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se plaindre existait depuis plus d'un an, et que, sous ce rapport, elle serait non recevable; mais qu'elle entendait uniquement provoquer, par provision, une mesure conservatoire, que l'équité semblait devoir accorder au titre le plus apparent, et que le tribunal pouvait, par conséquent, prononcer, sans cumuler le possessoire avec le pétitoire. Le 28 novembre 1816, jugement du tribunal civil d'Arles, qui rejette la demande en possession provisoire de la dame Lubières, renvoie les parties, sur cette demande, devant le juge compétent, et ordonne qu'il sera donné suite à l'action au pétitoire dont il reste saisi. Sur l'appel, la dame de Lubières a reproduit les conclusions sur la jouissance provisoire par elle prise en première instance; et la cour royale d'Aix les a accueillies par un arrêt du 14 juin 1817, dont voici les motifs : « Attendu que la jouissance provisoire est due à celui qui a le dernier état en sa faveur; que la teneur et le résultat des titres ne sont à considérer que lorsque les parties en viennent au pétitoire, et que jusque là la possession paisible pendant l'an et jour est le seul point à considérer; qu'à la vérité, la dame de Lubières a reconnu ne pouvoir exercer une action possessoire, mais que, d'un autre côté, on peut dire que le sieur Gilles ne se présente pas comme ayant eu, d'une manière incontestable, une paisible possession pendant et au-delà d'un an; attendu que le titre, invoqué par le sieur Gilles, sera examiné et apprécié lors du jugement sur le pétitoire; mais qu'en l'état, et d'après ce qu'on lit dans les pièces du procès, il n'est pas suffisamment justifié que ce soit d'après ce titre, et non comme ayant usé d'un droit communal, que ledit Gilles ait possédé; que dès lors il ne pourrait se fonder sur sa possession pour repousser les fins provisoires de la dame de Lubières, ce qu'il ne saurait obtenir qu'à la faveur d'une possession non-seulement annuelle, mais paisible, mais exercée avec l'esprit et l'intention d'user d'une faculté qui lui fût propre et indépendante d'un droit communal, auquel il eût participé avec tous les habitants d'Eyguières; — attendu enfin que, dans le doute, et lorsqu'il n'est pas suffisamment établi que la possession a été paisible, et qu'elle a eu son principe dans un titre jusque là non contesté, il est de règle que l'état provisoire est accordé à celle des parties qui a le titre de propriété le plus apparent, sans rien préjuger au fond; en conséquence, la cour infirme le jugement du tribunal civil d'Arles; accorde à la dame de Lubières la possession provisoire des montagnes de Sainte-Cécile et de Vandelèque, et fait défenses au sieur Gilles de les fréquenter avec ses bestiaux. »

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Le sieur Gilles se pourvoit en cassation et se fonde sur deux moyens. Le premier est pris d'une violation de l'art. 10 du tit. 111 de la loi du 24 août 1790, et des art. 2 et 3 du Code de procédure

civile, qui donnait au juge de paix la connaissance de toute nature possessoire. Si, d'ailleurs, la cour eût eu ce droit de statuer sur une question purement possessoire, elle n'eût pas dû accorder la possession provisoire à la dame de Lubières, qui avait reconnu n'avoir pas une possession annale en sa faveur. Le second moyen est tiré d'une violation de l'art. 25 du Code de procédure qui défend de cumuler le possessoire et le pétitoire. La cour d'Aix était saisie de l'action pétitoire de la dame de Lubières; elle ne pouvait donc s'occuper d'une question possessoire, survenue incidemment dans l'instance. Et vainement l'arrêt a voulu éluder la difficulté, en disant qu'il ne prononce pas sur une action possessoire, mais bien sur une demande en jouissance provisoire; car la loi ne connaît que deux manières d'agir sur les immeubles, le pétitoire qui regarde la propriété, et le possessoire qui concerne la possession; et elle défend de jamais les cumuler. Or, une demande en jouissance provisoire est essentiellement une action possessoire, puisqu'elle ne concerne que la possession : la cour d'Aix, juge du pétitoire, ne pouvait donc y statuer, sans connaître entre les mêmes parties, et dans la même instance, du possessoire et du pétitoire. Si elle ne se croyait pas encore assez éclairée pour statuer sur le pétitoire qui entraîne toujours le possessoire, elle pouvait séquestrer provisoirement la possession, conformément à l'art. 1961 du Code civil, mais elle ne pouvait pas la remettre entre les mains de l'une des parties litigantes.

