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trouvent sacrifiés pendant un temps plus long; et c'est contre cela qu'on s'élève. Que vous demande-t-on? on demande que vous soyez tenus de payer plus de 20 0/0. Cependant, Messieurs, depuis la proposition de la commission, c'est la première fois qu'on a pensé à reconnaître ces acquits comme des effets que le gouvernement devait payer; on s'est empressé d'acheter ces titres pour spéculer; et ce serait de pareilles spéculations qu'on voudrait favoriser.

On nous a dit: Mais vous vous êtes engagés à recevoir les quittances. Non, Messieurs, nous ne nous sommes pas engagés à les recevoir. Nous avons imposé une condition, celle de représenter la quittance à l'exportation des tissus de laines, pour recevoir la prime. Il y a une très grande différence entre ces deux combinaisons. Que nous demande-t-on aujourd'hui ? On voudrait nous faire payer la prime, et nous faire rembourser le droit; car on nous demande de payer la prime à l'exportation, et en outre de rembourser les acquits qui ont été délivrés à l'importation des laines, de manière qu'on nous demande de payer deux fois.

M. Casimir Périer. Vous devez tout ou rien.

M. de Villèle, ministre des finances. Mon opinion est que rien serait la justice; ce n'est pas le gouvernement qui a proposé de payer 20 0/0, mais la commission. Je conviens toutefois que, puisqu'il a été fait des spéculations sur ces effets, nous avons cru devoir accéder à la proposition de la commission, c'est-à-dire la restitution de la prime de 20 0/0 sur ces quittances. Mais, je le demande : n'est-ce pas faire au delà de ce qu'il nous était permis de faire dans l'intérêt des contribuables? Car, en définitive, c'est avec l'argent des contribuables que leur remboursement doit avoir lieu. Ces effets ne devaient pas être l'objet de spéculations qui ont servi à annuler les effets d'une loi, et qui nous ont forcés à la changer pour éviter l'abus qu'on en avait fait. Certes, il n'y a rien de recommandable dans de semblables spéculations. Je ne puis y voir que des intérêts que je consens à prendre en considération, conformément à la proposition faite par la commission. Le terme ne devait s'étendre que jusqu'au 13 juillet, et il est étendu jusqu'au 1er octobre; c'est aller peut-être au delà de ce que, dans l'intérêt des contribuables, la justice nous commandait de faire.

M. Benjamin Constant. Si les raisonnements que vous venez d'entendre sont fondés, les ministres sont encore plus coupables. En effet, si ce trafic des quittances n'était pas légitime, s'il a été fait contrairement à une loi, si le gouvernement ne doit rien, je demande alors par quelle singulière faiblesse, par quel abandon des droits et des deniers des contribuables, les ministres viennent faire présent des deniers publics à des hommes qu'ils accusent de spéculations presque coupables. (Murmures.) Messieurs, tous les raisonnements qu'a faits M. le ministre des finances peuvent être réfutés par un seul mot. L'ordonnance du 14 mai 1823 portait que les droits seraient intégralement remboursés sur la production des quittances; il est donc clair que ces quittances sont devenues une valeur créée par le gouvernement, et que ceux qui les ont acquises ont pu se fier à l'ordonnance pour vendre cette valeur.

