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nous voulons qu'elle soit sagement combinée; et | parmi les nations, n'a été transféré à aucune ne pouvant en accepter une qu'il est indispensa- autre, et lui demeure sans partage. Tout ce que ble de rectifier, nous convoquons, pour le 10 du les autres états acquièrent de sécurité, accroît mois de juin de la présente année, le Sénat et le également la sienne, et par conséquent, ajoute Corps législatif, nous engageant à mettre sous à sa puissance véritable. Ce qu'elle ne conserve leurs yeux le travail que nous aurons fait avec pas de ses conquêtes ne doit donc pas être regardé une commission choisie dans le sein de ces deux comme retranché de sa force réelle. corps, et à donner pour base à cette constitution les garanties suivantes :

« Le gouvernement représentatif sera maintenu tel qu'il existe aujourd'hui, divisé en deux corps,

savoir :

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Le Sénat et la Chambre composée des députés des départements.

« L'impôt sera librement consenti;

« La liberté publique et individuelle assurée; « La liberté de la presse respectée, sauf les précautions nécessaires à la tranquillité publique; La liberté des cultes garantie;

« Les propriétés seront inviolables et sacrées; la vente des biens nationaux restera irrévocable; « Les ministres, responsables, pourront être poursuivis par une des chambres législatives, et jugés par l'autre ;

«Les juges seront inamovibles, et le pouvoir judiciaire indépendant;

« La dette publique sera garantie; les pensions, grades, honneurs militaires, seront conservés, ainsi que l'ancienne et la nouvelle noblesse;

« La Légion d'Honneur, dont nous déterminerons la décoration, sera maintenue;

<< Tout Français sera admissible aux emplois civils et militaires;

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Enfin, nul individu ne pourra être inquiété pour ses opinions et ses votes.

Fait à Saint-Ouen, le 2 mai 1814.

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<< Messieurs, lorsque pour la première fois je viens dans cette enceinte m'environner des grands corps de l'état, des représentants d'une nation qui ne cesse de me prodiguer les plus touchantes marques de son amour, je ne félicite d'être devenu le dispensateur des bienfaits que la divine providence daigne accorder à mon peuple.

« J'ai fait avec l'Autriche, la Russie, l'Angleterre et la Prusse, une paix dans laquelle sont compris leurs alliés, c'est-à-dire tous les princes de la chrétienté. La guerre était universelle, la réconciliation l'est pareillement.

• Le rang que la France a toujours occupé

<«<La gloire des armées françaises n'a reçu aucune atteinte; les monuments de leur valeur subsistent, et les chefs-d'œuvre des arts nous appartiennent désormais par des droits plus stables et plus sacrés que ceux de la victoire.

<< Les routes de commerce, si long-temps fermées, vont être libres. Le marché de la France ne sera plus seul ouvert aux productions de son sol et de son industrie. Celles dont l'habitude lui a fait un besoin, ou qui sont nécessaires aux arts qu'elle exerce, lui seront fournies par les possessions qu'elle recouvre. Elle ne sera plus réduite à s'en priver, ou à ne les obtenir qu'à des conditions ruineuses. Nos manufactures vont refleurir, nos villes maritimes vont renaître, et tout nous promet qu'un long calme au-dehors et une félicité durable au-dedans, seront les heureux fruits de la paix.

« Un souvenir douloureux vient toutefois troubler ma joie. J'étais né, je me flattais de rester toute ma vie le plus fidèle sujet du meilleur des rois, et j'occupe aujourd'hui sa place! Mais, du moins, il n'est pas mort tout entier, il revit dans ce testament qu'il destinait à l'instruction de l'auguste et malheureux enfant auquel je devais suc céder! C'est les yeux fixés sur cet immortel ouvrage, c'est pénétré des sentiments qui le dictèrent, c'est guidé par l'expérience, et secondé par les conseils de plusieurs d'entre vous, que j'ai rédigé la Charte constitutionnelle, dont vous allez entendre la lecture, et qui asseoit sur des bases solides la prospérité de l'état.

