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Chambre, il y a peu de jours encore, s'est prononcée sur cette même question, en renvoyant à M. le garde des sceaux une pétition où elle était traitée, affligée d'ailleurs qu'un ministre du culte catholique, dont les principes lui ont paru estimables, pût regarder comme un remède aux dangers qu'il signale le rétablissement d'une loi révolutionnaire que la Restauration a réprouvée, que la morale et la religion condamnent, votre commission, par ces dernières considérations, vous propose l'ordre du jour.

Plusieurs membres: Appuyé, appuyé !...

(L'ordre du jour est adopté.)

M. le comte Caumont-Laforce, rapporteur, poursuit: M. Lelong, juge de paix du canton de Ruffec, département de la Charente, présente quelques observations sur l'article 672 du Code civil, relatif à l'ébranchage dont les arbres avancent sur les propriétés voisines. Il annonce que des difficultés s'élèvent souvent sur la hauteur à laquelle on doit faire ces ébranchements. Le 2° alinéa de l'article sus-énoncé étant ainsi conçu et ne le spécifiant pas :

Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin peut contraindre celui-ci à couper ces branches. » Les avis de nombre de jurisconsultes se trouvant en opposition, les uns prétendant que les arbres devaient être ébranchés jusqu'à leur cime; d'autres qu'ils ne devaient l'être que jusqu'à 14 ou 15 pieds, conformément aux dispositions des lois romaines, le pétitionnaire pense que dans l'intérêt général, et surtout de là localité où il administre, il y aurait avantage à ce que les arbres ne soient point ébranchés jusqu'à leur cime, et que le chataignier, qui est très commun dans ces contrées, et dont la récolte sert à la subsistance des habitants, doit être respecté, les terres en général qui environnent ces bordures étant d'assez mauvaise qualité. Cette pétition mérite d'être appréciée, le Code rural, duquel on s'occupe depuis longtemps, et que nous espérons qui nous sera incessamment soumis, pourra lever ces difficultés. Votre commission vous propose le renvoi de cette pétition à M. le garde des sceaux. (La Chambre adopte cette proposition.)

M. le comte de Caumont-Laforce, rapporteur, ajoute: Pétitions relatives au droit d'ainesse. (Un grand silence s'établit.)

Chaque jour, Messieurs, de nombreuses pétitions relatives au projet de loi sur le droit d'aînesse arrivent à votre commission, ou sont déposées sur le bureau par nos honorables collègues. Toutes ces pétitions sont dans le même sens et ont le même but; toutes condamnent et attaquent avec force la proposition, la regardent comme contraire à nos libertés et en opposition avez la Charte. Elle l'accusent de diviser en deux nations distinctes les citoyens d'une même patrie, d'allumer la discorde dans les familles et de répudier les principes du droit naturel pour les réduire à des cas d'exception.

Votre commission vous propose le renvoi des pétitions à la commission qui sera chargée de l'examen de la loi, après présentation; c'est là qu'elles pourront être appréciées, ne pouvant être envoyées à aucun ministre, n'entrant dans aucune attribution.

Messieurs, je puis vous affirmer qu'il ne se passe pas de semaine où il ne soit déposé des pé

titions collectives. Les habitants d'une commune demandent-ils une succursale? ils se croient le droit de signer en grand nombre la même pétition. Des commerçants de diverses cités ou des manufacturiers pensent-ils qu'un nouveau développement pourrait être accordé au commerce ou à l'industrie ? ils emploient le même moyen.

Le droit de pétition est chose sacrée. En cette circonstance, les pétitionnaires en ont usé. Rien d'inconvenant ne se trouve dans celles qui vous sont adressées. On y blâme la loi qui est soumise à l'examen de la Chambre des pairs. Je n'ai point à approuver ni désapprouver les divers motifs qui vous sont proposés, pour vous engager à ne pas y donner votre assentiment, si elle vous est soumise. Je ne vois rien dans ces pétitions qui puisse vous engager à les écarter par l'ordre du jour. Je persiste donc dans la demande faite par votre commission du renvoi à la commission qui sera chargée de l'examen de la loi, au moment où elle vous serait soumise.

(M. de Saint-Chamans demande et obtient la parole.)