M. le ministre vous a parlé, avec un ton d'indi

gnation que j'ai été charmé d'entendre, des inconvénients de l'agiotage. (On rit.) Mais, Messieurs, toutes les fois qu'un gouvernement a créé des valeurs, il ne lui appartient plus de rechercher en quelles mains elles ont passé, ni à quelles conditions elles ont été vendues; il suffit que sa promesse de les rembourser intégralement existe pour qu'il ne puisse pas les frapper de nullité ou du moins les rembourser à un cinquième, ou mettre à leur remboursement des conditions qui n'existaient pas dans ses engagements primitifs. La question est donc de savoir si les quittances payées sur les laines étrangères, en vertu de l'ordonnance de 1823, ont été des valeurs licites. Or, votre commission l'a expressément reconnu; elle a dit que c'était un trafic légitime. M. le président du bureau du commerce et des colonies l'a reconnu également. Les transactions ont été faites sur la foi du gouvernement qui avait promis de payer intégralement ces valeurs. Les raisonnements qu'on veut y opposer sont des raisonnements justificatifs de toutes les banqueroutes; ils ont été malheureusement produits à la tribune toutes les fois qu'on a voulu faire une banqueroute générale ou partielle. Remarquez que ces raisonnements peuvent également s'appliquer à tous les effets publics; car les effets publics dont le cours varie peuvent tomber dans un état de dépréciation, et si on peut dire à ceux qui ont acquis des effets dépréciés qu'ils ne peuvent être remboursés au taux de création, il n'y a plus de foi publique, il n'y a plus de crédit public.

On nous dit qu'on fait une grâce aux détenteurs des quittances en leur donnant 20 0/0, parce que l'ordonnance du 20 décembre 1824 les a rendus sans aucune valeur. Mais de quel droit vient-on chercher à pallier une injustice, en qualifiant de grâce une justice incomplète? Je reconnais dans cette espèce de pas rétrograde du gouvernement, le sentiment intime du tort qu'il a eu. Il nous dit que la vente de ces quittances éludait l'effet de la loi; mais était-ce à ceux qui achetaient ces quittances à s'inquiéter si le but de la loi était ou non atteint? Le tort en est au gouvernement: il vous a avoué qu'il avait pris une mauvaise mesure, qu'il n'en avait pas calculé toutes les conséquences; et il veut faire retomber sur d'autres les conséquences de sa faute. Vous obligez les détenteurs de quittances à recourir à une autre classe, si eux-mêmes ils ne sont pas exportateurs; vous aggravez leur condition sans en avoir le droit.

J'ai écouté M. le ministre des finances avec attention; je n'ai vu dans tout ce qu'il a dit que l'apologie d'un principe qui favorise toutes les banqueroutes. Il est effrayant de voir ce principe sortir de la bouche d'un ministre des finances; car ce qu'il vous a dit sur les acquéreurs des quittances s'applique aussi à tous les acquéreurs d'effets publics. Or, si nos effets publics perdaient de leur crédit, encore plus qu'ils n'en ont perdu depuis la création du 3 0/0, qui nous garantit qu'on ne viendra pas nous dire que ces effets ont été achetés à vil prix, et qu'en conséquence, le gouvernement ne doit rembourser que le prix qu'en ont payé les détenteurs? C'est un principe subversif de toute morale et de tout crédit public. J'appuie de toutes mes forces la proposition.

Quelques voix : La clôture?

M. Hyde de Neuville. Messieurs, vous me

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permettrez, je l'espère, de défendre la cause de la justice. Les faits parlent mieux que toutes les paroles. Une ordonnance a créé des valeurs.....

M. de Castelbajac. Non, non!...

M. Hyde de Neuville. La preuve que cette ordonnance a créé des valeurs, c'est qu'elles peuvent passer de main en main. Et M. de Castelbajac qui me répond non, a écrit ce que j'avance.

M. de Castelbajac. J'ai écrit conformément à l'exécution de l'ordonnance.

M. Hyde de Neuville. Voici ce que vous avez écrit: « Attendu que les quittances sont payables en toutes mains, on ne peut en délivrer de duplicata. » Permettez-nous d'avoir la justice et la raison. Il est donc constant que des valeurs ont été créées, que les quittances ont pu passer d'une main dans une autre, ainsi que l'a déclaré M. le directeur général des douanes.....

