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lait deux années pour créer un haut fourneau, autant pour former des laminoirs; et nous avons des demandes pour en augmenter le nombre sur plusieurs points de la France. Peut-on avec de pareils résultats prétendre que le temps n'a pas été utilement employé et que nous avons été trompés dans notre espoir ? je ne le pense pas, et j'espère, Messieurs, que vous partagerez cette opinion.

En vain allègue-t-on la cherté du fer dans le courant de l'année 1825: si alors les prix se sont élevés outre mesure, n'oublions pas la sécheresse extraordinaire du dernier été, n'oublions pas qu'en même temps que cette sécheresse empêchait la fabrication et les transports, les constructions se multipliaient dans tout le royaume d'une manière vraiment extraordinaire et occasionnaient dans l'emploi du fer une augmentation qui a dépassé toutes les prévisions. Mais l'activité de nos usines continue de se déployer; elle se déploiera plus rapidement que ne s'accroîtront les besoins des consommateurs; pour en être assuré, il suffit d'envisager les produits de l'année dernière. Il est permis d'espérer que les progrès ne se ralentiront pas, et que l'avenir ne restera pas en arrière du passé. Eh bien, si cette prévision si juste, si naturelle, si bien fondée se réalise, la concurrence des nouveaux établissements, les capitaux considérables qui s'y appliquent, la nécessité de produire beaucoup pour recueillir le prix de ces avances, les perfectionnements et le développement que reçoivent les anciennes usines sont autant de garanties que la masse de fer livrée à la consommation s'accroîtra de plus en plus, que dans quelques années l'intervention de l'industrie étrangère deviendra complètement inutile, et qu'en même temps les prix subiront une baisse très sensible.

Lorsque vous êtes dans une si bonne voie, pourriez-vous songer à vous arrêter, à rétrograder, quand déjà vous avez fait la moitié du chemin; voudriez-vous, par une mesure intempestive, préparer la ruine de vos usines, voir dispersés les nombreux ouvriers qu'elles emploient, et vous mettre à la merci du commerce étranger? Non, sans doute; vous sentirez qu'en cas de guerre vous auriez une peine extrême à relever vos établissements abandonnés. La hausse de 1825 a cessé; en 1822, vous calculiez que le prix du fer devait être de 50 francs pour protéger utilement nos forges contre l'industrie de nos voisins. Ce prix n'est aujourd'hui que de 50 à 55 francs.

Dans une pareille situation, je regarderais comme une véritable calamité toute mesure qui aurait pour objet de baisser le tarif. En effet, qui pourrait calculer les conséquences de la ruine de nos anciens établissements et de tous ceux qui s'élèvent sous la protection de la loi que l'on voudrait modifier. Je n'hésite point à dire qu'un semblable bouleversement serait bien plus dommageable aux industries qui emploient le fer et à l'agriculture elle-même, que ne peut l'être le maintien d'une taxe qui, en permettant à la production intérieure de s'accroître et de se developper, produira nécessairement et sans le concours des fers étrangers, la baisse que je désire avec vous. Je vous supplie donc de rejeter les amendements.

M. de Puymaurin. Messieurs, doit-on maintenir dans toute son étendue le monopole des maîtres de forges du royaume? Doivent-ils lever sur l'agriculture un impot indirect de 5,000,000 de francs? Enfin les ouvriers qui travaillent le fer

doivent-ils être obligés d'employer, en le payant fort cher, un fer de qualité souvent inférieure et nuisible à la solidité de leurs produits? Telles sont les questions que je me propose de vous soumettre; mais auparavant il est de toute justice d'entendre les motifs sur lesquels les maîtres de forges appuient leurs prétentions exclusives. L'industrie des forges donne de la valeur aux produits bruts du sol. Elle fait des bois et des forêts une source de richesses pour l'Etat et les particuliers: 380 forges à haut fourneau, et 100 à la catalane ou petites usines, occupent 50,000 ouvriers ou forgerons employés dans l'intérieur des forges, et 140,000 ouvriers à l'extérieur; tels que mineurs, charbonniers, bûcherons et voituriers. Leur exploitation répand une abondance de numéraire dans la circulation qui, distribué aux ouvriers, passe dans les mains des propriétaires ou des fabricants qui leur vendent leurs grains, leurs étoffes et autres objets qui leur sont nécessaires.

