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contiennent à peu près mot pour mot tous les faits que j'ai avancés. Seulement, l'ensemble des exportations qui se faisaient du port de Bordeaux pour les pays du nord de l'Europe, exportations dont la quantité est justifiée par le détail de ce que consommait chaque pays, est évaluée à 80 millions; et comme j'ai cru voir dans ce chiffre une exagération qui pouvait provenir du prix trop élevé auquel on aurait calculé la valeur des marchandises exportées, je l'ai réduit arbitrairement de 25 0/0, et je n'ai estimé ces exportations qu'à 60 millions: comme je ne pouvais avoir, ni n'ai encore, je l'avoue, aucun doute sur l'exactitude des quantités, j'ai pensé qu'une réduction du quart dans leur valeur suffisait pour mettre mon assertion à l'abri de toute critique.

C'est à vous de juger maintenant, Messieurs, laquelle des deux sources où ont été puisés ces renseignements contradictoires mérite le plus de confiance. Je n'ai pas d'autre but aujourd'hui, dans ces explications, que de vous faire connaître que ce n'est pas au hasard que j'ai adopté cette évaluation, et surtout de me laver du soupçon d'avoir scieinment produit devant vous un renseignement inexact.

Je profiterai de cette occasion pour rétablir le véritable sens de l'opinion que j'ai émise dans la discussion générale. M. le ministre des finances a argumenté contre moi comme si j'avais proposé de détruire toutes les restrictions, ou en d'autres termes, d'accorder au commerce une liberté entière. Sans doute que le commencement de mon discours n'avait pas été entendu. Car j'y ai déclaré que la liberté du commerce ne convenait pas à la France, et qu'il lui fallait des taxes, des restrictions, et même des prohibitions. J'ai si peu voulu laisser la culture des blés sans protection, que le but principal de mon opinion a été de faire ressortir l'importance de l'agriculture et d'indiquer un moyen de favoriser la production des grains. J'ai si peu voulu courber la France, pour favoriser l'exportation des vins, Sous un régime commercial semblable à celui du Portugal, que j'ai au contraire déclaré que, selon moi, le système industriel de notre pays devait être à lui comme sa politique. Ce que j'ai donc cherché à prouver, c'est que ce régime est en ce moment et à plusieurs égards trop restrictit et que dans les combinaisons qui lui servent de base, il n'a été assez tenu compie, ni des intérêts dé l'agriculture, ni de l'importance qui résulte pour le commerce extérieur de la situation commerciale et politique de la France. C'est dans ce sens, Messieurs, qu'il eût été juste de comprendre mon opinion et de la réfuter, et non en me prêtant des choses que je n'ai pas pu dire, parce que je ne les ai jamais pensées.

Un des articles du tarif que vous examinez, que j'ai eu surtout en vue en énonçant cette opinion, c'est celui qui porte à un taux prohibitif le droit sur les toiles de lin et de chanvre. Je crois que ce droit sera préjudiciable à d'autres branches de notre industrie, sans être utile à la fabrication de ces tissus. J'appuie donc l'amendement de M. de Gères.

M. de Saint-Cricq. Deux amendements contradictoires sont proposés sur le droit des toiles: l'un, tendant à repousser l'augmentation que nous proposons; l'autre, tendant à l'aggraver.

A l'appui du premier, qui est maintenant en discussion, on fait valoir que les droits proposés, bien qu'annoncés être de 15 pour 100 seulement,

excédent réellement ce taux. Je ne puis guère répondre à cette objection qu'en affirmant que le droit n'est véritablement que de 15 pour cent. Il serait, en effet, à peu près impossible d'expliquer à la tribune les combinaisons très compliquées auxquelles il a fallu se livrer pour déterminer avec certitude le rapport de la valeur de tant d'espèces diverses de toiles avec leur poids. Il doit, je crois, me suffire de rappeler que déjà trois commissions de la Chambre, qui ne se sont point bornées à vérifier les chiffres, mais qui ont pris le soin de faire répéter devant elle les vérifications matérielles auxquelles il avait fallu se livrer, lui ont donné l'assurance que ce sont effectivement des droits 15 pour cent qui lui sont proposés. Dans les choses de ce geore, les commissions sont le jury de la Chambre; il faut bien s'en rapporter à leur jugement.

