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« On ne peut donc trouver dans les promesses | si nécessaire pour prévenir les désordres d'une et les contrats dont nous parlons, une cause ca- passion dont tous les législateurs ont cherché à pable de les rendre vraiment obligatoires. Sans réprimer les excès. doute le jeu peut n'être qu'un délassement, et dans ce cas il n'a rien d'odieux ni d'illicite; mais il est également vrai que sous ce rapport il ne saurait être du ressort des lois; il leur échappe par son objet et par son peu d'importance,

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Notre ame est froissée, nous frissonnons quand on nous présente sur la scène le spectacle d'un joueur déchiré par le remords, environné des débris de son patrimoine, accablé sous son infortune, et ne pouvant supporter le fardeau de la vie Le jeu dégénère-t-il en spéculation de com- reproches et des pleurs d'une famille au milieu des merce: nous retombons dans la première hypothèse que nous avons posée; car, dès lors si les obligations et les promesses présentent un intérêt assez grave pour alimenter une action en justice, elles offrent une cause trop vicieuse pour motiver et légitimer cette action,

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« Il est des choses qui, quoique licites par ellesmêmes, sont proscrites par la considération des abus et des dangers qu'elles peuvent entraîner; conséquemment si le jeu, sous le point de vue que nous l'envisageons, n'était pas déja réputé mauvais par sa, nature, il faudrait encore le réprouver par rapport à ses suites.

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Quelle fayeur peuvent obtenir auprès des lois les obligations et les promesses que le jeu produit, que la raison condamne, et que l'équité désaVoue? Ignore-t-on que le jeu favorise l'oisiveté, en séparant lidée du gain de celle du travail, et qu'il dispose les ames à la dureté, à l'égoïsme le plus atroce? Ignore-t-on les révolutions subites qu'il produit dans le patrimoine des familles particulières, , au détriment des mœurs publiques et de la société générale?

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Dans l'administration d'un grand état, la tolérance des jeux est souvent un acte nécessaire de police. L'autorité, qui ne saurait étouffer les passions, ne doit point renoncer aux moyens de surveiller, ceux qui s'y livrent. Dans l'impuissance d'empêcher les vices, sa tâche est de prévenir les

crimes.

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désolée. Eb quoi! la justice, en donnant une action utile pour les promesses contractées au jeu, viendrait-elle consommer avec son glaive le sacrifice commencé par la cupidité ? Non, législateurs, la morale de nos lois ne peut être ni moins pure ni moins austère que celle de nos théâtres.

Mais en refusant, en général, toute action pour promesses contractées au jeu, nous avons excepté de cette disposition les engagements et les promesses qui ont leur source dans des jeux d'adresse et d'exercice. Ces sortes de jeux sont utiles: on les a peut-être trop négligés dans nos temps modernes.

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Cependant, d'après une jurisprudence constante, nous avons autorisé les tribunaux, même quand il s'agit du paiement des promesses ou obligations produites par ces sortes de jeux, à rejeter la demande si la somme réclamée leur paraît excessive.

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«Les motifs de cette jurisprudence, adoptés par le projet de loi, sont évidents. On conçoit que des citoyens qui jouent à un jeu d'adresse ou d'exercice, peuvent, pour soutenir entre eux l'émulation et l'intérêt, stipuler un prix pour le plus adroit ou le mieux exercé. Mais si le gain ou le prix convenu est immodéré, il devient illicite parce que dès lors la cause d'un tel gain cesse d'être proportionnée à l'objet qui doit le produire. Le jeu, quel qu'il soit, n'est qu'une récréation, et il y aurait du danger à le laisser dégénérer en

Mais tolérer les jeux, ce n'est pas les auto-commerce. Tous les gains qui passent certaines bornes sont injustes, parce qu'ils n'ont point d'au« La loi romaine notait d'infamie ceux qui faitre cause que la corruption du cœur et l'égarement saient profession de jouer aux jeux de hasard. de l'esprit. Justinien avait prohibé ces jeux jusque dans les maisons des particuliers.

