (Code civ., art 800, Code de proc.art 174.)

L'héritier condamné en qualité d'héritier pur et simple, par un jugement passé en force de chose jugée, a-t-il cette qualité seulement à l'égard du créancier qui a obtenu le jugement, ou l'a-t-il aussi à l'égard de tous les créanciers?

Voy. Exception, §'v, n° m.

II. L'article 793 du Code civil n'exige autre chose de l'héritier appelé, qui veut jouir du bénéfice d'inventaire, que la déclaration de sa volonté III. Il est de toute justice que les parties intéau greffe du tribunal de première instance, dans ressées soient appelées à l'inventaire fait par l'hél'arrondissement duquel la succession s'est ou-ritier bénéficiaire, ou qui n'a pas encore pris qua

verte.

Cette déclaration n'est valable qu'autant que les choses sont encore entières, c'est-à-dire, que l'héritier appelé n'a pris ni la qualité, ni fait acte d'héritier; car, dans l'un et l'autre cas, étant devenu héritier pur et simple, et par suite tenu indéfiniment de toutes les charges de la succession, il en demeurerait tenu, malgré sa déclaration. En effet, le bénéfice d'inventaire a seulement pour objet d'autoriser l'héritier à accepter une succession sans s'obliger au paiement des dettes sur ses biens personnels, mais non pas de le restituer contre une acceptation pure et simple.

Pareillement, Théritier qui se serait rendu coupable de recel, ou qui, sciemment et de mau vaise foi, aurait omis de faire porter dans l'inventaire des effets de la succession, est de droit, par l'un ou par l'autre fait, déchu du bénéfice d'inventaire, et obligé personnellement sur ses biens propres au paiement de toutes les dettes de la succession. (Code civ., art. 801.)

lité. La jurisprudence des parlements n'était pas cependant uniforme sur ce point, et le Code civil n'a rien statué à cet égard; mais le Code de procédure y a pourvu. Aux termes de son art. 942, l'inventaire doit être fait en présence du conjoint survivant, des héritiers présomptifs, de l'exécuteur testamentaire, si le testament est connu, des donataires et légataires universels, ou à titre universel, soit en propriété, soit en usufruit, qui demeurent dans la distance de cinq myriamètres. Il n'est pas nécessaire d'appeler ceux d'entre les ci-dessus nommés qui demeurent à des distances plus éloignées, mais ils sont représentés, ainsi que les parties appelées et défaillantes, par un notaire nommé par le président du tribunal de première instance de l'ouverture de la succession.

L'article 943 du Code de procédure, énonce ce que doit contenir l'inventaire; on en a rendu compte au mot Inventaire.

IV. Il se trouve souvent dans les successions La déclaration de n'accepter une succession que des objets sujets à dépérissement, ou dont la conBous bénéfice d'inventaire, doit encore, pour pro-servation peut être onéreuse; dans ce cas, l'héri

voir rendu, il peut être contraint, sur ses biens propres, mais seulement dans le dernier cas, jusqu'à la concurrence du montant du reliquat.

tier présomptif peut, en cette qualité, se faire
autoriser par justice à les vendre, sans qu'on
puisse inférer de cette vente une acceptation ta-
cite de la succession. La demande d'une autorisa-(Code civ., art. 803.)
tion de la part de l'héritier présomptif pour
vendre des objets de la succession, est en effet
manifestement exclusive de la volonté déterminée
de l'accepter purement et simplement, puisque
si l'héritier présomptif avait cette volonté, il n'au-
rait pas besoin d'autorisation.

La vente, dans les cas dont il s'agit, doit être faite par un officier public, après les affiches et les publications réglées par les lois sur la procédure. Code civ. art. 796; et Code de procédure, art. 986, 945 et suivants.)

Les délais accordés à l'héritier présomptif, pour faire inventaire et pour délibérer, seraient illusoires, si, pendant le cours de ces délais, on pouvait le contraindre à prendre qualité, ou obtenir contre lui quelque condamnation. L'article 797 du Code civ. prononce formellement la négative; néanmoins l'héritier peut être assigné valablement, pendant le cours des délais, en avération de la signature du défunt; ainsi jugé par arrêt de la cour de cassation, du 10 juin 1807. (Sirey, 1807, pag. 291.)