M. de Saint-Chamans. Messieurs, je viens vous proposer de passer à l'ordre du jour sur toutes ces pétitions, et je vous demanderai la permission de donner quelque développement aux motifs de cette proposition. Je n'ignore pas que je pourrai choquer plus d'une opinion dans cette Chambre: mais il n'est pas dans ma nature de pouvoir taire ce que je crois vrai et utile à dire. J'ajouterai que je puis avoir quelque titre à obtenir la tolérance que je réclame, car je ne l'ai jamais refusée à personne. J'ai toujours trouvé très naturel qu'on fût d'un autre avis que le mien. J'ai reconnu et je reconnais à mes adversaires, non seulement le droit, mais le devoir de dire tout ce qu'ils pensent dans leur conviction, et je conçois fort bien les opinions contraires, tout en les combattant de mon mieux.

Le droit de pétition est un droit sacré et le plus précieux de tous, toutes les fois qu'il est employé pour le redressement d'un grief personnel, pour signaler un abus de pouvoir, un acte d'oppression ou enfin toute attaque illégale contre un citoyen. L'existence seule de ce droit est la plus puissante garantie pour les Français et si l'on a très rarement l'occasion d'en faire un usage raisonnable, l'on n'en doit pas conclure qu'il est inutile; c'est précisément parce qu'on sait qu'il existe qu'il n'y a pas lieu d'en user, et la seule pensée que toute in fraction sera bientôt révélée à cette Chambre et à la France, contient les fonctionnaires de tousles degrés dans les limites de la loi.

Quand il ne s'agit plus d'une infraction aux lois existantes, quand un individu donne son avis sur une loi proposée, ou en propose une lui-même; alors ce genre de pétition excite beaucoup moins d'intérêt, et l'on peut même dire que, dans le dernier cas, il viole évidemment la Charte, puisque cette initiative que le roi a refusé aux Chambres pour se la réserver, ce pouvoir que n'a pas la Chambre tout entière de livrer tel ou tel sujet à une discussion publique, un seul particulier l'usurpe à sa fantaisie. Cependant ce genre de pétition peut encore présenter quelque avantage si un homme éclairé livre des idées utiles et nouvelles à la méditation des législaleurs.

Mais ce qui ne peut présenter que des inconvénients, et souvent même des dangers sans aucun bien, ce sont ces pétitions collectives qui arrivent à la fois d'un grand nombre de villes et

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mème de villages, munies dans les uns et dans les autres d'un grand nombre de signatures. Quels avantages compensent le danger de ces sortes de réunions, qui ne sont d'abord que des réunions de signatures faites dans les plus droites intentions, mais deviennent plus tard des réunions d'hommes, et, dans les temps moins paisibles, des ligues. Le système de ces nombreuses pétitions a pris sa source dans les habitudes de nos premiers troubles, a contribué à nos plus tristes attentats, et les dangers s'en étaient fait sentir si promptement que l'Assemblée constituante elle-même avait tenté d'y mettre un frein. Et quel avantage peut-on espérer en compensation de ces craintes si bien fondées pour l'avenir? C'est des méditations d'une seule tête et non pas d'une masse de pétitionnaires qu'il peut sortir une idée neuve et utile. (Murmures à gauche.) Dira-t-on que c'est le moyen de connaître l'opinion publique sur une loi proposée ? Je le nie formellement. L'avis de quelques milliers de personnes a-t-il plus de poids, parce qu'elles sont plus pressées de le donner, que celui de tant de millions de Français qui se taisent et qui peuvent avoir un avis contraire? Quand il y aurait dix mille pétitionnaires, quand il y en aurait cent mille, qu'est-ce que ce nombre sur une nation de plus de 30 millions d'âmes ?

M. Casimir Périer. Comment, 100,000 pétitionnaires ne sont rien!...

Une voix. Il n'y a pas tant d'électeurs.

