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par cinq arrêts des 24 juillet 1810, 6 juillet 1812, 10 et 17 mai, et 21 décembre 1820. Voici deux de ces arrêts, tels qu'ils sont rapportés au Bulletin civil:

l'affirmative par jugement du 5 octobre 1818, attendu que l'art. 690 du Code civil, d'après lequel les servitudes continues et apparentes s'acquièrent par la possession de trente ans, est introductif d'un droit nouveau en Normandie, où, 1re espèce. Les frères et sœurs Herblin avaient d'après l'art. 607 de la coutume, les servitudes fait notifier à Thomas - Jacques Hue, copie d'un ne pouvaient être acquises par possession ou par acte de vente, notarié le 19 octobre 1596, où l'on jouissance, fût-elle de cent ans, sans titre; que voit, ont-ils dit, que ladite vente fut consentie cet article 690 du Code civil ne pouvant avoir par Pierre Anquetil, dit le Bourg, maintenant d'effet rétroactif, il s'ensuit que dans la Nor-représenté par Hue, en faveur de Pierre Despraix, mandie, nulle servitude, quoique apparente et continue, ne peut être acquise qu'autant qu'il se serait écoulé trente ans de possession d'après la publication du Code civil; qu'ainsi dans ce pays, nul ne peut être présumé propriétaire d'une servitude parce qu'il en aura joui paisiblement pendant

un an ».

Mais, sur le pourvoi en cassation, ce jugement a été annulé, par arrêt du 15 avril 1822, au rapport de M. Ruperou, dont voici la teneur :

représenté par lesdits Herblin, consistant en une tierce-partie du droit de pressurer ou faire pressurer, piler ou faire piler dans le pressoir dit le beau-plan; avec sommation faite audit Hue, de remettre les clefs dudit pressoir, et, sur le refus, avec assignation de comparaître devant le juge de paix du canton d'Honfleur, pour voir, dire et juger qu'il serait tenu, les moyens du fond tenant état dans l'intérêt respectif des parties, de lever les obstacles qu'il avait apportés à la jouissance et possession que lesdits Herblin avaient de pressu

Vu l'art. 10, n° 11, tit. 3, de la loi du 24 août 1790, et l'art. 3, no 1, du Code de pro-rer à leur volonté, en se conformant aux clauses cédure civile;

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Attendu qu'il est demeuré pour constant au procès, que le sieur Lemoigne Larivière était en possession réelle et paisible, depuis plus d'un an et jour, de recevoir, pour l'irrigation de sa pièce de terre, l'eau coulant de celle du sieur Allain, qui a déclaré ne pas lui contester le droit de jouir de cette eau; que cet écoulement se faisait par une dalle apparente, construite de main d'homme et en grosses pierres, dans une banque mitoyenne qui sépare la terre du sieur Lemoigne de celle du sieur Allain; que le sieur Lemoigne, troublé dans sa possession, et même dépossédé par des travaux faits par le sieur Lesdos- Laporte dans la pièce du sieur Allain, a régulièrement formé, dans l'année du trouble et de la dépossession, sa demande en complainte et réintégrande, devant le juge de paix de la situation des terrains dont il s'agit; et qu'ainsi le tribunal civil de première instance de Cherbourg, en décidant que ce juge de paix avait incompétemment jugé, a violé ouvertement les règles de compétence tracées par les articles ci-dessus cités; par ces motifs, la cour casse.... »

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VII. Le principe qu'un droit réel-immobilier n'autorise la complainte qu'autant qu'il peut s'acquérir par la prescription, souffre une exception pour le cas où le complaignant se prévaut, à la fois, de la possession annale et d'un titre qui en est le fondement. Quoique alors le juge de paix ne puisse pas juger définitivement la validité du titre, il peut en ordonner provisoirement l'exé cution, sous le rapport de la possession, s'en servir pour juger le caractère de la possession, et accorder la jouissance provisoire à celui qui a la possession annale, accompagnée d'un titre, sous la réserve du droit des parties au fond. C'est ce que la cour de cassation, section civile, a jugé,

et conditions du titre; aux offres de prouver qu'ils avaient fait usage du tiers-droit de pressurer jusqu'à ce jour-là, sans aucun trouble ni empêchement, et notamment dans l'an précédant la citation; sauf toutefois à leur adversaire, à se pourvoir, s'il le jugeait à propos, au pétitoire, sans préjudice duquel le jugement à intervenir sur l'action en possession serait contre lui rendu et exécuté par provision. Ils avaient conclu en 50 francs de dommages-intérêts.