L'article 797 du Code civil dispose en outre, qu'en cas de renonciation de la part de l'héritier présomptif, soit avant, soit après l'expiration des délais qui lui sont accordés, les frais, par lui faits légitimement, sont à la charge de la succession.

On vient de voir quels sont les effets du bénéfice d'inventaire, et ce que doit faire l'héritier qui veut en jouir. Voici maintenant les devoirs et les obligations qu'il doit remplir.

VI. L'héritier bénéficiaire est chargé de l'administration des biens de la succession, et il doit compte de son administration tant aux créanciers qu'aux légataires. (Code civ. art. 803.) Ce compte doit être rendu dans les formes expliquées au mot Compte.

VII. L'héritier bénéficiaire doit, en conséquence de l'administration dont il est chargé, faire payer les débiteurs de la succession, leur faire passer des titres nouveaux, lorsqu'il y a lieu, empêcher l'accomplissement des prescriptions, affermer les immeubles, y faire faire les réparations convenables, et soutenir les procès auxquels les droits et les biens de la succession peuvent donner lieu, soit qu'ils fussent commencés au moment de son ouverture, soit qu'ils ne s'élèvent que postérieurement. Son

VIII. Tous les frais qu'entraîne l'administra tion de l'héritier bénéficiaire, sont à la charge de la succession; mais cependant s'il entreprend du soutient des procès évidemment mal fondés, il peut être condaniné aux dépens en son nom personnel. (Code de procéd. art. 132.)

A défaut, par l'héritier bénéficiaire, de rendre son compte, ou d'en payer le reliquat après l'a

IX. Il n'est tenu que de la faute grave, (art 804 ibid.) c'est-à-dire, qu'on n'exige de lui que le soin dont il est capable, et qu'il apporte à ses propres affaires. En cela il diffère de l'administrateur des biens d'autrui, qui est tenu de la faute légère, c'est-à-dire qui doit apporter à son administration tout le soin d'un bon père de famille. La raison de différence est que l'héritier bénéficiaire administre sa propre chose.

X. L'héritier bénéficiaire peut vendre les biens de la succession, soit meubles, soit immeubles. (Code civ., art. 805.)

La vente des meubles doit être faite par le ministère d'un officier public, avec les formalités prescrites par les art. 617, 618, 619 et 624 du Code de procédure. (Code civ., art. 805.) Le prix en est distribué par contribution entre les créanciers opposants. (Code de procd., art. 990.) Voy. distribution par contribution et saisie-exécution.

Lorsque l'héritier bénéficiaire représente les meubles en nature, il n'est tenu que des dégradations et détériorations qui auraient été l'effet de sa négligence. (Code civ., art. 805.)

A l'égard des biens immeubles, l'héritier bénéficiaire ne peut les vendre qu'en observant les formalités prescrites par le Code de procédure au titre des partages et licitations, après visite et estimation préalables par un expert nommé d'office, par jugement rendu sur requête communiquée au ministère public, et sur ses conclusions. (Code civ., art. 806; Code de procéd., art. 987.) Voy. Vente des biens immeubles.

Le prix de la vente est distribué aux créanciers inscrits, suivant l'ordre de leurs priviléges et hypothèques. (Code civ., art. 806; et Code de procéd., art. 991.) Voy. Ordre:

A défaut par l'héritier bénéficiaire de se conformer aux règles prescrites pour la vente des biens de la succession, soit meubles, soit immeubles, il est déchu du bénéfice d'inventaire, et réputé héritier pur et simple. (Code de procéd., art. 988 et 989.)

L'héritier bénéficiaire qui a compromis sur les droits et actions de la succession, est-il réputé héritier, pur et simple? (Voy. Arbitrage, sect. I, SI no I.)

