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mer aux instructions, aux ordres qu'ils ont reçus leurs opinions et leurs volontés ne sont pas censées être, de plein droit, celles des personnes dont ils ont à stipuler les intérêts. Tout au contraire, le caractère essentiel des représentans est de n'avoir ni mandats, ni responsabilité : on les doit supposer tellement désignés ou choisis, qu'ils aient en effet par eux-mêmes et de leur propre fond les intérêts, les opinions, les volontés des représentés.

Le principal corps de représentans consiste sans doute dans l'assemblée, ou chambre nationale, qui consent ou s'oppose aux projets d'emprunts, d'impôts et de lois. Mais les membres de cette assemblée ne sont pas les seuls à qui le caractère représentatif appartienne.

D'abord, s'ils n'ont pas été élus immédiatement par tous les actionnaires de la société, les électeurs nommés ou désignés pour les choisir ont exercé cette fonction comme représentans.

Le même nom s'appliquerait aussi à des membres d'assemblées provinciales qui ne seraient chargés d'aucun acte administratif proprement dit, mais qu'on aurait établis pour exprimer des opinions sur les besoins d'une province, sur la manière dont elle est ou devrait être administrée.

Les jurés représentent aussi le public qui a pris ou qui viendrait à prendre connaissance d'un fait imputé comme crime ou délit. Il serait même possible qu'ils fussent désignés de telle sorte qu'ils représentassent particulièrement les citoyens les plus éclairés sur la nature des faits dont il s'agira, et les plus intéressés à les déclarer dans l'exacte vérité.

Dans les monarchies, une chambre de patriciens héréditaires, intéressée ou disposée à maintenir tout à la fois les garanties individuelles et les anciennes institutions qui ne les offensent pas, doit être considérée comme représentative.

Enfin, dans les monarchies, le premier et le plus auguste des représentans est le monarque lui-même, électeur des ministres, et, directement ou indirectement, de tous les autres fonctionnaires responsables; dispensateur des grâces, régulateur suprême des affaires intérieures et extérieures de l'état, et au nom duquel les lois sont proposées, promulguées, exécutées.

II. Tous les autres fonctionnaires chargés, dans un rang quelconque, de l'exécution ou de l'application des lois, employés à quelque service public, sont des commis salariés et responsables. Mais, pour que cette responsabilité ne devienne pas illusoire, il importe de ne pas

l'étendre au-delà de ses limites, et de bien distinguer les cas où elle est purement morale de ceux où elle aboutit à des poursuites rigou

reuses.

Dans la vie privée, il y a deux sortes d'actions répréhensibles: les unes parce qu'elles sont ou semblent déraisonnables, les autres parce qu'elles offensent des lois expresses. Les premières exposent à perdre la confiance et l'estime, les autres à subir des peines. La même distinction a lieu dans les actes publics ou politiques. Il en est qui, bien que blessant quelque intérêt national', n'ont pourtant pas été formellement interdites; d'autres, au contraire, sont des infractions matérielles d'une loi positive. L'effet naturel des premières est de provoquer des plaintes, des destitutions même s'il s'agit d'emplois amovibles; mais il n'y a que les secondes qu'on ait droit de traiter comme des délits ou comme des crimes. Des ministres auront nommé ou fait nommer un administrateur inhabile ou infidèle, un général téméraire ou perfide; si ce général, cet administrateur n'avaient point les conditions d'éligibilité que les lois exigent, les ministres sont coupables; mais autrement vous ne pouvez leur reprocher qu'une erreur, alors même que vous soupçonne

riez davantage. Dès que le fait se réduit à une opinion fausse, mais que la loi permettait d'avoir, il ne donne lieu à aucune accusation proprement dite.

La plupart des inculpations officielles et des poursuites juridiques dirigées contre des ministres n'ont produit que des émotions dangereuses, que des dissensions funestes, soit parce qu'il s'agissait d'actes que la loi n'avait point déclarés criminels, et auxquels le seul esprit de faction ou de vengeance imposait cette qualification, soit parce que les faits qui l'auraient réellement méritée, s'ils avaient été prouvés, pouvaient être dissimulés avec adresse, contestés avec justice ou avec succès. L'habitude de ces accusations est un symptôme sinistre, et ne remédie jamais au mal extrême qu'elle indique.

Nous avons dit que les attentats privés devaient être réprimés et non prévenus par l'autorité, attendu qu'on ne saurait lui laisser les moyens de les prévenir sans lui donner ceux de violer les garanties individuelles. A l'égard des attentats à commettre dans l'exercice des fonctions ministérielles, c'est précisément tout le contraire. Le système représentatif ne peut presque rieu pour les réprimer équitablement et utilement, il peut tout pour les prévenir,

puisqu'il peut repousser les lois qui les rendraient possibles. Sauf bien peu d'exceptions, le germe de ces attentats a toujours été dans les lois mêmes. On n'a guère vu de ministres violer les droits personnels que lorsque les lois leur en offraient ou leur en indiquaient les moyens. Contre cette espèce de crimes publics, de toutes la plus grave, et contre les autres malversations des hommes puissans, le remède est dans la pureté de la législation, dans la rectitude et l'énergie de l'opinion publique, beaucoup plus que dans ces procès d'état où pour l'ordinaire la force tient lieu d'équité; où, soit accusés, soit accusateurs, ce sont presque toujours les coupables qui triomphent.

III. Il suit de là que l'opinion publique ne saurait trop demeurer étrangère, indifférente à ces querelles, trop s'abstenir de les animer.. Elle usera bien plus heureusement de son empire si elle l'exerce contre les premiers essais d'actes et surtout de lois arbitraires, si elle seconde victorieusement la résistance qu'y opposeront des représentans fidèles; tout est compromis, sacrifié, perdu, si elle se résigne aux premières atteintes qui seront portées à la sûreté des personnes, aux propriétés, à la liberté de la presse, à l'indépendance des élections, et

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