Le 3 février 1810, premier jugement, par lequel, sur l'exception d'incompétence, proposée par Hue, le jugé de paix retint la cause, et ordonna que les parties s'expliqueraient sur le fond.

Les parties ayant été entendues de nouveau autre jugement rendu le premier jour, par lequel les héritiers Herblin furent maintenus dans la possession du droit, pour un tiers, de piler ou pressurer fruits au pressoir le beau-plan, avec défense à Hue de les y troubler à l'avenir, et condamnation en 10 francs de dommages-intérêts.

Appel par Hue de ces deux jugements, pour cause d'incompétence, au tribunal de Pont-L'évêque. Les Herblin ont conclu à ce que l'appel fût rejeté, purement et simplement.

Le 20 juin 1810, jugement de ce tribunal, qui, sans avoir égard à la fin de non-recevoir, faisant droit sur l'appel, dit que par Hue il avait été bien appelé, et par le juge de paix mal et incompétemment jugé; en conséquence, annule le jugement dont était appel. Ce jugement fut motivé sur ce que, par l'art. 691 du Code civil, il est expressément dit que les servitudes discontinues et non apparentes ne peuvent s'acquérir que par titres, et nullement par la possession, même immémoriale; qu'il en résultait nécessairement, que l'action possessoire, en fait de servitude de cette espèce, ne pouvait avoir lieu; que cette consé

quence était appuyée sur la jurisprudence consacrée par la cour de cassation.

dont les frères et sœurs Herblin excipaient, était accompagnée d'un titre; que le juge de paix l'a envisagé comme un titre apparent; qu'il a donc pu regarder la possession comme n'étant pas précaire, ni l'effet d'une simple tolérance; que, par conséquent, il y a eu lieu à l'action possessoire, et que le juge de paix a été compétent;

a

Considérant, enfin, que les frères et sœurs Herblin n'ayant conclu qu'en 50 francs de dommages-intérêts, le jugement du juge de paix a été rendu en dernier ressort ;

C'est contre ce jugement, que les frères et sœurs Herblin se sont pourvus. Ils ont soutenu que le tribunal de Pont- L'évêque, en considérant l'action possessoire, pour les servitudes discontinues, comme abolie, même lorsque la possession était accompagnée d'un titre, avait faussement appliqué, et par cela même, violé l'art. 691 du Code civil; ils observèrent que la cour de cassation elle-même avait distingué entre ces deux cas. De son côté, le défendeur a reproduit le systême du jugement attaqué : il a ajouté qu'en voulant même admettre l'action possessoire et la compétence du juge de paix, lorsque la possession était accompagnée d'un titre, cela ne saurait s'ap-dent, sous le prétexte que la possession accompliquer qu'au cas où le titre n'était pas méconnu, et nullement à l'espèce où le titre avait été con

testé.

L'arrêt de cassation, du 6 juillet 1812, est ainsi

concu :

« D'où il suit que le tribunal de première intance, séant à Pont-L'évêque, en annulant, par son jugement du 20 juin 1810, celui du juge de paix du canton de Honfleur, du 3 février précé

pagnée d'un titre ne pouvait fonder l'action possessoire, ni la compétence du juge de paix, a violé l'art. 10 du titre 111 de la loi du 24 août 1790, et faussement appliqué l'art. 691 du Code civil, et l'art. 454 du Code de procédure civile; « Oui le rapport de M. Neveux, conseiller en Par ces motifs, la cour casse et annule le jula cour, et les conclusions de M. Pons, avocat-gement du tribunal de première instance de Pontgénéral; L'évêque, rendu entre les parties, le 20 juin 1810, ainsi que tout ce qui l'a suivi ou pourrait suivre, etc.