M. de Saint-Chamans. Lorsqu'on se donne quelque mouvement pour faire signer ceux qui pensent comme vous, l'on peut supposer que ceux qui n'ont pas signé pensent autrement : d'où il serait aisé de conclure que l'immense majorité ne partage pas l'avis des pétitionnaires. Mais qu'importe au reste ce calcul? Quand les pétitions seraient signées par la moitié plus un des Français, cette circonstance ne devrait avoir aucune influence sur vos délibérations. Si les lois devaient se faire ainsi, si c'est ainsi qu'il faut recueillir les voix, à quoi bon les Chambres? On peut les supprimer sans inconvénient. A quoi bon le roi lui-même? Car le peuple, alors souverain, ferait ses affaires en personne et sans intermédiaire. (Murmures et agitation.) C'est à propos de la confection des lois qu'on peut dire avec vérité: Qu'il faut tout faire pour le peuple, et rien par le peuple. Ce genre de pétition n'offre donc aucun avantage et peut devenir fort dangereux; il amènerait les partis contraires à chercher pour chaque loi importante l'appui des pétitions, et bientôt la discussion des lois serait transportée sur les places publiques de toutes les villes et de tous les villages de France. La juste improbation qui doit être donnée aux pétitions collectives suffirait pour vous engager, Messieurs, à passer à l'ordre du jour.

M. Méchin. Mais ce ne sont pas des pétitions collectives, elles sont individuelles; l'expression n'est pas juste.

M. de Saint-Chamans. De ces considérations générales j'arrive aux pétitions qui nous occupent, et mes réflexions sur ce sujet seront indépendantes du sort et du mérité de la loi. D'où peut venir le déchaînement qui s'est tout-à-coup élevé contre cette loi? Est-ce des intérêts blessés, ou du jugement réfléchi prononcé sur la loi par

chaque pétitionnaire? Mais quant aux intérêts blessés, ce ne sont assurément pas ceux du plus grand nombre, car la loi ne s'appliquerait qu'à une petite partie de la nation; ce ne sont point ceux des pères de famille compris dans la loi : car ils ne s'inquièteraient pas d'une loi à laquelle il leur est si facile de se soustraire, et ils auraient fait la réflexion qu'il est encore plus court et plus efficace d'écrire une ligne signée et datée que de rédiger et d'écrire une pétition (Mouvement et agitation). li n'y aurait donc d'intérêts réellement blessés que ceux des puînés, dans un petit nombre de familles comparativement à la masse des Français; mais on ne parle pas si haut en France dans un intérêt privé, parce qu'on sait que souvent la législation doit le sacrifier à l'intérêt général; et ce qui prouve que ce n'est point cet intérêt blessé qui a inspiré tant de pétitions, c'est qu'on a pris soin de nous avertir presque toujours qu'elles étaient signées par des aînés de famille.

Si ce ne sont pas les intérêts blessés, c'est donc le jugement porté sur la loi, et contre la loi qui a mis en mouvement tant de signatures et répandu l'effroi parmi tant de populations. Certes, Messieurs, la la France aurait fort à s'enorgueillir si dans ses villes et ses hameaux il se trouvait tant de personnes capables de prononcer un jugement sur des questions toutes politiques; en état de décider, par exemple, si une aristocratie est nécessaire à la stabilité des peuples; dans ce cas, s'il est possible de créer une aristocratie où elle n'est pas, s'il vaut mieux la créer sur d'anciennes ou sur de nouvelles bases; si la loi proposée est propre à remplir l'un de ces deux buts. Je soupçonne, Messieurs, que plus d'un des pétitionnaires n'a pas examiné ces questions importantes et ardues.

Si l'on ne peut expliquer, ni par les intérêts, blessés, ni par le jugement porté contre la loi d'après un examen approfondi, le déchaînement qui s'est manifesté dans quelques parties de la France, à quoi donc peut-on l'attribuer? Il faut le dire, comme je le pense, Messieurs; c'est aux intérêts etaux passions d'un parti, qui n'a pu, sans jeler le cri d'alarme, voir toucher à l'un des enfants les plus chéris de la Révolution, voir attaquer son principe favori, celui de l'égalité démocratique. Ce parti, sur lequel je m'expliquerai tout-à-l'heure, a, dès le moment où la loi a été connue, donné le signal de l'effroi dans les journaux qui lui sont dévoués; il a affecté le désespoir et la consternation; il a exploité la tendresse des pères de famille et la générosité des aînés; il a exagéré la ruine des autres enfants; et il est ainsi parvenu à amener un grand nombre de personnes à défendre par ces pétitions les intérêts de la Révolution qu'elles ont toujours combattus (Dénégations à gauche). Je l'avoue, Messieurs, il meserait impossible de m'expliquer comment, sans des manœuvres de parti, une loi si timorée et si inoffensive, une loi qui ne touche point la multitude, une loi si difficile à juger, et si facile à éviter quand elle déplaît, aurait pu donner lieu à tant de clameurs: il me semble qu'on ne peut se refuser à reconnaître ici des manoeuvres de parti, même sans les avoir vues, et j'emprunterai les expressions d'un membre de cette Chambre, si honorablement distingué par son caractère et par son talent: Je ne le sais pas, mais je l'affirme.