« Mon chancelier va vous faire connaître, avee plus de détail, mes intentions paternelles. »

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la providence appela notre monarque au trône | teur, sans pouvoir devenir oppressif, il faut au de ses pères. A l'époque de son avènement, la roi des sujets aimants et fidèles, toujours libres France, égarée par de fausses théories, divisée et égaux devant la loi. L'autorité doit avoir assez par l'esprit d'intrigue, aveuglée par de vaines ap- de force pour déjouer tous les partis, comprimer parences de liberté, était devenue la proie de toutes les factions, en imposer à tous les ennemis toutes les factions, comme le théatre de tous les qui menaceraient son repos et son bonheur. excès, et se trouvait livrée aux plus horribles convulsions de l'anarchie. Elle a successivement essayé de tous les gouvernements, jusqu'à ce que le poids des maux qui l'accablaient, l'ait enfin ramenée au gouvernement paternel, qui, pendant quatorze siècles, avait fait sa gloire et son bonheur.

« Le souffle de Dieu a renversé ce colosse formidable de puissance qui pesait sur l'Europe entière; mais, sous les débris d'un édifice gigantesque, encore plus promptement détruit qu'élevé, la France a retrouvé du moins les fondements inébranlables de son antique monarchie.

« C'est sur cette base sacrée qu'il faut élever aujourd'hui un édifice durable, que le temps et la main des hommes ne puissent plus détruire. C'est le roi qui en devient plus que jamais la pierre fondamentale; c'est autour de lui que tous les Français doivent se rallier. Et quel roi mérita jamais mieux leur obéissance et leur fidélité! Rappelé dans ses états par les vœux unanimes de ses peuples, il les a conquis sans armée, les a soumis par amour : il a réuni tous les esprits en gagnant tous les cœurs.

« En pleine possession de ses droits héréditaires sur ce beau royaume, il ne veut exercer l'autorité qu'il tient de Dieu et de ses pères, qu'en posant lui-même les bornes de son pouvoir.

« Loin de lui l'idée que la souveraineté doive être dégagée des contre-poids salutaires qui, sous des dénominations différentes, ont constamment existé dans notre constitution. Il y substitue luimême un établissement de pouvoir tellement combiné, qu'il offre autant de garanties pour la nation que de sauves-gardes pour la royauté. Il ne veut être que le chef suprême de la grande famille dont il est le père. C'est lui-même qui vient donner aux Français une Charte constitutionnelle, appropriée à leurs désirs comme à leurs besoins, et à la situation respective des hommes et des choses.

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La nation peut en même temps désirer une garantie contre tous les genres d'abus dont elle vient d'éprouver les excès.

« La situation momentanée du royaume, après tant d'années d'orages, exige enfin quelques précautions, peut-être même quelques sacrifices, pour appaiser toutes les haines, prévenir toutes les réactions, consolider toutes les fortunes, amener, en un mot, tous les Français à un oubli généreux du passé et à une réconciliation générale. « Tel est, messieurs, l'esprit vraiment paternel dans lequel a été rédigée cette grande Charte, que le roi m'ordonne de mettre sous les yeux de l'ancien Sénat et du dernier Corps législatif. Si le premier de ces corps a, pour ainsi dire, cessé d'exister avec la puissance qui l'avait établi; si le second ne peut plus avoir, sans l'autorisation du roi, que des pouvoirs incertains et déja expirés pour plusieurs de ses séries, leurs membres n'en sont pas moins l'élite légale des notables du royaume. Aussi le roi les a-t-il consultés, en choisissant dans leur sein les membres que leur confiance avait plus d'une fois signalés à l'estime publique. Il en a, pour ainsi dire, agrandi son conseil, et il doit à leurs sages observations plusieurs additions utiles, plusieurs restrictions importantes.

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« C'est le travail unanime de la commission dont ils ont fait partie, qui va être mis sous vos yeux, pour être ensuite porté aux deux chambres, créées par la constitution, et envoyé à tous les tribunaux, comme à toutes les municipalités.

« Je ne doute pas, messieurs, qu'il n'excite parmi vous un enthousiasme de reconnaissance, qui du sein de la capitale se propagera bientôt jusqu'aux extrémités du royaume.

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CHARTE CONSTITUTIONNELLE.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes verront, salut.

« La divine providence, en nous rappelant dans nos états, après une longue absence, nous a imposé de grandes obligations. La paix était le premier besoin de nos sujets nous nous en sommes occupé sans relâche, et cette paix, si nécessaire à la France, comme au reste de l'Europe, est signée. Une Charte_constitutionnelle était sollicitée par l'état actuel du royaume; nous l'avons promise, et nous la publions. Nous avons considéré que, bien que l'autorité toute entière résidât en France dans la personne du roi, nos prédécesseurs n'avaient point hésité à en modifier

l'exercice, suivant la différence des temps; que c'est ainsi que les communes ont dû leur affranchissement à Louis-le-Gros, la confirmation et l'extension de leurs droits à saint Louis et à Philippe-le-Bel; que l'ordre judiciaire a été établi et développé par les lois de Louis XI, de Henri II et de Charles IX; enfin que Louis XIV a réglé presque toutes les parties de l'administration publique par différentes ordonnances, dont rien encore n'avait surpassé la sagesse.