M. de Castelbajac. Oui, en exportant...

M. Hyde de Neuville. Oui, ces valeurs devaient être remboursées intégralement en exportant; mais pour qu'elles pussent être remboursées ainsi, il fallait au moins qu'on conservât la faculté d'exporter; car, du moment où la faculté d'exporter n'existait plus, les quittances étaient nulles. Une ordonnance nouvelle, que je crois utile au commerce, établit un autre mode; elle dit qu'il ne sera plus nécessaire de produire les quittances, que la prime sera payée sur la présentation de la marchandise. Rien de plus simple pour l'exportateur; mais que devient, dans ce cas, l'importateur auquel on a donné des quittances qu'il a pu négocier? Nous dira-t-on que ce genre de spéculation était illégitime? Mais M. le président du bureau de commerce a déclaré formellement que ce trafic, et j'aurais désiré qu'il employât une autre expression, n'avait rien d'illégitime. Votre commission a été plus loin; elle a déclaré que ce genre de négociation était légitime el même nécessaire. La question est là. Les quittances ont été délivrées aux importateurs; il était tout simple que ces importateurs, qui n'avaient pas d'exportation à faire, vendissent leurs quittances sur la place, à des exportateurs. Car, remarquez que les importateurs et les exportateurs ne sont pas toujours les mêmes personnes; il y a des produits qu'on importe, tels, par exemple, que les laines brutes qui servent à faire des matelas et qui ne sont pas exportées. Cependant l'importateur a entre ses mains les quittances qu'il a reçues; il faut bien qu'il puisse en tirer parti.

lof.

Plusieurs voix C'est un abus, c'est éluder la

M. Hyde de Neuville. Maintenant il n'a plus la faculté de vendre ses quittances, et vous ne lui accordez que 20 0/0.

Messieurs, il a droit à tout ou à rien du tout. Vous parlez des contribuables. Les contribuables ne veulent pas qu'on les dégrève par l'arbitraire; les contribuables vous diront: Si nous devons 100 0/0, il faut payer 100 0/0; mais si nous ne devons rien, il ne faut pas payer 20 0/0.

Messieurs, je vous prie de considérer qu'il ne

s'agit pas ici d'une querelle de parti, mais d'une justice à rendre. On peut sans doute diminuer et augmenter un tarif des douanes, mais on ne peut en faire autant de la justice. Toutes les fois qu'on veut composer avec elle, on fait de l'arbitraire qui se cache sous un sentiment de pudeur. Ce n'est pas là la justice qui peut convenir à une Chambre des députés. Le gouvernement a eu tort de ne pas calculer les conséquences de ce qu'il a fait si, par suite, il a pu nous placer dans la nécessité de payer trois fois; eh bien ! Messieurs, payons plutôt trois fois que de mériter le reproche de manquer de bonne foi.

Voulez-vous que je vous cite un fait ? Dans un pays où certains effets, montant à des sommes considérables, étaient tombés jusqu'à ne valoir plus que 8 à 10 0/0, un ministre des finances, pénétré de ce principe que le crédit repose sur la bonne foi, vint proposer de rembourser intégralement les effets qui ne valaient plus que 8 à 10 0/0. On fut d'abord étonné de sa proposition. Cependant le bon sens, la justice prévalurent, et les Américains, sur la proposition du brave Hamilton, payèrent ces effets intégralement. Depuis ce temps le crédit s'est affermi.

Mais êtes-vous bien fondés à blâmer ce que vous regardez comme le résultat de spéculations, lorsque tout est spéculation, lorsqu'on spécule sur vos effets publics, sur les 3 0/0 ? Je le répète, vous n'avez pas le droit de transiger avec la justice. Il n'est pas en votre pouvoir de donner à une loi un effet rétroactif.

