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II,

en permettant au débiteur, dans ce cas, d'empêcher l'emprisonnement au moyen d'une caution. Il n'est peut-être pas inutile de rapporter les réflexions que fait M. Locré sur cette disposition finale de l'art. 231 du Code de commerce. « Cette disposition, dit-il, n'était pas dans l'ordonnance. Elle a été admise sur la demande du tribunat, qui ne l'a ni développée, ni motivée. Mais il sera nécessaire que la jurisprudence, ou peut-être même des avis interprétatifs du conseil-d'état, en fixent les suites et l'étendue. En effet, il s'agit tellement ici de dettes exigibles, qu'on suppose qu'elles exposent actuellement le débiteur à la contrainte par corps. Or, la caution s'engagera

capitaine ne doit pas différer de mettre à la voile, à moins que le temps ne soit mauvais; et c'est pour éviter des retards, toujours funestes au commerce, que l'art. 231 affranchit les gens de l'équipage de la contrainte par corps en matière civile. Le capitaine et les gens de l'équipage, porte cet article, qui sont à bord, ou qui, sur les chaloupes, se rendent à bord pour faire voile, ne peuvent être arrêtés pour dettes civiles, si ce n'est à raison de celles qu'ils auront contractées pour le voyage; et même, dans ce dernier cas, ils ne peuvent être arrêtés, s'ils donnent caution. >> L'ordonnance de la marine avait, dans son texte, moins d'étendue que le Code de commerce, sous ce rapport; car elle ne défendait d'ar-t-elle à payer de suite, ou aura-t-elle un terme?rêter que les maîtres, patrons, pilotes et matelots Daus le premier cas, on rentre dans le droit cométant à bord. Valin, sur l'art. 14, tit. 1, liv. 11, mun qui veut que la consignation fasse cesser de cette ordonnance, disait à cette occasion: même l'emprisonnement. Mais par cela même la «Je croirais pourtant que ces mots, étant à bord, disposition devient superflue, le droit commun ne doivent pas tellement être pris à la lettre qu'ils suffirait. D'ailleurs elle est sans objet. On pouvait ne puissent s'entendre du cas des dernières cha- s'épargner un acte qui est inutile, puisque, le loupes où le capitaine s'embarque avec le reste moment d'après, la caution doit payer, et qu'il de ses gens, et qu'ainsi, qu'ils soient déja embar serait beaucoup plus simple de fournir d'abord les qués dans ces chaloupes, ou qu'ils soient encore deniers, en prenant un titre du débiteur. — Dans sur le quai à ce dessein, ils ne peuvent être ar- le second cas, on change la condition du créanrêtés pour dettes civiles, attendu que dans ces cir- cier, lequel avait droit à être payé sur-le-champ, constances c'est tout comme s'ils étaient à bord.» et au surplus quel est le terme qu'on accordera Les rédacteurs du Code ont voulu consacrer l'o-au débiteur et à sa caution? -On sent qu'au milieu pinion de ce commentateur par une disposition de ces doutes, il est besoin d'arriver à un système expresse. Toutefois ils n'ont affranchi de la con- fixe d'application.» (Esprit du Code de commerce, trainte par corps que le capitaine et les gens de tome 3, page 107.) l'équipage étant à bord ou sur des chaloupes pour se rendre à bord; d'où il faut conclure que ceux qui sont encore sur le quai, ne pourraient, comme le pensait Valin, participer au bénéfice d'une exception qui, comme toutes les dérogations au droit commun, doit être resserrée dans les limites posées par le texte de la loi.

L'exception, admise par le législateur, ne s'applique qu'aux arrestations civiles, et ainsi elle ne comprend point les poursuites qui ont pour objet la répression d'un crime ou d'un délit. La loi fait fléchir l'intérêt privé devant un intérêt plus grand, celui de la navigation et du commerce; mais dans l'intérêt plus éminent de la société toute entière, elle n'a pas dû suspendre l'action de la justice criminelle. Valin pense même que l'arrestation peut avoir lieu pour l'exécution d'une condamnation aux dépens en matière criminelle, et son opinion nous paraît entièrement fondée, car il ne s'agit point là d'une dette civile.