La dame de Lubières a répndu, 1° que l'arrêt dénoncé n'est ni définitif ni interlocutoire; que dès lors il n'y a pas lieu de l'attaquer avant le jugement du fonds; 2o que la possession eût pu être séquestrée, d'après l'art. 1961 du Code civil; mais que cet article n'est pas tellement impératif, qu'il ne soit laissé à la prudence du juge, d'ordonner toute autre mesure conservatoire; 3° que dans le cas même où la demande provisoire pourrait être considérée comme une action possessoire, il appartenait à la cour, saisie du principal, d'en connaître, suivant la maxime enseignée par tous les auteurs, causa principalis trahit ad se minorem.

Ce système de défaut n'a pas été accueilli, et par arrêt du 4 août 1819, au rapport de M. Henri-Larivière ; « la cour, sur la fin de nonrecevoir, — attendu que tout arrêt ou jugement en dernier ressort qui fait définitivement droit, soit sur le fond, soit sur un incident, soit sur une demande provisoire, est susceptible de recours en cassation; et attendu que,' dans l'espèce, l'arrêt attaqué a définitivement prononcé sur une demande provisoire;'· rejette la fin de non-recevoir;- statuant au fond, vu l'art. 25 du Code de procédure, qui porte que le possessoire et le pétitoire ne seront jamais cumulés; attendu que l'action provisoire dont il s'agit, constituait une action possessoire dont la connaissance était

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exclusivement dévolue au juge de paix, et qu'en prononçant sur les fins provisoires de la dame de Lubières, la cour royale d'Aix a cumulé le possessoire et le pétitoire, et par conséquent violé l'art. 25 du Code précité : casse...

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XIV. Celui qui a la possession annale, est présumé propriétaire, en sorte qu'il ne peut être dépossédé que par celui qui prouve son droit de propriété. Lors donc que le possesseur troublé n'a pas de titre de propriété, ou n'en a que d'équivoques, il a grand intérêt de ne former qu'une action en complainte, paree que la possession d'une année est un fait facile à vérifier, et que si l'auteur du trouble ne justifie pas en définitive de sa propriété par des titres valables, la propriété du fonds litigieux demeurera au possesseur (LL. 125 et 128, ff. de reg. jur. 2, ff. de probat. et præsumptionib. et 23, Cod. cod. tit. Pothier, Traité de la possession, no 88 et 104.)

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Louis, liv. 1r, chap. vi ), mais il doit demander saisine en toute œuvre.

Ces principes ont été formellement consacrés par l'art. 2 du tit. xvr de l'ordonnance de 1667, qui est ainsi conçu :

« Celui qui aura été dépossédé, par violence ou voie de fait, pourra demander la réintégrande « par action civile ou ordinaire, ou extraordinai«rement par action criminelle; et s'il a choisi l'une de ces deux actions, il ne pourra se servir de l'autre, si ce n'est qu'en prononçant sur « l'extraordinaire, on lui eût réservé l'action ci« vile ».

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III. Le silence que garde le Code de procédure civile sur la réintégrande, est remarquable; mais tout ce qui en résulte, c'est que sur cette matière, le législateur a entendu se référer aux anciens principes. Cela est si vrai, que le Code civil a expressément maintenu la réintégrande par l'art. b2060 qui porte Lá contrainte par corps a CORSO SECTION II. SYGDOM CON« lieu pareillement, r....; 2o en cas de réinDe la réintégrande.' : Hoe 291102e od tégrande pour le délaissement, ordonné par justice, d'un fonds dont le propriétaire à été « dépouillé par voie de fait, pour la restitution des fruits qui en ont été perçus pendant l'indue possession, et pour le paiement des dommages« intérêts adjugés au propriétaire...