En France, les lois ont quelquefois puni le jeu comme un délit; elles ne l'ont jamais protégé comme un contrat. Une ordonnance de 1629 déclare toutes dettes contractées par le jeu nulles, et toutes obligations et promesses faites pour le jeu, quelque déguisées qu'elles soient, nulles et de nul effet, et déchargées de toutes obligations civiles et naturelles.

« La jurisprudence ne s'est jamais écartée des dispositions de cette ordonnance. On adınet la preuve par témoins quand un citoyen se plaint de ce qu'une promesse contractée au jeu a été cachée sous la forme d'un simple prêt.

« Nous n'avons pas cru devoir abandonner une jurisprudence si favorable aux bonnes mœurs, et

« On a examiné, en terminant ce qui regarde le jeu, si celui qui a volontairement acquitté ce qu'il a promis ou perdu, peut répéter ou faire réduire ce qu'il a payé. On a pense qu'aucune demande en répétition ou en réduction n'est recevable: cette décision est conforme à l'ordonnance de Moulins, qui, en pareil cas, vient seulement au secours des mineurs. Le droit des majeurs est consommé quand les choses ne sont plus entières; la loi ne saurait les écouter quand ils l'invoquent pour le fait même dans lequel ils l'ont méconnue. Nous ajouterons que le repentir de l'avare, qui a payé volontairement une dette de jeu, n'est pas assez favorable pour réveiller l'attention de la justice.

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Le pari, autrement appelé gageure, participe à tous les vices du jeu; il est gouverné par les

mêmes principes: les assurances par forme de ga- | au jour où il est passé, la personne était morte. geure sont même formeilement prohibées par l'or- Il en est de même si celui sur la tête duquel la donnance de la marine de 1681.» rente a été constituée, était atteint d'une maladie dont il mourût dans les vingt jours du contrat.' (Art. 1975.)

$ II.

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Art. 1er.

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De la formation du contrat.

1. Une rente viagère peut être constituée à titre onéreux, ou à titre gratuit.

Au premier titre, il y a fonds donné; il peut être une somme d'argent, ou un immeuble, ou même une chose mobilière appréciable, dit l'art. 1968 du Code civil. Ainsi, elle doit être susceptible d'estimation et d'évaluation, comme tout ce qui est dans le commerce.

Mais la constitution de rente change de nature, cite sort de la classe des contrats commutatifs, quand elle est faite par donation entre-vifs, ou testamentaire. Alors elle se fond dans l'un de ces deux actes; elle devient sujette aux règles sur la forme de disposer, sur la quotité disponible, et sur la capacité pour donner ou pour recevoir. Elle est réductible quand la quotité disponible a été dépassée. Elle est nulle si elle est faite au profit d'une personne incapable. Si elle est entre-vifs, elle aura besoin d'être acceptée. (Ibid., art. 1969 et 1970.)

La loi donne, pour disposer ainsi, beaucoup de latitude. Celui qui donne son argent, peut placer sur sa tête, ou sur celle d'un tiers qui n'y a aucun intérêt.

Le cours de sa vie fera le cours de la rente. Elle peut être placée sur une ou plusieurs têtes. Alors, et suivant les conditions du contrat, elle est reversible en entier, ou pour partie. (Ibid., art. 1971.)

La rente peut encore être constituée au profit d'un tiers, Alors c'est, de la part de celui qui en fait les fonds, un acte de pure libéralité. Cependant elle n'est point assujettie aux formes des donations, ainsi il ne sera pas besoin d'acceptation. Elle sera seulement réductible ou annulable, aux cas prévus par l'art. 1970. (Ibid., art. 1973.)