M. de Villèle, ministre des finances. Tout ce que disent les préopinants repose sur ceci : Il a été créé un effet, il a été créé un titre. On regarde les quittances tellement comme un effet créé, qu'on vient de rappeler qu'en Amérique les effets publics étant tombés jusqu'à ne valoir plus que 10 0/0, on les avait rachetés au pair. Je conçois cela; l'effet était dehors, il fallait bien le racheter pour relever le crédit public. On ne faisait que payer ce qu'on devait. Voyons si nous avons créé un titre; l'ordonnance s'exprime ainsi Ceux qui justifieront du paiement desdits droits, recevront pour les tissus de laines exportés, et jusqu'à concurrence des sommes portées dans les quittances produites, la prime. Que fait le gouvernement? Ne paie-t-il pas la prime à tous ceux qui se présentent avec des tissus qu'ils exportent ?

M. de La Bourdonnaye. Il les paie sans justice, il n'en avait pas le droit. Je demande la parole.

M. de Villèle, ministre des finances. Le gouvernement paie des primes à l'exportation sans justice, quand il a promis de les payer! Nous verrons comment l'orateur qui m'interrompt fera pour prouver cette assertion. Quant à moi, je vais prouver que les quittances ne peuvent pas même avoir la valeur qu'on leur attribue. Ces quittances, qu'étaient-elles dans les mains de ceux qui avaient payé les droits? Un effet avec lequel, au moyen d'une exportation de marchandise fabriquée, on était assuré de toucher la prime. Mais pour que tous ces effets fussent bons, il fallait qu'on exportât autant de marchandises fabriquées qu'il était entré de laines payant des droits en France. Or, je vous le demande, cette condition pouvait-elle se réaliser ? Vous voyez combien est fausse l'argumentation de ceux qui prétendent donner à ces effets une valeur quel

conque, comme effets du gouvernement. Je le répète, nous n'avons pas créé de titres; nous avons imposé une obligation dont on a abusé, et par conséquent, nous avons pu remédier à cet abus en n'exigeant plus l'apport de la quittance. Quant à la prime, elle est toujours payée à l'exportation. Ainsi on n'est pas en droit de dire que nous ne tenons pas notre promesse.

M. le Président. M. de Cambon a la parole. (M. de Cambon cède la parole à M. Méchin.)

M. Méchin. Messieurs, c'est véritablement abuser des expressions. Pourquoi délivrer ces quittances, si on n'y attache aucune valeur ? La justice des droits des porteurs de ces quittances est de toute évidence; on ne peut se refuser de la sentir dans le fond de sa conscience, et je suis convaincu qu'il n'y a pas un administrateur, présent à cette discussion, qui, renfermé dans le cabinet, ne tombe d'accord avec nous sur ce point.

M. de Castelbajac. J'ai l'honneur de déclarer qu'en ma qualité d'administrateur, je ne partage pas cette opinion.

M. Méchin. Je ferai tous mes efforts pour Vous convaincre.

Voyons ce qui serait arrivé, si l'ordonnance de 1824 n'eût pas été rendue. En donnant les quittances à l'importateur, vous lui dites: Le droit vous sera remboursé en présentant ces quittances à l'exportation. Une des conditions nécessaires du paiement de la prime était la production des quittances. Eh bien ! comme on l'a dit, celui qui importe n'est pas toujours celui qui exporte. Or, l'importateur qui a entre les mains un titre dont on ne peut faire usage qu'en exportant, est bien obligé de le vendre à celui qui exporte. Et d'ailleurs, l'exportateur, pour toucher la prime, devait être muni de ces quittances. Après avoir établi un pareil ordre de choses, n'y a-t-il pas de la légèreté et de l'inconséquence à venir traiter avec dédain un commerce qui était indispensable? Il est évident que si l'importateur avait eu la certitude que l'exportation eût égalé l'importation, au lieu de donner ces effets à 50 0/0, il ne les aurait donnés qu'au pair, puisqu'alors ils auraient atteint leur valeur nominale; mais c'est cette incertitude, sur la quantité de l'exportation de nos tissus fabriqués, qui a occasionné la variation du cours de ces effets.

Je rends trop justice à la profonde sagacité qui distingue ordinairement M. le ministre des finances pour n'être pas persuadé que, dans cette circonstance, il n'a pas suffisamment étudié la matière.