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I. Toute société est fondée sur ces deux principes, que les membres de l'ordre social seront soumis aux lois, et que chacun d'eux s'engage à « demander aux magistrats la justice qu'il eroit lui être due. La nation où il serait permis de se faire justice à soi-même, tomberait en dissolution, elle porterait dans son organisation un vice destructeur.› {9}{ » 9111) 1151

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Les motifs de cette disposition sont sensibles, a dit l'orateur du tribunat. Il y a eu une voie de fait qui excite l'animadversion des lois et qni appelle une répression sévère et une prompte ré

D'un autre côté, il est certain que cette action est essentiellement possessofre : tous les auteurs en sont d'accord; Pothier, M. Henrion de Pansey, M. Merlin, la jurisprudence de la cour de cassation, tout concourt à le démontrer.

Celui donc, qui de son autorité privée, s'em-paration. » pare d'un heritage qu'il eroit lui appartenir, Après une disposition aussi formelle, il ne peut contre la volonté de celui qui en a la détention rester aucun doute raisonnable sur le maintien actuelle, enfreint l'une des bases fondamentales de la réintégrande, dans la législation moderne, de l'ordre social; it commet une violence ou conformément aux anciens principes. voie de fait qui ne peut être trop promptement réprimée, et qui doit l'être dès que la partie offensée en forme sa demande. Voilà le motif et le fondement de la réintégrande. Et l'on sent de suite combien elle est étroitement liée au main tien du bon ordre. On sent aussi pourquoi elle n'a pas lieu pour les meubles; c'est qu'en fait de meubles, la possession vaut titre ; comme le dit l'art. 2279 du Code civil. Ils ne peuvent être l'objet que d'actions civiles en revendication, ou d'actions criminelles pour soustraction frauduleuse.

Or, d'après la loi du 24 août 1790 et le Code de procédure civile, le juge de paix connaît de toutes les actions possessoires.

Ainsi voilà trois principes constants: la réintégrande est une action possessoire, elle est maintenue et consacrée par le Code civil, et doit être portée devant le juge de paix de la situation de l'objet litigieux.

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IV. Cependant l'intérêt particulier n'est pas de suite tombé d'accord de ces vérités évidentes.

H. La réintégrande telle qu'elle existe en France, a son origine dans le droit romain: de nombreuses lois établissent que celui qui a été dépouillé de l'héritage qu'il possédait, per vim, ce que nos lois ont traduit par violence ou voie Le Code de procédure civile, a-t-on dit, consacre de fait peat porter sa plainte devant le juge de un titre entier à poser les principes et régler le la voie civile ou criminelle, et, de prime abord, mode des jugements sur les actions possessoires. se faire réintégrer dans la possession dont il a été Il n'en admet aucune, qu'autant qu'elle est fonainsi dépouillé. Cette réintégration est préjudi- dée sur une possession annale, à titre non précielle à toute autre discussion; de là la maxime caire. Dans l'ancienne législation, la réintégrande de tout temps admise parmi nous, spoliatus ante n'avait pas besoin d'être fondée sur une possesomnia restituendus. Nul ne doit, en nullecour, plai- sion annale; elle n'avait pas besoin non plus der dessaisi ( portent les établissements de Saint-d'être à titre non précaire: donc le Code de pro

cédure n'a maintenu cette action, qu'autant qu'elle | tion civile et ordinaire; -- considérant que la deest présentée avec toutes les conditions qu'il exige pour intenter les actions possessoires.

Mais c'est étrangement abuser du Code de procédure civile, et vouloir lui faire dire ce qu'il ne dit pas. Quel est son objet? Son titre l'indique d'une manière précise, c'est de régler la procédure civile. « Toutes lois, porte l'art. 1041, cou« tumes, usages et réglements relatifs à la procé« dure civile, sont abrogés. » Il ne s'occupe donc pas du fond du droit; il n'entend donc pas apporter de modifications au fond du droit. Il laisse dès lors dans toute sa force l'ancienne législation sur la réintégrande, reconnue et consacrée en termes exprès par l'art. 2060 du Code civil, en tout ce qui n'est pas contraire aux lois modernes. Une exception a été faite au but général que le législateur s'est proposé dans le Code de procédure civile, et elle se trouve dans l'art. 834, qui a modifié le Code civil, relativement à l'effet que produit la transcription des actes translatifs de propriétés immobilières. Mais on peut voir au mot Transcription, n° 1, avec quelle solennité cette exception à l'objet du Code de procédure, a été discutée et annoncée par le législateur luimême; et c'est assez dire que ce Code n'a pu, par son silence, abolir la réintégrande qui tient certainement au fond du droit.

