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tant de troubles et de tant de luttes, a été encore poussée à l'extrême par ces récentes lois persécutrices qui luttent avec un acharnement et une astuce consommée contre les intérêts sociaux fondés par l'Eglise et le principe des traditions nationales auquel la France doit son existence politique.

Au milieu de toutes ces commotions, on entend retentir le mot de liberté. Mais les catholiques ne doivent pas se laisser séduire. Qu'ils se vouent uniquement à la défense de la liberté de l'Eglise; car ils doivent savoir que seule l'Eglise est féconde, et si notre société, fatiguée de tant d'agitations, aspire à la paix dans la liberté, elle ne la trouvera que dans le retour aux influences catholiques qui ont fait l'ancienne France.

La Révolution, de même que le libéralisme, a échoué dans toutes ses promesses et dans toutes ses entreprises. Il faut maintenant travailler à rétablir tous les princi-pes en ramenant la société au point de vue éblouissant du christianisme. L'Eglise reflète sa lumière sur les choses mêmes de la politique et seule elle assure à ses défenseurs une gloire durable, en attachant leurs noms à la cause immortelle de la religion et de l'ordre social.

Baron Félix de ROSNAY.

CHRONIQUE DU MOIS

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Le «<bloc» ministériel s'effrite-t-il ?- Ajournement de la rupture du Concordat. Double scandale. — M. Pelletan et la lettre de Parayre. M. Edgar Combes et le cercle national. Les colères de M. Combes père. Le « bloc » recolle. Les religieuses enseignantes. Les crochetages du mois. - Circulaire de M. Vallé. Les officiers héroïques. Arrêts sur la sécularisation. Le Crédit foncier. M. Combes hué à Longchamp. - Les « Apaches » dans les églises. - Divers faits intérieurs. Edouard VII à Paris. Guillaume II à Rome. L'austrophobie italienne. Agression au Sud-Oranais. - Troubles au Yunnan.

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31 mai 1903.

La situation politique n'est plus absolument la même aujourd'hui qu'il y a un mois. Le débat qui s'est ouvert dès la rentrée des Chambres, et qui portait, encore et toujours, sur la politique religieuse du cabinet Combes, s'est bien terminé par un ordre du jour de confiance, mais le président du conseil n'a obtenu ce satisfecit qu'à la condition de renoncer à conduire le <«<bloc» aussi loin qu'il l'entendait; la séparation de l'Eglise et de l'Etat, qu'il s'était déclaré prêt à proposer au premier jour, a eu contre elle vingt-cinq voix de majorité; d'autre part, l'ordre du jour Etienne, que M. Combes a dû accepter, mais que les socialistes n'avaient pas signé, comporte le respect du libre exercice des cultes. Du coup, le « bloc » était entamé, et M. Combes cessait d'être assuré de pouvoir aller <«< jusqu'au bout » du programme dont les Loges l'ont constitué l'exécuteur; seulement l'amour du pouvoir l'a emporté sur les basses consignes qu'il a servilement acceptées.

Et il arrive que, dans le même temps où sa férule, déjà impuissante à imposer l'autre mois la reprise de l'affaire Dreyfus, se heurte à de nouvelles résistances touchant la dénonciation du Concordat, un de ses collègues et lui-même sont l'objet de terribles accusations, qui mettent en question leur austérité et leur incorrup

tibilité, dans des conditions telles, que leur chute, en dépit de la complaisance des majoritards, apparaît comme le fruit prochain d'une lassitude inévitable. Au scandale qu'on désigne sous l'étiquette « Le million des Chartreux », voici, en effet, qu'il s'en est ajouté deux autres, qui placent en fâcheuse posture le ministre de la marine et le fils du président du conseil.

C'est le Figaro qui a dénoncé le premier de ces scandales, en publiant une lettre adressée, le 25 septembre 1902, à M. Pelletan, par M. Parayre, l'intendant de la famille Humbert. Il faut savoir que, lorsque fut ordonnée l'ouverture du fameux coffre-fort, au commencement de mai 1902, la géniale Thérèse fit aux époux Parayre, en reconnaissance de leurs services jusque-là désintéressés, cadeau de ses bijoux, avec mission d'en faire argent au Mont-de-Piété. Le titre que M. Parayre acquit ainsi fut malheureusement saisi par le liquidateur de la faillite Humbert, et M. Parayre, pour le recouvrer, n'eut d'autres ressources que de recourir à de douces pressions sur les personnages politiques qu'il avait obligés naguère. Il écrivit ainsi diverses lettres. plus ou moins comminatoires, qui tombèrent aux mains du juge Lemercier. L'on se souvient que ce magistrat dut démissionner pour avoir usé de ces lettres d'une façon qui n'agréait point aux dirigeants de la République. Tant et si bien que l'une d'elles est arrivée aux mains du Figaro, qui, après avoir préparé congrûment son effet, l'a publiée sans crier gare. Cette lettre prie M. Pelletan d'intervenir auprès de son collègue de la justice pour qu'il ordonne la restitution à M. Parayre d'une pièce importante, et, pour obtenir cette intervention du ministre de la marine, elle fait valoir la discrétion que M. Parayre a gardée sur certaine somme considérable qu'il versa au secrétaire de M. Pelletan, quand celui-ci, en décembre 1889, à la tribune, combattit l'élection du comte Greffuhle, l'heureux concur