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Vu l'art. 10 du titre 11 de la loi du 24 août 1790, sur l'organisation judiciaire; l'art. 691 du Code civil, et l'art. 414 du Code de procédure civile;

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«

Considérant, d'un autre côté, que, si par l'effet du principe établi dans l'art. 691 du Code civil, la possession annale d'une servitude discontinue ne peut donner le droit de former l'action possessoire, c'est parce que la possession, dans cette matière, ne pouvant jamais conférer aucun droit à la propriété de la chose réclamée, est toujours censée précaire, et qu'elle manque, par conséquent, du caractère exigé par la loi; mais qu'il n'en est pas de même, lorsque cette possession est accompagnée de titre; qu'alors elle ne peut plus être l'effet d'une simple tolérance, ni être regardée comme précaire;

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Considérant que, si le juge de paix, chargé uniquement de statuer sur la possession, ne peut pas juger définitivement sur la validité du titre, il peut néanmoins en ordonner provisoirement l'exécution, sous le rapport de la possession, s'en servir pour juger du caractère de la possession, et accorder la jouissance provisoire à celui qui a une possession annale accompagnée d'un titre, sous la réserve du droit des parties du fond;

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Considérant que cet effet du titre ne peut être détruit par la seule contestation sur sa validité, et qu'il appartient au juge de paix de juger le mérite de cette contestation, quant au fait de la possession;

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Considérant que, dans l'espèce, la possession

a

. Fait et prononcé, etc. Section civile, ect. »

2o espèce. Les frères Jourdan, prétendant être en droit de mener paître leurs bestiaux sur les terres gastes et collines du sieur Cabasse, se sont pourvus contre lui devant le juge de paix de Marseille. Ils ont pris pour trouble à la possession dans laquelle ils avaient toujours été d'exercer ce droit, les empêchements de leur adversaire, et ils ont conclu à la main-levée possessoire et provisoire du droit de pacage, dont ils jouissaient de temps immémorial, et notamment depuis an et jour, en vertu de titres authentiques.

Le juge de paix ne méconnut pas sa compétence; mais il se fonda, pour les débouter de leur demande, par son jugement du 18 décembre 1816, sur une prétendue violation de l'autorité de la chose jugée par divers jugements, qui n'avaient pas été rendus entre eux et le défendeur.

Sur l'appel par eux interjeté de ce jugement au tribunal de Marseille, ce tribunal repoussa l'exception prise de la violation de la chose jugée, reconnut que la jouissance d'une servitude continue ne pouvait être établie que par titres, convint bien que les demandeurs produisaient des titres, mais pensa que ces titres étant contestés, l'examen n'en pourrait être fait que lorsque l'action serait intentée au pétitoire, et, par cette considération, se détermina à confirmer le jugement du juge de paix de Marseille, par son jugement du 15 décembre 1817.

C'est dans cette position que les demandeurs se sont pourvus en cassation, et ont soutenu que, lorsqu'une demande en maintenue possessoire de l'exercice d'une servitude discontinue était ap

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puyée sur des titres, les juges saisis de cette demaude ne pouvaient pas se dispenser d'examiner ces titres, encore qu'ils fussent contestés, afin de pouvoir accueillir l'action, si ces titres leur paraissaient établir une possession non précaire, et la repousser, s'ils ne paraissaient pas faire cesser la présomption de précaire; mais qu'en refusant d'examiner les titres par eux produits, par l'unique motif qu'ils étaient contestés, c'était évidemment, de la part de ces juges, violer la loi qui autorise l'exercice de l'action possessoire dans l'an du trouble, au profit de quiconque a une possession annale, paisible, et non entachée de précaire. La cour a accueilli ces moyens, et a rendu, en conséquence, le 17 mai 1820, l'arrêt de cassation dont la teneur suit:

