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ont nommé des individus absolument différens d'opinions, de rapports, d'états, de situations, et ne convenant guère plus les uns que les autres au but spécial de leur nomination, quoique doués d'ailleurs d'un autre genre

mérite.

de

« Je n'ai jamais entendu parler en Angleterre, ajoute-t-il, d'un administrateur habile, et cependant ce pays est merveilleusement administré, parce que, depuis les moindres intérêts jusqu'aux plus grandes affaires, tout est entre les mains de gens intéressés à les bien gérer, et que tout s'opère sur les lieux mêmes, dans un cercle proportionné, sans être attiré vers un centre fiscal et chicanier. Les hommes distingués dans les deux chambres ont passé tous, presque sans s'en apercevoir, par l'éducation administrative; ils ont exercé ou vu exercer sous leurs yeux les fonctions toujours gratuites de shérifs, d'inspecteurs des chemins, d'administrateurs des pauvres, de comptables ou de directeurs d'établissemens; leurs parens, leurs amis, eux-mêmes font partie de vingt associations de commerce, de bienfaisance, d'administration paroissiale, qui sont toutes conduites d'après les mêmes erremens. Préparés aux affaires par une éducation classique très-forte, et

l'étude des lois, ils n'ont besoin que de connaître la pratique de l'ordre social, quelques noms, quelques formules que la conversation si fréquente sur ces matières suffirait pour leur apprendre. Il est des pays où l'on respire dans une atmosphère d'ordre, de sagesse, de lumières et de crédit, et d'autres où les hommes sont des espèces de troupeaux qu'un certain nombre d'individus conduisent, parquent, tondent, sans que personne s'imagine que cela puisse être autrement, et où même les tondeurs et les parqueurs jouissent, en cette qualité, de toute la considération, comme si c'étaient eux qui produisaient la laine. »

En parlant des associations des habitans d'une commune, d'un arrondissement ou d'un département pour l'administration de leurs intérêts communs, nous ne pouvons nous occuper ici que de principes généraux. Si nous vou. lions examiner comment les administrations locales devraient être formées ; quel devrait être le nombre de leurs membres, de quelle manière l'élection devrait en être faite; quelles devraient être les attributions des divers conseils, et leurs moyens d'action ou d'exécution, nous serions obligés de donner à une simple analyse l'étendue d'un ouvrage; M. de Laborde lui

même n'a parlé de ces divers objets que d'une manière succincte. Nous dirons seulement qu'il est nécessaire que les citoyens nomment directement et sans être dirigés par aucune influence, les hommes destinés à former des assemblées communales, départementales ou nationales; que ces assemblées ne traitent que publiquement les affaires qui leur sont confiées, et qu'elles ne traitent que les affaires générales de leurs commettans.

Les hommes peuvent mettre en société leur sagesse et une partie de leurs revenus pour satisfaire à leurs besoins communs; mais leur association serait incomplète ou inefficace, s'ils ne faisaient entrer aussi dans la société une partie de leur temps et de leurs forces. Ce n'est pas tout d'avoir des assemblées pour discuter et pour résoudre; il faut avoir en outre des forces pour exécuter, et pour vaincre les obstacles. Une assemblée communale ou départementale peut faire des règlemens dans la vue de maintenir l'ordre et de faire respecter les propriétés : mais ces règlemens seraient nuls, s'il n'existait aucun moyen soit d'en procurer l'exécution, soit d'en réprimer l'infraction. L'ordre peut être troublé, ou les personnes et les propriétés attaquées par une force intérieure ou par une force

extérieure. De quelque côté que vienne l'aggression, elle ne peut être repoussée que par les citoyens, c'est-à-dire, par l'association des forces individuelles.

On peut donner à une agrégation de forces de citoyens divers noms, selon le point de vue sous lequel on la considère. Une réunion de citoyens associés pour maintenir l'ordre et faire respecter les personnes et les propriétés dans leur commune, ne peut prendre que le nom de garde communale ou municipale. Une association qui serait composée des forces appartenant à un département, et qui aurait pour objet de faire la police sur tout son territoire, devrait prendre le titre de garde départementale; et c'est à la réunion de toutes les forces associées pour repousser les aggressions venant de l'extérieur, qu'appartiendrait exclusivement le titre de garde nationale. Il peut y avoir chez un peuple autant de gardes communales qu'il y a de communes, et autant de gardes départementales qu'il y a de départemens; mais il ne peut exister qu'une garde nationale, et il est aussiabsurde de parler de la garde nationale de Paris, de Pontoise ou de Saint-Cloud, qu'il le serait de parler de la nation de Saint-Cloud, de Pontoise ou de Paris.

Quelque graves que soient les désordres intérieurs, il est presqu'impossible qu'ils le soient jamais assez, à moins que l'autorité elle-même ne les fomente, pour ne pouvoir pas être réprimés par les gardes des communes dans le sein desquelles ils se manifestent. On peut donc admettre comme règle générale, que les gardes municipales ne doivent pas reconnaître d'autre autorité que celle de leur municipalité, et que les cas où elles auraient à se former en gardes départementales, pour sortir de leurs communes et passer sous la direction de l'administration de leur département,doivent être fort restreints. Quant à la garde nationale, c'est-à-dire, à la garde de la nation, elle ne doit obéir qu'à l'autorité suprême, et ne reconnaître d'ennemis que ceux qui viennent de l'extérieur. Cette dernière ne doit même être composée que d'hommes pris parmi les gardes municipales, et elle doit cesser d'exister avec le danger qui en a nécessité la création.

Les citoyens constitués en garde municipale ou en garde nationale, selon le besoin, sont seuls capables de défendre leur liberté et de faire respecter leur indépendance. « Les hommes armés tous pour la défense de leurs travaux, dit M. de Laborde, offriront une masse de forces

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