On a parlé du danger de la contrebande. Messieurs, il faudrait supprimer nos douanes si nous avions à craindre une contrebande de quelque Valeur sur un article grevé d'un droit de 15 pour cent seulement. Une foule d'objets supportent des taxes de 30 à 60 pour cent, et vous n'entendez pas dire que la contrebande sur ces objets soit de nature à troubler les industries dans l'intérêt desquelles ces taxes sont établies.

On re toute les effets du droit sur notre commerce extérieur, et c'est par l'honorable M. Gautier que cette crainte a été exprimée par où il entend sans doute qu'elle pourra donner lieu à des restrictions contre nos propres produits. Je lui répondrai que nous ne saurions courir un tel risque pour un droit aussi modéré. Mais, puisque l'occasion s'en présente, je me permettrai de lui dire que je sais mal concilier ses aveux avec les reproches généraux qu'il nous adresse. Il reconnaît que le travail doit être protégé, que des taxes sont utiles, que des prohibitions sont même quelquefois nécessaires; puis il nous dit : Voire système est vicieux, je ne saurais m'y associer.

Mais quel est donc notre système, si ce n'est que des taxes sont utiles, que des prohibitions sont quelquefois nécessaires? Et que faisons-nous donc autre chose que de prononcer les prohibitions qui nous semblent indispensables, que d'élablir les taxes que nous jugeons utiles? Qu'il trouve telles prohibitions mal entendues, telles taxes mal assises, je le conçois mais qu'au lieu de les blâmer en masse, il les critique en détail, qu'il substitue ses chiffres aux vôtres : nous sommes combattus sur un tel terrain. Mais s'en tenant presque toujours à des généralites, il fait que nous nous parlons sans nous répondre, et qu'il devient à peu près impossible de nous juger,

:

Revenant aux toilès, je dis que c'est de la Chambre que sont parties les plus vives plaintes sur la progression toujours croissante des importations, et que le projet de loi ne fait que déférer à ces plaintes. En adoptant l'amendement de l'honorable M. de Gères, la Chambre mentirait à elie-même, je n'en reconnais pas moins avec plaisir qu'à l'appui de cet amendement, M. de Geres a présenté d'utiles considérations, et je me promets bien de les faire valoir moi-même, lorsque vous examinerez la proposition tendant à une plus grande élévation des droits.

(L'amendement de M. de Gères est mis aux voix et rejeté.)

M. le Président. M. Potteau d'Hancardrie a proposé un amendement qui tend aussi à une réduction, mais par un autre moyen. I demande

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M. Potteau d'Hancardrie. Messieurs, lorsque les années dernières, on s'est occupé dans vos commissions, de l'examen de la loi des douanes, de longs débats s'y sont élevés sur l'importance du droit à imposer à l'entrée des toiles étrangères.

Ce droit était alors de 8 0/0, selon les uns, et de 10 0/0 selon les autres; car on n'a pu parvenir à s'accorder sur ce point.

Les fabricants de toile des départements de l'ouest sollicitaient une forte augmentation pour relever, disaient-ils, leurs fabriques anéanties.

Le département du Nord, et notamment la ville de Lille, qui a particulièrement besoiu des toiles de Belgique pour la confection des blouses dont l'usage est devenu général dans nos campagnes;

Les chefs de ces beaux et nombreux établissements de blanchisseries et de teintureries, qui se sont formés sous l'empire d'un tarif modéré; plus de soixante fabricants de Paris, et tout le commerce qui a intérêt à entretenir des relations amicales avec nos voisins, demandaient que le droit fût calculé de manière à ne point provoquer des mesures de représailles et à conserver avec la Hollande des rapports utiles aux deux pays.