Tous ces avantages seraient anéantis, si on laissait entrer en France, sans payer de gros droits, le fer étranger, puisqu'il ne coûterait, rendu en France, que 16 francs les 100 kilogrammes, tandis que le même poids de fer de France reviendrait aux maîtres de forges de 25 à 30 francs avant de mettre en vente.

Sans la protection des droits élevés sur les fers étrangers, les maîtres de forges seraient forcés d'abandonner leurs travaux, de renvoyer leurs ouvriers; ils ne pourraient acquitter leurs engagements. Les bois seraient sans valeur, ce qui serait une perte énorme pour l'Etat et les particuliers. Ce sont ces motifs qui, d'après la demande des maîtres de forges, ont engagé le gouvernement à mettre des droits sur les fers, presque équivalents à une prohibition.

On ne m'accusera pas d'avoir dissimulé les raisons des maîtres de forges. Voyons à présent sur quel fondement on peut les combattre.

Six cent mille charrues en France, par l'augmentation du prix du fer nécessaire à leur exploitation, paient plus qu'en 1790, 8 francs par charrue, ce qui fait un impôt indirect sur l'agriculture, de 5 millions de francs au profit des maîtres de forges.

Le commerce maritime représentera que la cherté du fer en France, à cause des droits mis sur les fers étrangers, renchérit de beaucoup la construction des vaisseaux; que la fabrication renchérie des outils nécessaires à nos colonies, en rendra impossible l'exportation dans ces colonies; qu'elles se procureront ces outils dans les îles anglaises voisines ou dans l'ile suédoise de Saint-Barthélemy; que l'achat des fers pour compléter nos cargaisons pour l'Inde, ne pourra se faire qu'à des prix trop élévés pour soutenir la concurrence étrangère; que cette augmentation de droits sur les fers, obtenu par les maîtres de forges, si elle était imitée par toutes les autres branches de l'industrie française, nous fermerait les ports des quatre parties du monde; par le système de réciprocité; et que les armateurs verraient, comme dans les temps de guerre la plus longue et la plus calamiteuse, leurs vaisseaux pourrir dans leurs ports, et leurs matelots, aller chercher dans les marines étrangères de l'emploi, et les moyens de soutenir leur existence et celle de leurs familles.

Les vins et les sels étaient, pour le commerce extérieur de la France, d'un produit plus considérable que ne l'était, pour l'Espagne, celui des mines du Pérou et du Mexique. L'exploitation du sel gemme, en Angleterre ; la consommation du sel

de Portugal, la fabrication du sel dans le Nord par la concentration, par la gelée; les droits mis sur nos sels, en réciprocité de ceux que nous avons mis sur les fers et autres marchandises étrangères, ont diminué les profits de cette précieuse substance que donnaient à la France la mer et le soleil. Ces mêmes impositions mises sur nos vins et nos eaux-de-vie, pour la même raison, ont diminué la consommation de nos vins et de nos eaux-de-vie, et ont augmenté celle des vins d'Espagne, de Portugal, etc., et de ceux créés par les fabriques de vins, mélanges pernicieux, qui détruisent en même temps notre commerce, et la santé de leurs imprudents consommateurs.

Le roi des Pays-Bas à défendu l'introduction, par terre, des vins de France, défense qui ruine l'agriculture des départements de la Moselle, etc., en représaille des droits mis imprudemment sur les fers du Luxembourg; et la Suède nous payait nos vins avec 4,500,000 francs de fer excellent, et d'une qualité précieuse pour la fabrication de l'acier cémenté, pour faire les limes, etc.; les droits mis par le gouvernement du roi sur ces fers, ont donné aux Anglais le moyen d'accaparer les fers si nécessaires à leur industrie; la nôtre ne peut les employer, et nos vins sont repoussés des ports de la Suède par des droits équivalents à une prohibition d'autant plus funeste que la Suède ne consommait pas nos vins du premier crû, qui trouveront toujours leur débit en Angleterre, mais ceux d'une qualité et d'un prix inférieur. Nos vins, pour être transportés, exigent que des cercles d'un fer souple et pliant serrent les barriques. Les fers de la côte de Biscaye possédaient cette excellente qualité; les droits en arrêtent l'importation, et un propriétaire de vins de Bordeaux me dit que, pendant quelque temps, on ne pourrait se procurer du fer propre à faire des bons cercles pour les tonneaux. On peut aisément juger des pertes que doit essuyer une cargaison de vin, quand les cercles des barriques, par leur mauvaise qualité, peuvent se casser et causer un immense coulage.