S'il s'agit de dettes contractées pour le voyage même, l'emprisonnement du débiteur peut avoir lieu. Il est assez juste que le prétexte du voyage ne puisse le soustraire à l'exécution immédiate des engagements qui l'ont mis en état de l'entreprendre, ou au moins de le faire plus utilement. L'intérêt du commerce maritime, tout précieux qu'il est, a ses bornes ; et la loi le respecte assez,

S III.

Des droits et devoirs du capitaine pendant le

voyage.

I. Nous allons maintenant prendre le bâtiment à la sortie du port, et le suivre dans sa traversée. De même qu'aux termes de l'art. 1991 du Code civil, le mandataire est tenu d'accomplir le mandat, tant qu'il en demeure chargé, de même l'article 238 du Code de commerce impose à tout capitaine de navire l'obligation d'achever le voyage pour lequel il est engagé, à peine de tous dépens et dommages-intérêts envers les propriétaires et les affréteurs. Il n'y a que l'obstacle de la force majeure, prévu par l'art. 230 de ce dernier Code, qui puisse soustraire à cette responsabilité le capitaine, qui ne se rend point à sa destination.

II. C'est un devoir pour le capitaine de s'absenter le moins possible de son navire. Il est surtout tenu d'y être en personne à l'entrée et à la sortie des ports, hàvres et rivières, parce que ce sont les passages les plus dangereux, et qu'ils exigent une surveillance plus active. L'infraction à ce devoir, qui lui est imposé par l'art. 227 du Code de commerce, le rendrait responsable, envers les intéressés au navire et au chargement, de tous les événements qui surviendraient au vaisseau dans ces endroits difficiles, ainsi que le porte

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l'art. 238 du même Code. Un décret du 12 décembre 1806, sur le service du pilotage lui prescrit même de prendre, dans ces passages, un pilote-lamaneur, appelé aussi locman. Ce décret porte, article 32: Le capitaine du bâtiment est tenu, aussitôt que le pilote-lamaneur est à son bord, de lui déclarer combien son navire tire d'eau, sous peine de répondre des événements, s'il a recelé plus de trois décimètres (dix pouces). Le capitaine doit aussi faire connaître la marche du navire, et ses qualités et défauts, afin qu'il puisse se régler pour la manoeuvre.

Art. 33. Il sera libre aux capitaines et maîtres de navires français et étrangers, de prendre les pilotes-lamaneurs que bon leur semblera, pour entrer dans les ports et rivières, sans que, pour sortir, ils puissent être contraints de se servir de ceux qui les auront fait entrer.

Telles sont les dispositions de l'art. 245 du Code de commerce.

Comme, d'après l'art. 221 de ce Code, le capitaine est responsable de ses fautes, même légères, la déclaration des causes de la relâche est essentielle pour que sa conduite puisse être appréciée. Si le gros temps, la crainte de l'ennemi, la nécessité de réparer le bâtiment, ou toute autre circonstance de force majeure, le forcent à relâcher, sa responsabilité ne court point de risques; mais s'il fait fausse route, s'il allonge inutilement le voyage, en relâchant sans nécessité dans un port quelconque, il est passible de dommages-intérêts envers les propriétaires et les chargeurs. Défendons aux maitres, disait l'ordonnance de la marine, art. 24, tit. 1er, livre 11, à peine de punition exemplaire, d'entrer, sans nécessité, dans aucun hávre étranger; et en cas qu'ils y fussent poussés par la tempête, ou chassés par les pirates, ils seront tenus d'en partir, et de faire voile au premier temps propre.

L'obligation du capitaine de ne point allonger sa route, et de ne pas retarder l'expédition, emporte nécessairement celle de reprendre sa destination aussitôt qu'il le peut, soit que la relâche ait lieu dans un port étranger ou dans un port français.