Ces considérations, Messieurs, ne devaient point échapper à la sollicitude du gouvernement, et dans la vue de ménager tous les intérêts, il a établi en principe que le droit sur les toiles serait porté à 15 0/0 de la valeur.

On devait donc croire que cette limite ne serait pas dépassée; cependant, il résulte des expériences faites sur un grand nombre de pièces de toiles, des vérifications opérées sur plusieurs centaines de factures qui ont été produites, que le droit, tel qu'il est proposé aujourd'hui, est de 20 0/0 pour les trois premières classes, et de 24, au moins, pour l'espèce de toile qui est la plus nécessaire à nos fabriques de blouses.

En invoquant ici le principe de 15 0/0 établi par le gouvernement, je serais fondé à demander que le tarif ne s'en écartât dans aucune de ses parties; mais dans des vues de conciliation, je me bornerai à vous proposer deux modifications qui n'apporteront qu'un léger changement à la loì.

La première consisterait à substituer à ces mots : 7 fils et au-dessous, du 2° paragraphe de l'article 1er, ceux-ci: moins de 8 fils.

Ce changement, qui n'en est véritablement pas un, puisque c'était ainsi que s'exprimait l'aucien tarif, a principalement pour but d'éviter les contestations entre les employés de la douane et les redevables.

En effet, Messieurs, dans quelle classe l'employé rangera-t-il la toile qui présentera au compte-fils 7 fils 1/4, 7 fils 1/2, ou 7 fils 3/4? Gela arrivera nécessairement, parce que les toiles de cette espèce sont fort grosses. Aux termes du tarif, il devra la ranger dans la seconde classe; et voilà une toile de moins de 8 fils qui paiera 65 francs, c'est-à-dire plus de 30 0/0. Ce ne peut être ni votre intention ni celle du gouvernement; il convient donc, pour éviter toute difficulté, d'adopter cette rédaction moins de huit fils.

Ma seconde proposition est de reporter dans la

deuxième classe la toile de 12 fils placée dans la troisième, parce qu'elle nous est indispensable, que la France n'en fournit point de ceite espèce pour alimenter nos fabriques, et qu'elle se trouve frappée d'un droit de 24 0/0, sans comprendre les frais de commission et de transport, ce qui équivaut à une prohibition.

Pour vous donner la preuve de l'élévation du droit sur cette toile, je m'appuierai de l'autorité même de M. le président du bureau de com

merce.

Il vous a dit en 1824, dans la séance du 15 juin « Les droits pour les qualités qui repré« sentent la plus forte part de nos importations « en toile n'excèdent guère 7 à 8 0/0.» Nos fabricants prétendaient qu'ils allaient à 10 0/0. Mais enfin, sans nous arrêter à cette différence, on conviendra que puisque la toile de 12 fils, soumise alors au droit de 35 francs, payait 8 0/0, elle en paierait 24 aujourd'hui, que le droit est triplé, c'est-à-dire de 115 fr. 50 c., compris le dixième.

En la reportant, comme je le demande, à la seconde classe, elle sera soumise au droit de 65 francs, et dépassera encore, en comprenant le dixième, la limite de 13 0/0 annoncée dans le projet.

Cette toile, Messieurs, peut, en quelque sorte, être considérée comme une matière preinière; elle nous arrive écrue; elle est teinte en France, confectionnée en blouses, et reçoit, par conséquent, une grande augmentation de valeur avant de passer dans la consommation.

Voudriez-vous anéantir nos teintureries et rendre inactifs plus de 20,000 bras occupés à la confection des blouses?

Mais, dira-t-on, nos établissements s'alimenteront avec des toiles indigènes.