Mais je ne puis exprimer quelle a été ma surprise de l'entendre jeter de la défaveur sur des négociations que vainement il dirait n'avoir jamais vues du même œil que vos commissions et M. le président du conseil de commerce.

En 1823, votre commission des douanes n'estelle pas venue vous proposer de donner votre sanction au projet de loi qui consacrait l'ordonnance du 14 mai 1823 ?

Or, qui présente les projets de loi ? le ministère. Qui était alors ministre des finances? le même personnage qui est aujourd'hui à la tête de ce département.

Il était donc tout à fait de l'avis que la production des quittances fùt une des conditions du paiement des hautes primes

Il pensait donc comme vos commissaires et comme M. le comte de Saint-Cricq, et comme M. le directeur général des douanes l'ont déclaré, que le trafic (puisqu'on veut ce mot), que le trafic des quittances était légitime, nécessaire.

On s'est aperçu que le bénéfice résultant pour les exportations de l'achat des quittances audessous de leur prix nominal affaiblissait la protection accordée aux laines nationales, et on a pris la résolution de payer les primes sur la représentation des quittances. Cette nouvelle mesure a été consacrée par l'ordonnance du 20 décembre 1824. C'est après 18 mois écoulés que l'administration s'est aperçue de sa faute; et pour la réparer, elle a commis plus qu'une faute; elle a commis une grande injustice.

Mais, parce que l'administration a commis une faute, faut-il en faire retomber la peine sur les porteurs des quittances? N'est-il pas plus juste que ce soit l'administration elle-même qui la supporte? Par l'effet du nouveau mode qui a été établi, les quittances sont devenues sans valeur; elles ne servent plus à rien. Cependant on les a données pour qu'elles servissent à quelque chose, pour qu'elles servissent à l'exportateur qui les achète.. (Murmures.)

Je conçois l'embarras de l'administration; elle a été placée entre sa conscience et le dommage qui résultait pour le Trésor d'une faute qu'elle a commise. J'avoue que je serais fort inquiet dans une pareille situation; mais enfin, sont-ce les particuliers qui en doivent porter la peine?

Messieurs, je désirerais, pour l'honneur des principes qui se rattachent à cette question, et pour les conséquences qu'elle peut avoir, que la discussion put se prolonger; car elle a été agitée à une heure trop avancée pour qu'elle fût traitée à fond aujourd'hui. Je persiste dans mon amende

ment.

M. le Président. M. de La Bourdonnaye a la parole.

M. Cornet-Dincourt. Comme M. de La Bourdonnaye parlera probablement dans le même sens que le préopinant, je demande la parole.

M. de La Bourdonnaye. Je viens défendre le ministère. (On rit.)

Messieurs, quand on sort des formes constitutionnelles, quand on veut gouverner par des ordonnances, c'est-à-dire par des actes qui n'ont pas été aussi réfléchis que peuvent l'être les lois, qui sont soumises à une discussion solennelle, on tombe presque toujours dans l'erreur; et ce qui se passe aujourd'hui en est une preuve convaincante. Je n'entrerai pas dans la discussion qui vient d'avoir lieu, elle a été assez développée, je ne veux pas abuser des moments de la Chambre.

Je remonte à la source de la législation qui a établi que tout importateur de laines qui voudra faire sortir les mêmes matières fabriquées, obtiendra une prime proportionnée au droit qu'il a payé. Dans cet état de choses, le gouvernementa reconnu qu'il y avait lésion pour les producteurs; il s'est aperçu que les importateurs revendaient à perte les quittances qu'ils avaient reçues, et que le gouvernement reprenait, pour leur valeur réelle, ce que les fabricants qui exportaient leurs tissus de laines n'avaient acheté que pour le tiers de leur valeur. Le gouvernement à voulu obvier à cet inconvénient. Mais il ne pouvait le faire qu'en s'écartant de la législation; je dis que c'est un très grand malheur. Le gouvernement est donc