rent de Frédéric Humbert aux élections de Seine-etMarne. Or, s'il est vrai que la « pièce importante »>< réclamée par M. Parayre a été gardée par le liquidateur, il est certain que M. Parayre a bénéficié depuis d'une ordonnance de non-lieu. La démarche impliquée dans la lettre n'a donc pas été tout-à-fait vaine, et il reste que l'intègre pourfendeur de tant d'anciens abus se trouve véhémentement soupçonné d'avoir consenti à toucher une rémunération « considérable » pour un discours dont le thème consistait précisément à flétrir les élections faites à coup d'argent.

A la Chambre, un ami du ministre, M. Gouzy, président du groupe radical-socialiste, est monté le jour même à la tribune pour fournir à M. Pelletan l'occasion de se défendre contre cette accusation de concussion. Avec un aplomb qui a paru imperturbable, le ministre a nié aussi bien l'imputation produite par M. Parayre que le fait même d'avoir reçu la lettre, et il a, non sans éloquence, chanté le grand air de l'austérité libre-penseuse, avec un trémolo sur la pauvreté démocratique. Par malheur, le Figaro, tenace en sa campagne libératrice, a mis les points sur les i, précisé les dates, les heures, le numéro du reçu de la poste, le texte de l'accusé de réception, toutes choses qui établissent que, quand M. Pelletan déclarait n'avoir point reçu la lettre gênante, il faisait preuve d'une invraisemblable et trop opportune amnésie. On n'inquiète, d'ailleurs, ni M. Parayre, ni M. Lemercier, ni le Figaro, et si M. Pelletan a obtenu les applaudissements de la majorité, s'il a promis de faire effrontément tête à l'orage, tout montre qu'il se gardera d'attraire ses accusateurs en cour d'assises. Il est permis d'en conclure que, puisqu'il a reçu la lettre de M. Parayre, et qu'il n'y a point répondu sur l'heure avec l'indignation qu'elle commandait si elle était calomnieuse, c'est qu'elle est vraie, et que le polichinelle préposé à la marine par le jacobino-muflisme triom

phant n'est qu'un Verrès, d'autant plus méprisable qu'il pousse le cynisme jusqu'à jouer les Cicéron.

Aussi bien, la République a-t-elle vraiment le droit d'excommunier les gens qui collectionnent les lettres privées? Le Soleil a rappelé que, si deux vertueux républicains ne s'étaient pas approprié, en 1874, certaine épître du baron de Bourgoing, la République n'aurait pas été votée par l'Assemblée nationale. L'élection de M. de Bourgoing se trouvant, en effet, par suite de cette découverte, soumise à la formalité d'une enquête, le député de la Nièvre ne put participer au scrutin. C'est ainsi que, quand il s'agit de donner un gouvernement à la France, la République fut proclamée à une voix de majorité autant dire qu'elle doit son existence au cambriolage d'une lettre. Des deux vertueux républicains qui avaient trouvé cette lettre dans un wagon, l'un, juif, fut nommé préfet, l'autre, franc-maçon, devint trésoriergénéral la République ne récompensera-t-elle pas le citoyen qui a découvert la lettre Parayre?

L'autre scandale dont nous parlions est frère de la tentative de chantage dirigée contre les Chartreux : il s'agit, en effet, d'un cercle de Paris qui, à l'occasion de sa fusion avec un autre cercle, demanda l'autorisation de jeu, l'obtint et dut payer une somme de vingt-cinq mille francs, à un intermédiaire qui prétendait avoir exercé à cet effet une pression utile sur le secrétairegénéral du ministère de l'intérieur, c'est-à-dire sur M. Edgar Combes, le fils très entreprenant du président du conseil. Parvenu aux oreilles de deux députés, MM. Flandin et Grosjean, tous deux anciens magistrats, le fait a été narré au public par le Soleil, la Liberté, le Gil Blas, et, depuis ce jour-là, M. Combes père ne décolère plus. Au moment même où M. Pelletan était appelé à la tribune pour s'expliquer sur la lettre Parayre, M. Combes, franchissant les gradins de la Chambre, allait trouver à son banc M. Flandin, et le sommait

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