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LE PREMIER PROCÈS DE SAINT PAUL (61 A 63)

Paul, prisonnier à Césarée, aurait obtenu son élargissement en s'en remettant au jugement de Festus. Il préféra en appeler à César. Sa conduite, humainement inexplicable, paraît lui avoir été inspirée. La nuit qui suivit son arrestation dans le Temple, le Seigneur lui était apparu en disant : « Persévère! de même que tu m'as rendu témoignage à Jérusalem, il convient aussi que tu me rendes témoignage à Rome3. » Il fut embarqué avec d'autres prisonniers sous la conduite de soldats commandés par Julius, centurion de la cohorte Augusta. Le treizième jour de la tempête qui les assaillit, Paul, demeuré calme au milieu des éléments déchaînés, adressa à l'équipage ces étonnantes paroles : « 22)... personne ne périra; il n'y aura que le vaisseau de perdu. 23) car, cette nuit, un ange du Dieu à qui je suis, et que je sers, m'est apparu. — 24) Il m'a dit : Paul, ne crains point; il faut que tu comparaisses devant César. Et voici que Dieu t'a donné tous ceux qui naviguent avec toi. » Julius traita l'apôtre aussi doucement que la discipline le permettait. Lorsque le vaisseau qui les portait eut atterri à Pouzzoles, il permit à son prisonnier de dem eurer sept jours chez les frères de la ville'. Le

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Voir numéros de juillet, août et septembre 1902.

Actes des Apôtres, XXVI, 32.

...

Sic te oportet et Romæ testificari (Loco cit., XXIII, 11).

Eod., XXVII, 1–42.

Eod.

• Eod., XXVII, 3, 42.

Eod., 14.

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médecin Luc et Aristarque, Macédonien de Thessalonique, suivaient volontairement Paul. Un exprès porta sans doute à l'église de la capitale la nouvelle de l'arrivée car, lorsque le convoi se remit en marche, il rencontra les frères de Rome qui l'attendaient, les uns au marché d'Appius, les autres aux Trois-Loges1. Pierre n'est point nommé par Luc. S'il eut été de retour, il n'aurait point manqué de venir donner le baiser de paix. au voyageur.

« Le Forum d'Appius, dit Mgr Gerbet, était à cinquante un milles de Rome, dans les marais Pontins, près d'Antium : il n'en reste aucun vestige. Les Trois-Tavernes étaient situées au delà d'Aricie, et en deçà du Forum d'Appius, à dix-sept milles de l'une et à dix-huit de l'autre, d'après l'itinéraire d'Antonin. Plusieurs antiquaires ont pensé qu'elles se trouvaient dans l'endroit qu'occupe aujourd'hui la ville de Cisterna. D'autres, les placent à Civitona et, par conséquent, plus près d'Aricie. >>>

Dans ces localités devaient se trouver Prisque et Aquilas et les parents et les amis que l'apôtre saluait à la fin de l'épitre aux Romains. Ils désignèrent aux autres frères, au milieu des prisonniers qu'escortaient Julius et ses soldats, près de Luc et d'Aristarque, un être chétif3, chauve, au physique distingué comme celui d'un patricien, dont les yeux malades étincelaient de génie. Cet homme de trois coudées, comme l'appellera saint Jean Chrysostome, avait le visage ovale, les sourcils bas, le nez droit et allongé. Son corps un peu voûté", si frêle en apparence, avait résisté aux intempéries, aux

1 Eod., 15.

* Esquisse de Rome Chrétienne, I, 18.

3 Præsentia corporis infirma (S. Paul, II, Co~,, X (10)

་་

Martigny, Dictionnaire, etc., Vo Pierre e aul

Oratio XXX, In princ. apost.

Nicéphore Calliste, Hist. eccles., II, 307.

naufrages, aux flagellations, à la lapidation. Sa voix avait bouleversé l'Orient, étonné l'Aréopage par son éloquence. Et ses mains étaient enchaînées!

A la vue de Saul de Tarse, nommé Paul, auquel Dieu avait daigné apparaître sur le chemin de Damas, des cris de bienvenue sortirent sans doute de toutes les poitrines, et, dit Luc, Paul « ayant vu les frères, rendit grâces à Dieu et fut rempli d'une nouvelle confiance1». Le convoi, grossi par les chrétiens, suivit la voie Appienne. Près de la ville, il longea les sépulcres de Cécilia Métella et des Scipions, les souterrains qui allaient devenir les cimetières Domitille et de Callixte où reposent les héros tombés pour le Christ, le temple aux cent colonnes du Dieu de la guerre et le temple de la Tempête; puis il entra par la porte Capène. La lutte trois fois séculaire d'où sortira le monde nouveau allait commencer.