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arrivé à vouloir changer la législation par une ordonnance. Il a déclaré, par l'ordonnance de 1823, que tout fabricant qui ferait sortir des laines travaillées obtiendrait une prime. Je n'examinerai pas si c'était ou non une chose avantageuse; mais au premier coup d'œil, tout le monde voit que ce n'était pas une chose juste, car la loi avait voulu établir une restitution de droit, et non pas un avantage général. Maintenant, ce n'est plus une restitution de droit puisque tout fabricant, avec des laines achetées en France, peut obtenir la prime, comme celui qui a travaillé avec des laines étrangères. Il est donc évident que le gouvernement a changé, de sa propre volonté, toute la législation existante.

Remarquez qu'en cela il a pu nuire beaucoup au Trésor public, car il est possible que ceux qui faisaient entrer des laines d'une certaine espèce les emploient à la fabrication des tissus consommés en France, tandis que ceux qui n'auraient pas tiré leurs matières premières de l'étranger profitent de la prime établie. Le motif d'après lequel la prime était accordée n'était plus le même; le droit n'était plus remboursé à la sortie des tissus fabriqués avec des laines étrangères, pour mettre nos fabricants en état de soutenir la concurrence sur les marchés étrangers. En vous faisant remarquer cette différence, mon intention est seulement de faire voir que le gouvernement a anéanti une loi par une ordonnance. Qu'est-il arrivé de là? Il est arrivé que les détenteurs des titres auxquels la loi avait donné une valeur, les ont vu périr entre leurs mains par l'effet du pouvoir usurpateur des ordonnances.

M. de Villèle, ministre des finances. C'est conformément aux lois que les ordonnances ont été rendues; on ne peut donc pas les appeler un pouvoir usurpateur.

M. de La Bourdonnaye. Je vous demande en vertu de quelle loi vous avez le droit d'établir des primes par ordonnance.

M. de Saint-Cricq. C'est en vertu de la loi qui autorise de changer la combinaison des droits. de douane. La prime étant la conséquence du droit établi sur des matières premières, on n'a pu changer l'un sans toucher à l'autre.

M. de La Bourdonnaye. Je vous accorderais cela que vous n'auriez pas encore gagné votre procès. M. le commissaire du roi vient de vous dire: Nous avons le droit d'élever ou d'abaisser le tarif des douanes; nous avons par là même aussi, le droit d'élever ou d'abaisser la prime, parce que ce sont deux choses corélatives. Eh bien! j'accorde cela au gouvernement.

Mais lorsque le gouvernement change, par son ordonnance, la situation des choses lorsque, après avoir établi par une loi que la prime serait accordée comme remboursement du droit payé sur les matières premières, il déclare ensuite que tous les tissus de laines fabriqués avec les produits de notre sol obtiendront aussi la prime, il est évident qu'il sort de la législation. Ainsi, j'avais donc raison de dire que c'était une ordonnance usurpatrice.

M. de Villèle, ministre des finances. Il Y avait pour 3 millions de quittances payées, et pour 6 millions de droits.

M. de La Bourdonnaye. Il y en aurait pour

des milliards que ce serait celui qui a fait l'ordonnance qui en serait responsable, et pas autre chose.

Messieurs, sur la foi de ce qui existe depuis longtemps, de ce qui avait été établi par une loi, les quittances ont pu être vendues, des transactions régulières ont eu lieu. Je vous demande si, dans une telle situation, vous pouvez admettre la combinaison nouvelle, qu'on a faite pour sauver le désagrément qui résultait de la faute qu'on avait commise. La commission, que j'ai entendu inculper par un ministre voulant pallier tout, est venue proposer de faire supporter à l'Etat une double perte: celle de la prime, contre laquelle peut-être il eût été de son devoir de s'élever, et celle du remboursement d'une partie des droits.