«< Ouï le rapport de M. le conseiller Minier, chevalier de la légion-d'honneur; les observations de Lassis, avocat des demandeurs; celles de Nicod, avocat du défendeur, ainsi que les conclusions de M. l'avocat-général Cahier; et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil, le tout aux audiences du 2 de ce mois et de cejourd'hui ; Vu l'art. 23 du Code de procédure civile; Considérant, en droit, que l'article du Code de procédure précité, conforme aux lois anciennes, accorde l'action possessoire, dans l'année du trouble, à tous ceux qui étaient, depuis un an, au moins, en possession paisible, à titre non précaire, d'un héritage ou d'un droit réel;

«

«

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Que cela est surtout indispensable lorsqu'il s'agit, comme dans l'espèce, d'une servitude discontinue, dont le caractère ne peut être justifié que par des titres;

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Que si, dans l'examen qu'il fait, les titres lui paraissent établir clairement que la possession n'est pas précaire, il doit accueillir l'action possessoire; Que si, au contraire, il pense que les titres ne font pas cesser la présomption de précaire, attachée par la loi à la jouissance d'une servitude discontinue, soit parce qu'ils sont obscurs, soit parce qu'ils sont combattus par des moyens qui en rendent l'application douteuse, il doit, en exprimant son opinion à cet égard, rejeter l'action possessoire ;

« Mais que refuser d'examiner les titres, par cela seul qu'ils sont contestés, c'est s'exposer à favoriser l'injustice et violer la loi qui autorise l'action possessoire dans l'an du trouble, au profit de quiconque a une possession annale, paisible, et non entachée de précaire;

« Considérant, en fait, que les demandeurs invoquaient des titres qui, suivant eux, devaient prouver que leur possession n'était point à titre précaire; Que cependant le tribunal de Marseille a écarté

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Tome I.

ces titres, sans en faire aucun examen, et par seule raison qu'ils étaient contestés;

"

la

Qu'en prononçant ainsi, sans juger préalablement que les titres invoqués ne faisaient pas cesser la présomption de précaire, ce tribunal a violé l'art. 23 du Code de procédure civile, qui accorde l'action possessoire à tout possesseur paisible depuis un an, à titre non précaire:

« Par ces motifs, la cour casse et annule le jugement du tribunal civil de première instance de Marseille, du 15 décembre 1817, etc.

« Fait et jugé, etc. Section civile. » Les trois autres arrêts se trouvent dans Sirey, et dans le Bulletin civil, à leurs dates.

VIII. L'action en complainte est-elle ouverte pour faire cesser le trouble, apporté à l'exercice du droit de passage que la loi accorde à la nécessité, pour l'exploitation des fonds enclavés, qui constitue une servitude légale?

et

Voy. l'article Servitude, sect. 11, § VII, n° Iv. IX. Un sentier d'exploitation de terres, de vignobles ou de prairies, peut-il donner lieu à la complainte?

On peut dire que ce sentier est un simple droit de passage, une servitude discontinue qui ne peut s'acquérir par la prescription; que l'exercice d'un pareil droit est toujours réputé avoir lieu par tolérance lorsqu'il n'est pas appuyé d'un titre, et que les actes de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription. (Code civil, article 2232.)

Mais un arrêt de la cour de cassation, section des requêtes, du 29 octobre 1814 (Sirey, 1816, page 225), a rejeté le pourvoi en cassation dirigé contre un jugement qui avait admis la complainte en pareil cas, par le motif qu'une telle servitude suppose entre les propriétaires une convention antérieure, et que cette présomption suffit pour que le trouble dans la possession du passage autorise l'action en complainte.