Ce ne sera pas moi, Messieurs, qui révoquerai en doute ce que l'on peut attendre de l'industrie française; mais il est des obstacles qu'on ne peut pas vaincre. La nature nous refuse ces biens qu'elle accorde à la Hollande et à la Belgique, et qui, par leur force et leur qualité, sont particulièrement propres à recevoir des apprêts que les nôtres ne peuvent supporter.

Eh, Messieurs, quand, par nos soins et nos travaux, nous pourrions obtenir un jour les mêmes résultats que nos voisins, ne serait il pas sage, avant de porter un coup funeste à des établissements existants, de se confier au temps, à l'expérience, et d'attendre que nos fabriques aient acquis sous la protection d'un droit qui, tel que je le propose, sera encore de 20 0/0, les développements nécessaires pour fournir à notre consonimation?

Je pourrais faire valoir des considérations plus graves encore, car il ne s'agit pas seulement de la conservation des blanchisseries, des teintureries et des fabriques de blouses du département du Nord, mais de savoir si nos vins continueront à être prohibés dans les Pays-Bas par les frontières de terre, si nos étoffes de laine, nos verreries y seront constamment repoussées; si enfin ceux de nos produits qu'on y reçoit seront toujours frappés de droits énormes que n'ont point à subir les autres produits étrangers de même nature.

Plusieurs de nos honorables collègues vous ont fait sentir les inconvénients qui résultent de cet etat de choses. Je ne répéterai point ce qu'ils ont dit beaucoup mieux que je ne pourrais le dire moi-même, et je terminerai en vous faisant remarquer, Messieurs, que c'est plus encore dans

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M. Pavy. Oui! je demande à l'appuyer.

M. Pavy. Messieurs, la nécessité d'un impôt ou d'une protection aux toiles n'a jamais été justifiée par d'autres motifs que ceux de l'importation extraordinaire qui apparut en 1823; car on n'en a point articulé d'autres. Cependant il fallait d'abord rechercher les causes de cette surabondance d'importation, et si on s'était livré à des recherches sans la préoccupation de l'efficacité du tarif des douanes, on aurait pu apprendre que les causes de ce fait étaient dues à l'aisance que l'activité de toutes les industries et l'augmentation du crédit public avaient procurée aux citoyens français depuis le plus riche jusqu'au plus pauvre. En effet, dans cette année, les ouvriers avaient monté le prix de leurs salaires de 25 à 33 0/0. Les immeubles et les terrains avaient pris une valeur presque double; il en résulta des achats de toiles d'autant plus considérables que le bas prix y conviait, et qu'en cette même année, la mode qui avait été précédemment adoptée de l'usage des cotons pour linge de table, de lit et de corps, cessa presque subitement.

Il fallait considérer s'il y avait des bras inactifs or, ce fait n'existait pas; aucun des mémoires et pétitions qui ont paru dans le temps n'ont osé l'avancer.

Il y a plus on ne se plaignait pas que les fabriques travaillassent moins que les années précédentes; on rappelait l'état prospère où elles s'étaient vues avant la Révolution, on en exprimait de grands regrets; mais en ce temps nous avions la fourniture exclusive de toute l'Espagne et de toutes ses colonies; les pays d'outre-mer nous étaient ouverts, nous avions des colonies importantes; tout cela était perdu depuis trente ans, et l'excédant de la population ouvrière des toiles s'était livrée au tissage du coton, qui lui avait offert un travail plus doux, plus facile et plus lucratif.

Quant à l'agriculture, qu'on a fait intervenir et qu'on a intéressée à l'adoption de ce tarif, elle s'est fait illusion, car les tableaux d'importation et d'exportation des lins et chanvres, déinontrent que les achats étaient alternatifs, dès lors indifférents; et le fait est que les prix de ces matières en Belgique et en France étaient identiques. Or, les Belges qui reçoivent les tissus de coton anglais, ne pouvant rivaliser avec eux pour cette fabrication, étaient forcés de se contenter de tisser les toiles qui offrent à leurs ouvriers un misérable salaire, attendu que leur nombre est surabondant à coup sûr nos ouvriers français qui gagnent le double à tisser le coton, ne fabriqueront pas au même prix que les belges.