Il est évident qu'il est de l'essence du contrat de rente viagère, qu'il y ait une personne sur la tête de laquelle elle soit constituée. Ainsi, l'art. 1974 dit que le contrat ne produit aucun effet, si

La mort seule ne produirait pas cet effet. C'est la mort à la suite de la maladie, parce qu'elle a pu être prévue, et que les chances de ce contrat aléatoire n'étaient plus égales entre les contractants.

Mais il s'est élevé une singulière question sur le sens de ces deux articles 1974 et 1975 combinés.

Le premier article parle évidemment du cas où la rente est créée sur la tête d'un tiers, qu'on peut croire vivant, quand il est mort. On a voulu interpréter le sens de l'art. 1975 dans la même hypothèse; et, en conséquence, on a soutenu qu'une personne créant la rente viagère sur sa propre tête, quoique malade alors, et mourant dans les vingt jours, avait fait un contrat valable. Ainsi l'avait décidé un jugement du tribunal d'Evreux, du 19 août 1806, sur ce motif:

« Attendu qu'il n'y a pas lieu à l'application de l'art. 1975 du Code, cet article ne paraissant applicable qu'au cas où la rente viagère a été créée sur la tête d'une personne tierce qui était alors malade, et non quand elle a été créée sur la tête même du propriétaire de la rente. »

Sur l'appel, ce jugement fut, avec raison, infirmé par arrêt de la cour de Rouen, du 25 janvier 1808. Cet arrêt et la discussion qui l'a précédé sont rapportés au Répertoire de jurisprudence de M. Merlin, tome 11 de la quatrième édition, pages 508 et 50g.

Voy. Rente viagere.

II. L'art. 1976 laisse sans restriction, à la volonté des parties, le taux auquel la rente viagère peut être constituée. Il peut se faire pourtant que tout soit avantage pour le débiteur de la rente viagère; si, par exemple, elle n'était constituée qu'au taux de la rente perpétuelle, sans doute l'avantage serait considérable; on pourrait croire que c'est une donation déguisée, ou que le contrat serait susceptible d'être annulé pour cause de lésion. Mais aucun de ces moyens ne serait accueilli.

La loi ne répute donation la rente viagère, que lorsqu'elle est constituée au profit d'un tiers qui n'en a pas fait les fonds.

Et quant à la lésion, l'art. 1118 dit qu'elle ne vicie les conventions que dans certains contrats, ou à l'égard de certaines personnes. Et l'art. 13131 dit que les majeurs ne sont restitués, pour cause de lésion, que dans les cas spécialement exprimés. Celui-ci ne l'étant pas, en est exclu.

Voici une espèce où la cour de cassation a fait l'application de ces principes.

Par acte authentique du 25 septembre 1814, messire Louis-Nicolas de Hillerain, chevalier, sieur de la Brande, vendit et arrenta, à titre de rente

viagère, aux mariés Audry, un pré en marais, contenant environ six hectares, à la charge par ceux-ci de le nourrir, loger, chauffer et éclairer, tant en santé qu'en maladie, le tout bien et convenablement, jusqu'à son décès. Cette charge fut estimée 500 fr. par an, et 5000 fr, en principal: mais le sieur de Hillerain stipula que cette estimation ne pourrait dispenser les Audry de remplir la nature des obligations qui leur étaient imposées.

Le sieur Hillerain mourut le 26 mars 1816. Le 19 avril suivant, ses enfants et héritiers assignèrent les mariés Audry, pour voir déclarer nul l'acte du 25 septembre 1814, et être condamnés à leur abandonner le pré en question.

Ces conclusions étaient motivées sur ce que, le revenu du pré étant supérieur à la valeur de la pension, le contrat était réellement sans prix. Les mariés Audry conclurent au débouté de cette demande, fondés sur ce que le contrat était aléatoire, que les charges à eux imposées en formaient le prix, et que les rentes viagères pouvaient être constituées au taux qu'il plaît aux parties de fixer. Le tribunal de la Rochelle, saisi de l'instance, rejeta la demande..