Cet arrêt semble reposer sur un principe différent de celui que consacrent les arrêts rapportés ci-dessus, n° v; mais il a probablement été déterminé par la considération que le sentier dont il s'agissait était un passage nécessaire, et que constituant dès lors une servitude légale, et non une servitude conventionnelle, le trouble apporté à la possession a pu motiver l'action en complainte. Voy. Servitude, sect. II, § VII, n° Iv.

X. L'action en complainte est-elle ouverte au propriétaire du fonds, prétendu servant pour faire cesser l'exercice d'une servitude, qui est de nature à ne pouvoir être acquise que par titre?

Oui, certainement, si ce propriétaire prétend avoir une possession annale de franchise; car il est de principe que l'action en complainte est ouverte contre toute espèce de trouble dans l'exercice d'un droit qui peut s'acquérir par le seul effet de la possession et sans titre. Or, il n'y a nul doute que le propriétaire du fonds assujetti, même par

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« session paisible, par eux ou les leurs, à titre non précaire.

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titre, à une servitude qui ne peut s'acquérir que par cette voie, ne puisse prescrire par trente ans la libération de cette charge (Code civ., art. 706). Lorsqu'il est troublé dans l'exercice de sa possession annale de franchise, il peut donc prendre la voie de la complainte pour s'y faire maintenir. C'est aussi l'opinion de M. Merlin, questions de droit, tom. vi, vo Servitude, § 5, no 3.

XI. La complainte qui a pour objet un bien communal, est-elle de la compétence du juge de paix? Dès que ce bien est susceptible de prescription (Cod. civ., art. 2227), il peut donner lieu à une action possessoire; et comme la loi porte que toutes actions possessoires sont de la compétence du juge de paix, il en résulte que la question doit être résolue affirmativement. C'est aussi ce que la cour de cassation, section civile, a jugé, par arrêt du 10 novembre 1812, en annulant un jugement qui avait décidé le contraire. (Bulletin civil; - Sirey, 1813, page 149.)

Le Code de procédure ne dit pas que la possession doit être à titre de propriétaire, comme le veut l'article 2229 du Code civil quand il s'agit de celle qui est nécessaire pour prescrire la propriété; il suffit qu'elle soit à titre non précaire. On peut voir ci-après, § III, n° 1, les conséquences qui résultent de cette locution différente de la loi dans les deux cas.

Lorsque l'usufruit est éteint, le propriétaire peut-il joindre la possession de l'usufruitier à la sienne pour former l'action en complainte?

Non, « attendu que par ces mots, les siens ou autre qui la tienne en son nom, les art. 23 du Code de procédure, et 2228 du Code civil, ne désignent pas l'usufruitier qui ne possède pas pour et au nom du propriétaire, mais qui possède pour lui-même et en son nom personnel, qui ne jouit pas à titre de tolérance de la part XII. Le juge de paix est-il compétent pour du propriétaire, mais en vertu de la disposition statuer sur la complainte de celui qui est troublé expresse de la loi qui considère l'usufruit comme dans la possession annale d'un héritage d'origine une partie de la propriété (loi 7 ff., de usufructu); nationale, lorsque l'auteur du trouble s'étaie d'un dont enfin le droit s'éteint par son décès, et dans titre émané de l'autorité administrative? lequel, par conséquent, personne ne lui succède. » La raison de douter est que l'autorité adminis-Ce sont les termes d'un arrêt de la cour de castrative est seule compétente pour statuer sur les difficultés qui s'élèvent entre les acquéreurs de domaines nationaux, et que d'ailleurs les tribunaux ne peuvent pas connaître de l'exécution ou de l'interprétation d'un acte administratif.

Voy. Compétence administrative.

La raison de décider est que les contestations entre acquéreurs de domaines nationaux ne sont de la compétence de l'autorité administrative, que lorsqu'elles sont relatives au fond. Ce principe a été solennellement proclamé par un décret du 24 mars 1806. D'où il suit que dans notre espèce, la complainte doit être jugée par le juge de paix.

La cour de cassation, section civile, l'a ainsi décidé, par arrêt du 23 août 1810, en annulant un jugement du tribunal civil de Toul qui avait jugé le contraire. (Bull. civil; --- Sirey, 1814, page 60.)