Cette doctrine, au surplus, a été expressément consacrée par la cour régulatrice, qui a décidé, 1° que la possession annale n'est pas nécessaire pour intenter l'action en réintégrande; -2° qu'elle peut être formée par un simple fermier;-3° qu'elle est de la compétence du juge de paix. Voici l'espèce:

Le 24 septembre 1816, le sieur Dauphinot, fermier d'une pièce de terre appartenant à l'hôpital de la ville de Vouziers, forme contre la dame Dea une action en réintégrande, devant le juge de paix du canton d'Attigny. Il prétend que, par un déplacement de borne ou de clôture, elle s'est emparée d'environ trois mètres de terrain, sur la pièce de terre de l'hôpital, et conclut à être réintégré dans la possession de ce terrain, et à 20 fr. de dommages-intérêts. La dame Dea oppose à cette demande deux fins de non-recevoir; 1o défaut de qualité du sieur Dauphinot pour intenter une action possessoire, en ce qu'il n'est que fermier et conséquemment possesseur précaire du terrain litigieux; 2° défaut de possession annale, sans laquelle aucune action possessoire n'est admissible. 26 septembre 1816, jugement par le quel le juge de paix « considérant que le sieur Dauphinot se plaint d'une entreprise faite sur une pièce de terre qu'il exploite; que si la dame Dea l'a commise, c'est une voie de fait;-considérant qu'aux termes de l'art. 2 du tit. xvIII de l'ordonnance de 1667, qui n'est abrogé par aucune loi, celui qui aura été dépossédé par violence ou voie de fait, pourra demander la réintégrande par ac

mande dont il s'agit est une véritable réintégrande et non une demande en complainte possessoire, que toute demande en réintégrande peut être formée par un fermier ou toute autre personne qui cultive; que cette action est fondée sur le principe que, dans la société, on ne peut pas se rendre justice à soi-même, et que celui qui se rend coupable d'une voie de fait illicite, doit, avant tout, rétablir les lieux dans leur ancien état; considérant qu'il n'est pas nécessaire, comme dans l'action possessoire, d'avoir la possession annale; qu'il suffit de prouver que l'on possédait au moment de la spoliation; que ces principes ont, toujours, et de temps immémorial, été reconnus dans l'ordre judiciaire; qu'ils sont adoptés par des auteurs célèbres et par la cour de cassation; -considérant que nous ne pouvons, dès à présent, prononcer sur la demande dont il s'agit, sans avoir auparavant vérifié les faits d'expertise, et qu'ils ne soient constatés légalement....— en conséquence, rejette les fins de non-recevoir opposées par la dame Dea, et ordonne qu'une descente sur les lieux et une expertise auront lieu, en présence des parties. » »Par jugement définitif, et après descente sur les lieux et expertise, le juge de paix a condamné la dame Dea a réintégrer le sieur Dauphinot dans la possession du terrain par elle usurpé, et aux dépens liquidés à 26 fr., pour tous dommages-intérêts. »

Appel de la part de la dame Dea devant le tribunal de Vouziers; et le 16 avril 1817, jugement qui déclare cet appel non recevable, « attendu que le sieur Dauphinot n'avait conclu qu'à 20 fr. de dommages-intérêts, et qu'ainsi le juge de paix avait été compétent pour statuer en dernier ressort. »

Pourvoi en cassation pour violation des art. 3 et 23 du Code de procédure civile. D'après ces articles, a dit la demanderesse, le juge de paix connaît des actions possessoires formées dans l'année du trouble, par ceux qui, depuis une année, au moins, étaient en possession paisible par eux ou les leurs, à titre non précaire. Comme simple fermier, le sieur Dauphinot n'avait pas une véritable possession; il détenait la chose pour autrui; il était détenteur précaire comme le dit expressément l'article 2236 du Code civil. Il n'avait dès lors pas qualité pour agir au possessoire.