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Sur l'appel des, héritiers de Hillerain, la cour de Poitiers rendit, le 16 juillet 1817, un arrêt interlocutoire qui ordonna, avant faire droit, que, par trois experts, estimation serait faite, et de la valeur de la pension que les Audry s'étaient obligés de fournir, et des revenus du pré.

Cette opération fut faite: les experts estimèrent la pension à 400 francs, et le revenu annuel à

525 francs.

La cour de Poitiers a homologué le procèsverbal des experts, par son arrêt définitif du 4 juin 1819,

Elle a considéré, qu'il n'existe point de vente sans prix;

Que, dans les ventes à rente viagère, il n'y a point de prix, si la valeur de la charge n'excède pas le revenu de l'immeuble vendu;

Qu'il résulte de l'avis des experts, et des aveux et déclarations des parties, que la pension convenue est d'une valeur inférieure au revenu du pré d'où il suit que la vente a été faite sans prix, et est nulle,

En conséquence, l'arrêt du 4 juin 1819 a ré. formé le jugement de première instance, a déclaré nul et de nul effet, à défaut de prix, l'acte du 25 septembre 1814, et a ordonné le délaissement du pré en question aux héritiers de Hillerain, etc.

Cet arrêt, dénoncé à la cour comme contenant fausse application de l'art. 1583 du Code civil, et violation de l'art. 1976, a été annulé ainsi qu'il suit, par arrêt du 16 avril 1822.

« Oui le rapport de M. le conseiller Gandon, officier de l'ordre royal de la Légion-d'Honneur; les observations de Duprat, au lieu de Sirey,

avocat des demandeurs; celles de Chauveau-Lagarde, avocat des défendeurs, ainsi que les conclusions de M. l'avocat-général Joubert, chevalier du même ordre; et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil;

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Vu les art. 1583 et 1976 du Code civil;

« Considérant que le contrat du 25 septembre 1814, par lequel le sieur Hillerain, père des défendeurs, a vendu aux demandeurs une pièce de pré en marais, à la charge de le nourrir, loger, chauffer et éclairer, tant en santé qu'en maladie, le tout bien et convenablement, jusqu'à son décès, était un contrat aléatoire, et qu'il contenait évidemment un prix dont l'importance était difficile à apprécier, étant presque impossible de déterminer les dépenses qu'entraînent de toute nécessité le traitement, les remèdes, la garde et les soins d'un homme qui peut avoir des maladies graves, devenir infirme, et vivre longues années dans cet état, et auquel toutes ces choses doivent être fournies bien et convenablement.

Que la cour de Poitiers, cherchant à s'éclairer, a pu ordonner une estimation par experts, tant de la pension promise, que des revenus du pré; mais que cette estimation ne pouvait la lier en définitive;

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Que si les parties ont reconnu que l'estimation des revenus du pré, à 525 francs par an, était supérieure au prix de la pension, évaluée par les experts à 400 francs, elles ont reconnu un fait vrai, mais qui était sans conséquence ;

Que les parties avaient évalué entre elles cette pension à 500 francs par an, et, en principal, au denier dix, à 5000 francs, évaluation qui était peu susceptible d'être contredite, et d'autant moins, que le sieur de Hillerain avait eu l'attention de stipuler que l'évaluation ne pourrait dispenser ses acquéreurs d'acquitter en nature les obligations qui leur étaient imposées; ce qui nonce qu'il savait très-bien que les charges pouvaient s'élever au-dessus de 500 fr. par an;

« Qu'enfin, on ne peut méconnaître l'existence d'un prix sérieux dans le contrat, et d'un prix aléatoire, dépendant des événements de la bonne ou mauvaise santé, de la plus ou moins longue existence du vendeur, et que la stipulation de ce prix remplissait d'autant mieux le vœu de l'article 1583 du Code civil, que l'art. 1976 du même Code autorise les parties contractantes à constituer les charges viagères au taux qu'il leur plaira de fixer.