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XI Si les créanciers de la succession ou les autres personnes intéressées, exigent que l'héritier bénéficiaire donne caution, soit de la valeur du mobilier compris en l'inventaire, soit du prix de la vente des immeubles qui n'aurait pas été délégué ou distribué, il est obligé d'en fournir une bonne et solvable, dans les trois jours de la sommation qui lui est faite à cet effet. (Code civ., art. 807. -Code de procéd., art. 992 et 993.) Voy. Caution (réception. )

Il y a entre les dispositions du Code civil, et celles du Code de procédure, qui soumettent l'héritier bénéficiaire à l'obligation de donner caution, lorsqu'elle lui est demandée, une différence remarquable. L'article 807 du Code civil est conçu au pluriel, et porte littéralement « il est tenu (l'héritier bénéficiaire), si les créanciers ou autres personnes intéressées l'exigent, de donner caution, bonne et solvable. »

Le Code de procédure, au contraire, s'exprime au singulier, il porte, art. 992, « le créancier, ou autre partie intéressée qui voudra obliger l'héritier bénéficiaire à donner caution, lui fera faire sommation.

Dans les deux codes, le législateur a voulu exprimer la même pensée; mais si sa première locution pouvait présenter quelque incertitude, comme le Code de procédure est postérieur au Code civil, c'est le Code de procédure qu'il faut suivre; ainsi un seul créancier, ou toute autre partie intéressée, peut obliger l'héritier bénéficiaire à donner caution.

n'avait lieu qu'en ligne collatérale, et seulement en pays coutumier. Le Code civil est absolument muet sur cette préférence, et par suite, elle est abrogée par l'art. 7 de la loi du 30 ventose an 12, qui veut que les coutumes cessent d'avoir force de loi, dans les matières qui sont l'objet du Code civil.

XIII. L'héritier bénéficiaire doit, comme l'héritier pur et simple, les droits de mutation auxquels la succession donne ouverture.

Est-il tenu des dettes au-delà de sa part héréditaire?

La cour de cassation a décidé que non, par un arrêt du 22 juillet 1812, rapporté à l'article Par tage des successions, sect. 11, § 11, art. IV.

XIV. L'héritier bénéficiaire peut-il transférer, sans autorisation, les inscriptions au dessus de 50 fr. de rente?

Un avis du conseil d'état, rendu sur le rapport du comité de législation le 17 novembre 1807, et approuvé le 11 janvier suivant, a décidé la négative; voici les motifs sur lesquels il s'est fondé :

Lorsque l'héritier bénéficiaire ne fournit pas de Qu'est-ce qu'un héritier bénéficiaire? On en caution sur la demande qui lui en est faite, les trouve la définition dans l'art. 803 du Code civil: meubles sont vendus, et les deniers en provenant, « c'est un homme chargé d'administrer les biens ainsi que la portion non déléguée ni distribuée du d'une succession, et qui doit rendre compte de son prix des immeubles, sont déposés pour être em-administration aux créanciers et aux légataires. ployés à l'acquit des charges de la succession. (Code civ., art. 807.)

Quand il n'y a pas de créanciers opposants, l'héritier bénéficiaire paie indistinctement les créanciers et légataires à mesure qu'ils se présentent. Mais, s'il y a des opposants, il ne peut payer que suivant un ordre de distribution établi par le juge. (Code civ., art. 808.)

Le créancier non opposant peut-il obliger au rapport, le créancier qui a reçu le montant de sa créance de l'héritier bénéficiaire?

D

La qualité d'administrateur ne donne certainement pas le droit de vendre; aussi a-t-il fallu une disposition particulière de la loi, pour autoriser l'héritier bénéficiaire à vendre certains objets de la succession, et pour régler le mode de la vente. C'est l'objet de l'art. 805 du Code civil:

"

« L'héritier bénéficiaire, y est-il dit, ne peut vendre les meubles de la succession que par le ministère d'un officier public, aux enchères, et après les affiches et publications accoutumées. >>

par

la déter

La seule lecture de cet article suffit pour conNon, car le créancier payé n'a reçu que ce qui vaincre que le législateur s'occupait en ce molui était légitimement dû. C'est la conséquence né-ment, des choses qui sont meubles par leur nature, cessaire de l'art. 808 du Code civil, qui consacre et non pas de celles qui sont meubles la maxime, jura vigilantibus subveniunt, non dor- mination de la loi, comme les rentes; en effet, la mientibus. faculté de vendre les meubles, sous des conditions et avec des formes qui préviennent des abus, ne peut pas s'étendre aux rentes sur l'état, qui ne sont nullement susceptibles de ces conditions et de ces formes.

