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cation pénale nous paraît aujourd'hui condamnable, est-il certain que notre manière de voir était celle des hommes des derniers siècles et, à supposer qu'ils aient pensé comme nous sur la question, est-ce que le simple fantôme d'un principe non mis en vigueur les eut sérieusement empêchés d'affirmer leur opinion?

M. Viaud rappelle qu'en 1789 la Déclaration des droits proclame l'inviolabilité de la propriété. Il remarque, à ce propos, que « dans la monotone série des dix-sept articles, prétendues trouvailles du génie moderne », le dernier, celui, précisément, qui a trait au droit de propriété, est « un des seuls dont le sens net et juste impose une déduction rigoureuse. >> Par malheur, la médaille a son revers dans la confiscation, opérée en même temps, des biens du clergé, de ceux des émigrés et de ceux des personnes condamnées révolutionnairement. M. Viaud examine les arguments par lesquels la Révolution, s'emparant du patrimoine de l'Eglise, entend se justifier. I note les frappants rapports qui existent, dans le fond comme dans la forme, entre les théories émises alors et celles aujourd'hui défendues par les partisans des droits de l'Etat sur les mêmes biens. En passant, et en s'appuyant sur l'histoire de la période révolutionnaire, il établit que la confiscation ne procure jamais à l'Etat des richesses sérieuses et durables; le Trésor, en effet, subitement enrichi, entre dans des dépenses excessives; il vend alors les biens confisqués, mais à vil prix.

L'auteur fait ensuite une rapide histoire de la confiscation depuis la Constitution de l'an VIII jusqu'à la Restauration; c'est, d'abord, l'amnistie prononcée en faveur des émigrés le 6 floréal an X; ce sont, ensuite, les décrets-lois des 6 avril 1809 et 26 août 1811 établissant la confiscation au cas de naturalisation illégale à l'étranger; enfin, le Code pénal de 1810, maintenant cette peine, mais dans les cas seulement où la loi la prononce expressément, et avec faculté, pour le Chef de l'Etat, de restituer les biens du condamné à ses parents.

La Charte de 1816 proclame que la confiscation est abolie et ne pourra jamais être rétablie. Ce principe est rigoureusement respecté par le gouvernement de la Restauration. Après, en effet, le rétablissement, pendant les Cent Jours, des lois de proscription et de confiscation contre les émigrés non pardonnés, notre histoire ne relate plus, de longtemps, d'attentats à la propriété. Quelques-uns, il est vrai, après 1815, proposent la confiscation des biens des « auteurs de l'invasion »; mais le gouvernement de Louis XVIII préfère « une économie honnête et laborieuse ». Si la loi de 1816 proclame le bannissement contre la famille Bonaparte, c'est sans aucune confiscation de leurs biens. De même, sous la monarchie de juillet, lorsque la loi du 12 avril 1832 ordonne la vente des biens de la branche

aînée, elle n'en incorpore pas la valeur au Trésor. C'est vainement aussi qu'en 1848 on met en avant un projet de confiscation du patrimoine des princes d'Orléans.

Il faut attendre 1852 pour voir revivre la confiscation politique; aux termes du décret du 22 janvier 1852, les biens personnels du roi des Français sont restitués à l'Etat, qui en garde la propriété jusqu'au vote du Parlement de 1872.

Arrivant à l'histoire des dernières années, M. Viaud fait cette remarque : « Nous rougirions de professer brutalement la doctrine de la confiscation et, cependant, nos mœurs supportent certains arguments, la jurisprudence et les lois ont admis certaines pratiques qui, nous le craignons, contiennent un germe d'inquiétantes menaces. >>

Une de ces pratiques est, suivant l'auteur, la revendication par l'Assistance Publique des legs faits aux pauvres par l'intermédiaire des curés ou fabriques. Nous voyons, dit-il, la répétition exacte de la législation impériale romaine quand, par l'effet des lois caducaires, le fisc héritait des biens légués aux indignes et aux célibataires. Cela s'appelait alors la confiscation. Bien que notre époque en rougisse, il faut employer le même mot pour définir les mêmes pratiques. » — M. Viaud remarque que, du reste, les prétentions de l'administration échouent le plus souvent devant les tribunaux, qui s'efforcent de respecter les intentions du testateur.

