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sont les catholiques qui, après le Concordat, ont demandé au gouvernement d'alors de ne laisser s'ouvrir ni église, ni chapelle sans une autorisation de sa part; ils voulaient ruiner la petite église », c'est-à-dire le culte non concordataire. Ils y ont réussi encore que cette église ne fût pas un danger, mais aujourd'hui cette puissance du pouvoir public se tourne contre eux, en ce que le gouvernement actuel est maître des lieux destinés aux cultes; il peut refuser de les laisser ouvrir, ou s'ils existent, les fermer; on en a vu des exemples.

Je puis citer une ville où les catholiques avaient acquis un terrain assez vaste, joignant une église en construction, dans le dessein d'y bâtir une école. Pour s'épargner le soin et la dépense de construire et de gérer l'école ils prièrent le gouvernement (c'était à la fin du second Empire), d'accepter ce terrain avec charge de faire l'école. C'est depuis 1870 que l'école a été bâtie et on sait ce qui s'y enseigne maintenant; ainsi ce sont les catholiques qui spontanément ont fourni le terrain de ce qui est actuellement une école sans Dieu.

Ce qui se passe aujourd'hui et frappe les yeux aurait dû les désabuser, mais les idées de recours à l'Etat, l'habitude de regarder le gouvernement comme souverainement compétent et juste est si forte, si enracinée dans les esprits qu'elle triomphe malgré tout. En 1899 s'est tenu à Paris, sous la présidence d'Etienne Lamy, l'ancien député, un Congrès dit « du droit d'association ». Il a été bien suivi et surtout par des catholiques, mais c'était merveille de voir combien le goût de la liberté avait peu de prise sur leurs esprits. Ils l'acclamaient en paroles cette liberté, ils en applaudissaient le nom, mais ils reculaient devant sa mise en pratique. Ils s'épouvantaient et s'exclamaient lorsqu'on leur proposait une législation seulement approchante de la législation américaine: quoi! pas d'intervention par l'Etat? Pas d'approbation à requérir? Pas de tutelle administrative?

Les citoyens laissés à eux-mêmes? L'association pouvant posséder, acquérir librement? Ils reculaient en tremblant devant une solution qui eut dû leur sembler naturelle, juste, désirable.

Ne voyons-nous pas encore des catholiques aveuglés demander à l'Etat de créer des institutions de prévoyance, d'assistance, de s'en charger au détriment de l'initiative privée alors qu'on sait trop, évidemment, qu'il en fera un instrument politique, un moyen de domination.

Si l'exemple des catholiques américains, qui n'admettent rien du pouvoir public et savent soutenir leurs églises de leurs souscriptions et de leur action personnelle; si la vue du bien que procure cette liberté réputée chez nous si effrayante et si pleine de péril, si tout cela pouvait toucher nos catholiques de France, leur donner plus de confiance dans l'initiative privée, moins de penchant vers l'Etat, ce serait un heureux fruit du présent Congrès.

HUBERT-VALLEROUX.

XXXI-I

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LE CAHIER DU TIERS-ÉTAT DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE LYON

ET LA POLITIQUE DE M. COMBES

L'état de fièvre législative où se débat le pays depuis vingt ans n'est pas un signe de bonne santé nationale. Ceux qui l'entretiennent et en vivent poursuivent, à coup de lois nouvelles, une lutte sans merci contre des croyances et des coutumes qu'ils veulent détruire, contre des droits naturels et des intérêts qu'ils méconnaissent. Une nation prospère respecte mieux ses traditions et ne cherche pas le progrès dans de continuels changements et une perpétuelle agitation. « Corruptissima Republica, plurimæ leges », a dit Tacite. Lois de circonstances, lois d'exception au profit de quelques-uns ou dirigées contre un groupe de citoyens, les unes sont nées de l'habitude parlementaire de confondre les pouvoirs, d'autres sont des réclames électorales. Beaucoup aussi sont inspirées par le désir de paraître poursuivre l'œuvre inachevée, dit-on, de la Révolution.