S II.

Des conditions nécessaires pour intenter complainte. I. Pour avoir droit de former l'action en complainte, il faut,

1o Avoir possédé paisiblement, publiquement, pendant une année au moins, à titre non précaire; 2o Que le trouble dont se plaint le demandeur, ait eu lieu dans l'année (Cod. de proc., art. 23.) Celui qui ne possède que depuis quelques mois ou quelques jours, peut compléter l'année de sa possession, en joignant la sienne à celle de son auteur, de quelque manière qu'il l'ait remplacé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux. C'est ce que l'article 23 du Code de procédure exprime par ces mots : « ceux * qui depuis une année, au moins, étaient en pos

|

sation du 6 mars 1822, au rapport de M. Poriquet, qui a cassé un jugement du tribunal civil de Clermont. (Bulletin civil, 1812, page 68.)

II. La loi n'exigeant qu'une possession annale, paisible, publique, à titre de propriétaire, pour autoriser la complainte en cas de trouble, il en résulte qu'il n'y a pas lieu d'examiner si la possession est de bonne où de mauvaise foi. En cette matière il ne s'agit pas du droit, mais seulement du fait de la possession. Il suffit donc que quelqu'un ait de fait la possession d'un héritage pour qu'il soit fondé à intenter la complainte contre tous ceux qui l'y troublent, quels qu'ils soient. (Pothier, Traité de la possession, chap. 6, sect. 2, § 3.)

III. Doit-on conclure de là qu'il suffit d'avoir matériellement possédé un héritage ou un droit réel pendant un an et un jour, pour avoir nécessairement droit d'y être maintenu en cas de trouble?

Non; il faut encore examiner si c'est une véritable possession, et si les circonstances ne lui im. priment pas le caractère de simple tolérance ou tout autre vice qui rend la possession inefficace. Et alors on voit que la décision est subordonnée aux circonstances particulières qu'il appartient au juge du fond d'apprécier. En voici deux exemples:

re

1e espèce. Un jugement du 10 pluviose an v avait maintenu la dame Daudiran, représentée par les sieurs Guieux et Choix, dans la possession exclusive d'une ruelle; et défenses avaient été faites au sieur Plan-de-Syeyes de l'y troubler.

Ce dernier continua cependant de se servir de la ruelle. En janvier 1807, il forma une action en complainte, pour être maintenu dans sa pos

session plus qu'annale, et sa demande fut accueil- | sur complainte ne vaut....; que tels sont les prinlie par le juge de paix. cipes consacrés par la cour de cassation, dans son arrêt du 12 juin 1809. »

Sur l'appel, le tribunal de Digne infirme ce jugement, attendu que celui de lan v imprimait à la possession de Plan-de-Syeyes le caractère de simple tolérance. - Et sur le pourvoi en cassation, arrêt du 12 juin 1809, au rapport de M. Audier-Massillon, par lequel,

α

Attendu que la dame Daudiran, aujourd'hui représentée par Guieux et Choix, avait été maintenue dans la possession et jouissance du local contentieux, par jugement du 10 pluviose an v, qui avait acquis, entre les parties, l'autorité de la chose jugée; que le même jugement fait défenses à Suillet, dont Plan-de-Syeyes a pris le fait et cause, de troubler la dame Daudiron dans sa possession; que la jouissance que ledit Suillet a pu avoir après la signification de ce jugement n'a pu être que précaire, et que cette jouissance n'ayant pas le caractère exigé par la loi, n'a pu lui acquérir aucun droit, moins encore anéantir ce jugement; - la cour rejette.... » 2o espèce. Le 5 nivose an vii, un jugement au possessoire fait défenses au sieur Provôt d'user d'un droit de prise d'eau, qu'il prétendait avoir sur un héritage appartenant au sieur Magistry.