Les fabricants d'outils, de limes, de scies, enfin de tout ce qui a rapport à la quincaillerie, à la construction des machines, la fabrication des platines, celle de l'acier cémenté, etc., regrettent de ne pouvoir plus employer du fer de Suède. La France a perdu un de, ses plus habiles mécaniciens, M. Raynier; voici quelle était son opinion sur la qualité de nos fers, comparés à ceux de la Suède:

« Les meilleurs fers de France, disait en 1814, M. Raynier, ne valent pas les meilleurs de Suède; c'est un fait connu de tous les hommes de l'art, qui le recherchent pour la fabrication des objets qui nécessitent la force et la tenacité. Par la cémentation, ils produisent du meilleur acier que le meilleur fer français.

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Il existe cependant en France une qualité de fer presque égale à celui de Suède; c'est celui que possèdent les forges catalanes; mais si sa qualité est bonne, sa quantité est bornée et en facilite le monopole. J'en citerai deux exemples: lors du blocus continental, les fers étrangers ne pouvant arriver en France, une puissante Compagnie accapara tout le fer fait ou à faire par les forges catafanes, ce qui les fit augmenter dans huit jours de 21 francs à 30 francs. Il y a trois ans, une pareille Compagnie, a non seulement arrhé tous les fers des forges catalanes, mais même elle a arrhé leur chouce, afin de diminuer la quantité. La manufacture de faux, établie à Toulouse par M. Carigou, ne pouvant recevoir des fers de Suède,

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et n'employant que celui de l'Ariège a été obligée de subir le tarif fixé par le monopole et c'est une différence pour elle au moins de 40 à 50,000 francs par an.

Les fabricants de limes, outils de tout genre, machines, enfin de tous les ouvrages en fer, désirent que ce métal possède, selon le dire des ouvriers, la certitude de résister aux fatigues de la forge. On connaît la réputation méritée des ressorts de voitures, fabriqués dans le nord de l'Europe. Le comité de salut public fit faire des expériences sur leur qualité; les mêmes ouvriers fabriquèrent au même feu de forge, avec la même trempe, le même charbon, le même soin, deux ressorts, l'un avec de l'acier de Suède, l'autre avec celui de France; on les chargea également. Celui de Suède porta un tiers de charge de plus que celui de France. On n'aurait pas employé de l'acier des forges à la catalane; mais le meilleur acier du Berry, fabriqué avec du fer à la catalane, aurait égalé celui du fer de Suède.

Enfin, Messieurs, vous reconnaîtrez aisément que la certitude de la vente sans crainte de concurrence, amène naturellement la négligence dans les opérations et une économie dans les moyens employés pour obtenir du bon fer. Avant 1814, dans le temps où se sont élevées ces immenses fortunes des maîtres de forges, sûrs du débit, ils employaient, d'après un nouveau procédé, un huitième de moins du charbon nécessaire. Cette nouvelle découverte nuisait à l'effet du marteau sur le mané qui retenait du phosphure de fer, qui le rendait aigre et cassant; aussi, comme me disait alors un des plus anciens et des plus habiles forgerons en ressorts et essieux, le sieur Perès à peine le fer est-il dans la main, qu'il casse; et c'est à la mauvaise qualité de ces fers qu'il faut attribuer les accidents causés par la cassure fréquente des essieux, des ressorts et des machines, et autres objets importants construits en fer.

Il est donc essentiel pour l'agriculture, la construction des vaisseaux, celle de nos maisons, où le fer est employé pour soutenir des constructions qui paraissent téméraires, pour la solidité de nos voitures, celle des machines et outils, qu'on emploie du fer d'excellente qualité, et d'un prix proportionné à celui des autres productions de la France.

Vous ne pourrez obtenir cette perfection dans la fabrication du fer, et la diminution du prix exorbitant où il est monté, qu'en diminuant d'un tiers les droits actuels sur les fers étrangers traités au marteau et au charbon, et établissant une heureuse concurrence.