Au reste, Messieurs, il ne me coûterait rien d'accorder que les manoeuvres et l'esprit de parti n'ont aucune part aux présentes pétitions; susceptibilité délicate des intérêts de familles, quelques alar

Chambre, il y a peu de jours encore, s'est prononcée sur cette même question, en renvoyant à M. le garde des sceaux une pétition où elle était traitée, affligée d'ailleurs qu'un ministre du culte catholique, dont les principes lui ont paru estimables, pût regarder comme un remède aux dangers qu'il signale le rétablissement d'une loi révolutionnaire que la Restauration a réprouvée, que la morale et la religion condamnent, votre commission, par ces dernières considérations, vous propose l'ordre du jour.

Plusieurs membres: Appuyé, appuyé !...

(L'ordre du jour est adopté.)

M. le comte Caumont-Laforce, rapporteur, poursuit: M. Lelong, juge de paix du canton de Ruffec, département de la Charente, présente quelques observations sur l'article 672 du Code civil, relatif à l'ébranchage dont les arbres avancent sur les propriétés voisines. Il annonce que des difficultés s'élèvent souvent sur la hauteur à laquelle on doit faire ces ébranchements. Le 2° alinéa de l'article sus-énoncé étant ainsi conçu et ne le spécifiant pas :

Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin peut contraindre celui-ci à couper ces branches. » Les avis de nombre de jurisconsultes se trouvant en opposition, les uns prétendant que les arbres devaient être ébranchés jusqu'à leur cime; d'autres qu'ils ne devaient l'être que jusqu'à 14 ou 15 pieds, conformément aux dispositions des lois romaines, le pétitionnaire pense que dans l'intérêt général, et surtout de là localité où il administre, il y aurait avantage à ce que les arbres ne soient point ébranchés jusqu'à leur cime, et que le chataignier, qui est très commun dans ces contrées, et dont la récolte sert à la subsistance des habitants, doit être respecté, les terres en général qui environnent ces bordures étant d'assez mauvaise qualité. Cette pétition mérite d'être appréciée, le Code rural, duquel on s'occupe depuis longtemps, et que nous espérons qui nous sera incessamment soumis, pourra lever ces difficultés. Votre commission vous propose le renvoi de cette pétition à M. le garde des sceaux. (La Chambre adopte cette proposition.)

M. le comte de Caumont-Laforce, rapporteur, ajoute: Petitions relatives au droit d'ainesse. (Un grand silence s'établit.)

Chaque jour, Messieurs, de nombreuses pétitions relatives au projet de loi sur le droit d'aînesse arrivent à votre commission, ou sont déposées sur le bureau par nos honorables collègues. Toutes ces pétitions sont dans le même sens et ont le même but; toutes condamnent et attaquent avec force la proposition, la regardent comme contraire à nos libertés et en opposition avez la Charte. Elle l'accusent de diviser en deux nations distinctes les citoyens d'une même patrie, d'allumer la discorde dans les familles et de répudier les principes du droit naturel pour les réduire à des cas d'exception.

Votre commission vous propose le renvoi des pétitions à la commission qui sera chargée de l'examen de la loi, après présentation; c'est là qu'elles pourront être appréciées, ne pouvant être envoyées à aucun ministre, n'entrant dans aucune attribution.

Messieurs, je puis vous affirmer qu'il ne se passe pas de semaine où il ne soit déposé des pé

titions collectives. Les habitants d'une commune demandent-ils une succursale? ils se croient le droit de signer en grand nombre la même pétition. Des commerçants de diverses cités ou des manufacturiers pensent-ils qu'un nouveau développement pourrait être accordé au commerce ou à l'industrie ? ils emploient le même moyen.