Je dis que l'agriculture s'est fait illusion quand elle a cru gagner au change en se mettant exclusivement dans les mains des acheteurs français;

elle ne les trouvera pas plus généreux que belges, dont la concurrence rendait leurs ven plus avantageuses..

M. Fouquier-Long, rapporteur. Le préopina a établi par des faits que nulle plainte n'avait é formée sur la situation des provinces où l'on fa brique les tissus de lin et de chanvre. Rapporteu pendant trois années de votre commission de douanes, j'ai été à même plus que personne d vérifier si réellement la situation de ces pays étail satisfaisante, et si des plaintes avaient été adressées. Je déclare que dans les sessions de 1824 et de 1825, et même pendant cette année, des pétitions nombreuses nous ont été adressées; toutes contenaient des réclamations qui devaient nous convaincre de la situation pénible dans laquelle se trouvent les fabricants de toiles de lin et de chanvre. L'invasion des toiles de la Belgique n'a pas été subite, comme on l'a prétendu ; les importations se sont au contraire augmentées graduellement. En 1820, on n'importait en France que 2 millions de kilogrammes de toiles; en 1825, on en a importé 4 millions. Il y a donc là une progression contre laquelle on a dû nécessairement prendre des précautions. C'est aussi ce que la commission des douanes a fait dans l'année précédente, lorsqu'elle a proposé au gouvernement de porter le tarif des toiles dans la proportion de 25 0/0. Mais, par des considérations de bon voisinage, et pour ménager d'autres intérêts, on a cru qu'on devait borner cette protection à un droit de 15 0/0. C'est à ce droit que la commission s'est arrêtée l'année dernière.

Les calculs ont été faits d'après cette base pour établir les droits selon les numéros compris dans le tarif. Si la proposition de M. Potteau d'Hancardrie était adoptée, c'est-à-dire si l'on faisait passer un numéro d'une classe dans une autre, la proportion serait rompue; le droit ne serait plus réellement de 15 0/0. Remarquez que le fil sur lequel porte ce déplacement est celui qu'on importe le plus. On ferait donc un tort considérable à ce genre de fabrication en France. Ce fil qui est frappé d'un droit de 13 0/0, passant à la classe inférieure, ne serait plus atteint que d'un droit de 7 0/0. Ainsi, l'économie de la loi serait dérangée. D'après ces considérations je crois devoir m'opposer à l'adoption de cette disposition, qui, au lieu d'atténuer le mal auquel on veut remédier, ne ferait que l'accroître.

M. le Président. La Chambre n'est plus en nombre pour délibérer.

Demain il y aura un rapport de pétitions; la séance commencera à une heure précise. La séance est levée.

CHAMBRE DES PAIRS.

Séance du samedi 8 avril 1826,

PRÉSIDÉE PAR M. LE CHANCELIER.

A une heure, la Chambre se réunit en vertu de l'ajournement porté au procès-verbal de la séance d'hier.

Lecture faite de ce procès-verbal, sa rédaction est adoptée.

M. le comte de Ségur dépose une pétition

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des habitants de la ville du Blanc (département de l'Indre), contre le droit d'aînesse.

M. le comte Mollien dépose également une pétition semblable des habitants de la commune de Villabé, canton de Corbeil (Seine-et-Oise).

L'ordre du jour appelle la suite de la délibération ouverte sur l'article 1er du projet de loi relatif aux successions et aux substitutions.

M. le garde des sceaux, spécialement chargé de la défense de ce projet, est présent.

Sont également présents le ministre de l'intérieur et les pairs de France, ministres des affaires étrangères, de la guerre, de la marine, des affaires ecclésiastiques et de la maison du roi.