« Nous avons dû, à l'exemple des rois nos prédécesseurs, apprécier les effets des progrès toujours croissants des lumières, les rapports nouveaux que ces progrès ont introduits dans la société, la direction imprimée aux esprits depuis un demisiècle, et les graves altérations qui en sont résultées; nous avons reconnu que le vœu de nos sujets pour une Charte constitutionnelle, était l'expression d'un besoin réel; mais, en cédant à ce vœu, nous avons pris toutes les précautions pour que cette Charte fût digne de nous et du peuple anquel nous sommes fier de commander. Des hommes sages, pris dans les premiers corps de l'état, se sont réunis à des commissaires de notre conseil, pour travailler à cet important ouvrage.

«En même temps que nous reconnaissions qu'une constitution libre et monarchique devait remplir l'attente de l'Europe éclairée, nous avons dû nous souvenir aussi que notre premier devoir envers nos peuples, était de conserver pour leur propre intérêt, les droits et les prérogatives de notre couronne. Nous avons espéré qu'instruits par l'expérience, ils seraient convaincus que l'autorité suprême peut seule donner aux institutions qu'elle établit, la force, la permanence et la majesté dont elle est elle-même revêtue; qu'ainsi, lorsque la sagesse des rois s'accorde librement avec le vœu des peuples, une Charte constitutionnelle peut être de longue durée; mais que, quand la

violence arrache des concessions à la faiblesse du gouvernement, la liberté publique n'est pas moins en danger que le trône même. Nous avons enfin cherché les principes de la Charte constitutionnelle dans le caractère français, et dans les monuments vénérables des siècles passés. Ainsi nous avons vu dans le renouvellement de la pairie une institution vraiment nationale, et qui doit lier tous les souvenirs à toutes les espérances, en réunissant les temps anciens et les temps modernes.

Nous avons remplacé par la chambre des députés, ces anciennes assemblées des champs de mars et de mai, et ces chambres du tiers-état, qui ont si souvent donné tout-à-la-fois des preuves de zèle pour les intérêts du peuple, de fidélité et de respect pour l'autorité des rois. En cherchant ainsi à renouer la chaîne des temps, que de funestes écarts avaient interrompue, nous avons effacé de notre souvenir, comme nous vou

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(1) Voyez à l'article Établissement public, la loi du 2 janvier 1817, d'après laquelle les établissements ecclésiastiques peuvent meubles ou rentes, qui leur seront donnés par actes entre-vifs accepter, avec l'autorisation du roi, tous les biens meubles, im ou de dernière volonté; ils peuvent aussi, avec la même autorisation, acquérir des immeubles ou des rentes.

les règles à suivre pour l'acquisition et l'emploi des dons et legs

Voyez l'ordonnance du roi du 2 avril 1817, qui détermine

faits aux établissements ecclésiastiques. Voyez aussi l'ordonnance du 10 juin 1814, relative aux dous et legs faits aux églises, etc.

aux lois qui doivent réprimer les abus de cette « 22, Le roi seul sanctionne et promulgue les liberté (1). lois (1).

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« 19. Les chambres ont la faculté de supplier le roi de proposer une loi sur quelqu'objet que ce soit, et d'indiquer ce qu'il leur paraît convenable que la loi contienne.

« 20. Cette demande être faite pourra par chacune des deux chambres, mais après avoir été discutée en comité secret. Elle ne sera envoyée à l'autre chambre par celle qui l'a proposée, qu'aprés un délai de dix jours.

« 21. Si la proposition est adoptée par l'autre chambre, elle sera mise sous les yeux du roi; si elle est rejetée, elle ne pourra être représentée dans la même session.

(1) Voyez les lois et ordonnances sur la liberté de la presse, des 21 octobre 1814, 20 juillet, 8 août, 9 octobre 1815, 28 février 1817, 17 et 26 mai, 9 juin 1818, et 17 et 25 mars 1822.

(2) Voyez l'article Expropriation pour cause d'utilité publique. (3) Voyez la loi du 10 mars 1818, sur le recrutement de

l'armée.

