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natives de consolations et d'épreuves; mais il était réservé au régime actuel de lui déclarer une guerre ouverte pour obéir aux excitations de la franc-maçonnerie.

En 1875, l'homme politique qui devait porter les premiers coups à l'enseignement chrétien, Jules Ferry, proclamait au « Convent » que la morale sociale, désormais capable de vivre seule, devait jeter enfin ses « béquilles théologiques. »>

Dès lors commence la néfaste campagne des lois scolaires.

L'idéal rêvé, c'est la séparation de l'église (préalablement enchaînée) et de l'Etat sans croyances.

Par la loi du 14 août 1884, les prières publiques sont supprimées; la fille aînée de l'église ignore le nom de Dieu; ses représentants affectent de le passer sous silence dans les discours officiels, au risque de recevoir des leçons cruelles de tous les gouvernements républicains et monarchiques du monde.

Les lois scolaires ne mentionnent plus les devoirs envers Dieu.

Chaque année, l'ambassade de France auprès du Saint-Père est l'objet d'une discussion haineuse; on la réduit à vivre en quelque sorte au jour le jour.

L'abrogation du Concordat est proposée tous les ans, et a même été prise en considération plusieurs fois; elle pourra maintenant être adoptée, au moment où la loi sur les associations donne au gouvernement le moyen de détruire les congrégations religieuses.

En attendant, le Concordat, cœuvre de paix, sert d'instrument de guerre contre le clergé.

La direction des cultes soutient, contre l'évidence même, que les articles organiques font partie du traité alors qu'ils en altèrent la substance, en ajoutant au règlement du culte extérieur des empiètements sur les droits de l'autorité ecclésiastique.

(A suivre.)

Paul GRIVEAU.

ESSAIS ET PROJETS D'ÉGLISE NATIONALE

Legrand maître de l'impiété contemporaine, Voltaire, a su dire en quelques lignes ce qu'était une Eglise nationale et pourquoi lui et les siens la voulaient. Il écrivait en 1768 au ministre Schouwaloff: « Les princes catholiques ne sont pas assez hardis pour déclarer que l'Eglise doit dépendre uniquement du souverain. Il n'y a que votre illustre souveraine qui ait raison; elle paye les prêtres, elle leur ouvre la bouche et la ferme, ils sont à ses ordres et tout est tranquille... »

Tout gouvernement, roi ou peuple, a une tendance à vouloir être maître dans tous les domaines, même celui de la conscience religieuse. De là tant de schismes venus. de haut. Cette tentation offerte par Luther, séduisit les princes allemands: ce sacrifice à faire retient loin de Rome le Czar de toutes les Russies.

Cette tendance est d'autant plus violente aujourd'hui que la Révolution prétend avoir, elle aussi, son dogme. Le docteur Sthal a dit avec vérité: « L'organe de la Révolution se trouve dans une manière de penser qu'on appelle le rationalisme. Il y a une grande différence entre l'incrédulité et le rationalisme. Le rationalisme. est non seulement un manque de foi en Dieu, mais une foi opposée en l'homme. » Foi opposée en effet, qui déifie l'homme, nie sa déchéance par la faute originelle, lui promet un progrès indéfini et rêve même qu'aux jours lointains, maître du secret de la vie, il saura éloigner la mort. Ce dogme a ses adeptes nombreux et agissants, savants et éloquents parfois, passionnés toujours, et résolus à briser tous les obstacles qui s'opposent au triomphe de l'idée nouvelle.

Le premier, et celui sur lequel s'acharnent leurs.

efforts, est ce Pontificat Romain qui affirme être le représentant de Dieu lui-même. Ils l'ont dépouillé et fait prisonnier, et maintenant ils emploient tous leurs efforts. à l'isoler, à affaiblir et enfin à rompre le lien qui lui rattache toutes les Eglises du monde.

En présence de semblables tentatives, il n'est pas étonnant que les craintes de schisme aient de nouveau frappé beaucoup d'esprits; que les mots vieillis d'Eglise d'Etat, d'Eglise nationale aient été de nouveau prononcés.

Nous voudrions brièvement examiner si ces mots répondent aujourd'hui, ou dans un prochain avenir, à une réalité qu'il nous faut redouter et prévoir.

La tentative la plus formelle, qui ait été faite en France de la fondation d'une Eglise nationale, date de 1789 et fut l'œuvre de l'Assemblée Constituante.

L'opinion est assez répandue que, dans la Révolution, l'Assemblée Constituante fit œuvre de réformes. L'Assemblée Législative et la Convention, seules, œuvre de désordre et de sang. Cuique suum, dit un proverbe de justice distributive. La vérité est que la législation antireligieuse appartient toute entière à l'Assemblée Constituante. C'est elle qui a voulu et voté le schisme; elle qui pour l'imposer a commencé et organisé la persécution, dont seules la forme et la violence ont changé sous les deux autres assemblées.

