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et le défendre comme le plus propre à la couvrir elle-même d'une pure et vaste splendeur. Mais le temps seul peut lui inspirer ces dispositions, et nous parlons d'une époque où elle ne saurait les avoir encore.

Le concours que cette caste ne promet pas, jusqu'à quel point est-il permis de l'espérer du gouvernement?

Jamais un gouvernement usurpateur ne veut, ni ne peut donner de garanties; il ne se soutient que par la violence et la fraude qui ont servi à l'établir. Mais un pouvoir fondé sur les lois ne trouve sa propre sûreté que dans celle de tous les citoyens. Il connaîtrait bien mal ses intérêts s'il les associait à ceux d'une caste. Comment aimerait-il mieux régner et s'appuyer sur quelques mille privilégiés que sur plusieurs millions d'hommes libres ? Cependant, il peut arriver qu'immédiatement entouré de seigneurs et de prélats, il confonde ses droits avec leurs prétentions, et que le danger de cette erreur s'aggrave par le penchant de ses ministres à un régime arbitraire, dont leurs prédécesseurs leur auraient légué les pratiques, les traditions et les instrumens.

En ce cas, il ne resterait à la volonté nationale d'autre volonté auxiliaire que celle de l'as

semblée représentative; et si, par malheur, cette assemblée était composée d'hommes pris, pour la plupart, dans une caste privilégiée, ou parmi les ministres, conseillers ou agens du gouvernement, il est aisé de voir combien les garanties personnelles resteraient compromises jusqu'à ce que la nation eût fait de meilleurs choix. Un très-bon choix de représentans est donc en définitive le principal et presque l'unique moyen d'obtenir des garanties réelles dans un pays où il n'y en a que de fictives. Il faut une assemblée composée d'hommes qui les réclament énergiquement, n'ayant, pour leur compte, d'autres intérêts politiques que ceux qu'ils sont chargés de défendre.

Si la nation ne se donne pas de tels représentans; si, au lieu de faire un sage et libre usage du droit d'élire, elle abandonne aux ministres, à une caste, à une faction, le choix de ses députés; si elle accepte et transcrit des listes dictées par des intérêts tout contraires aux siens: c'est qu'en effet elle ne sait point encore vouloir pleinement et fermement les garanties sociales; et l'absence de cette volonté est un malheur extrême auquel nous ne connaissons pas de remède. Mais une assemblée réellement nationale, si on parvenait à la

former, aurait bientôt, en affermissant les bases du pouvoir légitime, déraciné jusqu'aux du pouvoir arbitraire. Elle ne

derniers germes prétendrait ni menacer les autorités supérieures ou inférieures, ni déplacer des ministres, ni amender des projets de loi, ni étendre ses attributions, ni usurper une part une part du gouvernement: mais elle remplirait avec une rigueur inflexible son devoir essentiel, celui de repousser toute loi contraire aux droits individuels des gouvernés.

Qu'importe, direz-vous, qu'on ne puisse plus faire de nouvelles lois d'exception, s'il en existe déjà cinquante que l'assemblée représentative n'aura pas le pouvoir d'abroger? Nous ́osons répondre que ces lois, quel qu'en soit le nombre, cinquante ou cinq cents, par cela seul qu'on n'en ferait plus de semblables, tomberaient dans un opprobre dont le gouvernement craindrait de rester entaché lui-même, s'il ne s'empressait d'en effacer toutes les traces. D'ailleurs l'examen des lois nouvelles amènerait naturellement, non pas des actes ou des votes de l'assemblée sur les anciennes, mais, ce qui suffirait presque toujours, une discussion libre et retentissante, une censure irrésistible de ce qu'elles contiendraient encore d'incompatible

avec les lois fondamentales. L'opinion publique, appuyée sur des dispositions constitutionnelles, et proclamée à la tribune d'une assemblée représentative, serait nécessairement victorieuse de tous les restes honteux d'une législation frauduleuse et oppressive. S'il le fallait enfin, et s'il n'y avait pas d'autre moyen de sortir de ce vieux chaos de lois de circonstances, les représentans ajourneraient le vote de l'impôt jusqu'à l'époque où le gouvernement les aurait fait disparaître. Car, après tout, l'impôt est le prix des garanties; il n'est dû que par ceux qui les obtiennent; il est extorqué de ceux à qui on les refuse.

Ainsi représentés, les gouvernés se livrent avec autant de zèle que de sécurité au soin de leurs affaires domestiques; ils coopèrent à l'affermissement de la liberté générale par l'activité de leurs travaux particuliers; et les actes du pouvoir n'excitent vivement leur attention dans le cas d'une atteinte à la personne, que aux biens, à l'industrie ou aux opinions de l'un d'entre eux. Tous les autres genres d'affaires publiques sont abandonnés à l'habileté des gouvernans, et, en ce qui concerne le maintien des lois fondamentales, à la vigilance de l'assemblée représentative; il suffit que les récla

mations de cette assemblée, ou celles du public, exigent toujours la réparation soudaine et parfaite de toute entreprise contre les garanties individuelles.

Mais, pour les représentans comme pour les représentés, la seule bonne manière de vouloir ces garanties est de ne vouloir rien autre chose, ni catastrophe, ni bouleversement, ni déplacement d'hommes ou de choses, ni triomphe de secte, ni nouveau système d'administration, ni constitution nouvelle, ni aucun autre gouvernement que celui qui a renoncé solennellement aux actes arbitraires et qu'on préserverait efficacement du péril d'en renouveler le scandale. Peu importerait qu'il subsistât encore, parmi des courtisans ou dans une caste, quelques vestiges de faction, de parti ou de coterie politique, pourvu qu'il ne restât dans la masse des gouvernés qu'une seule pensée politique, qu'un seul vœu national, celui du maintien et de la plus grande puissance d'un gouvernement limité par les garanties individuelles, et par le système représentatif institué pour les défendre.

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