D'un autre côté il n'avait pas la possession annale du terrain litigieux; il ne l'a pas allégué du moins, et le juge de paix a décidé que cette possession ne lui était pas nécessaire; mais c'est une violation manifeste de la loi qui ne reconnaît aucune action possessoire sans possession annale.

Le tribunal de Vouziers est sorti de la question pour confirmer la sentence du juge de paix. Il a dit que le sieur Dauphinot n'ayant conclu qu'à 20 fr. de dommages-intérêts, le juge de paix avait statué en dernier ressort ; mais ce n'était pas de

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cela qu'il s'agissait. Le sieur Dauphinot, en sa | enregistré le 13 juillet 1818 seulement, les frères qualité de simple fermier, pouvait-il former l'ac- Dumas, pour s'acquitter d'une somme de 2789 f. tion en réintégrande? Peut-on prendre cette voie qu'ils devaient an sieur Raymond Dupuy, lui donsans avoir la possession annale? Voilà les ques- nent à antichrèse une pièce de vigne, dépendante tions que le tribunal avait à résoudre. Il ne les a du domaiue de Clérac, dont ils avaient l'usuimplicitement jugées en faveur du sieur Dauphi- fruit, et lui abandonnent la jouissance de cette not, qu'en se plaçant à côté de la difficulté; mais vigne, jusqu'à parfait paiement.-Le sieur Dupuy, en cela il a expressément violé la loi. et ensuite ses héritiers, en sont entrés en jouissance dès le mois d'août 1813. Le 25 janvier 1818, acte notarié par lequel les frères Dumas cèdent leur usufruit de la terre de Clérac au sieur Giraud qui en avait la nue propriété. Celui-ci s'étant dès lors opposé par violence à ce que les héritiers Dupuy continuassent d'exercer leur droit de jouissance sur la pièce de vigne qu'ils tenaient à titre d'antichrèse, ils l'actionnent en réintégrande devant le juge de paix et demandent à être maintenus dans leur possession.-Giraud les a soutenus non recevables dans leur demande parce que ne jouissant qu'à titre d'antichrèse, ils n'avaient pas la possession annale à titre non précaire exigée par l'art. 23 du Code de procédure civile, pour former une action possessoire; et le 31 juillet 1818, un jugement du juge de paix de Blaye accueille cette défense et les déclare non recevables dans leur demande. Mais sur l'appel, ce jugement a été infirmé par jugement du tribunal civil de Blaye du 29 août suivant, qui faisant droit à la demande des héritiers Dupuy, les a réintégrés dans la possession de la vigne en question.

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Ces moyens n'ont pas été accueillis; et, par arrêt de la section des requêtes, du 10 novembre 1819, au rapport de M. Lasagny, —« la cour, attendu, en droit, 1o que l'action en réintégrande à la suite d'une entreprise ou voie de fait, appartenant à la classe des actions possessoires, est incontestablement de la compétence des juges de paix; -attendu 2o que cette action, comme toutes celles qui ont pour objet la répression du délit, ou du quasi-délit, est particulièrement introduite en faveur de l'ordre et de la tranquillité publique, et que, sans influence sur les droits respectifs, les parties demeurent libres de les exercer, comme auparavant, soit au possessoire, soit au pétitoire; d'où il résulte que pour décider si le jugement qui a statué sur une action de cette espèce est sujet ou non à l'appel, il faut uniquement considérer la somme demandée pour dommages-intérêts; — et attendu, en fait, qu'il s'agit, dans l'espèce, d'une action en réintégrande, intentée à la suite d'une entreprise ou voie de fait; que Dauphinot a demandé pour dommages-intérêts la somme de 20 francs, et que le jugement ne lui a accordé pour tous dommages-intérêts, que le remboursement des dépens liquidés à 26 fr.;que dans ces circonstances, en décidant que l'appel interjeté du jugement du juge de paix n'était point recevable, le jugement attaqué a fait une juste application des lois de la matière,-rejette...» Il faut mettre hors ligne la partie de cet arrêt qui porte que Dauphinot n'ayant accompagné sa demande en réintégrande, que d'une demande de 20 fr. de dommages-intérêts, le juge de paix avait prononcé en dernier ressort. Ce point de droit se liait alors à une jurisprudence que la cour, sections réunies, a depuis rétractée, par son arrêt du 25 mai 1822, rapporté ci-dessus, sect. 1, § v, no viii.