« Art. 34. Tout bâtiment, entrant ou sortant d'un port, devant avoir un pilote, si un capitaine refusait d'en prendre nn, il serait tenu de le payer comme s'il s'en était servi dans ce cas, il demeurera responsable des événements, et s'il perd le bâtiment, il sera jugé suivant l'art. 31 du présent réglement (c'est-à-dire conformément à l'art. 40 de la loi du 22 août 1790). Sont exceptés de l'obligation de prendre un pilote, les maîtres au grand et petit cabotage, commandant des bâtiments français de quatre-vingts tonneaux, lors- telle, qu'elle mette le capitaine dans l'impossibiIV. Il peut arriver que la force majeure soit qu'ils font habituellement la navigation de port lité de continuer le voyage; tels sont les cas d'aren port, et qu'ils pratiquent l'embouchure des ri-rêts par ordre de puissance, d'interdiction de vières. Mais les propriétaires des navires, chargeurs ou autres intéressés, pourront contraindre commerce, de prise, de perte ou d'innavigabilité les capitaines, maîtres et patrons, à prendre des pilotes; et ils auront la faculté de les poursuivre Pour ce qui concerne l'arrêt par ordre de puisdevant les tribunaux, en cas d'avaries, échoue-sance, et la prise du navire, voyez Embargo et ments et naufrages occasionés par le refus de Prise maritime. prendre un pilote. »

Les pilotes-lamaneurs sont préposés par le gouvernement dans les ports et havres. Il faut qu'ils aient une connaissance spéciale des dangers qu'offre la mer en ces endroits. Suivant l'article 2 du décret précité, nul ne peut être reçu pilotelamaneur ou locman, s'il n'a satisfait à un examen sur la manœuvre, la connaissance des marées, des bancs, courants, écueils, et autres empêchements qui peuvent rendre difficile l'entrée et la sortie des rivières, ports et havres du lieu de son établissement. Voyez au surplus les autres dispositions du décret pour connaître tout ce qui conqui concerne le pilotage.

III. Si, dans le cours du voyage, le capitaine est obligé de relâcher dans un port français, il est tenu de déclarer au président du tribunal de commerce du lieu, les causes de sa relâche. Dans les lieux où il n'y a pas de tribunal de commerce, la déclaration est faite au juge de paix du canton. Si la relâche forcée a lieu dans un port étranger, la déclaration est faite au consul de France, ou, à son défaut, au magistrat du lieu.

du navire.

L'interdiction de commerce résulte de la défense qu'un gouvernement fait à ses sujets de se rendre dans certains ports étrangers; du refus d'un souverain de laisser entrer dans ses ports les vaisseaux d'une autre puissance; d'une déclaration de guerre entre deux ou plusieurs nations; d'un état de guerre existant, quoiqu'il n'y ait pas eu de déclaration en règle; du blocus d'un port; de représailles autorisées par un gouvernement contre les sujets d'un autre gouvernement.

Le devoir du capitaine est de ne point mettre à la voile si ces causes d'interdiction existent avant le départ ; et si elles surviennent pendant le voyage, il doit, suivant ce que la prudence lui suggérera, ou revenir, ou aviser aux moyens de se rendre à sa destination sans se laisser capturer. Il doit surtout concilier toutes les mesures qu'il jugera convenable de prendre, avec les instructions qui lui auraient été données pour la direction de sa conduite. Dans le cas de blocus du port pour lequel le navire est destiné, l'article 279 du Code de commerce lui prescrit, s'il n'a des ordres contraires, de se rendre dans un

des ports voisins de la même puissance où il lui sera permis d'aborder.

que l'y autorise l'art. 237 du Code de commerce; et il doit, comme l'exige l'art. 391, faire toutes diligences pour se procurer un autre navire, à l'effet de transporter les marchandises au lieu de leur destination.