Je ne traiterai point ici l'article des fontes, quoique d'une meilleure qualité que les nôtres, nécessaire même pour la construction de plusieurs machines. Je ne demanderai point de diminuer les droits qui pèsent sur elles. Coulées en Angleterre, où le charbon de terre est placé le plus souvent par la nature à côté des mines de fer; si on se relâchait de la moindre rigueur sur les droits qu'elles supportent, l'aviditě des spéculateurs anglais, en inonderait la France: ils détruiraient par leur bon marché, et leurs longs crédits, la vente des fontes françaises. Après la destruction de nos forges, nous serions à la merci des spéculateurs anglais.

Je dirai donc qu'en laissant exister les droits sur les fontes, il est de la plus grande importance d'établir une heureuse concurrence du fer étranger traité au charbon et au marteau avec les fers français. Les maîtres de forges de Suède,

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qui ont établi dans leur intérieur une commission chargée de vérifier la bonne qualité des fers, et qui a le droit de punir tous ceux qui s'écartent des vrais princípes de la bonne fabrication, et de récompenser ceux qui font des découvertes utiles. Cette institution et la concurrence des fers à marteau et à charbon, soumis au deux tiers des droits, nécessiteront une fabrication plus soignée, et assureront aux fers français une excellente qualité et une consommation assurée ; alors ils n'auront plus à craindre la concurrence des fers étrangers, traités au charbon et au marteau.

M. de Courtivron. Messieurs, en rendant justice aux intentious de ceux de nos honorables collègues qui demandent la réduction des droits d'entrée sur les fers étrangers, je crois qu'ils n'ont pas considéré cette question sous son véritable point de vue.

Partons de l'état où étaient les choses avant que le nouveau tarif eût été établi. De toutes les parties de la France s'élevaient les réclamations, les doléances de tous les propriétaires ou exploitateurs d'usines à fabriquer le fer; cette branche si imposante d'industrie tombait chaque jour. Loin de pouvoir se livrer à quelques spéculations tendant à l'étendre, nos fabricants écrasés par la concurrence étrangère ne songeaient qu'à retirer leurs capitaux de ces entreprises ruineuses; les forges qui se trouvaient à vendre ou à amodier allaient être abandonnées et nos bois menacés de rester sans acheteurs. Comment, en effet, les maîtres de forges auraient-ils pu soutenir leur commerce si la France eût continué à être approvisionnée par les fers étrangers, reconnus pour être d'une si bonne qualité; et auxquels le droit d'entrée d'alors laissait encore un bénéfice suffisant pour exciter les spéculateurs? Je lis, Messieurs, dans les journaux du commerce, que les Anglais qui, en 1804, avaien exporté 250,000 quintaux de fer fondu, en avaient exporté, en 1814, 600,000; qu'en 1814, ils avaient exportés 28,000 quintaux de fer fabriqué, et en 1822, 94,000. Fallait-il donc continuer à être les spectateurs, les victimes et même les instruments de l'accroissement de l'industrie de nos voisins, et demeurer en quelque sorte dans leur dépendance, quand notre belle patrie nous offrait toutes les ressources pour en sortir?

Le gouvernement a senti tous les dangers d'une telle situation. Il a jugé, avec raison, qu'à un mal imminent, et dont les conséquences pouvaient devenir si funestes, il fallait un remède efficace et prompt, et qu'en se hâtant de pourvoir à la conservation de ces fabriques de première nécessité, il fallait penser encore à ce qui pouvait les multiplier, et avoir égard aux pertes notables que les exploitateurs éprouvaient depuis quelque temps.

L'événement a prouvé la sagesse des mesures prises bientôt nous avons vu nos forges se relever, l'activité renaître dans leurs ateliers, des demandes d'autorisation pour de nouvelles usines; des essais, des recherches tentées pour augmenter la fabrication et suffire à la consommation intérieure sans avoir à craindre cette concurrence du dehors qui paralysait toutes les tentatives.

Le prix du fer a haussé sans doute peut-être les fabricants ont-ils voulu réparer trop vite les pertes qu'ils avaient supportées.