Sur un autre terrain, contre une menace analogue de confiscation, la jurisprudence rend les mêmes services. Au cas de laïcisation d'une école en faveur de laquelle a été faite une fondation à charge d'enseignement congréganiste, considérer la condition comme illicite et appliquer aveuglément l'article 900 du Code civil, ce serait ou, du moins, la différence serait faible consacrer la confiscation. Les tribunaux ont utilement mitigé la rigueur de cette interprétation.

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Plus sérieusement, les biens des congrégations ont été menacés par la loi du 1er juillet 1901. M. Viaud constate que le texte définitif de la loi « ne laisse rien subsister de la confiscation.» Mais il ajoute « Parler, à cette occasion, d'une victoire du droit serait avoir le contentement trop facile. » Il semble qu'il soit permis d'être plus franchement satisfait du résultat obtenu; après une longue et pénible discussion, devant un Parlement dominé par un gouvernement et une commission l'un et l'autre favorables à la main mise de l'Etat sur le patrimoine des associations, avoir fait échouer le texte qui consacrait cette prise de possession, ne peut-on pas appeler cela une victoire du droit? Il est certain, toutefois, qu'il faut se garder, pour l'avenir, de trop grandes illusions. « Un parti victorieux de toute part et tenu en échec sur la seule question de propriété poursuivra sans doute ses avantages. >>

L'auteur examine la plupart des raisons données, lors des

travaux préparatoires de la loi, pour fonder les droits de l'Etat, prétendu héritier de biens considérés comme sans maître. L'argumentation est dirigée contre les seules congrégations, «< comme si elle ne valait qu'autant qu'elle est fortifiée par un élément essentiel, la haine », et non contre les associations laïques dont la situation juridique est la même. Combattant la théorie des biens sans maître, M. Viaud a une démonstration très digne d'attention; il appuie sur cette idée que, si la liquidation offre des difficultés, c'est affaire entre les associés et les tiers qui ont contracté avec l'association, et entre eux seulement.

Il faut noter, enfin, une rapide étude de quelques unes de nos lois qui, suivant l'auteur, ont consacré, vis-à-vis de certaines personnes morales, un droit héréditaire de l'Etat, proche de la confiscation: loi de 1825, sur les congrégations de femmes, de 1850 et, plus récemment, de 1898 sur les sociétés de secours mutuels, de 1875 sur les établissements d'enseignement supérieur libre. Il est clairement démontré que ces lois, si elles reconnaissent des droits à l'Etat, n'appliquent pas une règle générale, mais, au contraire, édictent des exceptions.

La conclusion de M. Viaud est la condamnation de toute confiscation, sauf la confiscation spéciale, en matière criminelle, des objets délictueux; celle-ci est parfaitement légitime et, si l'Etat la pratique, ce n'est pas dans un esprit d'avidité; hors de là, il faut blâmer toute main mise du fisc sur les propriétés privées, soit qu'elle s'exécute avec le cynisme qui ne donne pas de motifs, soit que « quelque juriste offre à l'homme de parti qui s'en passerait, mais que cette approbation enchante le concours d'une science spécieuse et d'une logique sophistiquée. »

Il est impossible de ne pas souscrire à cette conclusion d'une étude intéressante et utile.

André PÉROUSE.

A-t-on Intérêt à s'emparer du pouvoir ?
par DEMOLINS. Didot, Paris.

Dans son livre sur la supériorité des Anglo-saxons, M. Demolins a eu une énorme distraction: il n'a pas vu que ce qui fait la réelle supériorité du jeune anglais, des classes lettrées, c'est l'éducation universitaire d'Oxford et de Combridge. La grande liberté apparente, le sport modéré, la forte discipline et l'influence très réelle des aînés agrégés ou tuteurs, dans les collèges universitaires d'Oxford ou de Cambridge, voilà ce qui prépare les hommes distingués de l'Angleterre. En face, la France comprime outre mesure le collégien, et laisse la bride sur le cou au jeune fou de 18 ans dans les grandes villes !