C'est pour ne pas contrarier T'ordonnance que la commission continua à payer la prime, et c'est pour avoir l'air de rendre une sorte de justice qu'elle accorde une indemnité de 20 0/0 sur les quittances. Eh bien! je suis tout à fait opposé au système de la commission. Tout en reconnaissant qu'il est injuste de ne pas faire valoir les quittances, telles qu'elles ont été passées et vendues sur la place; tout en reconnaissant qu'il y a perte, je dis que la législation ne peut pas grever l'Etat de cette nouvelle charge. Qu'est-ce qui a donné lieu à une pareille faute? C'est une ordonnance. Or, vous devez maintenir votre législation en opposant une barrière invincible à toutes les prétentions des ordonnances. Si vous admettez que les fautes commises par les ordonnances seront supportées par le pays, il en résultera qu'on ne craindra pas d'en commettre, et qu'on empiétera toujours sur le pouvoir législatif. Cette matière est bien plus grave que celle qui se rapporte à des intérêts particuliers, quelle que soit la perte que des négociants doivent en éprouver. Sans doute, les torts individuels affectent une grande portion de la société. Mais quand vous donnez une entorse à la Charte; quand vous changez par une ordonnance la législation existante, vous commettez un double mal: d'abord celui de détruire votre législation; mais le plus grand, c'est celui de favoriser le système présenté par nos ennemis, et qui tend à dire que, depuis que nous sommes arrivés au pouvoir, nous ne cherchons qu'à détruire les prérogatives de la Chambre, que nous sommes en un mot des contre-révolutionnaires.

Messieurs, si, le jour où l'on vient de dénoncer une ordonnance royale comme étant en contradiction avec la législation, vous semblez approuver une pareille mesure, et vouloir vous soumettre aux conséquences qui en résultent, vous faites un mal immense; car non seulement vous décréditez la Chambre, mais encore vous faites au pouvoir royal un mal d'autant plus grand, qu'on fait toujours rejaillir sur la personne auguste du monarque ce qui n'est que la faute des ministres (Des murmures s'élèvent). Messieurs, permettez; je me sens entraîné par le besoin de vous présenter des considérations graves. (Mouvement d'attention). Messieurs, dans la situation malheureuse où nous sommes, lorsqu'il serait impossible peut-être de réunir une Chambre composée des mêmes éléments; lorsque nous voyons de tous côtés s'agiter un esprit public, mù par des considérations opposées au système que nous devons défendre, croyez-vous qu'il soit de la bonne politique de nous placer dans une situation telle, que si le ministère venait à succomber, il fallut que la Chambre combattit en ennemi celui qui lui succéderait. (Sensation.) Non, Messieurs, c'est à nous à reconquérir pour la monarchie tout

H

ce que la monarchie pourrait avoir perdu par une administration erronée. Ménageons donc cette considération qui fait notre force et notre droit. Conservons-nous pour le pays, conservonsnous pour le trône et pour la dynastie légitime. Car si cette Chambre venait à manquer, elle entrainerait avec elle la perte de cette monarchie pour laquelle nous combattons depuis 35 ans.

M. le Président met aux voix l'amendement de M. Méchin, ainsi conçu :

« L'ordonnance du 14 mai 1823 recevra son entière exécution nonobstant toutes dispositions contraires. »

(Il est rejeté à une grande majorité.)

La première partie de l'amendement de M. Basterrèche porte: « Il sera payé aux détenteurs des acquits des droits sur les laines, remboursables d'après les ordonnances de 1823 et de 1824, une somme égale à 35 0/0 de leur valeur nominale, constatée dans les acquits de paiement. »

(Cette première partie de l'amendement est mise aux voix et rejetée.)

M. le Président. Deuxième partie de l'amendement: « La liquidation des acquits sera faite dans les bureaux de la douane qui en ordonnera le paiement. »

:

Quelques voix Mais il n'est plus possible de voter sur cette seconde partie; elle est entraînée par le rejet de la première.