S'il survient des accidents qui amènent la destruction du navire, tels qu'un naufrage, bris ou submersion, l'interruption du voyage est une impérieuse nécessité. Le capitaine doit alors rester Si le vaisseau n'est point en état d'innavigabisur son vaisseau; il ne peut l'abandonner, pour lité, c'est-à-dire si ses dégradations sont réparaquelque danger que ce soit, sans l'avis des offi- bles, le capitaine doit le faire réparer; et il peut, ciers et principaux de l'équipage; et, s'il le après avoir fait constater la nécessité du radoub quitte dans ces moments de péril, il est tenu de par un procès-verbal signé des principaux de sauver avec lui l'argent et ce qu'il pourra des mar-l'équipage, et en se faisant autoriser en France chandises les plus précieuses de son chargement, sous peine d'en répondre en son propre nom. Toutefois il cesse d'être responsable des objets ainsi tirés du navire, s'ils viennent à se perdre par quelque cas fortuit. (Code de commerce, art. 241.)

Les devoirs et la responsabilité du capitaine sont les mêmes dans le cas de simple échouement, c'est-à-dire lorsque le navire passant sur un fond y reste engravé, bien que, dans ce cas, le péril ne soit pas aussi imminent. Parmi les objets précieux qu'il doit emporter avec lui, doivent être rangés les chartes-parties, connaissements, rôle d'équipage, et en un mot tous les papiers nécessaires à l'expédition. Il doit encore, après le naufrage, ainsi que le commande l'art. 381, veiller au recouvrement des débris du navire et des marchandises naufragées.

Dans le cas de naufrage, les art. 246 et 247 tracent les formalités qui doivent être remplies. Ils portent:

« Art. 246. Le capitaine qui a fait naufrage, et qui s'est sauvé seul ou avec partie ds son équipage, est tenu de se présenter devant le juge du lieu, ou, à défaut de juge, devant toute autre autorité civile; d'y faire son rapport, de le faire vérifier par ceux de son équipage qui se seraient sauvés et se trouveraient avec lui, et d'en lever expédition.

Art. 247. Pour vérifier le rapport du capitaine, le juge reçoit l'interrogatoire des gens de l'équipage, et, s'il est possible, des passagers, sans préjudice des autres preuves; les rapports non vérifiés ne sont point admis à la décharge du capitaine, et ne font point foi en justice, excepté dans le cas où le capitaine naufragé s'est sauvé seul dans le lieu où il a fait son rapport. La preuve des faits contraires est réservée aux parties. »

par le tribunal de commerce, ou, à défaut, par le juge de paix; chez l'étranger, par le consul français, ou, à défaut, par le magistrat du lieu, emprunter sur le corps et quille du vaisseau, mettre en gage ou vendre des marchandises jusqu'à concurrence de la somme qu'exigent les besoins constatés. Dans ce dernier cas, le propriétaire du vaisseau, ou le capitaine qui le représente, tiendra compte des marcbandises vendues, d'après le cours des marchandises de même nature et qualité dans le lieu de la décharge du navire à l'époque de son arrivée.

L'article 234 du Code de commerce qui contient ces dispositions, impose les mêmes obligations, et attribue les mêmes droits au capitaine, lorsqu'il y a nécessité d'achat de victuailles.

Les formalités prescrites par cet art. 234 sontelles essentielles pour la validité des actes faits par le capitaine; par exemple, s'il a emprunté à la grosse aventure, sans les observer, le propriétaire du navire est-il lié envers le prêteur de bonne foi, de la même manière que si elles avaient été remplies? Ces formalités ont-elles d'autre objet que de mettre à couvert la responsabilité du capitaine vis-à-vis du propriétaire?

Ces questions ont été jugées par la cour de cassation dans l'espèce suivante:

Le sieur Leveux, propriétaire du navire les Deux-Amis, en avait confié le commandement au capitaine Levillain, pour un voyage à Setuval en Portugal, et avait adressé le capitaine aux sieurs Torladés et compagnie, négociants de cette ville. Il avait remis au capitaine tous les moyens et facilités pour l'expédition de son navire.

Le 18 octobre 1817, le capitaine tira, au profit de la maison Torladés, une lettre-de-change de la somme de 2,854 fr., valeur pour besoin de son navire. Le même jour, il souscrivit, au profit de la même maison Torladés, un contrat à unla grosse de la même somme de 2,854 fr., qu'il avait reçue pour les besoins de son navire, avec un profit maritime de quinze pour cent, cette somme payable trois jours après son arrivée à Dieppe, et seulement dans le cas où la lettre-dechange ne serait pas acquittée.