Le droit de pétition est chose sacrée. En cette circonstance, les pétitionnaires en ont usé. Rien d'inconvenant ne se trouve dans celles qui vous sont adressées. On y blame la loi qui est soumise à l'examen de la Chambre des pairs. Je n'ai point à approuver ni désapprouver les divers motifs qui vous sont proposés, pour vous engager à ne pas y donner votre assentiment, si elle vous est soumise. Je ne vois rien dans ces pétitions qui puisse vous engager à les écarter par l'ordre du jour. Je persiste donc dans la demande faite par votre commission du renvoi à la commission qui sera chargée de l'examen de la loi, au moment où elle vous serait soumise.

(M. de Saint-Chamans demande et obtient la parole.)

M. de Saint-Chamans. Messieurs, je viens vous proposer de passer à l'ordre du jour sur toutes ces pétitions, et je vous demanderai la permission de donner quelque développement aux motifs de cette proposition. Je n'ignore pas que je pourrai choquer plus d'une opinion dans cette Chambre: mais il n'est pas dans ma nature de pouvoir taire ce que je crois vrai et utile à dire. J'ajouterai que je puis avoir quelque titre à obtenir la tolérance que je réclame, car je ne l'ai jamais refusée à personne. J'ai toujours trouvé très naturel qu'on fût d'un autre avis que le mien. J'ai reconnu et je reconnais à mes adversaires, non seulement le droit, mais le devoir de dire tout ce qu'ils pensent dans leur conviction, et je conçois fort bien les opinions contraires, tout en les combattant de mon mieux.

Le droit de pétition est un droit sacré et le plus précieux de tous, toutes les fois qu'il est employé pour le redressement d'un grief personnel, pour signaler un abus de pouvoir, un acte d'oppression ou enfin toute attaque illégale contre un citoyen. L'existence seule de ce droit est la plus puissante garantie pour les Français et si l'on a très rarement l'occasion d'en faire un usage raisonnable, l'on n'en doit pas conclure qu'il est inutile; c'est précisément parce qu'on sait qu'il existe qu'il n'y a pas lieu d'en user, et la seule pensée que toute in fraction sera bientôt révélée à cette Chambre et à la France, contient les fonctionnaires de tousles degrés dans les limites de la loi.

Quand il ne s'agit plus d'une infraction aux lois existantes, quand un individu donne son avis sur une loi proposée, ou en propose une lui-même; alors ce genre de pétition excite beaucoup moins d'intérêt, et l'on peut même dire que, dans le dernier cas, il viole évidemment la Charte, puisque cette initiative que le roi a refusé aux Chambres pour se la réserver, ce pouvoir que n'a pas la Chambre tout entière de livrer tel ou tel sujet à une discussion publique, un seul particulier l'usurpe à sa fantaisie. Cependant ce genre de pétition peut encore présenter quelque avantage si un homme éclairé livre des idées utiles et nouvelles à la méditation des législateurs.

Mais ce qui ne peut présenter que des inconvénients, et souvent més des dangers sans aucun bien, ce sont ces pétitions collectives qui arrivent à la fois d'un grand nombre de villes et

même de villages, munies dans les uns et dans les autres d'un grand nombre de signatures. Quels avantages compensent le danger de ces sortes de réunions, qui ne sont d'abord que des réunions de signatures faites dans les plus droites intentions, mais deviennent plus tard des réunions d'hommes, et, dans les temps moins paisibles, des ligues. Le système de ces nombreuses pétitions a pris sa source dans les habitudes de nos premiers troubles, a contribué à nos plus tristes attentats, et les dangers s'en étaient fait sentir si promptement que l'Assemblée constituante elle-même avait tenté d'y mettre un frein. Et quel avantage peut-on espérer en compensation de ces craintes si bien fondées pour l'avenir? C'est des méditations d'une seule tête et non pas d'une masse de pétitionnaires qu'il peut sortir une idée neuve et utile. (Murmures à gauche.) Dira-t-on que c'est le moyen de connaître l'opinion publique sur une loi proposée ? Je le nie formellement. L'avis de quelques milliers de personnes a-t-il plus de poids, parce qu'elles sont plus pressées de le donner, que celui de tant de millions de Français qui se taisent et qui peuvent avoir un avis contraire? Quand il y aurait dix mille pétitionnaires, quand il y en aurait cent mille, qu'est-ce que ce nombre sur une nation de plus de 30 millions d'âmes?