De tout quoi il résulte que la cour de Poitiers a faussement appliqué l'art. 1583, et a contrevenu à l'art. 1976 du Code civil ::

<< Par ces motifs, la cour casse et annule l'arrêt de la cour royale de Poitiers, du 4 juin 1819, etc. » Art. 2. Des effets du contrat.

I. Dans le contrat de rente viagère, le prix est aliéné. Il n'y a point de capital, à proprement

taire que dans la proportion du nombre de jours qu'il a vécu.

parler. Il n'en est pas ainsi de la rente perpétuelle. Le peu d'analogie que ces deux espèces ont entre elles, n'a pas permis que les effets du contrat fussent les mêmes.

Ainsi, le débiteur d'une rente perpétuelle peut être contraint à restituer le capital dans trois cas. Sil cesse de payer les arrérages pendant deux ans; s'il ne fournit pas les sûretés promises; s'il tombe en faillite ou en déconfiture. (Code civ., art. 1912 et 1913.)

Voy. Prêt.

Le prix de la rente viagère n'est remboursable que dans un seul cas, celui où les sûretés promises pour l'exécution du contrat ne sont pas données (ibid., art. 1977). C'est que les conditions font partie de la convention, qu'elles ont pu en être la cause déterminante, et qu'à défaut de les remplir, la résiliation de l'acte est la conséquence naturelle de l'inexécution.

Il n'en est pas ainsi du simple retard dans le paiement des arrérages. Sans doute l'exactitude du paiement est d'une obligation plus stricte dans cette espèce où la rente viagère est souvent alimentaire, et destinée à des besoins qui ne s'ajournent pas. Mais, dans ce cas si favorable, la loi n'offre qu'une ressource au créancier de la rente, c'est de faire saisir et vendre les biens de son débiteur, et de faire ordonner ou consentir sur le produit de la vente, l'emploi d'une somme suffisante pour le service des arrérages (ibid., article 1978). Voyez toutefois l'arrêt rapporté à la fin de cet article.

La raison en est que celui qui a livré sa chose à rente viagère, l'a abandonnée de telle sorte qu'il n'a pu concevoir aucune idée de retour, à moins de stipulation contraire.

C'est cette idée de l'entier abandon du prix qui paraît avoir dicté l'art. 1979. La défense est réciproque. Si le créancier mal payé ne peut rentrer dans son prix, le débiteur, à qui le service de cette rente est devenu trop pénible, ne peut s'en exempter par le remboursement du prix, même quand il sacrifierait tous les arrérages qu'il a payés jusqu'alors. Il est tenu de servir la rente pendant la vie de tous ceux sur lesquels la rente a été constituée, quelque charge ou perte qui en résulte pour lui. (Ibid.)

Néanmoins, s'il a été stipulé qu'elle serait payée d'avance, le terme, qui a dû être payé, est acquis du jour où le paiement a dû en être fait. (Code civ., art. 1980.)

C'est parce que cette espèce de rente tient de la nature alimentaire, que la mort civile du créancier ne l'éteint pas, et qu'elle doit être continuée pendant sa vie naturelle; car si le mort civilement peut acquérir des pensions alimentaires, il peut, à plus forte raison, conserver celles qu'il possédait avant la mort civile. (Ibid., art. 1982.)

Dans tous les cas, le propriétaire d'une rente viagère n'en peut demander les arrérages qu'en justifiant de son existence, ou de celle de la personne sur la tête de laquelle elle a été constituée. (Ibid., art. 1983.)

Pour le mode de justifier cette existence, voyez Certificat de vie.