Voyez dans le paragraphe suivant, n° 1, arrêt de la cour de cassation relatif au rapport du capitaine, en cas de naufrage.

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Enfin les accidents du voyage, sans détruire le vaisseau, peuvent le dégrader à un tel point qu'il soit impossible d'y remédier, et le mettre en état d'innavigabilité. Dans ce cas, le capitaine, La lettre de change fut protestée à son qui, en principe général, n'a pas le droit d'alié-échéance, sur le refus que fit le sieur Levenx d'en ner le navire, peut alors le vendre sans en avoir acquitter le montant. reçu le pouvoir spécial du propriétaire, ainsi

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Le 19 juin 1818, la maison Torladés fait som

mation au capitaine de lui payer le capital du prêt avec le profit nouveau, et quelques jours après, elle l'assigne devant le tribunal de commerce de Dieppe.

Le sieur Leveux, appelé en garantie par son capitaine, soutient que le contrat de prêt à la grosse ne peut être obligatoire pour lui, parce qu'il n'a pas été précédé des formalités prescrites par l'art. 234 du Code de commerce, pour constater la nécessité de l'emprunt; qu'en effet, il n'y a eu ni procès-verbal signé par les principaux de l'équipage, ni autorisation du consul français ou du magistrat du lieu dans lequel l'emprunt a

été fait.

La maison Torladés combat la défense du sieur Leveux par des moyens que le tribunal de commerce accueille en ces termes :

« Le propriétaire d'un navire peut-il se dispenser de rembourser au prêteur le montant en principal et accessoires d'un contrat à la grosse fait à l'étranger par son capitaine, sous prétexte que les formalités prescrites par l'art. 234 du Code de commerce n'auraient pas été observées ? Le capitaine peut-il être personnellement tenu du paiement du contrat de grosse, lorsqu'il a mis en cause son propriétaire? Sur la première question, considérant que les formalités prescrites par l'art. 234 du Code de commerce, et exigées par l'art. 312 du même Code (titre des Contrats à la grosse) en sa deuxième disposition, sont des obligations imposées au capitaine, et que l'inexécution de la loi de la part dudit capitaine, ne saurait être imputée au prêteur de bonne foi, puisque les emprunts sont dans les attributions du capitaine comme mandataire du propriétaire, et qu'il est de principe que le mandant est tenu des faits du mandataire à raison de l'exécution du mandat (art. 1998 du Code civil); considé rant, d'ailleurs, qu'aux termes de l'art. 216 du Code de commerce, tout propriétaire de navire est civilement responsable des faits du capitaine pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition; considérant que, dans l'espèce, il n'est allégué aucun moyen résultant de dol ou de fraude contre le prêteur, seul cas où le propriétaire pourrait prétendre l'annulation du contrat à son égard; sur la deuxième question, considérant que le capitaine n'ayant souscrit le contrat de grosse qu'en nom qualifié, n'a agi en cela que comme mandataire du propriétaire, et que dès lors que son mandant est dans la cause, lui seul est tenu de l'exécution dudit contrat envers le prêteur, sauf néanmoins le recours dudit mandant, contre le capitaine, son mandataire, à raison de l'inexécution de la loi; le tribunal, sans avoir égard à l'exception proposée par le sieur Leveux, le condamne au paiement, envers le sieur Torladés et compagnie, de la somme de 3,292 fr. 72 c., montant en principal et prime du contrat de grosse dont il s'agit, avec dépens, et en privilége sur le

navire les Deux-Amis, agrés et apparaux d'icelui, sauf le cas prévu par l'art. 317 du Code de commerce, et les droits des tiers; renvoie le sieur Levillain déchargé de l'action principale contre lui dirigée par les sieurs Torladés et compagnie, sauf le recours du sieur Leveux contre ledit Levillain, pour raison de l'inexécution des dispositions de l'art. 234 du Code de commerce, s'il avise que bien soit. »