M. le Président rappelle à l'Assemblée quel était l'état de la délibération au moment où elle a été interrompue. La Chambre venait de rejeter au scrutin un amendement proposé au premier paragraphe de l'article en discussion, et tendant à élever à 1,000 francs en principal la cote d'impôt nécessaire pour l'application de la loi. Il reste maintenant à statuer sur l'amendement de la commission, qui, sans augmenter nominalement la cote de 300 francs fixée par le projet, donne seulement pour base à cette fixation le principal de l'impôt.

M. de Peyronnet, garde des sceaux, déclare qu'il est autorisé à consentir, au nom du roi, l'amendement dont il s'agit.

M. le Président observe que d'après cette déclaration l'amendement proposé faisant partie intégrante de la loi, c'est sur le paragraphe, modifié par cet amendement, qu'il doit appeler la délibération de la Chambre. Voici, avec la modification consentie, les termes de ce paragraphe :

«Dans toute succession déférée à la ligne directe descendante, et payant en principal 300 francs de contribution foncière, si le défunt n'a pas disposé de la quotité disponible, cette quotité sera attribuée à titre de préciput légal au premier-né des enfants mâles du propriétaire décédé. »

Aucun orateur ne demande à combattre le paragraphe ainsi conçu.

M. le Président annonce qu'il va le mettre aux voix.

Quinze pairs, aux termes du règlement, réclament le vote par scrutin.

M. le Président, avant d'y procéder, désigne suivant l'usage, par la voie du sort, deux scrutateurs pour assister au dépouillement des votes.

Les scrutateurs désignés sont: MM. le vicomte de Morel-Vindé et le duc de Brissac.

On procède au scrutin par appel nominal dans la forme usitée pour le vote des lois. Sur un nombre total de 214 votants que constate cet appel, le résultat du dépouillement donne 120 voix pour le rejet du paragraphe et 94 seulement pour son adoption.

Le paragraphe est rejeté.

M. le Président allait mettre en délibération le paragraphe suivant, lorsqu'un pair demande la parole pour soumettre à la Chambre un amendement qu'au défaut de la disposition qui vient d'être rejetée, il croit propre à remplacer en partie cette disposition, et à produire au moins l'un des effets qu'on se proposait d'obtenir, celui d'arrêter par quelque moyen le morcellement indéT. XLVII.

fini de la propriété foncière. L'amendement que présente le noble pair, et qu'il dépose sur le bureau, après en avoir développé les motifs, est ainsi conçu :

« Dans toute succession déférée à la ligne directe descendante, et possédant 40 hectares dans le rayon d'un myriamètre, si le défunt n'a pas disposé du principal manoir attaché à sa propriété et uniquement destiné à l'habitation, ledit manoir, les bâtiments en dépendant et un hectare autour dudit manoir, seront attribués à titre de préciput légal au premier-né des enfants mâles du propriétaire défunt. »

Divers membres appuient l'amendement proposé.

M. le comte de Ségur et le comte de Pontécoulant estiment que la Chambre ne peut pas même s'en occuper. En effet, sous le nom d'amendement, c'est une loi nouvelle que l'on propose, toute différente de la première, et sur laquelle l'Assemblée n'aurait à délibérer que dans le cas où elle lui serait présentée au nom du roi par les organes du gouvernement, ou au moins dans celui où l'auteur en ferait dans le sein de la Chambre l'objet d'une proposition formelle soumise, pour son adoption, à toutes les formalités que prescrit le règlement.

M. le baron Pasquier avoue que la proposition peut offrir quelque intérêt, mais à quoi se rattache-t-elle dans l'article 1er du projet? Peutêtre serait-elle moins étrangère aux dispositions de l'article 3, et pourrait-elle être présentée, comme un amendement, ou du moins comme une addition à cet article. L'auteur lui-même, dans ses motifs, a indiqué cette relation, qui pourrait engager la Chambre à surseoir à toute discussion à ce sujet, jusqu'au moment où elle s'occupera de l'article 3.