Le sieur Pardoux-Velleaud a succédé au sieur Magistry; et, en 1806, le sieur Jouannet a acquis le pré pour lequel le sieur Provôt avait prétendu le droit de prise d'eau en question.

Le 14 octobre 1816, le sieur Jouannet, disant avoir pris, sans interruption depuis son acquisition, sur l'héritage de Pardoux-Velleaud, les eaux nécessaires pour l'irrigation du sien, cite celui-ci devant le juge de paix de Chambon, par voie de complainte, pour l'avoir troublé dans la possession plus qu'annale, où il soutenait être, de jouir de ces eaux.

Pour moyen de défenses, Pardoux-Velleaud oppose le jugement rendu contre Provôt le 5 nivose an vii, qui a l'autorité de la chose jugée contre Jouannet, comme vis-à-vis de Provôt son vendeur; que, par conséquent, toute possession ultérieure de Jouannet ne peut être que précaire et inefficace pour fonder l'action en complainte. 11 conclut dès lors à ce que le juge de paix se déclare incompétent.

Le 18 du même mois d'octobre, jugement par lequel le juge de paix rejette l'exception d'incompétence, et ordonne aux parties de plaider au -fond.

Le sieur Velleaud appelle de ce jugement; et, le 11 février 1817, le tribunal civil de Chambon, réformant la décision du juge de paix, déclare Jouannet non recevable dans sa demande, — attendu qu'il est de principe que celui qui, après avoir succombé dans sa possession, a joui depuis an et jour, ne peut plus demander à être maintenu dans cette même possession qui n'est que précaire, par suite de la maxime complainte

Pourvoi en cassation de la part du sieur Jouannet, pour fausse application de l'autorité de la chose jugée, et violation de l'article 23 du Code de procédure civile. Il est bien vrai, dit-il, en principe général, que les jugements rendus contre le vendeur, avant la vente, ont l'autorité de la chose jugée contre l'acquéreur; mais ce principe souffre exception toutes les fois qu'il s'agit de possession ou de prescription, parce que le fait de possession est propre à son auteur, et ne fait point partie des droits transmis par la vente. S'il en était autrement, il faudrait dire qu'on ne peut jamais prescrire contre celui qui a été déclaré propriétaire par un jugement; or, c'est ce qui est insoutenable. La possession est un fait patent, isolé de la vente ; et dès qu'elle a lieu à titre de propriétaire, elle ne saurait être inefficace. Quant an principe complainte sur complainte ne vaut, le jugement attaqué en a fait l'application la plus fausse. Il signifie que deux actions possessoires ne peuvent pas être simultanément intentées par deux personnes différentes pour le même héritage, parce que la possession, comme la propriété, est indivisible, et qu'on ne peut pas avoir une semi-possession. Le tribunal de Chambon a donc à tort appliqué le principe de la chose jugée; il devait examiner le caractère de la possession articulée; et il n'a pu se soustraire à cette obligation sans violer la loi. Mais par arrêt de la section des requêtes, du 17 mars 1819, au rapport de M. Joubert,

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Effectivement, dans ces deux espèces, les juges du fond, chargés d'apprécier les circonstances de fait, avaient décidé que la possession invoquée et contraire à des jugements passés en force de chose jugée, n'avait pas les caractères voulus par la loi pour fonder l'action en complainte ; qu'elle n'était que précaire. La cour regulatrice ne pouvait donc manquer de rejeter les pourvois dirigés contre des décisions ainsi motivées.

ou

IV. La possession de celui qui forme l'action en complainte doit être publique, cela résulte de la combinaison des art. 23 du Code de procédure et 2229 du Code civil. Mais est-il nécessaire qu'elle l'ait été pendant toute l'année, suffit-il qu'elle l'ait été au commencement? Ainsi, par exemple, si elle n'était pas d'abord clandestine, est-elle infectée de ce vice si le possesseur la cache ensuite à celui qui pourrait réclamer? Cette difficulté est résolue par la loi 6 ff. de Acq. poss., qui porte

1s

qui quùm vossideret non clàm, se celavit, in

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