Lesieur Leveux interjette appel de ce jugement, qui a été infirmé par arrêt de la cour royale de Rouen, du 28 novembre 1818. « Considérant, a dit la cour royale, qu'il faut distinguer entre les formalités requises par l'art. 234 du Code de commerce,et celles exigées par l'art. 312 du même Code; que celles fixées par l'art. 234, ont pour but la validité du contrat á la grosse, tandis que celles portées en l'art. 312 sont relatives au privilége accordé au contrat; qu'il n'est point représenté de procès-verbal dressé par le capitaine avec les principaux de l'équipage, lequel aurait attesté la nécessité d'un radoub ou de victuailles pour le bâtiment; qu'il n'est point surtout justifié que le consul français ait autorisé l'emprunt fait par le capitaine Levillain, autorisation dont la maison Torladés devait absolument s'assurer pour la validité du contrat à la grosse qu'elle faisait avec le capitaine Levillain; que cette maison ne doit donc imputer qu'à sa négligence, qu'à son imprévoyance, l'invalidité du titre en vertu duquel elle a actionné le sieur Leveux; -- considérant, d'une autre part, que le capitaine Levillain était porteur d'une lettre de crédit du sieur Leveux pour la maison Torladés et compagnie; que, par cette lettre de crédit, le sieur Leveux invitait cette maison à procurer à son capitaine tous les moyens et facilités pour l'expédition de son navire; mais que, par cette lettre de crédit, elle n'était pas invitée à fournir de l'argent à la grosse, moyen très-onéreux pour celui qui est contraint d'y avoir recours; que dans cet état de choses, la maison Torladés ayant confiance dans le sieur Leveux, devait se contenter de l'aviser des avances qu'elle avait faites, et s'occuper des moyens de recouvrement desdites avances, suivant les usages du commerce en pareil cas; considérant, enfin, que le contrat à la grosse étant invalide à l'égard du sieur Leveux, il l'est également en ce qui concerne le sieur Levillain, d'autant plus qu'il est constant que, dans la somme énoncée dans ce contrat, il y en avait une portion qui était représentative de la valeur de marchandises fournies pour le compte particulier dudit sieur Levillain. »

Les sieurs Torladés et compagnie ont déféré cet arrêt à la cour de cassation, pour violation des art. 216, 234 et 312 du Code de commerce, de la maxime locus regit actum, et de l'art. 1159 du Code civil.

La disposition de l'art. 234, ont-ils dit, n'est

Si la doctrine de la cour de Rouen était admise, tout commerce maritime étranger deviendrait impossible, puisqu'il faudrait que chaque consignataire connût la législation de tous les pays maritimes avec lesquels il aurait des relations. Ce système est en opposition avec les principes sur l'action exercitoire, réunis dans l'art. 216 du Code de commerce, qui porte que tout propriétaire de navire est civilement responsable des faits du capitaine pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition. L'article ajoute que la responsabilité cesse par l'abandon du navire et du fret, tempérament d'indulgence que la loi à établi en faveur du propriétaire de navire, puisque, par le droit commun, consigné dans l'art. 1384 du Code civil, le préposant est tenu indéfiniment des faits de son préposé.