Mais remarquez, Messieurs, ainsi que vous l'ont dit M. le président du conseil et M. le rap

des

porteur de la commission, que le mouvement donné à cette branche d'industrie et les gains qu'elle offrait, grâce à la nouvelle taxe, ont fait chercher de nouvelles sources de produits mines de houille s'ouvrent et s'exportent sur plusieurs points; on a déjà trouvé des moyens d'appliquer ce combustible à la fabrication du fer, de manière à conserver à ce dernier une partie des qualités nécessaires à son usage. On a découvert des mines de fer à côté de celles de houille; des canaux s'ouvrent pour transporter dans toutes les parties de la France; et sans se laisser abuser par des espérances chimériques, on peut présager que bientôt la concurrence des fabricants du pays (toujours si utile à la prospérité des Etats) fera descendre le fer à un prix modéré, et tel qu'il ne soit plus à charge aux consommateurs régnicoles dont les intérêts nous sont aussi chers qu'à qui que ce soit, mais qui savent que le bien général est une loi suprême à laquelle il faut souvent savoir faire plus d'un sacrifice. Songez, Messieurs, à l'avantage immense de n'être plus tributaire de l'étranger, pour un pareil objet, dans quelque circonstance que ce soit, et surtout au milieu de ces entreprises de tout genre où l'usage du fer et de la fonte est appelé à jouer un si grand rôle; songez à la quantité de bras qu'occupent nos usines, de familles qu'elles font vivre, et vous sentirez combien il serait dangereux d'arrêter un essor qui a encore besoin d'aide et qui doit avoir d'aussi utiles résultats. La justice même nous en fait un devoir; car des capitaux considérables ont été mis en dehors pour des exploitations, dans la ferme confiance du maintien du tarif actuel.

Pourrions-nous tromper la bonne foi des capitalistes, leurs espérances légitimes, et prononcer leur ruine en échange des avantages que leurs entreprises promettent à notre pays? Si malgré l'augmentation des droits d'entrée il pénètre encore en France une certaine quantité de fers du Nord, que serait-ce si on faisait subir à ce droit la moindre diminution? Il ne s'agit point ici, Messieurs, de monopole au profit de quelques intérêts particuliers, mais de l'intérêt public, du bien général de notre pays. C'est cette considération si puissante sur des esprits sages qui nous déterminera à ne rien changer au tarif actuel. C'est elle qui répondra aux plaintes des agriculteurs, auxquelles nous voudrions bien pouvoir apporter un prompt remède. Nous ne leur opposerons même pas le caractère d'exagération qu'on pourrait y reconnaître, ni les réclamations que feraient à leur tour les propriétaires de bois, qui pourtant tiennent quelque place dans le système agricole, et nous demanderons à tous nos compatriotes amis de la prospérité publique, s'ils croiraient, en continuant de s'imposer quelques sacrifices momentanés, acheter trop cher des avantages aussi précieux pour notre pays qu'incontestables, si nous persistons dans le système établi par la nécessité, inaintenu par la prévoyance, et qui ne justifiera nos espérances qu'en les préservant quelque temps encore de toute mutation. Je vote contre les amendements tendant à demander la diminution actuelle des droits d'entrée sur les fers et les fontes.

M. le vicomte de Galard-Terraube. Messieurs, je viens me joindre, de toutes mes forces, à mes honorables collègues MM. de Burosse, de Gères et de Puymaurin, pour faire connaître, moins encore à la Chambre dans ce cas-ci, qu'au gouvernement du roi, l'état trop réel de gène et

de souffrance dans lequel se trouvent les propriétaires de quelques départements du Midi, et notamment de celui à la députation duquel j'ai l'honneur d'appartenir, le Gers, par suite des entraves imposées directement à l'agriculture, ou qui réagissent sur elle, telles que les énormes taxes sur les fers. On nous dit que ces énormes taxes auront un terme... Mais notre agriculture, dans le Midi surtout, pourra-t-elle l'attendre, le terme de ce nouveau siècle de fer!

Dès le début, Messieurs, je manifesterai, d'une manière générale, à cet égard, toute ma pensée, que je sais être celle d'un très grand nombre de mes collègues. Oui, je pense que ce serait au gouvernement du roi seul, ou, tout au plus assisté de commissions prises au sein des Chambres, et auxquelles seraient adressés tous nos amendements et articles additionnels, que devrait appartenir un régime aussi mobile, de sa nature, que celui des douanes, sans cesse subordonné à une foule de causes ou d'événements imprévus, et où l'on peut souvent obtenir un résultat favorable de la prévoyance et de la célérité des mesures. Chacun de nous sans doute doit bien connaître et défendre de son mieux les besoins de son département; mais le gouvernement seul est assez indépendant, et placé assez haut pour apprécier convenablement ces besoins, concilier les divers intérêts, et adopter le parti le plus propre à donner autant que possible satisfaction à tous.