IV. Il résulte d'un arrêt de la cour de cassation, en date du 26 mars 1817,

1o Que la clause portant qu'à défaut de paiement des arrérages d'une rente viagère, le créancier pourra faire résilier le contrat et rentrer en possession du fonds aliéné, n'est point nulle comme contraire à l'essence du contrat de rente viagère;

2° Que les juges d'appel peuvent, dans ce cas, refuser d'accueillir les offres réelles qui sont faites devant eux seulement, des arrérages échus, et maintenir, malgré ces offres, la résolution de la vente prononcée par les premiers juges. Voici l'espèce :

Par un acte du 27 janvier 1809, la veuve Sawer et sa fille, vendirent aux mariés Bernède un domaine appelé Dueros, moyennant la somme de 35,000 fr. Pour se libérer de cette somme, les acquéreurs créèrent et constituèrent, au profit et sur les têtes des venderesses, une rente annuelle et viagère de 3500 francs, qu'ils s'obligèrent solidairement de payer, trois mois par trois mois et d'avance, franche et exempte de toute retenue.

La clause de cet acte, qui est devenue la matière du procès, est ainsi conçue : « Et comme lesdites dames Sawer se sont portées à vendre leur bien à rente viagère, pour se procurer le repos, la tranquillité et l'aisance, il est convenu et réciproquement accepté que, si les débiteurs laissent arrérager ladite rente de deux trimestres, la présente vente sera résolue de plein droit, si lesdites dames venderesses le veulent ainsi (la condition n'étant qu'en leur faveur), sans avoir besoin de la faire prononcer en justice, ni de remplir, à cet égard, d'autres formalités que de manifester leur volonté par un simple acte extrajudiciaire, et d'assigner en vidange purement et simplement. Ladite résolution s'opérant, lesdites dames Sawer ne seront tenues à aucun remboursement des III. La rente viagère n'est acquise au proprié-sommes par elles perçues, soit pour pot de vin,

II. La rente viagère est insaisissable quand elle a été déclarée telle par un tiers qui l'a constituée à titre gratuit. Dans ce cas, c'est la nécessité qui a reçu le secours de la bienfaisance. La rente, pas plus que le capital, n'étaient, antérieurement à la constitution, in bonis de la personne qui en est avantagée. Mais si elle se l'était constituée à elle-même de son propre fonds, la rente serait saisissable, parce que bona non intelliguntur nisi deducto are alieno. Les créanciers auraient donc alors le droit de saisir. (Code civ., art. 1981. Code de proc., art. 581.)

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s'il en était donné, soit pour toute autre cause quelconque. »

Le cas prévu par cette clause est arrivé. Les mariés Bernède, après avoir servi pendant quelque temps, avec exactitude, la rente stipulée, laissèrent arrérager plus de deux trimestres.

Le 24 août 1812, les dames Sawer leur firent commandement de payer, en deniers ou quit tances valables, la somme de 4,375 francs, qu'elles prétendaient leur être due pour cinq trimestres echus ou payables d'avance de ladite rente. Les mariés Bernede n'ayant pas satisfait à ce commandement, les dames Sawer leur déclarèrent, par acte du 19 novembre suivant, qu'elles regardaient, dès ce moment, la vente comme résiliée, et qu'elles allaient se pourvoir pour obtenir le délaissement du domaine vendu, ainsi que pour en constater les dégradations.

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Elles obtinrent, en effet, le 28 du même mois, sur requête, une ordonnance du président du tribunal civil de Bordeaux, qui leur permit de faire séquestrer, à leurs périls et risques, le domaine dont il s'agit; et le 30, elles citèrent les mariés Bernede en conciliation, pour s'entendre sur l'objet des dégradations.

Une instance s'engagea sur cet objet, et le 127 janvier 1813, le tribunal de première instance rendit un jugement par lequel il ordonna une expertise. Divers procès-verbaux furent dressés en exécution de ce jugement.

Le 8 mars suivant, les dames Sawer, donnant plus d'étendue à leur système, assignèrent les mariés Bernède pour voir déclarer la vente résolue. Une nouvelle instance s'engagea à ce sujet, et fut jointe à la première,

Pour défense à cette dernière demande, les mariés Bernède opposèrent que la clause résolutoire apposée au contrat de vente du 27 janvier 1809, était nulle, comme contraire aux principes du Code civil, dont l'art, 1978 n'autorise le créancier de la rente viagère qu'à faire exproprier son débiteur négligent, mais ne l'autorise pas à faire résilier le contrat.