M. de Peyronnet, garde des sceaux, demande à être entendu. Sa position sera facilement appréciée par la Chambre. C'est pour la première fois qu'il entend parler de l'amendement proposé. Il ne peut donc avoir aucune autorisation pour le consentir, et les paroles qu'il va prononcer seront sans caractère, si elles ne sont pas sans effet. L'amendement soumis à la Chambre est-il un véritable amendement; est-il une proposition nouvelle sans aucun rapport avec la loi projetée? Pour en juger, il suffira de fixer avec précision l'objet de l'un et de l'autre. La loi projetée a un double but, le préciput légal et les substitutions. On ne peut sans doute apercevoir un rapport bien direct entre celle-ci et la disposition de l'amendement; mais entre cette dernière et le premier article du projet, il y a un rapport incontestable. N'est-ce pas dans l'un et dans l'autre un préciput légal qu'il s'agit d'établir? N'est-ce pas dans les successions en ligne directe que ce préciput doit avoir lieu? N'est-ce pas à l'aîné des enfants mâles qu'on propose de l'attribuer? Il y a donc analogie parfaite entre les deux dispositions, et la seconde peut être considérée, à juste titre, comme un amendement de la première qu'elle modifie en substituant un corps certain à une quotité indéterminée. La Chambre peut, en conséquence, donner à la proposition qui lui est soumise telle suite qu'elle jugera convenable.

M. le comte de Ségur, qui a contesté ce droit à la Chambre, observe qu'un pareil système serait

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contraire à toutes les règles parlementaires. Il est de principe, en effet, dans les Assemblées deliberantes, que tout amendement doit être discuté et délibéré avant la disposition à laquelle il B'applique. Or, à quoi s'applique dans le systeme du ministre le prétendu amendement soumis à la Chambre? N'est-ce pas à une disposition qu'elle a non seulement discutée, mais délibérée, mais rejetée? Il est donc impossible de s'en occuper.

M. le due de Broglie ajoute que les règles établies à cet égard sont fondées sur la nécessité de mettre un terme aux dissensions humaines, qui deviendraient interminables si, après le rejet d'une proposition, il était permis de lui en substituer une autre. On a donc sagement établi que chaque discussion serait circonscrite par son objet, et que, favorable ou contraire, la détermination une fois prise serait définitive. C'est par la même raison que les propositions accessoires ou incidentes doivent être délibérées avant la proposition principale (ce qu'en termes d'Assemblée on appelle purger les amendements), car une proposition adoptée ne peut pas plus se modifier qu'une proposition rejetée ne peut se reproduire.

M. de Peyronnet, garde des sceaux, déclare qu'il est loin de contester ce principe; mais il lui semble que, dans l'espèce, on en fait une fausse application. Les nobles adversaires supposent, en effet, que la proposition du gouvernement a été rejetée. Mais cette proposition, continuée dans les deux premiers articles du projet, n'a encore été discutée, et délibérée qu'en partie. Jusqu'à présent, on n'a statué que sur l'un des trois paragraphes du premier article. Les deux autres, et l'article 2, restent donc à délibérer, car on ne regardera pas, sans doute, comme implicitement écartée, une partie notable de la proposition royale. On ne saurait donc prétendre que l'amendement ne trouvera pas où se rattacher; et, matériellement parlant, la question réduite à ces termes, paraît au ministre, décidée en faveur de l'amendement.