Je reviens, un court instant, à notre département du Gers, assez éloigné du centre ou plutôt du gouffre de Paris, pour n'être pas assez connu. Je ne vous parlerai que des productions de son sol, puisqu'il n'en connaît, n'en possède point d'autres. Que cette ressource unique lui manque, soit par l'effet de l'intempérie de son climat, ce qui est très commun, ou par le défaut absolu de débouchés, ce qui, depuis un assez grand nombre d'années, est son douloureux état habituel; il ne lui reste plus rien ! Fort peu de grandes routes, aucun canal, comme aucune rivière navigable, aucunes mines, aucunes productions spéciales, aucunes manufactures... Nous sommes agricoles, purement et uniquement agricoles. Nous n'avons absolument rien d'industriel. Aussi le numéraire y devient-il chaque jour d'une plus effrayante rareté, et l'aisance en est-elle entièrement bannie?

Dans cet état de choses, si je n'ai pas pris la parole dans la discussion relative aux laines, c'est qu'il ne s'agissait que du mode et de la quotité de l'impôt à faire supporter aux laines étrangères, lors de leur introduction, et que je n'avais rien à dire de particulier sur ce sujet; mais j'aurais, je l'avoue, désiré trouver dans le projet de loi ou les amendements de la commission, quelques préférences, quelques avantages en faveur de l'Espagne; j'aurais désiré que, même en fait de tarifs, nous eussions eu l'occasion de nous rappeler ce mot si fameux: il n'y a plus de Pyrénées, ou que tout au moins on se fût efforcé de les abaisser le plus possible entre l'Espagne et

nous.

Les tarifs, quelque nécessaires qu'on les suppose ou qu'ils puissent être, sont de véritables hostilités entre nations étrangères, et jamais ce caractère d'étrangers ne peut ou du moins ne devrait, ce me semble, appartenir aux relations d'amitié et de bon voisinage de deux peuples que la nature a si étroitement unis, et surtout depuis que l'auguste sceptre des Bourbons ombragé les deux trônes.

Pour la cimenter toujours davantage, cette union précieuse, je voudrais que l'Espagne fût constam

ment traitée en amie et en voisine privilégiée ; qu'on accordât, par exemple, à ses laines tout ce qu'il est possible de leur accorder, sans nous porter un préjudice notable. Je voudrais, par suite, qu'on diminuât considérablement les droits imposés sur celles de ses productions qui n'ont rien d'hostile contre nous, telles par exemple que ses vins, connus sous le nom de vins de liqueur; ce qui ne saurait nous être préjudiciable en rien, puisque, par leur nature, ils ne sauraient, dans aucun cas, suppléer les nôtres ou en diminuer la consommation d'une seule futaille.

Alors, par réciprocité aussi, l'Espagne ne manquerait pas de nous accorder les avantages qui sont en son pouvoir, tels que de favoriser l'introduction de nos bestiaux, de nos moutons, de nos mulets et surtout de nos grains, dont elle faisait habituellement jadis une consommation très considérable.

Et à ce sujet, si toutefois les rapports parvenus jusqu'à moi sont fidèles, il se passerait ici des choses dignes de toute notre attention. Les frontières de terre espagnoles seraient en ce moment entièrement fermées à nos grains, et pendant que nous en sommes engorgés outre mesure dans nos départements, et que nous pourrions en fournir à un prix modéré aux provinces d'Espagne qui nous avoisinent, elles éprouvent une extrême pénurie et sont obligées, quelles que puissent être leurs localités, de s'approvisionner au loin. de grains dans les ports de mer, et de les faire transporter à très grands frais.

Député d'un département voisin de l'Espagne, lequel, comme on vient de le voir, n'a absolument d'autres ressources que ses denrées, et qui faute de débouchés est pauvre et souffrant au milieu d'une stérile abondance, j'ose prier MM. les ministres du roi de vouloir préndre en considération particulière nos justes doléances et nos besoins, et de chercher à obtenir du gouvernement espagnol la révocation de mesures prohibitives dont les provinces voisines des Pyrénées scuffrent également dans les deux royaumes."