M. Casimir Périer. Comment, 100,000 pétitionnaires ne sont rien!...

Une voix. Il n'y a pas tant d'électeurs.

M. de Saint-Chamans. Lorsqu'on se donne quelque mouvement pour faire signer ceux qui pensent comme vous, l'on peut supposer que ceux qui n'ont pas signé pensent autrement : d'où il serait aisé de conclure que l'immense majorité ne partage pas l'avis des pétitionnaires. Mais qu'importe au reste ce calcul? Quand les pétitions seraient signées par la moitié plus un des Français, cette circonstance ne devrait avoir aucune influence sur vos délibérations. Si les lois devaient se faire ainsi, si c'est ainsi qu'il faut recueillir les voix, à quoi bon les Chambres? On peut les supprimer sans inconvénient. A quoi bon le roi lui-même? Car le peuple, alors souverain, ferait ses affaires en personne et sans intermédiaire. (Murmures et agitation.) C'est à propos de la confèction des lois qu'on peut dire avec vérité: Qu'il faut tout faire pour le peuple, et rien par le peuple. Ce genre de pétition n'offre donc aucun avantage et peut devenir fort dangereux; il amènerait les partis contraires à chercher pour chaque loi importante l'appui des pétitions, et bientôt la discussion des lois serait transportée sur les places publiques de toutes les villes et de tous les villages de France. La juste improbation qui doit être donnée aux pétitions collectives suffirait pour vous engager, Messieurs, à passer à l'ordre du jour.

M. Méchin. Mais ce ne sont pas des pétitions collectives, elles sont individuelles; l'expression n'est pas juste.

M. de Saint-Chamans. De ces considérations générales j'arrive aux pétitions qui nous occupent, et mes réflexions sur ce sujet seront indépendantes du sort et du mérite de la loi. D'où peut venir le déchaînement qui s'est tout-à-coup élevé contre cette loi? Est-ce des intérêts blessés, ou du jugement réfléchi prononcé sur la loi par

chaque pétitionnaire? Mais quant aux intérêts blessés, ce ne sont assurément pas ceux du plus grand nombre, car la loi ne s'appliquerait qu'à une petite partie de la nation; ce ne sont point ceux des pères de famille compris dans la loi : car ils ne s'inquièteraient pas d'une loi à laquelle il leur est si facile de se soustraire, et ils auraient fait la réflexion qu'il est encore plus court et plus efficace d'écrire une ligne signée et datée que de rédiger et d'écrire une pétition (Mouvement et agitation). li n'y aurait donc d'intérêts réellement blessés que ceux des puinés, dans un petit nombre de familles comparativement à la masse des Français; mais on ne parle pas si haut en France dans un intérêt privé, parce qu'on sait que souvent la législation doit le sacrifier à l'intérêt général; et ce qui prouve que ce n'est point cet intérêt blessé qui a inspiré tant de pétitions, c'est qu'on a pris soin de nous avertir presque toujours qu'elles étaient signées par des aînés de famille.

Si ce ne sont pas les intérêts blessés, c'est donc le jugement porté sur la loi, et contre la loi qui a mis en mouvement tant de signatures et répandu l'effroi parmi tant de populations. Certes, Messieurs, la la France aurait fort à s'enorgueillir si dans ses villes et ses hameaux il se trouvait tant de personnes capables de prononcer un jugement sur des questions toutes politiques; en état de décider, par exemple, si une aristocratie est nécessaire à la stabilité des peuples; dans ce cas, s'il est possible de créer une aristocratie où elle n'est pas, s'il vaut mieux la créer sur d'anciennes ou sur de nouvelles bases; si la loi proposée est propre à remplir l'un de ces deux buts. Je soupçonne, Messieurs, que plus d'un des pétitionnaires n'a pas examiné ces questions importantes et ardues.