On connaît, chez nous, la puissance des mots qui fascinent l'opinion. Aucune proposition ne paraît excessive, offerte sous certaine étiquette qui a la propriété de faire foi par elle-même de sa propre sincérité. Que de nouveautés nous sont imposées comme des articles en retard du programme de la Révolution, qui ne furent jamais dans l'esprit des réformateurs de la fin du XVIII° siècle, si elles ne sont pas le contrepied des principes formulės à cette époque. Elles ne seraient pas acceptées aussi facilement si elles étaient dépouillées du prestige de leur fausse origine et réduites à s'abriter sous le patronage de la seule fantaisie de leurs modernes inventeurs.

Pour savoir ce qu'il en est, le plus sûr n'est-il pas d'étudier dans les documents originaux l'œuvre des hommes qui ont fait la Révolution. Ils savaient, peutêtre, pourquoi ils la faisaient. Ils connaissaient mieux que nous les abus à réformer, puisqu'ils en avaient souffert. Les cahiers de leurs doléances contiennent tout leur programme. « Les cahiers de 1789, a dit Tocqueville, resteront comme le testament de l'ancienne société française, l'expression suprême de ses désirs, la manifestation authentique de ses volontés dernières. » Si les aspirations des premiers représentants du peuple ont eu depuis longtemps satisfaction, ce n'est que par un abus de langage que des réformes peuvent se recommander encore d'une Révolution qui a achevé son œuvre. Le procédé est surtout abusif lorsqu'il tend à rattacher au mouvement réformateur d'il y a un siècle, des idées en contradiction manifeste avec son esprit.

Le parti qui s'applique à faire en France de la Révolution un état permanent, se propose surtout d'abriter ses visées sous un nom qui leur donne du crédit. Pour atteindre ce but, il cultive l'art dans lequel il est passé maître de créer des malentendus, de diviser les Français, dont pas un ne songe, ni par conviction ni par intérêt, à ressusciter un passé mort depuis longtemps, en amis et ennemis de la Révolution, suivant qu'ils sont ou non partisans des fantaisies écloses dans des cervelles contemporaines. En voulant faire croire qu'ils continuent la Révolution, alors qu'en réalité ils tendent à en faire une seconde contre la première, en formulant toujours de nouvelles réclamations injustifiées et irréalisables comme les conditions normales de l'état démocratique, ces hommes paralysent l'effet des réformes opérées et remettent sans cesse en question des points que l'on croyait réglés définitivement.

Révolutionnaires et héritiers des Jacobins de 1793, certes, ils le sont par leur ardeur à démolir ce qui est.

Mais les institutions qu'ils renversent ne sont pas des abus. Tout avait été nivelé, il ne restait plus de privilèges à abattre. Leur rage s'en prend alors à l'égalité et leur besogne consiste à exclure du droit commun des catégories de citoyens, à donner à quelques-uns des droits que les autres n'ont pas, à faire une révolution à rebours. Révolutionnaires, ils le sont par leur impuissance à se mettre d'accord, lorsque, tous unis pour l'œuvre de ruine, il s'agit de s'entendre pour édifier. Ils le sont par leurs procédés tyranniques, leur mépris des droits les plus sacrés, des lois les plus certaines, exploitant, à l'exemple des jacobins devenus plus tard les hommes du directoire, la lâcheté, la corruption et les appétits.

Du reste, il y a longtemps que le mouvement politique a dévié. Ce fut à son origine même et par la faute des premiers mandataires auxquels le peuple avait confié des pouvoirs limités et définis et qui en firent un si étrange abus. On n'est pas peu surpris en ouvrant le « Cahier du Tiers-Etat de la sénéchaussée de Lyon de lire ce préambule : « Un roi juste et bienfaisant, a l'objet de l'amour de ses peuples, rassemble les repré«sentants de la nation pour apporter un remède aux

plaies de l'Etat; rappelant les Français aux droits << imprescriptibles d'un peuple libre et généreux, il veut, de concert avec eux, s'occuper de la réforme des abus, de l'établissement d'un ordre fixe et invariable dans toutes les parties de l'administration, et de tout << ce qui peut intéresser la prospérité générale, et le bien de tous les sujets de ce vaste empire. Grâces « éternelles lui sont rendues! Que l'expression de la plus tendre et de la plus respectueuse reconnaissance, a soit le premier vœu dont seront chargés, au nom de << cette sénéchaussée, les députés du Tiers-Etat! Proposons à ce monarque chéri, et à la nation assemblée des vues vraiment patriotiques et dignes de l'auguste

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