M. Devaux. Je demande la question préalable sur tous les amendements tendant à la réduction du tarif. Je me fonde sur la variété de ces amendements. L'un demande la réduction d'un tiers, un autre l'affranchissement du fer pour les constructions nautiques, un troisième des réductions de deux cinquièmes, d'un tiers, et d'un cinquième sur des fers de diverses dimensions. Cette divergence d'opinion prouve que personne n'est arrivé à la discussion avec des notes certaines, des connaissances réelles, et des calculs exacts pour y résoudre deux questions essentielles et sans lesquelles on ne peut prendre une résolution: 1° y a-t-il lieu à réduction? 2o de combien doit être la réduction du tarif? Il est nécessaire de bien savoir cela pour ne pas se tromper.

Pour savoir s'il y a lieu à réduction, il faut avoir les deux termes d'une équation à établir entre le prix de fabrication intérieure, et le prix de fabrication, de transport du fer étranger, augmenté du droit d'importation; alors, si ce dernier terme, composé de ces trois éléments, surpasse le premier, le tarif se changerait en prohibition; et sans aborder aucune théorie, qui nous rejetterait dans la discussion générale, il m'a paru qu'il y avait un principe prédominant, qui était de considérer le tarif comme une protection tendant à établir par une égalité de prix, la concurrence de nos productions sur nos propres marchés, avec les productions étrangères; mais on

ne vous a proposé rien de propre à résoudre le premier problème. La seconde question, de combien doit être la réduction, n'a pas reçu non plus de solution; et la difficulté était grande d'établir un prix commun de fabrication intérieure pour les usines qui sont placées à une très grande distance d'uniformité de puissance dans les méthodes de richesses locales, et de moyens de transport des matériaux, surtout des charbons de terre qui concourent à diminuer les prix de fabrication. Indépendamment de cette considération, un grand nombre d'usines sont encore engagées dans des baux à courte durée, et il est impossible que le fermier engage des capitaux dans des innovations dont il n'aurait pas le temps de recueillir le fruit.

On a demandé pourquoi le prix du fer ne baissait pas, lorsque la production en augmentait si rapidement depuis 1822. Tant qu'il y aura demandes abondantes, le prix devra se soutenir; mais il y a une autre raison qui me semble inaperçue dans la discussion. C'est que le bénéfice des fabrications doit commencer par rendre une partie des capitaux engagés dans d'immenses constructions pour les nouvelles méthodes : telle construction coûte 1,500,000 francs, qui ne rapporterait pas 20,000 francs de loyer.

Il est donc nécessaire d'obtenir la rentrée d'une portion notable du capital, pour que le prix de la construction corresponde ensuite au prix du loyer: quoique les départements du centre, tels que l'Indre, le Cher et la Nièvre, soient fortement intéressés à la fabrication du fer, j'espère n'être pas accusé de soutenir un intérêt local, en opposition avec un intérêt général je n'aurai jamais une pensée aussi étroite. On a fait parler pour la réduction, l'intérêt des pays vignobles qui trouveraient un débouché pour les vins chez l'étranger qui profiterait de la réduction pour ses fers, celui de l'agriculture qui paie le fer trop cher. Tout cela est vrai; rien de tout cela n'est concluant d'abord on pourrait opposer aussi l'intérêt assez étendu des productions frontières qui trouvent un placement si avantageux dans les manufactures du fer: mais une prévision plus générale doit l'emporter. Le fer est de première nécessité pour les arts de la paix et pour les arts de la guerre il faut donc encourager la fabrication pour qu'elle nous amène à l'indépendance des fers étrangers dans toutes les circonstances. Depuis 1822, l'accroissement prodigieux de la fabrication atteste que nous marchons vers ce but il serait imprudent d'arrêter ces progrès par des diminutions de tarif qui ne résulteraient pas de calculs rigoureux, et qui, par cette inexactitude même, résistent à toute résolution fondée sur une conviction à l'abri d'erreurs aussi dangereuses.