M. Pavy. J'ai proposé un amendement qui diffère de la première partie de l'amendement de M. Basterrèche, puisque je ne porte la restitution qu'à 20 0/0.

M. le Président. C'est le taux du projet de loi; votre amendement n'en diffère que relativement à la deuxième partie, et qui rentre dans la disposition proposée par M. Basterrèche, qui veut que les acquits soient payés aux bureaux des douanes.

(Cette seconde partie de l'amendement est mise aux voix et rejetée.)

M. Pavy. Je demande la parole pour mon amendement.

M. le Président. Il vient d'être rejeté.

M. Pavy. Un mot, je vous prie. Remarquez, Messieurs, que je propose de faire payer les acquits par l'administration des douanes.

M. le Président. C'est cette disposition qu'on vient de rejeter, en votant sur la seconde partie de l'amendement de M. Basterrèche.

La Chambre adopte l'article du projet de loi, en

ces termes :

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CHAMBRE DES DÉPUTĖS.

PRÉSIDENCE DE M. RAVEZ,

Seance du lundi 17 avril 1826.

La séance est ouverte à deux heures par la lecture et l'adoption du procès-verbal.

M. le président du conseil des ministres, M. le garde des sceaux, MM. les ministres de l'intérieur, des affaires étrangères et de la marine, M. le président du bureau de commerce et des colonies, MM. de Caux, Thirat de Saint-Aignan et du Pigné, commissaires du roi, sont présents.

M. le Président appelle à la tribune M. de Fadate de Saint-Georges, rapporteur de la commission chargée d'examiner le projet de loi de règlement définitif des comptes de 1824.

M. Fadate de Saint-Georges, rapporteur. Messieurs, la commission à laquelle vous avez confié l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1824, a terminé ses travaux; j'en apporte le résultat à la Chambre.

Votre commission a commencé par se fixer sur le cadre des opérations dont elle était chargée. Elle a pensé, comme la commission de 1825, que le rapport des comptes devait être divisé en deux parties; que la première partie devait être l'examen de la dépense matérielle comparée aux crédits ouverts, et l'appréciation des motifs qui ont déterminé les propositions d'annulation de portion de ces crédits et la demande de crédits supplémentaires, et que la seconde partie devait renfermer les observations dont lui paraîtraient susceptibles le mode de distribution et l'emploi des crédits ouverts, et se terminer par les propositions qui lui sembleraient devoir résulter de ces différents examens.

Pour se conformer à cet ordre, la commission s'est occupée de l'examen du projet de loi; mais, avant d'en parcourir les détails, elle a pensé devoir s'attacher d'abord aux dispositions générales et particulières qu'il contient, et qui amènent le résultat qu'il présente.

Ce projet de loi propose : 1o de réduire les crédits ouverts aux différents ministères, par les lois des 10 mai 1823 et 21 mai 1825, d'une somme de 4,743,279 francs restée disponible et sans emploi sur ce crédit;

2o De réduire d'une somme de 5,352,951 francs les crédits affectés aux services des départements pour les dépenses variables et celles du cadastre, restée disponible au 31 décembre 1825, et de l'affecter et la transporter au budget de 1826, pour y recevoir la destination qui lui a été donnée par la loi de finances du 10 mai 1823;

30 D'accorder à quelques ministères des suppléments de crédits s'élevant à la somme de 25,756,238 francs, et de fixer ainsi les crédits définitifs du budget de l'exercice 1824 à la somme de 986,073,842 francs; d'arrêter les recettes de toute nature de ce même exercice à la somme totale de 994,981,968 francs; et quant à la somme de 8,898,120 francs, faisant la différence entre les recettes et les crédits, le projet de loi propose de l'affecter et transporter, savoir au budget de 1826, conformément à l'article 2 de la présente loi, pour une somme de 5,352,951 francs, et à celui de 1825, pour la différence, montant à 3,545,169 francs.

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