Si, après l'apurement du compte, et le paiement du reliquat, il se présente des créanciers non opposants, ils n'ont de recours à exercer que contre les légataires, et ce recours se prescrit par le laps de trois ans, à compter du jour de l'apurement de compte et du paiement du reliquat. (Code civ., art. 809.)

Les frais de scéllés, d'inventaire, et de compte, sont à la charge de la succession. ( Code civ., art. 810.)

XII. Dans l'ancien droit, l'héritier bénéficiaire pouvait être exclu par le parent plus éloigné en degré qui se portait héritier pur et simple; l'héritier bénéficiaire ne pouvait, dans ce cas, conserver la succession qu'en renonçant au bénéfice d'inventaire. Cette préférence, cependant, en faveur du parent, qui se portait héritier pur et simple,

C'est ainsi que l'article du Code a été entendu et exécuté jusqu'à ce jour: aussi le ministre du trésor public reconnaît, dans son rapport, que l'autorisation a é nécessaire pour la vente d'inscriptions par l'héritier bénéficiaire.

Ce n'est pas, comme le suppose le rapport, parce que l'héritier bénéficiaire est tenu, aux termes de l'art. 807, de donner caution de la valeur du mobilier si les créanciers l'exigent; ce n'est pas, disons-nous, par ce motif que l'autorisation, pour vendre les rentes, est nécessaire à l'héritier bénéficiaire cette nécessité dérive de sa qualité, qui ne le constitue qu'un administrateur; on a dû

prendre, à son égard, les mesures adoptées pour tous les autres administrateurs, sous quelque dénomination qu'ils soient connus.

Envain observe-t-on que les rentes sont vendues par l'agent de change, qui est un officier public, et au cours du jour; ce qui, dit-on, supplée suffisamment les enchères, affiches et publications exigées par l'art. 805 du Code, pour la validité des ventes de meubles d'une succession bénéficiaire.

à

D'abord, il serait dangereux de substituer des formalités voulues par la loi, des équivalents qui pourraient ne pas donner toujours la même garantie.

D'ailleurs, il se présente ici une considération d'une autre nature: la vente, au cours du jour, peut donner connaissance du véritable prix de la vente; on le suppose, quoique souvent le taux varie beaucoup dans la même journée.

Mais la nécessité de vendre dans un moment de défaveur sera-t-elle constatée ? l'héritier aura-t

il toujours les notions suffisantes pour vendre dans un temps opportun?

On dira peut-être qu'il n'a aucun intérêt à vendre à contre-temps; cela est possible mais aura-t-il toujours autant de prudence que de

droiture ?

Il ne faut jamais perdre de vue sa qualité; il n'est qu'un administrateur comptable, et l'on ne peut l'affranchir des précautions indiquées par les lois

contre ses erreurs ou ses fautes.

Il ne paraît pas, au reste, que des considérations supérieures, d'un intérêt général, sollicitent ici une dérogation à la loi et à l'usage: le taux actuel des rentes, quoique les héritiers bénéficiaires n'aient vendu jusqu'ici qu'avec autorisation, fournit une preuve sans réplique.

Enfin, la loi du 24 mars 1806 a fait tout ce qui pouvait être convenable pour faciliter la disponibilité des rentes; elle a affranchi les tuteurs et curateurs des mineurs ou interdits, de la nécessité d'une autorisation spéciale pour le transfert des inscriptions au-dessous de 50 fr.

La modicité de l'objet et une raison d'économie ont motivé cette dérogation ; mais la même loi, art. 3, exige toujours l'autorisation pour les ventes d'inscriptions au-dessus de 50 fr.

Il est sensible que ces dispositions s'appliquent à tous les autres administrateurs comptables et aux héritiers bénéficiaires, qui ne doivent, par conséquent, transférer les rentes au-dessus de 50 fr. qu'après une autorisation préalable.

XV. L'héritier bénéficiaire peut-il être déchu du bénéfice d'inventaire pour avoir donné des rentes en paiement à des créanciers de la succession, au lieu de les faire vendre par adjudication publique, conformément à l'art. 989 du Code de procédure, s'il a donné ces rentes en paiement pour le montant du capital porté en l'acte de constitution ?

Peut-il être déchu pour n'avoir pas réparti, dans une proportion exacte, entre les créanciers de la succession, les recouvrements provenus de l'actif de cette succession?