prê

relative qu'au capitaine vis-à-vis du propriétaire | capitaine respectivement au propriétaire; que ces ou armateur du navire; elle n'est point obliga- formalités n'ont d'autre objet que de mettre le toire pour le prêteur de bonne foi. En effet, par capitaine à portée de justifier de la nécessité de rapport au prêteur, il faut suivre la maxime locus l'emprunt et d'éviter tout recours de la part du regit actum, consacrée par l'art. 1159 du Code propriétaire; qu'elles ne concernent pas civil, qui veut que ce qui est ambigu s'interprète, teur qui a contracté de bonne foi et sans fraude qui est d'usage dans le pays où le contrat avec le capitaine, pendant le cours du voyage; est passé, maxime qui trouve aussi son application que c'est ainsi qu'avait toujours été exécuté l'art. dans les art. 47 et 999 du Code civil. 19 du titre du capitaine, de l'ordonnace de 1681, lequel exigeait aussi des formalités de la part du capitaine qui voulait emprunter à la grosse; que le véritable sens de l'art. 234 résulte également de l'art. 236, qui veut que le capitaine qui aura, sans nécessité, pris de l'argent sur la quille du navire, soit responsable envers l'armement, et personnellement tenu du remboursement; ce qui prouve que le propriétaire est fondé à recourir sur le capitaine, mais qu'il est obligé de désintéresser le tiers envers lequel il demeure tenu par le fait de son capitaine qui était son mandataire légal; que l'art. 312 contient une nouvelle preuve que les formalités de l'art. 234 ne sont pas obligatoires pour le prêteur vis-à-vis du propriétaire, puisque ce n'est que pour conserver son privilége à l'égard du propriétaire que le prêteur est obligé de veiller à ce que ces formalités soient remplies par le capitaine; attendu, surabondamment, que le propriétaire, en donnant au capitaine une lettre de crédit sur le prêteur, avait aussi donné à celuici un mandat particulier qui, au besoin aurait fortifié celui que le capitaine tenait de la loi; qu'enfin le prêteur, s'il n'était pas remboursé par le propriétaire, devait au moins l'être par le capitaine, contre qui le prêteur avait conclu subsidiairement; que néanmoins la cour royale de Rouen a refusé, pour la totalité de la créance, de prononcer une condamnation non-seulement contre le propriétaire, mais même contre le capitaine ; d'où il résulte que la cour royale a faussement appliqué l'art. 234 du Code de commerce, et qu'elle a violé l'art 1998 du Code civil; casse, etc. »

Ajoutons que l'art. 19 du titre du capitaine, de l'ordonnance de la marine de 1681, exigeait aussi que l'emprunt à la grosse fût fait sur l'avis du contre-maître et du pilote, qui devaient attester sur le journal, la nécessité de l'emprunt; mais que Valin, sur cet article, et Emérigon (du Contrat à la grosse), avaient enseigné que la formalité n'était obligatoire que pour le capitaine vis-à-vis du propriétaire; que, quant au prêteur de bonne foi, l'omission de la formalité ne l'empêchait pas d'avoir son action contre l'armateur.

Les demandeurs en cassation argumentaient en suite de la lettre de crédit que le sieur Leveux avait donnée à son capitaine; suivant eux, cette lettre confirmait de plus en plus les pouvoirs que celui-ci tenait du contrat, de sa préposition et de la disposition de la loi. Enfin, ils faisaient remarquer que l'arrêt dénoncé renfermait un véritable déni de justice, puisqu'après avoir rejeté leur action contre l'armateur, il les renvoiait à se pourvoir, comme ils l'entendraient, contre le capitaine, au lieu de statuer sur la demande qu'ils avaient aussi formée contre lui.

La solidité de ces moyens a obtenu un plein succès à la cour de cassation, qui, après un délibéré en la chambre du conseil, a rendu l'arrêt dont voici la teneur sous la date du 28 novembre 1821:

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« La cour, sur les conclusions conformes de M. Joubert, avocat-général; vu les art. 216, 221, 236 et 312 du Code de commerce; vu aussi l'art. 1998 du Code civil;

« Attendu, que les formalités portées par l'art. 234 du Code de commerce ne regardent que le

Si les victuailles viennent à manquer, l'art. 249 attribue au capitaine le droit de contraindre ceux qui auraient des vivres en particulier, à les mettre en commun, à la charge d'en payer la valeur. Mais pour exercer ce droit, le capitaine est tenu de prendre préalablement l'avis des principaux de l'équipage.

V. Il entre encore dans ses fonctions de constater les naissances et décès survenus pendant le voyage; il remplit le ministère d'officier de l'état civil. Voy. Naissance et Décès.

Il participe aussi aux testaments faits en mer. Voy. Testament.

VI. La loi lui ordonne d'inscrire, sur les registres dont l'art. 224 du Code de commerce veut qu'il soit muni à son départ, et qu'on appelle livre de bord, ainsi que nous l'avons dit dans le paragraphe précédent, la recette et la dépense de

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