Dès le 11 octobre 1789, Talleyrand proposait la confis cation des biens du clergé. Cette motion fut appuyée par Mirabeau qui proclamait dans son discours que le prêtre n'était qu'un officier de morale et d'instruction. Barnave soutint que le sacerdoce n'existait que par la nation, et Garat ajouta que les fonctionnaires publics ne devaient être payés que par elle, et ne pouvaient être propriétaires. Le 2 novembre l'Assemblée décrétait que tous les biens ecclésiastiques étaient à la disposition de la nation.

L'Eglise perdait ainsi l'indépendance que donne la

fortune, et dès lors devenait sujette de l'Etat par les nécessités de son existence matérielle; mais pour qu'elle le devint absolument, il fallait la soustraire à l'autorité du Pape. Tel fut l'objet de la Constitution civile du clergé, qui ne tendait à rien moins qu'à faire du pouvoir spirituel une émanation du pouvoir civil.

Par l'une de ses dispositions essentielles (art. 10), l'institution canonique était de fait abrogée, puisqu'il était interdit au nouvel évêque « de s'adresser à l'évêque de Rome pour en obtenir aucune confirmation. » Il pouvait seulement lui écrire « comme au chef visible de l'Eglise universelle, en témoignage de l'unité de foi et de communion qu'il est dans la résolution d'entretenir avec lui. » Il suffira donc « d'une lettre mise à la poste et de beaucoup d'aplomb, pour être en communion avec le Pape, malgré lui-même.» (Sciout, Hist. de la Const. civile du clergé). Désormais le pouvoir civil confère à ses plus hauts dignitaires, les Evêques, l'autorité religieuse.

Cette loi, en principe et en théorie, décrétait le schisme; restait à le faire passer dans les faits et à le réaliser pratiquement. Il s'agissait d'obtenir l'acceptation du clergé, c'est-à-dire, son apostasie. Ce fut l'objet de la loi du serment. L'immense majorité des prêtres refusa de la prêter, et le peuple catholique s'écarta bien vite de ceux qui avaient consenti.

La Constituante prétendit l'imposer par la force. Dans l'instruction du 21 janvier 1791, il est dit que «<les non-conformistes ne pourront former une église libre, et que l'Assemblée, le remplacement des prêtres insermentés par les assermentés, une fois consommé, a dû nécessairement regarder comme perturbateurs ceux qui, élevant autel contre autel, ne céderaient pas leurs fonctions à leurs successeurs. »

Dès lors régna la persécution. L'exil d'abord puis l'échafaud et la déportation. Mais ce fut en vain. Le

culte catholique put être interdit; aucun culte dit national ne put être établi.

La passion anti religieuse avait animé l'Assemblée Constituante; la passion du pouvoir guida Napoléon. Assurément lorsqu'il songea à rétablir le culte et négocia le Concordat, il apportait à ces projets des idées bien différentes de celles des constituants. Il n'était imbu, ni de leur scepticisme philosophique, ni surtout de leurs utopies politiques et sociales; mais cependant pour des raisons autres, et avec un plan différent, lui aussi rêvait une église d'Etat. Il voyait dans la foi religieuse un levier et un frein puissant des énergies et des volontés, une grande force gouvernementale, et cette force il la voulait dans sa main. De là les longues négociations du Concordat, de là les articles organiques qui l'ont suivi. Napoléon comprenant que l'autorité pontificale était la vie et l'âme même de l'Eglise, la voulait conserver à ce titre; mais il s'efforçait d'empêcher qu'elle se fît sentir et s'exerçât jamais dans son empire. En un mot il voulait une Eglise, catholique nominalement, pour qu'elle fût forte et vivante; gouvernementale de fait, pour qu'elle lui fût un instrument.

Cette dernière préoccupation était devenue chez lui dominante, et préparait peut-être la rupture avec Rome lorsque brusquement toute sa puissance s'écroula.

Depuis un siècle l'Eglise de France vit sous le régime du Concordat. Elle s'est efforcée de développer ses œuvres et son enseignement: elle a fait des conquêtes, si elle a fait des pertes. Les articles organiques semblaient tomber peu à peu en désuétude, comme contraires aux idées et aux constitutions nouvelles. D'autre part un mouvement général d'union plus étroite avec Rome s'est manifesté, qui semblait écarter pour toujours toute crainte de particularisme.

Mais depuis vingt-cinq ans les choses ont singulièrement changé. A des gouvernements bienveillants ou au

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