M. Hyde de Neuville. Messieurs, les intérêts privés, ceux des localités, ne sont qu'accessoires; l'intérêt capital, celui qui doit nous occuper, nous absorber, c'est l'intérêt de tous. Nous ne sommes point députés d'arrondissement, de département, nous sommes députés de la France; si donc je viens soumettre à la Chambre quelques observations favorables au département dont j'ai l'honneur d'être député, c'est que je suis convaincu qu'elles sont utiles à la France entière.

Messieurs, les amendements qui vous sont proposés pourraient servir nos villes maritimes, qui par la fabrication intérieure se trouvent privées des bénéfices qui résultent pour elles des droits de commission et du transit des fers étrangers importés en France; notre agriculture pourrait

aussi y trouver des avantages momentanés, mais la France entière y perdrait l'une de ses plus brillantes conquêtes industrielles; et, tout calculé, la mesure n'aurait des résultats très avantageux que pour la Grande-Bretagne.

Il est certain, Messieurs, que la loi de 1822 serait un abus si elle n'était une espérance, et si cette espérance, ne devenait de plus en plus une réalité.

Arrêtons-nous aux faits; les faits et les chiffres savent mieux que les phrases résoudre les questions... Les Anglais eurent aussi leur époque de gêne quant aux fers et aux fontes; il n'y a pas plus de 60 ans qu'ils étaient encore tributaires de l'étranger; mais enfin ils virent qu'ils pouvaient s'affranchir de ce tribut, ils pensèrent à creuser la terre, et ils y découvrirent des mines plus profitables à leur industrie que ne le seront celles du Mexique qu'ils paraissent vouloir exploiter aujourd'hui. Pour ne vous citer, Messieurs, qu'un exemple des progrès rapides des Anglais dans la fabrication des fers et des fontes, je vous dirai que le canton de Dudley qui n'avait qu'un fourneau en 1750, en compte aujourd'hui 80.

Pour nous, Messieurs, ce ne fut qu'en 1819 qu'à notre tour nous pensâmes à abandonner les vieilles routines, encore fallut-il qu'un habitant du département de la Nièvre (j'aime à revendiquer, pour mon département, cette gloire) eût l'idée d'aller lui-même étudier en Angleterre le nouveau mode de fabriquer le fer et la fonte. Ce négociant actif, éclairé, bon citoyen, vint établir à Grossouse, puis à Fourchambeau, une forge à l'anglaise; cependant ce ne fut qu'en 1822 que les efforts réunis de beaucoup de fabricants et de capitalistes commencèrent à donner à cette industrie, sous tous les rapports nationale, une extension digne de fixer l'attention du gouvernement et de la France.

Où en sommes-nous maintenant, Messieurs? déjà plus de 30 millions de capitaux ont été appliqués à ce nouveau geure de fabrication. Nous comptons 20 forges et 18 ou 20 hauts fourneaux qui n'emploient plus que de la houille; 15 ou 16 demandes de construction de nouveaux fourneaux ont été adressées au gouvernement; plus de 45 millions de kilogrammes de fontes sortis de minerais inconnus jusqu'à ce jour, et de départements qui jamais n'avaient produit de fer, seront livrés cette année au commerce; enfin, nous mar chons, il faut le dire, à pas de géants dans une industrie qui, pour ainsi dire, commence : et ce serait quand tout nous promet une prospérité rapide, ainsi que vient de vous le dire avec beaucoup de vérité M. le directeur des ponts et chaussées, ce serait quand nous avons indubitablement pour nous l'avenir, que l'on voudrait nous le faire sacrifier pour un intérêt du moment. Je suis de ceux, Messieurs, qui s'affligent d'entendre toujours citer l'Angleterre; je voudrais qu'on pût en venir à ne citer chez nous que la France, et qu'on vint à n'opposer à un département, en fait d'industrie, que l'exemple d'un autre département du royaume; mais enfin, puisque nous voulons imiter les Anglais, que ce soit du moins dans cette patience, dans cette persévérance qu'ils savent mettre pour arriver au développement de toute industrie nationale. Eh bien, que nous manque-t-il, Messieurs, pour arriver à fabriquer le fer et la fonte aussi bien qu'eux et à meilleur marché? Un fait que personne ne contestera, c'est que nous avons partout, en abondance, le minerai de fer: on le trouve dans le Cher, dans la Nièvre et dans beaucoup d'autres départements, presque à la sur

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