L'Angleterre laisse beaucoup de liberté au collégien et très peu au jeune homme de 18 ans.

M. Demolins na vu que le collégien anglais et, sous ce rapport, son premier livre tombe à faux, comme ses essais d'éducation on en reviendra !

Son second livre a les défauts du premier - quelques bonnes idées noyées dans des exagérations et dans des utopies. A-t-on intérêt à s'emparer du pouvoir?

Non, répond l'auteur.

Comment prouve-t-il ce non cruel et impitoyable?

Il ne le prouve pas.

Les raisons qu'il allègue ne sont pas convaincantes : Tous les catholiques ne se servent de la religion que comme d'un moyen de conquérir le pouvoir. Les guerres de religion n'ont jamais été que des luttes politiques.

Qui parle ainsi : M. Combes, sans doute; non c'est M. Demolinssi les catholiques luttent aux élections, c'est pour s'emparer du pouvoir la religion n'y est pour rien.

Une fois au pouvoir, les catholiques se proposent d'écraser leurs adversaires. Bien que la théologie le leur défende, bien que le Pape ait proclamé que le seul moyen de ramener l'unité, c'est la persuasion.

Evidemment, conclut M. Demolins, la lutte ainsi comprise n'est pas intéressante.

Il vaut mieux ne compter que sur soi-même, développer l'initiative et envoyer ses enfants à M. Demolins (discours pro domo sua).

Mais, cher monsieur, à quoi servira cette initiative; si nous sommes courbés sous un pouvoir qui absorbe tout et nous traite en ilotes, que deviendra l'école du Rocher avec le monopole de l'Etat?

M. Demolins ne répond pas, et se souvenant qu'il est élève de Vaugirard, il termine son livre par les récriminations les plus indécentes et les plus fausses historiquement contre ses anciens maîtres ils sont persécutés par la violence, il les persécute, lui, par ses calomnies qui n'ont rien de scientifique. Nous aurions cru qu'un sociologue qui se pique de rigueur scientifique serait moins sujet à tomber dans la déclamation. Vilipender vos maîtres persécutés est laid, Monsieur, mais les accuser sans preuves!

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REVUE CATHOLIQUE

DES INSTITUTIONS ET DU DROIT

(XXXI ANNÉE)

XXVII CONGRÈS DES JURISCONSULTES CATHOLIQUES

Nancy, 27, 28 et 29 octobre 1903.

PROCÈS-VERBAL

Mardi 27 octobre

Le 27° Congrès des Jurisconsultes catholiques s'est ouvert à Nancy, le 27 octobre 1903. S. G. Mgr Turinaz, qui en avait accepté la présidence d'honneur, a bien voulu honorer de sa présence toutes les séances et prendre une part active à ses travaux.

Les Jurisconsultes, fidèles à leur tradition, ont ouvert le Congrès en assistant à la Sainte-Messe que S. G. Mgr Turinaz a daigné célébrer à leur intention, le mardi matin, à 8 heures.

Après l'Evangile, Sa Grandeur a prononcé une éloquente allocution, pleine de vigueur et d'élévation.

Mgr Turinaz fait remarquer que c'est au pied des autels et pendant le sacrifice auguste de la messe qu'il souhaite la bienvenue aux membres du congrès. Il les remercie d'avoir choisi la ville de Nancy pour tenir ces assises de hautes études. Cette ville en est digne par ses traditions littéraires et scientifiques, par le zèle du clergé dans l'étude des sciences sacrées et profanes et dans les œuvres catholiques. Il remercie le congrès de l'avoir nommé président, mais en assistant à toutes les séances il ne gardera que le titre, laissant la présidence effective à ceux qui connaissent la méthode et la direction de ces délibérations.

11e LIV. 20 SEM. 310 ANN. NOVEMBRE 1903.

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