Peut-il seulement résulter de cette répartition inexacte et irrégulière, la responsabilité de la part de l'héritier bénéficiaire à l'égard des créanciers lésés?

Les deux premières questions ont été résolues négativement, et la troisième affirmativement, par un arrêt de la cour de cassation, du 27 décembre 1820, dont voici l'espèce rapportée dans le Journal des Audiences, vol. de 1821, pag. 305:

« Dans une contestation pendante sur appel, debénéficiaires du sieur d'Aubusson et les créanciers vant la cour royale de Riom, entre les héritiers bénéficiaires du sieur d'Aubusson et les créanciers de sa succession, ceux-ci ont demandé que les héritiers fussent déclarés déchus de leur bénéfice d'inventaire, en se fondant:'

« 1° Sur ce que les héritiers bénéficiaires avaient donné en paiement, à quelques-uns des créanciers, deux rentes appartenant à la succession, au lieu de faire procéder à la vente publique de ces rentes, ainsi que l'art. 989 du Code de procédure leur en imposait l'obligation;

«2° Sur ce que les sommes par eux payées à la décharge de la succession, avaient été arbitrairement et inégalement reparties entre les divers créanciers;

«La cour royale de Riom, par arrêt du mai 1819, à rejeté l'un et l'autre de ces moyens, par les motifs que voici... « Considérant, 1o qu'il est certain et avoué que les héritiers d'Aubusson ont cédé en paiement à des créanciers de la succession deux contrats de rente dépendants de cette succession; mais que ces effets avaient une valeur fixe et déterminée par le capital porté dans le contrat de constitution; que les héritiers n'auraient pu se dispenser de recevoir le montant de ce capital, si les débiteurs l'avaient offert; qu'en cédant ces rentes pour l'intégrité du capital, l'opération était exactement la même chose, avait le même résultat que si la rente eût été remboursée par le débiteur; que cette cession était évidemment avantageuse à la succession et aux créanciers, puisque, si on avait vendu ces contrats par les voies juridiques, il y aurait eu infailliblement une perte d'un tiers et peut-être de moitié du capital; qu'il n'est point prouvé qu'en cédant les rentes pour la totalité du capital, les héritiers aient fait cession gratuite d'une année échue des intérêts, et que, quand cela serait, il y aurait une action contre les héritiers pour leur faire rapporter, dans le compte ultérieur qu'ils doivent rendre, le montant de ces intérêts qu'ils auraient mal-à-propos cédés; considérant, 2° que, dans le fait, il ne paraît pas établi que les héritiers d'Aubusson aient réparti dans une proportion exacte entre les créanciers de la succession, les recouvrements provenus de l'actif

a Deuxième moyen. Violation de l'art. 808 du Code civil.

de cette succession; mais que la loi, en désirant | cision, manifestement contraire à l'art. 989 du Code cette répartition proportionnelle, n'a pas prononcé de procédure civile. la déchéance de la qualité d'héritier bénéficiaire faute de cette répartition exacte; que l'opinion de M. Chabot (de l'Allier) sur ce point paraît ajouter à la disposition de la loi une peine grave que la loi ne prononce pas; que les créanciers qui n'ont pas reçu la répartition proportionnelle à laquelle ils ont droit, peuvent se pourvoir contre les héritiers pour se faire payer de ce qu'ils auraient eu le droit de recevoir, et qu'ils n'ont pas reçu réellement. »

« Le sieur Albert et autres créanciers de la succession, ont présenté contre cet arrêt les deux moyens de cassation suivants :

« Premier moyen. Violation de l'art. 989 du Code de procédure civile, qui veut que la vente du mobilier et des rentes dépendant d'une succession bénéficiaire, soit faite suivant les formes prescrites pour la vente de ces sortes de biens, à peine contre l'héritier bénéficiaire d'être réputé héritier pur et simple.

« Dans l'espèce, les héritiers d'Aubusson ont aliéné deux rentes dépendant de la succession sans suivre les formes prescrites pour la vente de ces sortes de biens: car l'arrêt constate que, sans aucune formalité préalable, ils ont cédé ces rentes à des créanciers de la succession; ils ont donc encouru la peine prononcée par l'art. 989 du Code de procédure; ils devaient être déclarés héritiers purs et simples.