Si l'on ne peut expliquer, ni par les intérêts, blessés, ni par le jugement porté contre la loi d'après un examen approfondi, le déchaînement quí s'est manifesté dans quelques parties de la France, à quoi donc peut-on l'attribuer? Il faut le dire, comme je le pense, Messieurs; c'est aux intérêts et aux passions d'un parti, qui n'a pu, sans jeter le cri d'alarme, voir toucher à l'un des enfants les plus chéris de la Révolution, voir attaquer son principe favori, celui de l'égalité démocratique. Ce parti, sur lequel je m'expliquerai tout-à-l'heure, a, dès le moment où la loi a été connue, donné le signal de l'effroi dans les journaux qui lui sont dévoués; il a affecté le désespoir et la consternation; il a exploité la tendresse des pères de famille et la générosité des aînés; il a exagéré la ruine des autres enfants; et il est ainsi parvenu à amener un grand nombre de personnes à défendre par ces pétitions les intérêts de la Révolution qu'elles ont toujours combattus (Dénégations à gauche). Je l'avoue, Messieurs, il me serait impossible de m'expliquer comment, sans des manœuvres de parti, une loi si timorée et si inoffensive, une loi qui ne touche point la multitude, une loi si difficile à juger, et si facile à éviter quand elle déplaît, aurait pu donner lieu à tant de clameurs: il me semble qu'on ne peut se refuser à reconnaître ici des manoeuvres de parti, même sans les avoir vues, et j'emprunterai les expressions d'un membre de cette Chambre, si honorablement distingué par son caractère et par son talent: Je ne le sais pas, mais je l'affirme.

Au reste, Messieurs, il ne me coûterait rien d'accorder que les manoeuvres et l'esprit de parti n'ont aucune part aux présentes pétitions; susceptibilité délicate des intérêts de familles, quelques alar

Chambre, il y a peu de jours encore, s'est prononcée sur cette même question, en renvoyant à M. le garde des sceaux une pétition où elle était traitée, affligée d'ailleurs qu'un ministre du culte catholique, dont les principes lui ont paru estimables, pût regarder comme un remède aux dangers qu'il signale le rétablissement d'une loi révolutionnaire que la Restauration a réprouvée, que la morale et la religion condamnent, votre commission, par ces dernières considérations, vous propose l'ordre du jour.

Plusieurs membres: Appuyé, appuyé !...

(L'ordre du jour est adopté.)

M. le comte Caumont-Laforce, rapporteur, poursuit: M. Lelong, juge de paix du canton de Ruffec, département de la Charente, présente quelques observations sur l'article 672 du Code civil, relatif à l'ébranchage dont les arbres avancent sur les propriétés voisines. Il annonce que des difficultés s'élèvent souvent sur la hauteur à laquelle on doit faire ces ébranchements. Le 2° alinéa de l'article sus-énoncé étant ainsi conçu et ne le spécifiant pas :

Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres du voisin peut contraindre celui-ci à couper ces branches. » Les avis de nombre de jurisconsultes se trouvant en opposition, les uns prétendant que les arbres devaient être ébranchés jusqu'à leur cime; d'autres qu'ils ne devaient l'être que jusqu'à 14 ou 15 pieds, conformément aux dispositions des lois romaines, le pétitionnaire pense que dans l'intérêt général, et surtout de là localité où il administre, il y aurait avantage à ce que les arbres ne soient point ébranchés jusqu'à leur cime, et que le châtaignier, qui est très commun dans ces contrées, et dont la récolte sert à la subsistance des habitants, doit être respecté, les terres en général qui environnent ces bordures étant d'assez mauvaise qualité. Cette pétition mérite d'être appréciée, le Code rural, duquel on s'occupe depuis longtemps, et que nous espérons qui nous sera incessamment soumis, pourra lever ces difficultés. Votre commission vous propose le renvoi de cette pétition à M. le garde des sceaux. (La Chambre adopte cette proposition.)

M. le comte de Caumont-Laforce, rapporteur, ajoute: Pétitions relatives au droit d'ainesse. (Un grand silence s'établit.)