Les appelants à César, prisonniers de l'empereur, étaient remis à la garde impériale dès leur arrivée. Le centurion Julius traversa donc Rome pour conduire Paul au camp des Prétoriens bâti par Séjan près de la

voie Nomentane.

L'apôtre des gentils comparut devant le préfet du Prétoire qui était, suivant l'époque à laquelle on place l'événement, soit Afranius Burrhus; soit Fénius Rufus ou Tigellin, plus probablement Rufus, Tigellin étant trop absorbé par les intrigues de la Cour pour s'occuper de ses attributions militaires 3. La première question qui se posa fut celle de la détention préventive. Le droit romain comportait quatre solutions: la détention, la garde militaire (custodia militaris)*. la garde libre

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'Actes des apótres, XXVIII, 15.

Renan, l'Antéchrist, 5

Aubé, 59.

Fouard, Dernières années de saint Paul, 4.

Daremberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romat

nes, voir Custodia.

(custodia libera), la mise en liberté provisoire pure et simple. Dans la garde libre le prisonnier était remist à des personnes qui se portaient caution de sa comparution ultérieure devant le magistrat.

Lorsque l'accusé venait d'aussi loin, le seul document qui pût éclairer le juge était le rapport du magistrat local qui suivait le prisonnier avec la réquisition de transfert. Festus avait déjà formulé son opinion en ces termes: « Cet homme n'a rien fait qui mérite la mort ou la prison. » Julius, de son côté, dut indiquer l'estime en laquelle il tenait l'appelant. Le sénateur Pudens, s'il eut été chrétien à cette époque, se serait offert comme caution; dans ces circonstances favorables, sa haute influence aurait obtenu peut-être la mise en liberté provisoire. Le préfet ne voyant devant lui qu'un citoyen romain exotique, entouré d'étrangers et de Juifs de petite condition, se borna à l'autoriser à « demeurer où il voudrait avec un soldat qui le gardait » C'était la garde militaire la plus large. Paul fut confié à un frumentaire prétorien auquel il était enchaîné pour les sorties et avec lequel il habitait un local qu'il louait à ses frais. Sous cette restriction, il était libre.

Ne pouvant parcourir les synagogues, les fers aux mains, entravé par une chaîne dont un soldat tenait l'extrémité, il manda dans sa cellule, trois jours plus tard, les principaux d'entre les Juifs. Il leur raconta son arrestation, sa détention, son appel, et termina par cette révélation inattendue : « j'ai demandé à vous

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De custodia reorum proconsul estimare solet, utrum in carcerem recipienda sit persona, an militi tradenda, vel fidejussoribus committenda, vel sibi, (Ulpien, au Digeste, livre XLVIII, titre III, loi 1).

J. Rambaud, Le droit criminel romain dans les actes des martyrs (Jevain, 1885, 29 et 30).

Actes des Ap., XXVI, 31.

Loco cit., XXVIII, 16.

Eod., 16 et 17.

voir et à vous parler; car c'est pour l'espérance d'Israël que je suis lié de cette chaîne »1

- «21) Nous n'avons reçu de Judée, répondirent les visiteurs, ni lettres à ton sujet, ni aucun frère qui soit venu nous faire un rapport, ou nous dire quelque mal de toi << 22) Mais nous voudrions bien apprendre de toi-même ce que tu penses: car ce que nous savons de cette secte, c'est qu'on la combat partout. » Il fallait que les Nazaréens de Rome fussent en petit nombre pour que les principaux de la Synagogue pussent feindre, même par politique, d'en ignorer l'existence. L'espérance d'Israël, c'était la venue du Messie impatiemment attendue de jour en jour. On n'eut garde de se dérober. Les Juifs vinrent nombreux chez le captif. Vainement Paul, avec sa mâle éloquence, essaya-t-il de leur prouver que les promesses de Jéhovah étaient accomplies en la personne de Jésus. Les uns étaient portés à le croire, les autres doutaient, tous discutaient, aucun courant irrésistible n'emportait l'assemblée. La discussion ne dégénéra pas, grâce sans doute à la présence du prétorien qui dut être surpris étrangement de ce qu'il entendait impassible. A bout de forces et de courage, l'apôtre adressa à ses frères Hébreux une apostrophe véhémente tirée du prophète Isaïe: 3 « 26).,. Va vers ce peuple et dis-lui vous entendrez de vos oreilles, et vous ne comprendrez point; vous regarderez de vos yeux et vous ne verrez point... 27) Apprenez donc que ce salut de Dieu est envoyé aux gentils; et qu'eux ils écouteront. 28). Lorsqu'il eut ainsi parlé les Juifs s'en allèrent, ayant de grands débats entre eux. » C'était la rupture, dès la première entrevue, rupture d'autant plus dangereuse que les Juifs, dont la puissance

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1 Eod., 20.

1 Eod.

Actes des Ap., XXVIII.

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