«

Plusieurs créanciers avaient dénoncé aux héritiers d'Aubusson leurs droits sur la succession; il ne pouvait donc être rien fait au préjudice de ces droits; et, par suite de leurs oppositions, l'ordre des paiements à effectuer devait être déterminé en justice; c'était le vœu de l'article 808 cité qui porte que, s'il y a des créanciers opposants, l'héritier bénéficiaire ne peut payer que dans l'ordre et de la manière réglée par le juge.

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Les héritiers d'Aubusson en ont agi tout autrement; ils ont distribué diverses sommes entre

les créanciers sans aucune mesure, sans aucune proportion; l'arrêt lui-même reconnaît que, dans le fait, il ne paraît pas établi que les héritiers d'Auentre les créanciers de la succession, les recoubusson aient réparti, dans une proportion exacte, vrements provenus de l'actif de cette succession. Mais, ajoute l'arrêt, la loi, en désirant cette répartition proportionnelle, n'a pas prononcé la déchéance de la qualité d'héritier bénéficiaire, faute de cette répartition exacte.

<< La loi, suivant la cour de Riom, n'aurait done fait que manifester un vœu sans aucune sanction; un veu que le caprice et la mauvaise foi pourraient éluder. Il n'en est point ainsi : la loi, en posant les limites des pouvoirs de l'héritier bénéficiaire, n'a pas eu besoin d'ajouter que, s'il franchissait ces limites, il serait déchu de ce titre; cela résulte de la nature même des choses. Quelle est, en effet, la position de l'héritier bénéficiaire? il s'est soumis à administrer, dans l'intérêt des créanciers, une succession qui lui est dévolue, et dont il peut disposer librement, à charge de payer toutes les dettes. S'il s'écarte des règles qui lui sont tracées pour son administration, il agit en maître; s'il fait ce qui lui est interdit comme bénéficiaire, il ne peut le faire que comme hé ritier pur et simple. Or, l'article 808 dit formel

Que fait la cour royale pour éluder cette conséquence? elle modifie la loi, elle crée une exception pour le cas dont il s'agit au procès, attendu, dit-elle, que la cession sans formalités a été plus avantageuse aux créanciers qu'une vente régulière. Mais les considérations qu'elle présente n'ont point échappé au législateur; il les à pesées dans sa sagesse, et elles ne lui point ont paru suffisantes pour motiver une exception à la règle qu'il a établie. Qu'on ne prétende pas être plus sage que lui; il ne s'en est pas remis à l'arbitrage des juges; illement qu'il ne peut, en sa qualité d'héritier a voulu fermer la voie à tous les abus, à toutes les erreurs par une disposition générale et absolue. On ne peut la restreindre sous aucun prétexte; il n'est pas permis de distinguer où la loi ne distingue pas aussi tous les commentateurs du Code enseignent-ils, sans admettre aucune distinction, que l'héritier encourt la déchéance du bénéfice d'inventaire si, en aliénant des rentes dependant de la succession, il n'observe pas les formalités prescrites pour la vente de cette sorte de biens. (Voyez M. Toullier, Droit civil français, tome iv, page 367; M. Chabot (de l'Allier), Commentaire sur les successions, tome 11, page 34, cinquième édition.) Les motifs à l'aide desquels la cour de Riom s'est efforcée de pallier l'irrégularité de la vente des rentes aliénées par les héritiers d'Aubusson ne sauraient donc justifier sa dé

:

bénéficiaire, payer les créances, quand il y a des opposants, que suivant l'ordre réglé par la justice. Donc, s'il les paie autrement, il les paie comme héritier pur et simple; il fait, par cela même, un acte d'adition d'hérédité; et, quoi qu'en ait dit la cour de Riom, M. Chabot (de l'Allier), en professant cette doctrine, n'a fait que déduire la conséquence nécessaire de l'art. 808.

ע

violé

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Il reste donc démontré que cet article a été par l'arrêt dénoncé.

La cour,

sur les conclusions de M. Lebeau, avocat-général; -- attendu, sur le premier moyen, que l'héritier bénéficiaire, en donnant en paiement aux créanciers des rentes dues à la succession pour le montant du capital porté en l'acte de constitution, a obtenu un plus grand avantage que s'il les eut fait vendre par vente pu

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