M. le comte de Pontécoulant observe que Padhésion du ministre à une doctrine contraire à l'ordre habituel des aélibérations devient une chose grave. Comment la proposition dont il s'agit se rattacherait-elle à des dispositions qui ne peuvent elles-mêmes subsister après le rejet du principe qui leur servait de base ? C'est ce principe, renfermé dans le paragraphe initial de l'article 1er, et dont les deux autres paragraphes ne sont que la conséquence et l'application; c'est ce principe, formellement rejeté par la Chambre, que tend à remplacer la nouvelle disposition qui lui est soumise. Mais cette disposition écartée (car on ne peut supposer que la Chambre voulût, en l'adoptant, se contredire elle-même), qui empêcherait d'en présenter une autre? Ainsi, la délibération n'aurait plus de terme. En toutes choses, il faut en finir, et se soumettre à des règles dont l'expérience a prouvé le besoin. Une fois que la Chambre s'est prononcée, ce qui est fait est fait, et il n'y a plus à revenir. Ce qu'elle a adopté subsiste, ce qu'elle a écarté ne peut être mis en délibération.

L'auteur de la proposition, qui a donné lieu à cet incident, expose qu'il était loin de prévoir les discussions qu'elle a fait naître. Il se reprocherait de retarder, en les prolongeant, le cours de la délibération, et pour ne pas l'entra

ver il retire, quant à présent, sa proposition, qu'il se réserve de reproduire lors de la discussion de l'article 3, auquel on a pensé qu'elle se rattachait plus naturellement.

M. le Président, d'après cette déclaration, appelle la délibération de l'Assemblée sur les paragraphes 2 et 3 de l'article 1.

M. le comte Destutt de Tracy demande sil n'y a pas pour la Chambre une sorte de contradiction à délibérer sur les conséquences d'un principe qu'elle a rejeté.

M. le comte Portalis observe qu'il n'y aurait de contradictoire que l'adoption de ces conséquences. Les paragraphes 2 et 3 de l'article 1er, ainsi que l'article 2 en totalité, sont, il est vrai, les développements d'un principe que la Chambre n'a point admis; mais il faut partir de la proposition royale, sur laquelle en ce moment elle délibere, et dont aucune partie ne peut être implicitement rejetée. Sans doute, elle n'admettra pas les conséquences après s'être refusée à l'adoption du principe; mais celles-là, comme celui-ci, doivent être pour elle l'objet d'un vote particulier.

M. le Président met aux voix le second paragraphe de l'article 1er du projet. Il est rejeté par la Chambre.

Le troisième paragraphe du même article était devenu l'objet d'un amendement proposé par la commission, qui proposait d'ajouter à l'article un paragraphe. Cette double proposition, ainsi qu'un autre amendement proposé par le 18 orateur (M. le duc de Brancas) entendu dans la discussion générale, se trouvant aujourd'hui sans application possible par le rejet du principe, M. le président s'abstient de les retracer. I met aux voix purement et simplement le troisième paragraphe de l'article 1er du projet.

Ce paragraphe est rejeté.

La Chambre passe à la délibération de l'article 2, ainsi conçu

« Art. 2. Les dispositions des deux premiers paragraphes de l'article qui précède cesseront d'avoir leur effet lorsque le défunt en aura formellement exprimé la volonté par acte entre-vifs ou par testament. »

Divers amendements proposés par la commission, s'appliquaient aussi à cet article, et tendaient à étendre l'exception qu'il apporte aux dispositions de l'article 1er. L'exception n'ayant plus d'objet, il devient superflu de rappeler jusqu'où on proposait de l'étendre. M. le président se borne, en conséquence, à mettre aux voix l'article 2, tel qu'il existe au projet.

La Chambre rejette cet article.

Il est donné lecture de l'article 3, exprimé dans les termes suivants :

« Art. 3. Les biens dont il est permis de disposer, aux termes des articles 913, 915 et 916 du Code civil, pourront être donnés en tout ou en partie, par acte entre-vifs ou testamentaire, avec la charge de les rendre, à un ou plusieurs enfants du donataire nés ou à naître, jusqu'au deuxième degré inclusivement.

"Seront observés pour l'exécution de cette disposition les articles 1051 et suivants du Code civil, jusques et y compris l'article 1074.

Avant d'entretenir l'Assemblée des amendements proposés à cet article, M. le président ac

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