«

23. La liste civile est fixée pour toute la durée du règne, par la première législature assemblée depuis l'avénement du roi (2).

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<< 28.Les pairs ont entrée dans la chambre à vingtcinq ans, et voix délibérative à trente ans seulement.

« 29. La chambre des pairs est présidée par le chancelier de France, et, en son absence, par un pair nommé par le roi.

« 30. Les membres de la famille royale et les princes du sang,sont pairs par le droit de leur naissance. Ils siégent immédiatement après le président; mais ils n'ont voix délibérative qu'à vingtcinq ans.

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31. Les princes ne peuvent prendre séance à la chambre que de l'ordre du roi, exprimé pour chaque session par un message, à peine de nullité de tout ce qui aurait été fait en leur présence.

« 32. Toutes les délibérations de la chambre des pairs sont secrètes.

« 33. La chambre des pairs connaît des crimes de haute trahison et des attentats à la sûreté de l'état, qui seront définis par la loi.

« 34. Aucun pair ne peut être arrêté que de l'au torité de la chambre, et jugé que par elle en matière criminelle.

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(1) Voyez les ordonnances des 27 novembre 1816 et 15 jauvier 1817, concernant la promulgation des lois et ordonnances. (2) Voyez l'article Liste civile.

(3) Voyez l'ordonnance du 19 août concernant l'hérédité de la pairie, et les trois ordonnances du 25 août 1817 sur les titres et les majorats des pairs. Voyez aussi l'article Majorat.

(4) Voyez l'ordonnance du 5 septembre 1816 sur la convocation des colléges électoraux, la loi du 5 février 1817, celle du 29 juin 1820, et l'article Elections.

* 36. Chaque département aura le même nombre il doit en convoquer une nouvelle dans le délai de députés qu'il a eu jusqu'à présent (1).

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37. Les députés seront élus pour cinq ans, de manière que la chambre soit renouvelée, chaque année, par cinquième.

de trois mois.

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51. Aucune contrainte par corps ne peut être exercée contre un membre de la chambre, durant la session, et dans les six semaines qui l'auront précédée ou suivie.

« 52. Aucun membre de la chambre ne peut, pendant la durée de la session, être poursuivi ni arrêté en matière criminelle, sauf le cas de flagrant délit, qu'après que la chambre a permis

« 38. Aucuu député ne peut être admis dans la chambre, s'il n'est âgé de quarante ans, et s'il ne paie une contribution directe de mille francs (2). 39. Si néanmoins il ne se trouvait pas dans le département cinquante personnes de l'âge indiqué, payant au moins mille francs de contributions di-sa poursuite. rectes, leur nombre sera complété par les plus imposés au-dessous de mille francs, et ceux-ci pourront être élus concurremment avec les pre

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() Voyez l'ordonnance du 27 novembre 1816 sur la division en cinq séries des 86 départements du royaume, avec le con

tingent du nombre des députés pour chaque département, et la

loi du 29 juin 1820, sur les élections.

(2) Voyez la loi du 28 avril 1818, qui veut que pour être élu député on ait 40 ans accomplis, et que l'on paic 1000 f. de con tribution au moment de l'élection.

53. Toute pétition à l'une ou à l'autre des chambres ne peut être faite et représentée que par écrit. La loi interdit d'en apporter en personne et à la barre.

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58. Les juges nommés par le roi sont inamovibles.

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59. Les cours et tribunaux ordinaires actuellement existants sont maintenus. Il n'y sera rien changé qu'en vertu d'une loi.

« 60. L'institution actuelle des juges de commerce est conservée.

«61. La justice de paix est également conservée. Les juges-de-paix, quoique nommés par le roi, ne sont point inamovibles.

« 62. Nul ne pourra être distrait de ses juges

naturels.

a 63. Il ne pourra, en conséquence, être créé de commissions et tribunaux extraordinaires. Ne sont pas comprises sous cette dénomination, les juridictions prévôtales, si leur rétablissement est jugé nécessaire (1).

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64. Les débats seront publics en matière criminelle, à moins que cette publicité ne soit dan

(1) Eu exécution de cet article, des cours prévôtales avaient (3) Voyez la loi du 5 février 1817, qui détermine les condi- été établies, par la loi du 20 décembre 1815, jusqu'à la fin de la tions pour être électeur et éligible, et l'a.ticle Droits politiques. | session de 1817; elles sont aujourd'hui supprimées.

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