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Cette défense fut écartée par jugement du juillet 1813. Le tribunal déclara la vente résolue, attendu qu'aucune disposition de la loi ne prohibe la résolution de la vente à rente viagère, et qu'on ne peut regarder comme contenant cette prohibition l'art. 1978 du Code civil, qui ne dis pose que pour le cas où les parties n'auraient pas stipulé la clause résolutoire, laquelle n'a rien de contraire ni à l'essence du contrat, ni aux bonnes mœurs, ni aux lois d'ordre public.

Les mariés Bernède interjetèrent appel de ce jugement, et, le 20 juillet 1813, ils firent des offres réelles aux dames Sawer d'une somme de 6445 francs pour les arrérages à elles dus depuis la dernière quittance jusqu'à la reprise de possession par elles faite, avec offre de parfaire, en cas

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d'insuffisance; et, en conséquence, ils demandérent que les dames Sawer fussent tenues de leur rendre et restituer la possession du domaine litigieux, avec dépens.

*

Le 30 août 1814, la cour royale de Bordeaux rendit un arrêt par lequel, adoptant les motifs des premiers juges, et y ajoutant, en ce qui concerne l'offre faite en cause d'appel par les mariés Bernede, que ces débiteurs n'ayant fait cette offre qu'environ deux ans après le commandement, et plus d'un an après le jugement qui avait prononcé la résiliation, ayant même laissé prendre, sur l'appel, un arrêt par défaut, confirmatif de ce jugement, enfin, après qu'en exécution de ce même jugement, les dames Sawer avaient repris la possession du domaine litigieux, l'art. 1656 du Code civil s'opposait à ce que de telles offres fussent capables d'empêcher la résiliation; cette cour confirma en tous points le jugement de première instance.

Les mariés Bernède reprochaient à cet arrêt, 1o d'avoir violé l'art. 1978 du Code civil; 2° d'avoir faussement appliqué l'art. 1656 du même Code; mais la cour n'a eu égard ni à l'un ni à l'autre de ces reproches, et elle a rejeté le pourvoi par l'arrêt suivant:

་་་་་

Oui le rapport de M. le conseiller, Boyer, les observations de Granié, avocat des demandeurs; celles de Guichard, avocat des défenderesses; ensemble les conclusions de M. l'avocatgénéral Joubert; et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil, le tout aux audiences des 24, 25 et 26 de ce mois dori

« Attendu sur le premier moyen, que l'art. 1978 du Code civil, se bornant à déclarer que le seul défaut de paiement des arrérages de la rente viagère n'autorise pas le créancier de la rente à faire résilier le contrat, mais ne contenant d'ailleurs aucune prohibition aux parties contractantes de stipuler cette résiliation dans le cas ci-dessus désigné de non-paiement des arrérages, une telle stipulation n'ayant, d'ailleurs, rien de contraire aux bonnes mœurs ni aux lois d'ordre public, l'arrêt attaqué, en ordonnant, dans l'espèce, l'exécution de la clause résolutoire opposée au contrat de vente du 27 janvier 1809, n'a aucunement violé ledit art. 1978, et a fait au contraire une juste application de l'art. 1134 du même Code;

«Attendu, sur le second moyen, que, ni l'article 1184, ni l'art. 1656 du Code civil, n'imposaient aux juges saisis de l'action en résiliation du contrat, l'obligation d'accorder aux demandeurs un délai pour le paiement des arrérages par eux dus, ni de s'arrêter aux offres par eux tardivement faites, après une mise en demeure judiciaire et un jugement qui avait prononcé ladite résiliation, jugement déja même exécuté par la rentrée en possession des dames Sawer dans le domaine qu'elles avaient vendu aux demandeurs; qu'il n'a donc pu y avoir, dans le refus des juges

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