Chaque jour, Messieurs, de nombreuses pétitions relatives au projet de loi sur le droit d'aînesse arrivent à votre commission, ou sont déposées sur le bureau par nos honorables collègues. Toutes ces pétitions sont dans le même sens et ont le même but; toutes condamnent et attaquent avec force la proposition, la regardent comme contraire à nos libertés et en opposition avez la Charte. Elle l'accusent de diviser en deux nations distinctes les citoyens d'une même patrie, d'allumer la discorde dans les familles et de répudier les principes du droit naturel pour les réduire à des cas d'exception.

Votre commission vous propose le renvoi des pétitions à la commission qui sera chargée de l'examen de la loi, après présentation; c'est là qu'elles pourront être appréciées, ne pouvant être envoyées à aucun ministre, n'entrant dans aucune attribution.

Messieurs, je puis vous affirmer qu'il ne se passe pas de semaine où il ne soit déposé des pé

titions collectives. Les habitants d'une commune demandent-ils une succursale? ils se croient le droit de signer en grand nombre la même pétition. Des commerçants de diverses cités ou des manufacturiers pensent-ils qu'un nouveau développement pourrait être accordé au commerce ou à l'industrie ? ils emploient le même moyen.

Le droit de pétition est chose sacrée. En cette circonstance, les pétitionnaires en ont usé. Rien d'inconvenant ne se trouve dans celles qui vous sont adressées. On y blâme la loi qui est soumise à l'examen de la Chambre des pairs. Je n'ai point à approuver ni désapprouver les divers motifs qui vous sont proposés, pour vous engager à ne pas y donner votre assentiment, si elle vous est soumise. Je ne vois rien dans ces pétitions qui puisse vous engager à les écarter par l'ordre du jour. Je persiste donc dans la demande faite par votre commission du renvoi à la commission qui sera chargée de l'examen de la loi, au moment où elle vous serait soumise.

(M. de Saint-Chamans demande et obtient la parole.)

M. de Saint-Chamans. Messieurs, je viens vous proposer de passer à l'ordre du jour sur toutes ces pétitions, et je vous demanderai la permission de donner quelque développement aux motifs de cette proposition. Je n'ignore pas que je pourrai choquer plus d'une opinion dans cette Chambre: mais il n'est pas dans ma nature de pouvoir taire ce que je crois vrai et utile à dire. J'ajouterai que je puis avoir quelque titre à obtenir la tolérance que je réclame, car je ne l'ai jamais refusée à personne. J'ai toujours trouvé très naturel qu'on fût d'un autre avis que le mien. J'ai reconnu et je reconnais à mes adversaires, non seulement le droit, mais le devoir de dire tout ce qu'ils pensent dans leur conviction, et je conçois fort bien les opinions contraires, tout en les combattant de mon mieux.

Le droit de pétition est un droit sacré et le plus précieux de tous, toutes les fois qu'il est employé pour le redressement d'un grief personnel, pour signaler un abus de pouvoir, un acte d'oppression ou enfin toute attaque illégale contre un citoyen. L'existence seule de ce droit est la plus puissante garantie pour les Français et si l'on a très rarement l'occasion d'en faire un usage raisonnable, l'on n'en doit pas conclure qu'il est inutile; c'est précisément parce qu'on sait qu'il existe qu'il n'y a pas lieu d'en user, et la seule pensée que toute in fraction sera bientôt révélée à cette Chambre et à la France, contient les fonctionnaires de tousles degrés dans les limites de la loi.

Quand il ne s'agit plus d'une infraction aux lois existantes, quand un individu donne son avis sur une loi proposée, ou en propose une lui-même; alors ce genre de pétition excite beaucoup moins d'intérêt, et l'on peut même dire que, dans le dernier cas, il viole évidemment la Charte, puisque cette initiative que le roi a refusé aux Chambres pour se la réserver, ce pouvoir que n'a pas la Chambre tout entière de livrer tel ou tel sujet à une discussion publique, un seul particulier l'usurpe à sa fantaisie. Cependant ce genre de pétition peut encore présenter quelque avantage si un homme éclairé livre des idées utiles et nouvelles à la méditation des législa

teurs.

Mais ce qui ne peut présenter que des inconvénients, et souvent meze des dangers sans aucun bien, ce sont ces pétitions collectives qui arrivent à la fois d'un grand nombre de villes et

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