Pourvoi en cassation de la part du sieur Giraud pour prétendue fausse application de l'article 23 du Code de procédure civile.

!

Mais le 16 mai 1820, arrêt, rendu à mon rapport, sur les conclusions conformes de M. Lebeau, avocat-général, par lequel,

Vu l'art. 23 du Code de procédure civile ; « Considérant que les héritiers du sieur Raymond Dupuy n'avaient exercé devant le juge de paix qu'une simple action en réintégrande de la vigne dont ils jouissaient à titre d'antichrèse, par eux ou leur auteur, depuis l'abandon qui en avait été fait au sieur Dupuy, par acte sous seing-privé du 23 août 1813; a derasan

« Considérant que celui qui a été violemment dépouillé de sa possession doit y être réintégré, et que les héritiers Dupuy se trouvant dans ce cas, le jugement attaqué, en les réintégrant, a fait une juste application de la loi; –

Mais à l'exception de ce qui touche le dernier ressort, cet arrêt du 10 novembre 1819 consacre les anciens, les vrais principes; il exprime les sentiments dont la cour est animée pour le maintien du bon ordre, qui serait incessamment trou-jette.....» blé, si l'on rejetait la réintégrande, et si, par suite, on laissait le champ libre aux hommes violents, toujours disposés à se faire justice euxmêmes, sans respect pour les lois et sans égard pour les droits d'autrui.

Dès l'année suivante, en effet, la cour a eu occasion de proclamer les mêmes principes. Par acte sous seing-privé, du 23 août 1813,

Tome I

- la cour re

Après une jurisprudence ainsi établie, on ne peut plus sans témérité soutenir que la réintégrande a été abrogée par le Code de procédure.

V. L'art. 2, du titre xvIII de l'ordonnance de 1667, rapporté ci-dessus, donne au demandeur en réintégrande la faculté d'agir, à son choix, par la voie civile ou par la voie criminelle. On a vu qu'il est hors de doute que la voie civile lui est

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ouverte; mais peut-il encore prendre la voie cri- | encore, quoique non renouvelées par le Code

minelle ?

pénal de 1810, toutes celles des dispositions des Pierre-Prosper Belonchart, Marie-Catherine lois et réglements antérieurs à ce Code, qui sont Caboche, sa femme, et Adrien Benoît, ont été relatifs à la police rurale et forestière, à l'état cicondamnés, par des jugements passés en force de vil, aux maisons de jeu, aux loteries non autochose jugée, au délaissement de terres laboura- risées par la loi, et autres objets semblables que bles. Ces jugements avaient déja reçu leur exé-ce Code ne traite que dans quelques-unes de leurs cution par la mise en possession des parties qui branches; les avaient obtenus, lorsqu'elle a été interrompue Mais que la loi du 22 floréal an 2 appartient par Belonchart, sa femme et Benoît, qui se sont à une autre cathégorie, qu'elle rentre par son permis des voies de fait consistant à ensemencer objet sous la rubrique, résistance, désobéissance, les terres dont le délaissement avait été ordonné, et autres manquements envers l'autorité publique, et qui déja étaient labourées par les véritables qui forme l'intitulé de la sect. iv, du chap. 111, propriétaires. du tit. 1o, du liv. I du Code pénal de 1810; et que si elle ne se trouve pas dans cette section, qui règle véritablement et à fond toute la matière comprise dans sa rubrique, et si elle n'y est pas remplacée par une disposition correspondante à ce qu'elle avait statué, c'est une preuve que le législateur a voulu l'abroger et ne faire à l'avenir dériver du fait qu'elle aurait caractérisé et qualifié de crime, qu'une action purement civile:

Belonchart, sa femme et Benoît, ont été poursuivis par la voie criminelle, comme prévenus du crime prévu par l'art. 2, de la loi du 22 floréal an 2, qui punit de peines afflictives ceux qui, après l'exécution des actes émanés de l'autorité publique, emploieraient des violences ou des voies de fait pour interrompre cette exécution, ou en faire cesser l'effet.

L'affaire portée devant la cour d'Amiens, la chambre d'accusation n'a vu dans les simples voies de fait en question, ni crime, ni délit, ni contravention, et, par arrêt du 7 mai 1811, a ordonné la mise en liberté des prévenus.

Le ministère public s'est pourvu en cassation, et, sur sa demande, l'arrêt d'Amiens a été cassé par arrêt du 7 juin 1811, au rapport de M. Buschop. (Bull. crim. - Denevers, 1811, p. 344).

er

« Est d'avis que la loi du 22 floréal an 2 doit être considérée comme abrogée par l'art. 484 du Code pénal. »

Il est évident, d'après une décision aussi formelle, que l'action en réintégrande ne peut plus être poursuivie par la voie criminelle, et qu'ainsi, dans tous les cas, elle est de la compétence du juge de paix, comme juge civil.

VI. Pour intenter l'action en réintégrande, il faut avoir été dépossédé per vim, c'est-à-dire par violence ou voie de fait.

La cour de Douai, à laquelle l'affaire avait été renvoyée, ayant jugé comme la cour d'Amiens, la cour de cassation, avant de statuer sur le se- La violence est ici synonyme de voie de fait. cond pourvoi du ministère public en sections Vis est tunc (dit la loi 7, ff. ad. leg. Jul. de vi priréunies, a demandé au gouvernement l'interpré-vatá) quotiens quis id, quod deberi sibi putat, non tation de la loi. En conséquence, le conseil-d'état per judicem reposcit. a donné un avis, le 4 février 1812, approuvé le 8 par le chef du gouvernement, dont voici la te

teneur :

« Le conseil-d'état,... considérant que l'art. 484 du Code pénal de 1810, en ne chargeant les cours et tribunaux de continuer d'observer les lois et réglements particuliers non renouvelés par ce Code, que dans les matières qui n'ont pas été réglées par ce Code même, fait clairement entendre que l'on doit tenir pour abrogées toutes les anciennes lois, tous les anciens réglements qui portent sur des matières que le Code a réglées, quand même ces lois ou réglements préverraient des cas qui se rattachent à ces matières, mais sur lesquels ce Code est resté muet;

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Qu'à la vérité, on ne peut pas regarder comme réglées par le Code pénal de 1810, dans le sens attaché à ce mot réglées, par l'art. 484, les matières relativement auxquelles ce Code ne renferme que quelques dispositions éparses, détachées, et ne formant pas un système complet de législation;

Et que c'est par cette raison que subsistent

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La voie de fait se dit de tout acte de violence commis par un agresseur, soit en maltraitant quelqu'un, soit en s'emparant d'une chose d'autorité privée. Les voies de fait sont un trouble à l'ordre public, et les tribunaux, attentifs à maintenir la tranquillité des citoyens, répriment toujours les voies de fait, même sans examiner si l'agresseur avait raison au fond, parce qu'il n'est jamais permis de se faire justice à soi-même. (Denizart v° Voie de fait.)

D

Il n'est donc pas nécessaire, pour qu'il y ait violence ou voie de fait, que l'agresseur ait trouvé de la résistance, qu'il ait commis aucun excès. Il suffit qu'il se soit emparé d'un héritage qu'il savait bien que le possesseur ne lui aurait pas abandonné sans contestation. Alors sa mauvaise foi est évidente, et c'est elle que la réintégrande a pour but de réprimer.

Mais quand il n'y a point mauvaise foi, cette action cesse. Du moment que celui qui s'est emparé d'un héritage a eu l'intention d'user légalement de son droit, qu'il n'a pas dû raisonnablement supposer que le possesseur s'opposerait à ce

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